Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 15 novembre 2007 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2008 — Article 36

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre :

Oui, monsieur Autain, je l'affirme clairement, et vous pouvez en prendre acte !

C'est pourquoi, depuis mon arrivée au ministère de la santé, j'ai affirmé ma volonté de relancer ce projet.

Le DMP a suscité des attentes fortes, qui perdurent aujourd'hui. Aussi la gestion de ce projet méritait-elle une revue de détail, que j'ai réclamée, dès mon entrée en fonction, en lien avec Éric Woerth, à l'inspection générale des affaires sociales, à l'inspection générale des finances et au conseil général des technologies de l'information, le CGTI.

Vous avez lu avec intérêt, monsieur Autain, les conclusions de cette mission d'inspection, dont la presse s'est fait largement l'écho.

Tirer les enseignements du passé, ce n'est pas en faire table rase. Relancer le DMP, ce n'est pas partir de zéro !

À travers l'article 36 du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous nous sommes fixé un double objectif : donner une assise juridique stable au DMP et construire l'avenir.

Les travaux menés depuis la loi du 13 août 2004, qui a instauré le DMP, ont montré la nécessité de concevoir un dispositif qui présente à la fois un maximum de simplicité et un maximum de sécurité, pour tous les acteurs, professionnels de santé et patients.

La création d'un portail sécurisant l'accès au DMP, commun à tous les professionnels et à tous les patients, répond à cette double exigence de simplicité et de sécurité. Gérant l'ensemble des droits d'accès au dossier médical personnel, il garantit que toute personne qui accède à un DMP, patient ou professionnel de santé, y a été dûment autorisée par le titulaire.

L'article 36 prévoit que le portail du dossier médical personnel puisse être mis au service d'autres réseaux de santé, notamment le dossier communicant de cancérologie, afin d'offrir le même niveau de sécurité pour les usagers, avec un service simplifié, tout en réalisant des économies importantes.

La question du masquage des données se trouve au coeur du droit des patients à maîtriser les informations relatives à leur santé. La loi Kouchner du 4 mars 2002 l'a clairement affirmé, la loi du 13 août 2004 l'a rappelé, et il ne me viendrait pas à l'idée de contrevenir à des dispositions éthiques qui me semblent fondamentales !

La solution présentée ici, qui sera complétée par des dispositions réglementaires, reprend la proposition consensuelle émise par le député Pierre-Louis Fagniez dans le rapport qu'il a rédigé au début de cette année.

Par ailleurs, l'identifiant de santé a été créé pour sécuriser l'identification des patients, et donc les conditions d'accès au DMP. Il est logique que son régime soit le même que celui du dossier médical personnel, c'est-à-dire que tous les bénéficiaires de l'assurance maladie en possèdent un.

Enfin, l'article 36 rectifie fort heureusement l'une des dispositions, à laquelle je m'étais opposée officiellement, de la loi du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable, qui prévoyait, en pleine contradiction avec l'esprit du DMP, d'autoriser l'accès d'un tiers bailleur à ce dossier - on croit rêver, mesdames, messieurs les sénateurs ! La précision qu'introduit le IV de cet article allait sans dire, mais elle était utile sur un plan éthique. Ainsi, la loi rectifie ce qui était plus qu'une impropriété : une inqualifiable attaque contre les libertés individuelles.

Ma position est claire, je crois que vous l'avez comprise, mesdames, messieurs les sénateurs : je veux relancer le DMP en évitant toute précipitation. Il est essentiel, en effet, de nous donner le temps nécessaire pour réussir, et ma priorité sera de mettre en place les conditions du succès du projet.

Tous les pays qui ont créé un dossier médical personnel ont suivi un processus qui a duré plus d'une dizaine d'années.

Je me suis rendue à Washington voilà quelques jours afin d'étudier la structure qui gère les dossiers médicaux des vétérans américains, l'Electronic Health Record, au sein de ce qui est peu ou prou l'équivalent de notre ministère des anciens combattants, et j'ai pu constater qu'il avait fallu presque trente ans aux Américains pour bâtir leur dossier électronique. Il ne faut donc pas rêver d'un DMP qui serait mis au point en quelques années seulement !

Je propose donc, tout d'abord, de ne pas donner suite à l'appel d'offres de l'hébergeur de référence, dont il faut reconnaître qu'il n'était pas mûr techniquement.

Ensuite, je veux recentrer le DMP sur son contenu, en replaçant au coeur du projet les professionnels de santé et les patients : le chantier doit être mené avec ces derniers, en prenant en compte leurs besoins et l'usage qu'ils feront du dossier médical personnel.

L'une des raisons de l'échec du DMP, c'est l'insuffisante implication des professionnels de santé. Bien sûr, ce seront les médecins qui utiliseront et alimenteront le DMP. Si nous ne les associons pas dès le départ, nous courons à la catastrophe !

Je vais lancer une nouvelle phase de concertation sur les objectifs et la feuille de route du projet DMP, en cherchant à rendre ce dernier le plus utile possible pour les professionnels de santé et pour les patients, qui joueront un rôle clef. Cette phase s'achèvera au printemps 2008 par un séminaire de deux jours consacré au DMP, qui permettra de relancer le projet sur des bases clarifiées et consolidées.

Cette feuille de route devra être mise en oeuvre de façon ambitieuse et pragmatique. Il s'agira, par exemple, d'élaborer, en association étroite avec les professionnels et les patients, un prototype complet du DMP, qui ira de l'alimentation des données à la consultation du dossier médical personnel par les professionnels et par les patients, et qui jouera, en quelque sorte, le rôle de démonstrateur.

Ce prototype sera expérimenté sur le terrain, afin de le tester en grandeur nature et de l'adapter aux besoins réels des utilisateurs, y compris dans ses détails pratiques et ergonomiques.

Le déploiement du système se fera ensuite progressivement, sur plusieurs années, en accordant la priorité aux professionnels et aux patients qui ont le plus besoin du DMP. On peut penser, par exemple, aux ALD, mais nous sommes encore en phase expérimentale.

Par ailleurs, je confierai à une équipe resserrée la mission de me transmettre des propositions, d'ici au début de l'année prochaine, afin de consolider l'organisation du projet DMP, qui doit être améliorée, et de permettre à l'État de piloter de façon plus efficace et mieux coordonnée les différents projets des systèmes d'information de santé.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi d'avoir été quelque peu prolixe : compte tenu des polémiques, des discussions, des interrogations très légitimes que suscite ce projet à la fois important et coûteux, il me semblait capital, à la suite de l'interpellation de M. Cazeau, de fournir à la Haute Assemblée les explications les plus complètes possibles.

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