Intervention de Nicolas Alfonsi

Réunion du 13 mai 2008 à 16h00
Langues régionales ou minoritaires — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Nicolas AlfonsiNicolas Alfonsi :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la France a signé à Budapest, le 7 mai 1999 – il y a plus de neuf ans –, avec les États membres du Conseil de l’Europe, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Destinée à maintenir et à développer le pluralisme des traditions et la richesse culturelle de l’Europe, cette charte vise à protéger et à promouvoir des langues pratiquées traditionnellement sur le territoire d’un État par des ressortissants appartenant à un groupe numériquement minoritaire et différent de la langue officielle de cet État. Pour cela, elle met à la charge des États signataires l’obligation de mener un certain nombre d’actions en faveur de l’emploi des langues régionales et minoritaires dans différents domaines, dont trois au moins choisis parmi l’enseignement, la culture, la justice, les services publics, les médias, la vie économique et sociale.

Cependant, par sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution plusieurs clauses de cette charte. Il a en effet jugé que les principes constitutionnels fondamentaux d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance.

II a en outre considéré, en se fondant sur le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, lequel dispose : « La langue de la République est le français. », que l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public et que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage.

Cette jurisprudence peut nous apparaître d’une sévérité excessive, voire anachronique. On peut convenir en tout cas que les questions relatives à l’usage de langues autres que le français ne se posent pas aujourd’hui dans les mêmes termes que sous la Révolution française. Les temps sont loin où la répression des patois pouvait être considérée, avec l’Abbé Grégoire, comme une œuvre de progrès.

Le Conseil constitutionnel a, il est vrai, relevé dans sa décision que l’application de l’article 2 de la Constitution ne doit pas conduire à méconnaître l’importance que revêt, en matière d’enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle, la liberté d’expression et de communication.

Il a également admis que n’était contraire à la Constitution, eu égard à leur nature, aucun des engagements souscrits par la France autres que ceux qui ont été examinés dans sa décision. Il a estimé que la plupart de ces engagements se bornaient à reconnaître des pratiques déjà mises en œuvre par la France en faveur des langues régionales.

Cette jurisprudence empêche néanmoins la ratification des dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires déclarées contraires à la Constitution, qui ne peut en l’état actuel être autorisée par le Parlement.

Le Sénat a déjà débattu à plusieurs reprises de cette situation et des conséquences à en tirer.

En dernier lieu, lors de l’examen, le 29 janvier dernier, du projet de loi constitutionnelle visant à permettre la ratification du traité de Lisbonne, nous avons examiné un amendement à la Constitution autorisant la ratification de la charte dans le respect de l’article 2 de la Constitution.

Mme le garde des sceaux avait alors indiqué que la question serait réexaminée – j’y insiste, madame le ministre – lors de la révision constitutionnelle qui suivrait les travaux du comité présidé par M. Balladur : « Nous aurons l’occasion d’examiner à nouveau cette question lors de la révision constitutionnelle […]. Le Premier ministre s’y est d’ailleurs engagé à l’occasion de la présentation du même amendement à l’Assemblée nationale ».

Le Sénat a manifesté à cette occasion son attachement résolu aux langues régionales parlées en France, qui font partie de notre patrimoine culturel. Cet attachement est légitime, tout particulièrement, vous le comprendrez aisément, en ce qui concerne la langue corse.

C’est en ayant à l’esprit ces considérations que mon groupe a été conduit aujourd’hui à demander au Gouvernement de faire connaître sa position : quelles mesures entend-il prendre en vue de garantir la sauvegarde des langues régionales ?

À ce stade, chers collègues, quelques observations s’imposent.

Il est sans doute inutile de succomber aux images habituelles, et de renouveler nos déclarations d’attachement à la défense du corse, de l’alsacien, du breton, etc.

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