Séance en hémicycle du 13 mai 2008 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance est ouverte à seize heures cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant modernisation du marché du travail.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l’article 12 du règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement a modifié l’ordre d’examen des textes inscrits à l’ordre du jour prioritaire de notre séance du jeudi 15 mai après-midi.

L’ordre du jour de cette séance s’établira donc comme suit :

À dix heures :

- Projet de loi autorisant l’approbation de la décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes ;

- Sept conventions internationales examinées selon la procédure simplifiée ;

À 15 heures :

- Questions d’actualité au Gouvernement ;

- Deuxième lecture du projet de loi organique relatif aux archives du Conseil constitutionnel et du projet de loi relatif aux archives ;

- Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Acte est donné de cette communication.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J’informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations est parvenue à l’adoption d’un texte commun.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le président, la situation en Birmanie, après la catastrophe qu’a connue ce pays, ne manque pas de susciter des inquiétudes, qui sont, je le crois, largement partagées sur l’ensemble des travées. La manière dont le régime en place gère cette catastrophe suscite de nombreuses interrogations.

C’est pourquoi nous souhaiterions entendre M. le ministre des affaires étrangères soit lors d’une audition devant la commission des affaires étrangères, soit à l’occasion du débat sur la politique étrangère de la France qui doit se dérouler demain ici même, afin qu’il nous fasse connaître les actions menées par la France et l’Europe pour faire face à cette catastrophe.

Le Sénat s’honorerait de prendre une telle initiative, qui permettrait de nous éclairer sur cette question difficile.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Monsieur Bel, nous allons dès maintenant informer M. le ministre des affaires étrangères que vous avez l’intention de l’interroger sur la situation en Birmanie.

Je pense qu’il n’y aura aucune difficulté à ce que vous puissiez intervenir demain sur ce sujet dans le cadre du débat qui doit avoir lieu dans cet hémicycle, puisque celui-ci a trait à la politique étrangère de la France dans son ensemble.

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 18 de M. Nicolas Alfonsi à Mme la ministre de la culture et de la communication sur la sauvegarde et la transmission des langues régionales ou minoritaires.

Cette question est ainsi libellée :

« M. Nicolas Alfonsi attire l’attention de Mme la ministre de la culture et de la communication à propos des mesures envisagées par le Gouvernement pour donner un cadre légal afin de créer des obligations à la charge de l’État en vue de la sauvegarde et de la transmission de langues régionales ou minoritaires pratiquées sur son territoire.

« Par sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution certaines clauses de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires signée à Budapest le 7 mai 1999.

« Le Conseil constitutionnel a toutefois relevé dans sa décision que l’application de l’article 2 de la Constitution ne devait pas conduire à méconnaître l’importance que revêt en matière d’enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle la pratique des langues régionales ou minoritaires.

« Il s’agit maintenant de savoir si le Gouvernement entend soumettre au Parlement des dispositions de nature législative en la matière ou s’il choisit au contraire de trancher par la voie réglementaire. »

La parole est à M. Nicolas Alfonsi, auteur de la question.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la France a signé à Budapest, le 7 mai 1999 – il y a plus de neuf ans –, avec les États membres du Conseil de l’Europe, la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

Destinée à maintenir et à développer le pluralisme des traditions et la richesse culturelle de l’Europe, cette charte vise à protéger et à promouvoir des langues pratiquées traditionnellement sur le territoire d’un État par des ressortissants appartenant à un groupe numériquement minoritaire et différent de la langue officielle de cet État. Pour cela, elle met à la charge des États signataires l’obligation de mener un certain nombre d’actions en faveur de l’emploi des langues régionales et minoritaires dans différents domaines, dont trois au moins choisis parmi l’enseignement, la culture, la justice, les services publics, les médias, la vie économique et sociale.

Cependant, par sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution plusieurs clauses de cette charte. Il a en effet jugé que les principes constitutionnels fondamentaux d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français s’opposent à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance.

II a en outre considéré, en se fondant sur le premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, lequel dispose : « La langue de la République est le français. », que l’usage du français s’impose aux personnes morales de droit public et aux personnes de droit privé dans l’exercice d’une mission de service public et que les particuliers ne peuvent se prévaloir, dans leurs relations avec les administrations, d’un droit à l’usage d’une langue autre que le français, ni être contraints à un tel usage.

Cette jurisprudence peut nous apparaître d’une sévérité excessive, voire anachronique. On peut convenir en tout cas que les questions relatives à l’usage de langues autres que le français ne se posent pas aujourd’hui dans les mêmes termes que sous la Révolution française. Les temps sont loin où la répression des patois pouvait être considérée, avec l’Abbé Grégoire, comme une œuvre de progrès.

Le Conseil constitutionnel a, il est vrai, relevé dans sa décision que l’application de l’article 2 de la Constitution ne doit pas conduire à méconnaître l’importance que revêt, en matière d’enseignement, de recherche et de communication audiovisuelle, la liberté d’expression et de communication.

Il a également admis que n’était contraire à la Constitution, eu égard à leur nature, aucun des engagements souscrits par la France autres que ceux qui ont été examinés dans sa décision. Il a estimé que la plupart de ces engagements se bornaient à reconnaître des pratiques déjà mises en œuvre par la France en faveur des langues régionales.

Cette jurisprudence empêche néanmoins la ratification des dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires déclarées contraires à la Constitution, qui ne peut en l’état actuel être autorisée par le Parlement.

Le Sénat a déjà débattu à plusieurs reprises de cette situation et des conséquences à en tirer.

En dernier lieu, lors de l’examen, le 29 janvier dernier, du projet de loi constitutionnelle visant à permettre la ratification du traité de Lisbonne, nous avons examiné un amendement à la Constitution autorisant la ratification de la charte dans le respect de l’article 2 de la Constitution.

Mme le garde des sceaux avait alors indiqué que la question serait réexaminée – j’y insiste, madame le ministre – lors de la révision constitutionnelle qui suivrait les travaux du comité présidé par M. Balladur : « Nous aurons l’occasion d’examiner à nouveau cette question lors de la révision constitutionnelle […]. Le Premier ministre s’y est d’ailleurs engagé à l’occasion de la présentation du même amendement à l’Assemblée nationale ».

Le Sénat a manifesté à cette occasion son attachement résolu aux langues régionales parlées en France, qui font partie de notre patrimoine culturel. Cet attachement est légitime, tout particulièrement, vous le comprendrez aisément, en ce qui concerne la langue corse.

C’est en ayant à l’esprit ces considérations que mon groupe a été conduit aujourd’hui à demander au Gouvernement de faire connaître sa position : quelles mesures entend-il prendre en vue de garantir la sauvegarde des langues régionales ?

À ce stade, chers collègues, quelques observations s’imposent.

Il est sans doute inutile de succomber aux images habituelles, et de renouveler nos déclarations d’attachement à la défense du corse, de l’alsacien, du breton, etc.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

Car je demeure persuadé que même les plus ardents défenseurs des valeurs républicaines qui siègent dans cette assemblée partagent notre objectif commun de sauvegarde de ces langues.

Néanmoins, il convient de combattre quelques idées fausses et de rappeler quelques évidences qui rendent le débat difficile.

Ainsi, la vigueur d’une langue régionale n’est pas nécessairement liée à l’existence d’un texte. Si la loi Jospin a donné un cadre légal à l’application de l’enseignement du corse, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

… rien n’indique que la vigueur du breton, faute de texte, soit moins bien assurée que celle du corse, l’environnement politique, culturel, les motivations des associations et des enseignants pouvant suppléer avec efficacité l’absence de texte.

De même, ce ne sont pas les sanctions de l’instituteur de la IIIe République, même si elles ont pu particulièrement y contribuer, qui ont réduit l’influence des langues régionales. En effet, la punition de l’élève n’a jamais empêché la vigueur de celles-ci dans le monde rural ; c’est seulement la désertification qui a conduit à leur dépérissement.

De même, c’est la grande diversité de ces langues, dont la richesse va toujours de l’oralité à un écrit plus ou moins élaboré, qui rend complexe l’homogénéité de traitement. Dès lors, comment en sortir ?

Une première voie a été suggérée lors de la discussion du 29 janvier par notre collègue Michel Charasse : procéder, sans révision préalable, à la ratification des seules dispositions de la charte qui n’ont pas été déclarées contraires à la Constitution et qui permettraient de donner une meilleure place aux langues régionales.

Cette voie est séduisante, mais des doutes raisonnables subsistent sur la divisibilité de la charte : peut-on autoriser sa ratification pour ainsi dire par morceaux sans porter atteinte à son économie générale ?

En outre, nous gardons à l’esprit que le Conseil constitutionnel a entendu contrôler la constitutionnalité de la charte, indépendamment de la déclaration interprétative donnée par le Gouvernement de son sens et de sa portée

L’autre voie qui vient naturellement à l’esprit est donc de procéder à la révision constitutionnelle nécessaire à la ratification de la charte, par exemple en inscrivant dans la Constitution la garantie du respect des langues régionales.

Devons-nous nous en tenir à un débat de principe ? Croyez-vous profondément, madame le ministre, que le respect des langues régionales, qui font partie de notre patrimoine culturel, porte par lui-même une réelle atteinte au principe d’égalité et à l’unité du peuple français ?

Une troisième voie consiste à emprunter d’autres moyens qu’un instrument international et à renforcer, en droit interne, le cadre légal institué en faveur de nos langues régionales ; je pense notamment aux efforts accomplis en la matière dans le domaine de la culture, de l’enseignement et des médias.

En revanche, la pire des voies serait de considérer – à notre sens à tort – que la loi prévoit déjà tout ce que la Constitution permet et, en conséquence, de ne rien faire ou de codifier des textes existants.

Comment surmonter, madame le ministre, de tels obstacles ? Comment ne pas éprouver, d’ailleurs, une forte émotion quand un ancien nous quitte, emportant avec lui le secret d’une langue ?

Comment ne pas penser à l’oralité de certaines langues ? Si Jules César avait invité Cicéron à adhérer à sa politique, il lui aurait dit tout simplement : « veni cum ego ». Je pourrais tout autant inviter à venir avec moi un militant, partisan de la défense des langues régionales, pour faire campagne sur cette question.

J’ai déclaré à l’Assemblée de Corse, car il faut toujours nuancer son propos, que j’étais prêt, s’agissant des langues régionales que l’on parle facilement mais que l’on écrit difficilement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

… à donner trois heures de cours de langue corse à des élèves. J’estime que c’est sans doute la meilleure méthode et qu’il faut dans ce domaine éviter un intégrisme linguistique excessif, si j’ose dire.

En ce qui concerne la communication, il faut se méfier. Car comment procède-t-on aujourd'hui dans les médias ? On propose un thème, encore qu’on ne sache jamais très bien, s’agissant des langues régionales et de la langue française, quel est le thème et quelle est la version ! Un inspecteur général de l’instruction publique n’avait-il pas très prudemment évité d’utiliser ces deux termes, disant simplement que c’était une traduction en langue corse d’un texte français ?

Selon Pirandello, la langue régionale exprime les sentiments et la langue nationale les concepts. Nous buttons souvent sur cette difficulté de trouver les concepts et c’est pourquoi nous éprouvons un peu le sentiment de tourner à vide.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Cela arrive aussi avec le vocabulaire technique !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicolas Alfonsi

J’ai déposé cette question orale le 18 avril 2008, madame le ministre ; elle est parue au Journal officiel le 24 avril. Le 30 avril, la conférence des présidents a jugé utile d’inscrire ce débat à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 7 mai.

Je n’ai pas la vanité de croire que j’ai pu jouer un rôle quelconque dans cette inscription. Je pense plutôt que c’est votre souci de « déminer » ce dossier avant la discussion de la réforme constitutionnelle qui vous a conduite à anticiper, en tenant compte des disponibilités du calendrier parlementaire.

Ma question devient donc, en quelque sorte, sans objet. Je constate cependant la présence dans cet hémicycle de nombreux collègues souhaitant défendre les langues régionales.

Georges Dumézil écrivait dans Le Monde, voilà quelques années, qu’il avait réussi à sauver une langue indo-européenne qui n’était plus parlée en Ouzbékistan que par une seule personne. J’espère, madame le ministre, que vous nous laisserez encore quelque espoir !

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a près de dix ans, au moment où la France s’engageait sur la voie de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, Bernard Cerquiglini, alors directeur de l’Institut national de la langue française recensait, à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, 75 langues « parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République », dont 55 langues dans les DOM-TOM, répondant aux exigences de la charte, c'est-à-dire remplir au minimum trente-cinq critères sur les trente-neuf retenus par la France pour la ratification de la charte.

C’est dire, madame la ministre, si notre République est riche d’un patrimoine culturel et linguistique important !

Dans la pratique, de nombreuses initiatives voient le jour pour faire vivre les langues régionales, plus ou moins bien soutenues par les pouvoirs publics et autorisées dans notre réglementation.

Dans le domaine de l’éducation, treize langues régionales peuvent être présentées au baccalauréat, introduites progressivement depuis la loi du 11 janvier 1951 qui a défini les principes régissant l’enseignement des langues et des cultures régionales de l’école élémentaire à l’université.

On pourrait s’interroger sur la baisse des programmes en langue régionale sur le service public audiovisuel depuis quelques années. Mais France 3, en région, est, de façon générale, en perte de vitesse depuis que les conseils régionaux sont majoritairement passés à gauche, sous un gouvernement de droite : cherchez l’erreur !

Radio France s’acquitte mieux de cette mission de promotion des différentes langues et cultures régionales.

Des initiatives privées ont également vu le jour avec plus ou moins de succès. La plus importante est TV Breizh, portée par l’ancien patron breton de TF1, Patrick Le Lay.

Je viens moi-même d’une région, l’Aquitaine, où les diversités linguistiques et culturelles constituent une réalité. En Aquitaine, le conseil régional mène une politique active en faveur d’une politique publique volontariste et concertée. Effectivement, sur le territoire de cette région, deux langues régionales parlées ont cours : l’occitan et le basque.

La politique que nous menons en faveur de la valorisation et de la sauvegarde de ces deux langues vise à promouvoir le plurilinguisme, mais dans le strict respect de l’usage du français, langue de la République.

Je m’attarderai quelques instants sur les grandes lignes de notre politique régionale en faveur de ces deux langues, vecteurs de deux cultures très riches.

Pour ce qui a trait à la langue occitane, l’Institut occitan, installé dans l’agglomération paloise, fédère les partenaires institutionnels et associatifs qui œuvrent, dans le domaine scientifique et culturel, pour la socialisation de la langue occitane et le développement du patrimoine occitan.

L’Amassada, conseil de développement pour la langue occitane en Aquitaine, a permis de mettre en place un schéma d’aménagement linguistique avec les différents partenaires, sous l’égide du conseil régional.

En ce qui concerne la langue basque, qui me tient particulièrement à cœur, nous avons créé, depuis quelques années, en collaboration entre le conseil régional d’Aquitaine, le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, le Conseil des élus du pays basque et le Syndicat intercommunal pour le soutien à la culture basque, l’Office public de la langue basque. Il s’agit d’un groupement d’intérêt public, basé à Bayonne, qui a pour objet de définir et de mettre en œuvre des politiques publiques en faveur de la langue basque : structurer et développer l’enseignement du basque, en promouvoir son usage dans la vie sociale, accompagner les partenaires concernés.

En outre, un Institut culturel basque permet d’accompagner des projets associatifs ou individuels visant à promouvoir la langue et la culture, et propose différentes activités et un site en ligne.

Je viens de vous donner l’exemple de ce qui se fait en faveur des deux langues régionales du Sud-Ouest, mais je présume que ma collègue Odette Herviaux vous fera part, tout à l’heure, du même type d’initiatives ayant cours en Bretagne.

Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi l’esprit jacobin qui règne sur notre République et ses lois nous interdit de mieux envisager globalement l’intégration de la richesse et la diversité que constituent les langues et cultures des régions : toute tentative d’intégrer les cultures régionales et de favoriser leur développement, dans le cadre de nos institutions républicaines et laïques, a toujours été vouée à l’échec.

Je rappellerai deux précédents remontant à moins de dix ans.

Il s’agit, d’abord, de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

En 1999, Lionel Jospin, alors Premier ministre, sensible à la valorisation des diverses langues et cultures de notre pays, décide d’engager un processus de ratification de cette charte adoptée par le Conseil de l’Europe en 1992. Trente-neuf des quatre-vingt-dix-huit engagements proposés par la charte sont retenus par la France, au regard des pratiques existant dans notre pays et des exigences juridiques et constitutionnelles, car l’article 2 de la Constitution dispose : « La langue de la République est le français. »

Le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, Jacques Chirac, décide, le 15 juin 1999, que certaines dispositions de la charte retenues par la France sont contraires à la Constitution, notamment le « droit imprescriptible » à pratiquer une langue régionale dans la vie publique, clause jugée contraire à l’article 2 et aux principes d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français, dans la mesure où elles tendent à conférer des droits spécifiques collectifs à des groupes linguistiques.

Plus récemment, ce que l’on appellera « l’affaire des écoles Diwan » a également prouvé que la pratique des langues régionales dans notre République devait connaître certaines limites.

Je rappelle rapidement les faits.

En 2001, Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale, afin de prouver son attachement au développement et à la promotion des langues et cultures régionales, signe un protocole d’accord avec le président de l’association Diwan, qui fédère des établissements pratiquant l’enseignement en langue bretonne par immersion, afin d’intégrer les écoles Diwan et les 194 personnes exerçant dans ces écoles dans le service public de l’éducation.

Contestant sur le fond et sur la forme le protocole d’accord et les textes d’application, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

… le Comité national d’action laïque, le CNAL, qui fédère I’UNSA, le SE-UNSA, la Ligue de l’enseignement, la FCPE, et la Fédération des délégués départementaux de l’éducation, a saisi le Conseil d’État en référé, compte tenu de l’urgence de la situation qu’il dénonçait, et, sur le fond, les différentes décisions rendues par la haute juridiction administrative ont donné raison aux requérants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Le Conseil d’État – dont je fais partie – a suspendu l’intégration des écoles Diwan et de ses personnels dans l’enseignement public, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

… considérant que la méthode d’enseignement par « immersion », proposée par ces écoles, réduisait l’enseignement en français au-delà de ce que la loi autorise. Le Conseil d’État précisait néanmoins qu’il n’entendait nullement « contester la nécessité de sauvegarder le patrimoine que constituent les langues régionales ».

Ainsi, personne, à l’instar des magistrats du Conseil d’État, ne semble contester la richesse constituée par ce patrimoine et la nécessité de la préserver et de la valoriser.

Néanmoins, force est de constater que la France n’a toujours pas pu ratifier la charte alors que, depuis 1993, sa ratification constitue une condition sine qua non à l’adhésion d’un État à l’Union européenne.

Vous connaissez, chers collègues, mon esprit laïc et républicain ; je ne saurais être taxé d’autonomiste, d’élément perturbateur de nos institutions. Néanmoins, je pense qu’il serait grand temps que l’on songe à donner une base légale générale à l’ensemble des expériences qui permettent de faire vivre notre patrimoine culturel dans sa diversité.

Je suggère donc, pour conclure, madame la ministre, que l’on reconsidère la question de la ratification de la charte, en repartant sur d’autres engagements que ceux qui ont été retenus en 1999 et en étant préalablement plus attentifs à la compatibilité constitutionnelle des engagements intégrés dans notre ratification. Peut-être alors ferons-nous œuvre utile pour la légalisation de nos langues et cultures régionales.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la sauvegarde des langues régionales est une question fort ancienne qui suscite toujours de vifs débats.

Aujourd’hui, on peut dire que notre pays est fortement attaché à deux principes : d’une part, le principe d’unité de la République avec le français comme langue commune ; d’autre part, un principe de préservation de notre patrimoine, dont fait partie la diversité des pratiques linguistiques. Les deux démarches sont parallèles et mon intervention vise à démontrer qu’elles sont conciliables.

Je pense qu’il ne faut pas tomber dans les excès. Certains partisans des langues régionales sont les acteurs plus ou moins conscients du communautarisme et du repli identitaire, au risque de l’affaiblissement de notre République. À l’opposé, il existe des intégristes de la langue française qui désignent les langues régionales comme un fléau pour la République.

Ces combats sectaires sont contraires à l’esprit de notre République et aux aspirations de nos concitoyens.

Le débat sur la place des langues régionales a été rouvert lors de la révision constitutionnelle de janvier dernier. Cette révision était préalable à la ratification du traité européen de Lisbonne. Des députés et des sénateurs, de droite comme de gauche, ont profité de ce débat pour demander l’adhésion de la France à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, afin de donner à celles-ci un statut légal.

Or, le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel avait jugé certaines clauses de cette charte contraires à plusieurs principes essentiels de la Constitution. Selon le Conseil, elles « portent atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français ».

La question étant extérieure au débat sur la ratification du traité européen, les amendements déposés n’ont pas eu de suite. Mais le Gouvernement s’est engagé à tenir un débat spécifique sur les langues régionales devant le Parlement dans les mois qui allaient suivre. Notre groupe se réjouit que cette promesse soit tenue, puisqu’un débat a eu lieu la semaine dernière à l’Assemblée nationale, débat prolongé aujourd’hui devant notre Haute Assemblée.

Je voudrais évoquer le contexte juridique et historique dans lequel se pose la question de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

La langue française est garante de l’unité de notre pays.

Depuis la Révolution et surtout à partir du XIXe siècle, les pouvoirs publics ont voulu apprendre le français à tous les citoyens. Il s’est agi d’une condition sine qua non pour une République égalitaire, offrant à chacun l’accès à l’instruction publique et la possibilité d’une progression sociale. Le but n’était pas de faire disparaître les langues régionales. Cependant, l’hégémonie du français a provoqué fatalement leur marginalisation.

De plus, les moyens employés par l’école pour parvenir à cette unicité de la langue ont été douloureusement ressentis, ce qui explique en partie que le sujet soit si sensible. La première génération, après avoir difficilement acquis le français sur les bancs de l’école, a voulu éviter cette épreuve à ses enfants en les éduquant en français. Les langues régionales ont amorcé leur déclin.

En 1992, il a été inséré un article dans la Constitution énonçant : « La langue de la République est le français. » Cette voie paraît la seule praticable au regard des conséquences qu’impliquerait l’emploi des langues régionales dans la vie publique. On peut citer, par exemple, les problèmes qu’engendrerait l’utilisation des langues régionales dans les procédures civiles et pénales, ou l’obligation de traduction des textes officiels, comme l’envisage la charte européenne.

La langue française est depuis fort longtemps celle qui rassemble les peuples de France. C’est indéniable. Ainsi Albert Camus disait-il : « J’ai une patrie, la langue française ». Une fois ce principe posé, rien n’empêche d’agir pour préserver nos langues régionales.

Il y a cent cinquante ans, au moins 90 % des communes du Var ou du Finistère étaient déclarées non francophones. Les enquêtes dont nous disposons aujourd’hui ont révélé des taux de locuteurs de la langue régionale atteignant en moyenne 10 %, auxquels il faut ajouter 40 % qui la comprennent mais ne la parlent pas.

La transmission familiale des langues régionales n’est guère plus assurée aujourd’hui avec la disparition des dernières générations de locuteurs naturels. Dans ces conditions, l’enseignement est devenu la voie privilégiée et déterminante de la sauvegarde de notre patrimoine linguistique.

Depuis la loi Deixonne de 1951, les langues régionales possèdent un véritable statut. Les pouvoirs publics ont d’abord permis l’enseignement du breton, du basque, de l’occitan et du catalan. Cette possibilité a été étendue au corse en 1974, au tahitien en 1981, puis aux langues mélanésiennes en 1992.

Un ensemble de textes, législatifs et réglementaires, a permis aux collectivités locales intéressées d’assurer l’émergence d’un enseignement structuré autour d’une pédagogie et de recrutements adéquats, en collaboration avec l’État, perçu comme un partenaire et non plus comme un oppresseur. Plus de 400 000 élèves reçoivent aujourd’hui un enseignement de langues régionales et ces effectifs sont en constante augmentation.

La France est particulièrement attachée à la diversité de ses cultures régionales. Face à la mondialisation, qui pourrait nous faire oublier nos racines, nous souhaitons maintenir nos traditions et je pense que nous en avons l’obligation vis-à-vis des générations futures.

Nombreux sont ceux, jeunes ou moins jeunes, qui réveillent le monde d’hier par la langue, la chanson, la littérature, la fête. Les pouvoirs publics ont permis que des émissions en langue régionale soient diffusées sur des chaînes audiovisuelles ou les radios publiques. Il existe bien d’autres dispositions visant à ce que les langues restent vivantes. Je citerai la signalisation routière bilingue ou la possibilité d’émettre des chèques libellés en langue régionale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. Mais en euros ! Les régions ne frappent pas leur propre monnaie !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

En 2001, la Délégation générale à la langue française et aux langues de France a reçu pour mission de préserver et valoriser celles-ci.

Il convient sans doute d’aller plus loin si nous voulons que le mouvement enclenché ait des chances de se poursuivre. Il faudrait informer davantage les familles de la possibilité qu’elles ont de choisir un enseignement spécifique pour leurs enfants. Il importe de renforcer les effectifs de professeurs et de mieux les informer de l’intérêt qu’ils peuvent avoir à inclure une langue régionale dans leur formation.

Dans le domaine des médias, la langue régionale pourrait être davantage présente compte tenu de la modification du paysage audiovisuel.

Le Président de la République, montrant tout l’intérêt qu’il porte aux langues régionales, avait promis lors de sa campagne d’élaborer un texte de loi pour les sécuriser, estimant cette possibilité préférable à la ratification de la charte européenne.

Vous avez confirmé la semaine dernière, madame le ministre, l’existence de ce projet, et notre groupe s’en réjouit fortement. Je souhaiterais que vous nous apportiez des précisions sur les mesures qui pourraient être prises et sur le calendrier que vous envisagez.

La France a progressivement pris conscience de l’importance de son patrimoine linguistique. Riches de soixante-quinze langues, nous avons également la chance de tous parler le français, qui rayonne au-delà de nos frontières. Ce sont ces deux atouts, la diversité de notre patrimoine linguistique, l’unité autour de notre langue, qu’il nous appartient de sauvegarder.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

évoquera la langue créole.

Il est vrai que nous sommes régulièrement confrontés dans nos collectivités aux problématiques de l’enseignement de ces langues en particulier et de leur environnement culturel en général.

Avant d’aller plus loin, il convient de séparer, si nécessaire, ce débat des langues régionales de ceux du régionalisme et du communautarisme qui recouvrent des approches politiques que nous ne partageons pas.

L’existence des langues régionales est le produit de l’histoire - guerres, conquêtes, défaites, déplacements de populations, invasions… -, des faits qui devraient également nous amener à reconsidérer les politiques d’immigration en cours qui sont, avant tout, conduites par l’égoïsme et l’exclusion en lieu et place de l’accueil et de l’intégration.

Chaque citoyen français a une approche à la fois personnelle et collective des langues régionales, selon son vécu, ses origines, sa culture.

Vous me permettrez d’évoquer ici plus particulièrement la langue bretonne, tout en pensant que ce que nous proposons pourrait servir pour toutes les langues régionales.

La langue bretonne est en danger, selon l’UNESCO : trois locuteurs sur quatre ont plus de cinquante ans et le nombre de locuteurs actifs, donc capables de transmettre au niveau familial, est inférieur à 5 % dans tous les départements bretons. Ce déclin est une conséquence du processus historique de la construction de la nation française, qui a confondu unité et uniformité.

Pourtant, 92% de l’ensemble des Bretons pensent qu’il faut conserver la langue bretonne. Les familles se tournent vers les écoles et les collectivités locales pour trouver une solution.

En Bretagne, trois filières bilingues existent : l’enseignement public propose depuis 1983, au travers de Div yezh, un enseignement bilingue à parité horaire ; l’enseignement privé avec Dihun propose l’équivalent depuis 1990 ; l’association Diwan …

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

…pratique l’enseignement par immersion depuis 1977.

Ces enseignements se heurtent à de multiples difficultés, tout d’abord sur le plan des moyens financiers.

La région Bretagne y consacre des dépenses croissantes, de l’ordre de 4, 5 millions d’euros en 2005, mais celles-ci se répartissent entre l’Office de la langue bretonne, l’édition, le théâtre, l’enseignement et la formation des adultes, l’enseignement bilingue et l’enseignement du breton – environ 30 % –, les organisations culturelles, les radios, l’audiovisuel et le bilinguisme dans la vie publique.

Les départements consacrent près de 3 millions d’euros par an au breton, dont 75 % pour le Finistère, 10 % pour les Côtes-d’Armor, 11 % pour le Morbihan, 2 % pour l’Ille-et-Vilaine et 1 % pour la Loire-Atlantique.

Il faut rapprocher ces chiffres des 3, 2 millions d’euros consacrés par l’État à des actions en rapport direct avec la langue bretonne de 2000 à 2006, soit environ douze fois moins par an que les collectivités locales.

Notre collègue Nicolas Alfonsi a raison de mentionner dans sa question orale « la création d’obligations à la charge de l’État en vue de la sauvegarde et de la transmission de langues régionales ou minoritaires pratiquées sur son territoire ».

L’engagement de l’État est jusqu’à présent très relatif. En témoigne ce que disait en mai 2006 Csaba Tabajdi, député européen hongrois, président de l’intergroupe Minorités nationales traditionnelles, régions constitutionnelles, langues régionales : « En France, les cultures et langues dites “ régionales ”, qui font partie intégrante des cultures et des langues européennes et de l’humanité, exclues de l’espace public par la législation, marginalisées, sont en voie de disparition rapide de la vie sociale malgré la résistance de l’auto-organisation souvent exemplaire des populations avec le soutien de leurs élus dans un cadre juridique, administratif et idéologique hostile. Après des décennies d’éradication, l’enseignement de ces langues reste très marginal et leur place dans les médias, notamment la radio et la télévision, est extrêmement réduite. »

La langue bretonne et le parler gallo font partie de la culture bretonne. Ils contribuent à l’identité et à l’attractivité de la Bretagne, parmi d’autres éléments, comme le sport – la lutte bretonne ou gouren –, les jeux gallos ou bretons, la musique, les danses, les chants, la poésie, la littérature. Certains de ces éléments font l’objet d’une appropriation populaire et massive, par exemple la danse, en particulier au sein des fest-noz et des fest-dei.

En revanche, l’apprentissage de la langue est beaucoup plus difficile, beaucoup plus long, mais indispensable, car il est la base de toute cette culture.

L’État peut et doit être le garant des langues de France et de leur statut, aux côtés des régions qui, mieux que quiconque, peuvent accompagner et mettre en œuvre les dynamiques nécessaires pour relancer une pratique populaire et massive de la langue sans tomber dans l’élitisme ou le séparatisme.

Pour réussir, il faut informer les familles, recruter les enseignants, valoriser la langue au niveau des examens et assurer une continuité, à la fois dans le cursus scolaire et sur le plan géographique. Nous constatons en effet une rupture importante, dès l’entrée en sixième, due au manque d’offre et d’options, ce qui provoque le découragement des familles.

Les suppressions de postes et la politique de pôles conduisent à aggraver une situation déjà chaotique.

Le débat d’aujourd’hui doit être prolongé par une loi qui donne enfin aux langues et aux parlers régionaux une vraie place dans notre République. Et pour que cette loi ne reste pas un recueil de bonnes intentions, il conviendra également d’abonder les lignes budgétaires pour créer les postes nécessaires, financer la formation et populariser les langues et parlers régionaux.

Cela dit, et ayant abordé de façon positive la question des langues régionales, je veux conclure en faisant état de mon inquiétude sur la situation de la langue française, en France et dans le monde.

Permettez-moi de sonner l’alarme : le français est en danger. Le français est pourtant, historiquement, la langue officielle de l’olympisme, de l’Union européenne, de l’UNESCO, de l’ONU. Cela devient de plus en plus théorique. Souvent, nos propres représentants ne font pas respecter cette règle. Je dois néanmoins saluer les efforts des personnels de TV5-Monde et de RFI, qui, avec les pays concernés, font beaucoup pour servir la francophonie et le français, langue de la culture, de la démocratie et de la liberté.

C’est pour cette raison que, dans un même élan, j’appelle à soutenir notre belle langue française et nos belles langues régionales !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en montant à cette tribune, je suis persuadé que, quels que soient les points de vue que vous exprimez sur ce sujet, tous ici vous vous sentez aussi patriotes que moi-même, aussi attachés à l’unité et à l’indivisibilité de la République française que je le suis et dignes continuateurs du progrès constitué par l’ordonnance de Villers-Cotterêts : ce texte a établi le français comme langue du royaume, permettant à chacun de se défendre, de témoigner, d’attaquer en justice et d’être compris par les autres.

Mais l’homme qui s’exprime en cet instant, fier d’être jacobin, ne parlant que la langue française pour s’adresser à vous ou bien l’espagnol, langue de ses grands-parents, et qui, s’il devait apprendre une autre langue, choisirait l’arabe, langue minoritaire la plus parlée dans la région d’Île-de-France dont il est l’élu, ne vient pas devant vous pour discuter de la question de savoir si l’on est pour ou contre les langues régionales – ce qui est absurde – ou, pire encore, si l’on est pour ou contre la diversité culturelle : il s’agit de savoir si le cadre légal existant est adapté, car il en existe déjà un, ou si la France a besoin de ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires pour faire progresser la diffusion de celles-ci.

Pour ma part, je n’accepte pas la caricature qui voudrait faire croire que la République française réprime ou méprise les langues régionales. Ce n’est pas vrai ! La France s’est dotée dès les années cinquante d’un cadre législatif très favorable aux langues régionales ; elle était même en avance sur beaucoup de pays d’Europe à cet égard

La loi du 11 janvier 1951 relative à l’enseignement des langues et dialectes locaux, qui porte le nom du socialiste Maurice Deixonne, a officiellement autorisé et favorisé l’apprentissage des langues régionales de France dans l’enseignement public : le basque, le breton, le catalan et l’occitan, auxquels se sont ajoutés ensuite le corse en 1974, le tahitien en 1981, et quatre langues mélanésiennes en 1992. De sorte qu’aujourd’hui, et depuis 1970, tous les élèves qui le souhaitent voient ces enseignements pris en compte pour l’obtention du baccalauréat.

La loi Toubon de 1994 a confirmé ce cadre légal favorable et Lionel Jospin, par la loi du 22 janvier 2002, a mis des moyens particulièrement importants à la disposition de l’enseignement de la langue corse, si bien que quiconque le veut peut suivre un enseignement en corse à l’école, au collège et au lycée, à raison de trois heures par semaine.

L’État a aussi contribué, en lien avec les collectivités locales qui le demandaient, à rendre possibles les signalisations routières bilingues, ce qui permet, dans certains départements, de pouvoir enfin lire les indications rédigées en français, qui étaient jusque-là surchargées de graffitis Par ailleurs, de nombreuses régions font preuve d’innovation pour favoriser le développement des cultures et des langues régionales.

Par conséquent, rien dans le cadre légal et réglementaire actuel, ni dans la pratique effective, n’est de nature à brider la pratique et la transmission des langues régionales. Et il n’existe pas une voix en France – pas même la mienne ! – qui s’oppose à ce que soient pratiquées les cultures ou les langues régionales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Si le nombre de locuteurs diminue et si leur âge moyen s’élève, il faut en chercher la cause ailleurs que du côté de la République et de la loi !

La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires n’est pas un remède acceptable. Elle est loin de faire l’unanimité en Europe. Contrairement à ce que l’on entend souvent, trop souvent, la France n’est pas l’un des « rares » pays européens à ne pas avoir ratifié cette charte. Quatorze pays membres du Conseil de l’Europe ne l’ont pas signée, dont la Belgique, le Portugal, la Grèce ou l’Irlande, qui ne sont pas des États réputés liberticides. Je pense que personne ici n’a l’intention de comparer le comportement de la République française, quels que soient ses gouvernements, à ceux des gouvernements des pays baltes qui, eux, procèdent à une revanche linguistique à l’égard des russophones.

Parmi ceux qui ont signé cette charte, comme la France, dix États ne l’ont pas ratifiée, dont l’Italie. Au total, vingt-quatre pays membres du Conseil de l’Europe se refusent donc à rendre applicable cette charte sur leur territoire. Cela peut être attribué non pas exclusivement à leur mépris pour les langues régionales minoritaires, mais probablement à d’autres causes ; j’évoquerai l’une d’entre elles tout à l’heure. La France est donc loin de constituer un cas particulier.

La France applique déjà beaucoup d’articles de la charte sans avoir besoin de la ratifier. Vous savez qu’il existe deux types de dispositions : les préconisations impératives et celles qui sont optionnelles. Un grand nombre de préconisations impératives sont déjà appliquées ; je n’évoquerai, pour l’exemple – je vous en épargnerai la lecture –, que les articles 7-1-f, 7-1-g et 7-2. Parmi les préconisations optionnelles que la France respecte, on peut citer les articles 8-1-b, 8-1-c, 10-2-g.

Il n’est donc pas vrai que nous ayons besoin de ratifier la charte pour en appliquer les dispositions qui ne sont pas contraires à notre Constitution, et c’est de celles-ci qu’il faut parler !

J’ajoute, ayant été ministre délégué à l’enseignement professionnel et ayant eu à connaître de cette question, que la définition des langues minoritaires donnée par la charte est extrêmement discutable et confuse.

J’observe qu’elle exclut de son champ d’application toutes les langues des migrants – je pense à l’arabe, à la langue berbère et à bien d’autres – comme si les citoyens qui les parlent du fait de leurs liens familiaux, alors qu’ils sont Français, devaient considérer ces langues comme des langues étrangères, comme si l’on demandait aux Algériens, aux Sénégalais, aux Maliens et à combien d’autres de considérer la langue française comme une langue étrangère à leur culture !

Mme Alima Boumediene-Thiery s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

Cette définition extrêmement confuse aboutit à ce que certaines langues soient reconnues comme minoritaires dans un pays et ne le soient pas dans l’autre, alors qu’elles sont parlées dans les deux pays dans les mêmes conditions. C’est le cas du yiddish, reconnu comme langue minoritaire aux Pays-Bas, mais pas en Allemagne ou dans certains pays de l’Est où il est tout autant parlé.

Cette définition très floue peut être, finalement, discriminatoire et elle aboutit à des reconstructions de l’histoire. Je veux bien, chers collègues, que l’on parle de la langue bretonne, mais encore doit-on préciser qu’elle résulte du dictionnaire dit « unifié » de 1942 et qu’elle se substitue aux cinq langues qui existent réellement dans la culture bretonne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Mélenchon

À cet instant, je ne ferai mention ni du fait que l’auteur dudit dictionnaire est un collaborateur des nazis, qui a été condamné à l’indignité nationale, s’est enfui et n’est jamais revenu dans notre pays, ni des conditions dans lesquelles ce dictionnaire a été rédigé et financé à l’époque.

La définition retenue par la charte aboutirait, par exemple, à des absurdités concernant le créole, et bien injustement. Je me souviens d’avoir demandé, en tant que ministre délégué à l’enseignement professionnel, quel créole on devait enseigner ; j’y étais prêt, car cela facilitait l’apprentissage des élèves. Eh bien, trois ans après, je n’avais toujours pas de réponse, parce qu’il n’y a pas un créole, mais des créoles ! Par conséquent, on est amené à choisir, trier, exclure, discriminer de nouveau au moment où l’on croit intégrer. Ce n’est pas pour rien que nos institutions écartent ce type de charte !

Enfin, j’aborde ce qui constitue pour moi le cœur du problème. Il ne s’agit pas de dire que la sauvegarde des langues et cultures régionales nous pousse sur la pente qui conduit automatiquement à la sécession, au particularisme et au communautarisme. Telle n’est pas mon intention ! Mais j’ai bien l’intention de dire que le risque existe. Il ne saurait être question, sous prétexte de respect de la diversité culturelle, d’admettre un point en contradiction absolue avec la pensée républicaine : il n’y a pas lieu de créer des droits particuliers pour une catégorie spécifique de citoyens en raison d’une situation qui leur est propre.

Le fait de parler une langue différente ne suffit pas à instituer des droits particuliers en faveur de ses locuteurs ! Or c’est ce que prévoit explicitement la charte : il s’agit d’encourager la pratique de ces langues « dans la vie publique et la vie privée ».

S’agissant de la vie privée, je rappelle que le caractère laïque de notre République interdit que les institutions gouvernementales et étatiques fassent quelque recommandation que ce soit concernant la vie privée des personnes.

Quant à la vie publique, il est précisé que les États doivent « prendre en considération les besoins et les vœux exprimés par les groupes pratiquant ces langues ».

À l’évidence, ce texte a été écrit à l’intention de pays où des secteurs entiers de la population parlent une autre langue que la langue nationale et seulement celle-là, comme c’est le cas des minorités hongroises ou autres, qui existent dans divers pays de l’Union européenne. Mais en aucun cas il n’a été écrit pour la France, car dans quelles conditions peut-on désigner les représentants de ces groupes ? Va-t-on maintenant élire des représentants des locuteurs de telle ou telle langue ? Non ! C’est en totale contradiction avec l’idée d’égalité républicaine !

Il ne peut être question de faire bénéficier de procédures en langues régionales devant les autorités judiciaires, comme le prévoit l’article 9 de la charte, ou devant les services publics, comme le décide l’article 10. Témoigner, poursuivre en justice, signer des contrats dans une autre langue que la langue française constituerait un recul par rapport à l’ordonnance de Villers-Cotterêts. Pourtant, c’est ce que prévoit cette Charte européenne des langues régionales ou minoritaires !

Le Conseil constitutionnel a donc eu raison de dire, en 1999, qu’en conférant « des droits spécifiques à des “ groupes ” de locuteurs de langues régionales ou minoritaires, à l’intérieur de “ territoires ” dans lesquels ces langues sont pratiquées, [cette Charte] porte atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français. »

Après l’exposé de ces raisons juridiques, philosophiques et républicaines, je voudrais enfin souligner, d’une façon plus personnelle, qu’il ne saurait être question de ne pas tenir compte de l’origine de la charte, à l’heure où beaucoup prétendent, à la suite de Samuel Huntington et de sa théorie du choc des civilisations qui est aujourd'hui la doctrine officielle d’un certain nombre de stratèges de la première puissance mondiale et de quelques autres pays, que, dorénavant, « dans le monde nouveau, la politique locale est “ethnique”, et la politique globale “civilisationnelle” ».

Cette origine, sans doute nombre de mes collègues l’ignorent-ils ; c’est pourquoi je veux la leur apprendre.

La charte, adoptée en 1992 par le Conseil de l’Europe, a été préparée, débattue et rédigée par plusieurs groupes de travail de cette instance qui étaient animés par des parlementaires autrichiens, flamands et allemands tyroliens. Leur point commun était d’être tous issus de partis nationalistes ou d’extrême droite et d’être membres de l’Union fédéraliste des communautés ethniques européennes, la FUEV selon l’abréviation allemande. Cette organisation est aujourd'hui dotée d’un statut consultatif au Conseil de l’Europe, et elle se présente elle-même comme la continuatrice du Congrès des nationalités, instrument géopolitique du pouvoir allemand dans les années trente ! Un des principaux laboratoires de l’élaboration de la charte fut ainsi le groupe de travail officiel du Conseil de l’Europe sur la protection des groupes ethniques, dont la création a été obtenue par la FUEV et qui est également connu pour ses travaux sur le « droit à l’identité », le Volkstum.

Pour toutes ces raisons, la République française n’a donc rien à gagner à modifier sa Constitution pour ratifier la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Elle ne pourrait que se renier en le faisant. Elle doit, tout au contraire, continuer sa politique bienveillante et intégratrice, qui donne aux cultures et aux langues régionales toute leur place dès lors que la République est première chez elle !

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

M. Raymond Couderc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, voilà quelques instants, je me suis demandé si notre débat portait sur la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ou sur la place des langues régionales dans notre pays !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Raymond Couderc

Je tiens tout d’abord à remercier le Gouvernement de ce débat, qui fait suite à celui qui s’est tenu à l’Assemblée nationale il y a quelques jours. Il se conforme ainsi à l’engagement qu’il avait pris en janvier dernier, lors de la discussion sur la révision constitutionnelle ayant précédé la ratification du traité de Lisbonne. Je remercie également notre collègue Nicolas Alfonsi d’avoir posé une question qui transcende les appartenances politiques, comme nous venons de le constater.

Nous pouvons, en effet, nous interroger sur les suites que le Gouvernement compte donner à la décision par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles certaines clauses de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires signée à Budapest le 7 mai 1999.

La question mérite d’être soulevée car, ne nous leurrons pas, la situation des langues historiques et patrimoniales de France, que l’on désigne sous le nom de « langues régionales », est très préoccupante. Elle est même catastrophique pour celles de ces langues qui n’ont pas la chance d’avoir une part significative de leur aire culturelle située hors de France. Tel est le cas du breton et de l’occitan, que l’ONU a déclarées « langues en grand danger » ! C’est pourquoi nous ne pouvons plus nous contenter du flou juridique entourant cette situation.

Ne pas défendre ces langues, ce serait causer la ruine d’une part importante du patrimoine culturel de la France. Notre pays a la responsabilité, à l’égard des générations futures, de transmettre son patrimoine linguistique et culturel. Les langues régionales sont l’expression, au sens propre du terme, de cultures régionales riches et anciennes, qui sont elles-mêmes constitutives du patrimoine culturel de la France et de son identité. Elles sont une de ses richesses et un de ses attraits. Les étouffer, comme cela a pu être le cas par le passé, ce serait mutiler la France et la déposséder d’une partie de son héritage.

Si je prends l’exemple de l’occitan, qui m’est cher, d’autant que le Centre interrégional de développement de l’occitan, pôle associé à la Bibliothèque nationale de France, est installé dans la ville de Béziers, dont je suis le maire, il ne s’agit en rien d’un patois, comme certains le qualifient pour marquer leur mépris.

Au contraire, la sauvegarde de l’occitan est un enjeu majeur, qui concerne une aire culturelle importante, la plus large d’ailleurs de toutes les langues régionales : elle va des vallées alpines italiennes jusqu’au Val d’Aran espagnol, en passant par la Provence, le Languedoc, la Gascogne, le Poitou, l’Auvergne… Les langues d’oc ont longtemps été les langues de la moitié de la France : qui pourrait dire qu’il s’agit d’un détail ? C’est une culture rayonnante. Il n’y a qu’à observer le foisonnement de l’œuvre d’un certain Frédéric Mistral, qui fut d’ailleurs couronnée par le prix Nobel de littérature en 1904, pour s’en convaincre.

La défense et la promotion des langues régionales sont, à mon sens, une obligation internationale de la France. En effet, notre pays prône, sur la scène internationale, la nécessité de défendre la diversité culturelle dans le monde, la fameuse « exception culturelle ». Cependant, il ne suffit pas de promouvoir la diversité culturelle dans le monde si, à côté de cela, on étouffe ses langues historiques et autochtones sur son propre sol. Ainsi, à l’image de ce qui a pu être fait en matière de biodiversité, il faut mettre en œuvre les politiques nécessaires à la sauvegarde de l’esprit et de la culture dans toute leur diversité.

La France a réussi à faire admettre à l’échelon mondial qu’il fallait défendre la diversité culturelle : c’est une belle victoire mais, de ce fait même, elle devient comptable, devant la communauté internationale, de la part de cette diversité culturelle dont elle a la responsabilité, en tout cas pour ce qui se passe sur son sol et dans son espace juridique. Nos langues et cultures sont en effet un patrimoine de l’humanité dont la France a la responsabilité, tout comme elle est comptable de la conservation du château de Versailles ou du Mont-Saint-Michel, qui ne sont pas seulement des éléments du patrimoine français.

En outre, nos langues devraient normalement avoir les moyens de leur vie et de leur avenir. L’État, ainsi que les collectivités locales, doivent s’impliquer davantage dans la défense de la diversité linguistique.

Cependant, il existe de nombreux blocages juridiques, qui ne permettent pas d’attribuer un véritable statut aux langues régionales, nuisant ainsi à leur promotion et à leur diffusion. Ces langues sont souvent moins bien traitées que les langues étrangères, en particulier dans l’enseignement.

Or, contrairement à ce qu’en disent certains de ses détracteurs, l’apprentissage des langues régionales ne se fait pas au détriment de celui des langues étrangères : ce n’est pas une soustraction, c’est une multiplication. Toutes les études de psychopédagogie l’ont démontré : l’apprentissage d’une langue régionale ouvre tout aussi bien que l’étude d’une langue étrangère à la gymnastique mentale qui conduit au plurilinguisme. De même, dans l’enseignement, il nous faut éveiller les enfants aux langues régionales dès la maternelle et le primaire, au-delà de ce qui se fait déjà dans les calendretas. Je tiens d’ailleurs à saluer ici leur rôle dans la promotion et la diffusion de la langue occitane.

C’est pourquoi, afin de relever ce grand défi, j’en appelle à la création d’un véritable statut pour les langues historiques de France. Il est nécessaire de reconnaître les langues qui constituent l’identité de la France et de les distinguer de l’ensemble des langues du monde, qui toutes peuvent être, ou ont été, langues de l’immigration.

L’absence de statut juridique pour ces langues n’est pas sans conséquences concrètes, comme nous venons de le voir pour l’enseignement. Elle justifie encore des blocages. Ainsi, récemment, un recteur d’académie pourtant bien disposé à l’égard des langues régionales justifiait l’interdit de l’immersion au motif que si elle était accordée, il faudrait aussi l’accepter pour le chinois, l’arabe, le turc… Il faut pourtant souligner que si le destin du chinois, de l’anglais, de l’arabe ou du turc ne se joue pas en France, il n’en va pas de même de celui de l’occitan et des autres langues régionales !

Un grand nombre de blocages faisant obstacle à la promotion des langues régionales sont directement issus de la rédaction de l’article 2 de notre Constitution. Depuis sa modification de 1992, il est inscrit dans le marbre que « la langue de la République est le français ». Que l’on me comprenne bien : il ne s’agit en rien de contester, d’une quelconque manière, cette affirmation. La langue de la République est et doit rester le français, dans un souci d’unité territoriale de notre pays.

Cependant, ce qui est contestable, ce sont les seize années d’interprétation continûment très restrictive de cet article, de la part à la fois du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État : refus de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, interdiction de l’enseignement bilingue en immersion, etc. Leurs décisions, sans recours possible, sont la marque d’une rigidité anachronique à une époque où le pluralisme linguistique dans le monde a été reconnu comme une des sources majeures de la richesse des sociétés. Un nouveau texte est donc nécessaire.

Le défi, pour la République, n’est plus d’unifier un pays morcelé pour le fondre dans une destinée commune, comme c’était le cas il y a un siècle et demi, à une époque où les États-nations achevaient leur construction en Europe. Non, le défi aujourd’hui est de promouvoir la diversité, sous toutes ses formes, afin que chacun puisse retrouver, dans le socle commun de la nation française, les racines de son identité.

On ne fédère pas en méprisant, on unit au contraire en associant, en assemblant. À un moment où l’idée même de nation semble remise en question, où l’identité française est en débat, gageons, mes chers collègues, que le respect de l’identité de chacun contribuera au renouveau de notre grande nation.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à la Réunion, très récemment, un sondage établissait qu’une immense majorité de la population, soit 83 % de celle-ci, utilisait la langue créole dans sa vie quotidienne.

Il faut dire que la langue créole a été l’élément essentiel qui a cimenté l’unité du peuple réunionnais, issu de divers continents – Europe, Asie ou Afrique – et dont chaque composante a apporté sa propre culture.

À cet instant, je souhaite préciser un point : il n’existe pas une langue créole unique, chaque île ou archipel, qu’il soit français ou non, comme l’île Maurice ou les Seychelles, possédant son créole spécifique.

M. Jean-Luc Mélenchon approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Gélita Hoarau

La langue créole s’est maintenue, non sans avoir subi des évolutions, des transformations et des enrichissements multiples. Que cette langue perdure aujourd’hui, c’est la preuve de sa vitalité et de la volonté des Réunionnaises et des Réunionnais de la conserver.

Pourtant, la politique imposée aux esclaves et aux colonisés a été non seulement la domination et la sujétion, mais aussi la destruction des cultures, comme le disait en ces termes Aimé Césaire : « Je parle de sociétés vidées d’elles-mêmes, de cultures piétinées, d’institutions minées, de religions assassinées, de magnificences artistiques anéanties, d’extraordinaires possibilités supprimées. »

Combien de fois n’a-t-on pas entendu des affirmations péremptoires selon lesquelles la langue créole, voire tel ou tel aspect de la culture de pays subissant la colonisation, étaient inférieurs à ce qui venait de l’Occident ? Le pire est que, du fait des complexes ainsi engendrés, des ressortissants de contrées colonisées ont parfois repris à leur compte ces jugements définitifs, reniant ainsi leur propre identité culturelle.

À la Réunion, la chasse à la langue créole faisait partie de la politique officielle, tant sur le plan administratif que dans l’éducation nationale. Le mot d’ordre d’un vice-recteur n’était-il pas de « fusiller le créole » ? Cela se passait il y a seulement trente ans !

Persister à vouloir « fusiller le créole » susciterait maintenant une réprobation unanime, tant il est admis aujourd’hui qu’il n’existe aucune échelle de valeurs pouvant permettre de classer les cultures selon d’illusoires critères de supériorité. Chacun de nous sait trop bien où cela a conduit l’Europe dans les années quarante.

De plus, à l’heure où bien des efforts sont faits pour sauvegarder la biodiversité, par respect pour la nature et pour ce qu’elle a produit sur les plans tant animal que végétal, comment admettre que ce qu’une société humaine a créé de spécifique et d’unique : sa culture, puisse disparaître sans dommage ?

Trop de langues, trop de cultures ont été anéanties. Parce que la diversité culturelle enrichit le patrimoine de l’humanité, il nous appartient d’en sauvegarder et d’en valoriser toutes les expressions, tant il est vrai que la culture unique est annonciatrice de la mort de toute culture.

À la Réunion, l’introduction du créole à l’école a toujours été un sujet de polémique et de déchirements, les uns estimant qu’elle est un obstacle à l’apprentissage du français – ce qui conduit certains à approuver la répression du créole –, les autres considérant au contraire que la prise en compte du vécu de l’enfant réunionnais dans tous ses aspects socioculturels, dont sa langue maternelle, contribue à son plein épanouissement et favorise, notamment, l’apprentissage de la langue française. Ceux-là insistent donc sur le fait que réprimer la langue maternelle engendre chez l’enfant de graves traumatismes, porteurs de blocages.

C’est sur le fondement de ces observations et dans le souci de valoriser et d’enrichir les cultures régionales que la loi organise à présent l’enseignement et le développement de la langue et de la culture régionales.

Une telle législation constitue une avancée indéniable et contribue à faire évoluer les esprits, mais il y a encore beaucoup de chemin à parcourir.

À cet égard, permettez-moi de vous faire part d’une anecdote : voilà seulement quelques jours, un principal de collège a interdit à l’un de ses élèves de s’exprimer en créole à la télévision publique, alors même que l’émission à laquelle il participait était entièrement réalisée dans cette langue !

La mise en application des textes se heurte encore trop souvent soit à l’inertie, soit à des réflexes passéistes, quand il ne s’agit pas tout simplement de mauvaise foi. Madame la ministre, vous ne manquerez sans doute pas de faire un point d’étape sur ce sujet en compagnie de votre collègue chargé de l’éducation nationale, afin que les pesanteurs puissent être surmontées et les initiatives encouragées.

Pour conclure, sans doute conviendrons-nous tous, d’une manière plus générale, que la reconnaissance et la valorisation de la diversité culturelle ont besoin d’un souffle nouveau. La planète a eu droit à son sommet, qui s’est tenu en 1992 à Rio ; la diversité culturelle n’en mérite-t-elle pas autant ? Il serait tout à l’honneur de la France de prendre l’initiative d’organiser une telle conférence. Notre pays aura d’autant plus de légitimité à jouer ce rôle qu’il possède déjà une grande diversité, dès lors que sont pleinement reconnus les apports culturels spécifiques et uniques de toutes ses régions, en particulier ceux des départements et collectivités d’outre-mer.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avant de vous faire part de la position des Verts sur la question des langues régionales, je souhaite remercier M. Alfonsi de son initiative. Son engagement pour la promotion et la préservation des langues régionales lui fait honneur.

Les langues régionales, dites minoritaires, voire minorisées, constituent un élément fondamental du patrimoine culturel français. Plus de 10 % de nos compatriotes pratiquent l’une des soixante-quinze langues régionales qui existent à côté du français.

Ces « langues régionales de France », ainsi que les qualifient les lois du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française et du 1er août 2000 relative à la liberté de communication, sont enseignées dans nos écoles et font l’objet d’une attention évidente de la part des collectivités territoriales, dont nous sommes ici les représentants.

Qui n’a jamais eu le plaisir de voir des doubles signalisations à l’entrée des villes, qui font coexister la langue régionale du territoire avec le français ?

Il existe une demande sociale forte de préservation de ces langues. Comme pour tout patrimoine historique, leur disparition doit nous préoccuper, au même titre que la déshérence constatée de nombreuses traditions locales.

Là est le débat : comment préserver ces langues régionales vouées à s’éteindre ? Comment permettre une transmission de qualité de ces langues et garantir à leurs locuteurs la liberté d’en user dans des sphères autres que celle de la vie privée ?

Bien évidemment, il y a l’école. Ainsi, 404 000 élèves ont suivi un enseignement en langue régionale en 2005.

Il y a également les médias. Certains programmes diffusés par le service public de l’audiovisuel sont exclusivement en langue régionale.

Il y a donc une pratique, qu’il s’agit aujourd’hui de reconnaître de manière solennelle. La révision prochaine de la Constitution nous en offre l’occasion.

À cet égard, permettez-moi de vous faire part de notre position sur la question des langues régionales, s’agissant notamment de leur reconnaissance constitutionnelle.

Au préalable, je souhaite rappeler que les langues régionales n’ont jamais eu pour vocation de se substituer au français. Personne ne le conteste, le français est la langue officielle de la République. C’est même tellement évident qu’il a fallu attendre 1992 pour qu’une telle précision soit inscrite dans la Constitution. La raison en est simple : la révision constitutionnelle intervenue à cette époque visait non pas les langues régionales, mais bien les langues étrangères, notamment l’anglais, qui prenait parfois le pas sur le français.

Deux ans plus tard d’ailleurs, et ce n’est pas anodin, la loi du 4 août 1994 relative à l’emploi de la langue française, dite « loi Toubon », est venue renforcer ce que vous avez qualifié de « processus d’unification » de la langue française lors de votre intervention devant l’Assemblée nationale, madame la ministre.

Parler de processus d’unification de la langue en 1992 n’a plus aucun sens ! Quoi qu’il en soit, cette reconnaissance officielle a eu pour conséquence un dommage collatéral : la minorisation des langues régionales.

Partout où elles existaient avant cette modification de la Constitution, elles ont survécu. Elles transcendent la notion d’unité et d’indivisibilité du territoire en ce qu’elles prennent racine dans l’histoire la plus profonde de notre pays.

Malheureusement, ces langues ont souvent été diabolisées. Nombre d’entre vous, mes chers collègues, leur prêtent le rôle de cheval de Troie dans la destruction de l’identité nationale et de l’unité de la République.

En 1999, la gauche s’était engagée à accorder à ces langues la place qu’elles méritent dans notre ordre juridique et social en signant la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, étape fondamentale qui devait aboutir à la ratification de ce texte par notre pays.

Or aujourd’hui, nous nous retrouvons enfermés dans un piège abscons : nous nous sommes engagés à ratifier la charte, mais le Conseil constitutionnel a déclaré certaines de ses clauses contraires à la Constitution.

Pour autant, faut-il baisser les bras et renoncer à une telle ratification pour cause d’incompatibilité de la charte avec la Constitution ? Cette charte constitue pourtant le cadre juridique idoine pour permettre aux langues régionales de perdurer, de se développer et de prospérer, et ce dans le respect le plus total des principes fondateurs de notre République.

Plusieurs des dispositions de ce texte sont déjà appliquées, mais il faut aller plus loin aujourd'hui.

En ratifiant la charte, la France se conformerait aux conventions de l’UNESCO du 17 octobre 2003 pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel et du 20 octobre 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Ces conventions, dont notre pays a été à l’initiative, font obligation aux États de défendre la diversité culturelle et linguistique sur leur territoire.

La ratification de la charte s’inscrit également dans la logique du traité de Lisbonne, dont l’un des articles dispose que l’Union « respecte la richesse de sa diversité culturelle et linguistique, et veille à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel européen ». Elle serait d’autant plus opportune que l’Allemagne, l’Autriche, le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Espagne et la Finlande y ont déjà procédé. Cela constituerait indiscutablement un signe fort en faveur de la promotion de la diversité et de la richesse culturelles de notre pays.

Pourtant la majorité, ainsi que certains membres de l’opposition, refusent cette ratification. Permettez-moi, à cet instant, de lever l’ambiguïté sur l’impossibilité de ratifier la Charte en raison de son incompatibilité avec la Constitution.

Dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel a seulement soulevé des réserves d’incompatibilité entre la Constitution et plusieurs articles de la charte, en en précisant le champ. Ce sont donc seulement quelques dispositions, et non la charte dans son intégralité, qui sont inconstitutionnelles.

D’ordinaire, lorsque le Conseil constitutionnel déclare qu’un traité est incompatible avec la Constitution, il indique systématiquement que cette dernière doit être révisée. Or la nécessité de réviser la Constitution n’est nullement mentionnée dans la décision du 15 juin 1999 : en effet, réviser la Constitution pour la rendre compatible avec la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires porterait atteinte aux principes d’unité et d’indivisibilité de la République, qui ne peuvent faire l’objet d’aucune révision constitutionnelle.

Ce piège dans lequel la signature de la charte nous a enfermés, nous pouvons pourtant en sortir d’une manière très simple.

En effet, dans sa décision du 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel précise clairement quelles dispositions de la charte sont contraires à la Constitution.

Il suffit donc, dans le cadre d’un projet de révision constitutionnelle, de préciser que la France peut ratifier la charte dans le respect de l’article 2 de la Constitution et des réserves soulevées par le Conseil constitutionnel.

L’obstacle juridique serait alors levé, et la charte pourrait être ratifiée. De cette ratification découlerait la reconnaissance encadrée des langues régionales ou minoritaires, dans le respect de la Constitution et de la forme républicaine de notre régime.

Enfin, je souhaite répondre à un argument qui est souvent avancé par les opposants à la ratification, à savoir le risque d’une dérive communautariste.

Pourquoi la reconnaissance encadrée des langues régionales engendrerait-elle du communautarisme ? D’ailleurs, derrière la notion de « communautarisme », je crois déceler la peur de reconnaître les langues des minorités, peut-être celles des migrants : d’aucuns ont évoqué l’arabe ou le chinois. Pourtant, ces langues sont exclues du champ d’application de la charte. Une telle crainte ne se justifie donc pas.

Depuis des générations, des familles et des professeurs transmettent les langues régionales, dont les locuteurs n’en parlent pas moins le français pour autant. Il s’agit d’organiser la coexistence du français avec les langues minoritaires et régionales, et non de substituer celles-ci à celui-là.

Les langues régionales sont source d’enracinement et de cohésion sociale. Elles sont les portes qui permettent d’accéder à d’autres cultures et de les comprendre. Elles ne menacent nullement l’unité de la République, celle-ci étant au contraire préservée dans sa diversité. L’identité française est également constituée de ces différences et de ces enrichissements linguistiques. Le nier reviendrait à nier une partie de notre histoire, de nos régions et de notre patrimoine local. Reconnaître la diversité culturelle, plutôt que de la nier, nous paraît aujourd’hui le plus sûr moyen de préserver l’identité républicaine et de l’enrichir. Seule la reconnaissance du multiple peut garantir notre unité et favoriser l’égalité. Si nous voulons être tous égaux, commençons par admettre que nous sommes tous différents.

La reconnaissance des langues régionales n’est pas un objectif à atteindre ; il s’agit d’une réalité que nous devons renforcer, d’une pratique que nous devons reconnaître juridiquement, en l’inscrivant dans la Constitution.

Pour conclure, permettez-moi de citer un proverbe breton : « ar pobl a koll e yezh a koll e spered », ce qui signifie : « un peuple qui perd sa langue perd son âme ».

Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et de l’UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Alduy

Madame le président, madame le ministre, mes chers collègues, je ne m’adresserai pas à vous en catalan, même si je pourrais m’exprimer dans cette langue, qui se classe aujourd'hui au huitième rang européen, avec 10 millions de locuteurs.

Certes, l’école de la République m’en avait interdit l’accès. Dans ma jeunesse, on écrivait sur les murs des préaux des écoles : « Soyez propres : parlez français ! »

Depuis, j’ai appris cette langue et mené une politique active de reconquête de la culture et de l’identité de Perpignan la Catalane, en me fondant d’ailleurs sur certaines lois qui ont ouvert la voie, sans aller plus loin.

Soc capaç de parlar català ! Cependant je ne m’adresserai pas à vous en catalan, parce que je veux être compris de toutes et de tous, parce que je veux respecter notre unité, forte de nos diversités, parce que je suis pour la catalinité qui enrichit, et non pour le catalanisme qui dresse des frontières et réduit notre espace économique, social et culturel.

Notre débat d’aujourd’hui doit être abordé en termes sereins. Il ne doit être ni folklorisé ni caricaturé.

Tout d’abord, le fait de n’avoir pas considéré la protection de la langue et de la culture d’origine comme un droit fondamental dès la naissance de notre République, c’est-à-dire dès la proclamation des droits de l’homme et du citoyen, a été, même si cela s’explique par la préoccupation de fonder un État moderne et homogène, une erreur historique que n’ont pas commise d’autres pays européens.

En effet, et cela a été souligné, à l’heure où l’on défend la biodiversité comme une valeur cardinale, garante du respect des différences, une telle exception apparaît comme une crispation idéologique sans véritable fondement logique.

En quoi l’existence d’une langue nationale serait-elle contradictoire avec la défense de la diversité culturelle de notre patrimoine, que l’ensemble des langues régionales constituent ? En quoi ces dernières et leur inscription dans un statut juridique clair menaceraient-elles les fondements et les principes de l’État français ?

Les langues régionales ont une tradition, une syntaxe, une longue histoire. Lorsqu’on n’évolue pas dans une communauté où ces langues sont parlées, lorsqu’on ne les pratique pas, on a l’impression qu’il s’agit de survivances. Or elles sont au contraire au cœur de notre identité individuelle et collective.

Comme nous le savons tous, l’article 2 de la Constitution n’a été modifié qu’en 1991 : encore l’a-t-il été pour faire barrage à la généralisation de l’anglais, langue commerciale par excellence, en passe de devenir l’unique langue d’échanges, au détriment de la francophonie.

Précisément, la francophonie inclut toutes les langues de France, à savoir aussi les langues régionales. Au passage, notons que la modification de cet article n’a eu aucun effet sur l’extension de la langue de Shakespeare…

Permettez-moi de parler de Perpignan, ville duelle, plurielle, française et catalane. Cette claudication entre plusieurs identités, cette capacité naturelle à appréhender au moins deux langues nous donnent un rôle naturel de plate-forme entre le monde ibérique – et, au-delà, le Maghreb – et l’Europe du Nord.

Loin d’être un signe de repli identitaire, notre langue naturelle est ainsi devenue le gage d’une inscription dans l’Europe de demain et dans l’Euro-Méditerranée, ainsi que le ciment d’un espace transfrontalier en voie d’émergence qui unit les villes de Gérone, de Figueras, de Perpignan et de Narbonne. Toute la communication de Perpignan est bilingue, sans que cela pose le moindre problème aux habitants, quelles que soient leurs origines.

En tant que maire de Perpignan, en tant que vice-président du Haut Conseil national des langues régionales de France, je pense qu’il est temps de donner à nos langues le statut auquel elles ont droit : un droit de cité aux côtés de la langue de la République, sans se substituer à elle, bien entendu, mais dans tous les actes et sphères de la vie publique.

Cela suppose l’existence parallèle d’un enseignement structuré : chacun sait aujourd’hui combien le bilinguisme favorise et l’agilité intellectuelle et l’apprentissage d’autres langues. Ainsi le respect du passé peut-il, une fois encore, devenir le gage d’une inscription résolue dans la modernité.

La loi doit imposer non seulement le respect de ces langues, mais aussi leur défense : le respect ne suffit plus. Nous avons besoin de fonder une politique positive, et c’était l’engagement du Président de la République. Il s’agit de défendre un droit, celui de pratiquer les langues qui nous ont faits ce que nous sommes. Parler catalan, basque, alsacien, occitan, wallon, breton ou créole, ce n’est pas ringard, c’est décliner une identité multiple, une interculturalité qui sera, demain, le socle de nos sociétés.

Les langues régionales ne représentent pas la France d’hier ; ce sont les racines de la France de demain, celle qui résistera à la banalisation culturelle de la mondialisation !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et sur certaines travées de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite à mon tour remercier M. Alfonsi d’avoir été à l’initiative de ce débat sur la question des langues régionales, débat qui s’est également tenu la semaine dernière à l’Assemblée nationale et qui aurait pu être une étape importante et attendue dans un processus permettant à notre pays de se mettre en adéquation avec ce qu’il préconise très souvent à l’échelon international.

Pourtant, il me semble que la France a bien signé en 2006 deux conventions de l’UNESCO : la Convention pour la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel de 2003, qui stipule en son article 2 que ce patrimoine se manifeste notamment dans « les traditions et expressions orales, y compris la langue comme vecteur du patrimoine culturel immatériel », et la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles de 2005, qui rappelle dans ses considérants que « la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle » et dans ses objectifs, à l’article 1er, qu’il convient « de promouvoir le respect de la diversité des expressions culturelles et la prise de conscience de sa valeur aux niveaux local, national et international ».

En revanche, dans le cadre du Conseil de l’Europe et de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, il semble que l’on ne veuille toujours pas s’engager davantage. Il en a été beaucoup question aujourd’hui.

Pourtant – et nous en avons la preuve dans de nombreuses régions à forte identité comme la mienne, la Bretagne –, la reconnaissance et la promotion des langues régionales représentent non seulement un atout culturel et social considérable, mais aussi une véritable chance de développement économique.

Cependant, comme l’ont souligné plusieurs intervenants, de nombreuses langues minoritaires régionales sont aujourd’hui en péril. Nous constatons malheureusement une baisse parfois considérable du nombre de locuteurs de ces langues.

Depuis la signature de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, le 7 mai 1999, la situation n’a pas évolué. De surcroît, dans certains cas, des blocages administratifs n’ont pas permis le développement de ces langues : non-ouverture de classes dans l’enseignement public, articulation entre l’école élémentaire et le collège non organisée, crédits spécifiques en baisse…

Ce qui est en jeu aujourd’hui, c’est la reconnaissance officielle de notre diversité culturelle et linguistique. Cette question est traitée à l’échelle de l’Europe de manière régulière depuis une quinzaine d’années, et les avancées vers la reconnaissance de la pluralité culturelle au sein des États européens sont avant tout vécues comme des avancées démocratiques, malgré ce que certains ont pu dire à cette tribune.

Alors qu’elle s’apprête à prendre la présidence de l’Union, la France ne peut faire figure de mauvaise élève s’agissant de cet enjeu politique, culturel et citoyen majeur.

Avec mes collègues des départements du Finistère et des Côtes-d’Armor – le département que je représente pour ma part, le Morbihan, est d'ailleurs le seul à ne pas porter un nom français, puisqu’il signifie « la petite mer » en breton –, nous pensons qu’il importe que des garanties puissent être apportées par l’État, d’une manière ou d’une autre. C’est la raison pour laquelle, depuis six ans, à l’occasion de chacune des modifications constitutionnelles, nous avons proposé que la France s’engage dans cette voie.

C’est dans cette optique que nous avions déposé un amendement lors du débat sur la révision constitutionnelle qui s’est tenu en janvier dernier. La référence que nous devons avoir à l’esprit, c’est la signature par la France, en mai 1999, des articles de cette charte déclarés conformes à la Constitution, comme le gouvernement de M. Jospin l’avait à l’époque proposé.

À chaque fois, on nous a répondu que ce n’était pas le moment, que l’on ne pouvait pas inscrire cette disposition dans le texte, mais que le Gouvernement allait prendre des initiatives. Nous attendons toujours, et je forme le vœu que ce débat ne constitue pas un énième épisode de cet attentisme poli.

Si nous voulons consolider les dispositifs éducatifs de transmission et donner un signe de la détermination de la puissance publique à agir en ce sens, la signature de certains articles de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires peut se révéler particulièrement probante et incitative.

Il ne s’agit pas d’une remise en cause de notre langue nationale, cela va de soi, et nous avons été très nombreux à le dire ici. Lors de la défense de notre amendement, nous avions d’ailleurs souhaité que soit réaffirmé notre attachement à l’unité de la République et à la suprématie du français, garant de la cohésion nationale.

Cependant, reconnaissons-le, ce n’est pas le développement des classes bilingues ou même en immersion dans l’école de la République qui mettra notre langue commune en danger, mais plus certainement le manque de volonté de la défendre là où elle est réellement en péril, comme dans les publications scientifiques ou industrielles nationales, au sein des institutions européennes parfois, ou le manque de moyens efficaces pour défendre la francophonie partout où cela est possible.

À notre sens, la reconnaissance des héritages culturels et linguistiques de nos régions doit s’accompagner de la réfutation de toute forme de communautarisme. Cette reconnaissance a vocation à constituer au contraire un véritable rempart contre toute dérive de cette sorte. Elle intervient, en effet, comme un remède à l’humiliation qui est encore parfois très fortement ressentie par certains et qui pourrait favoriser un repli communautaire contre lequel nous voulons lutter.

La pratique de plusieurs langues, la maîtrise de plusieurs cultures, la valorisation d’un ancrage local sont autant de facteurs reconnus pour favoriser l’épanouissement personnel, l’ouverture au monde, l’acquisition d’autres langues, et donc une intégration plus réussie dans le monde globalisé qui est le nôtre.

Nous connaissons tous la décision du Conseil constitutionnel du 15 juin 1999 à propos de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : celui-ci n’a déclaré contraires à la Constitution qu’une partie du préambule de la charte, l’article 1 a partie 5, l’article 1 b et l’article 7, paragraphes 1 et 4. Le Conseil constitutionnel a en outre déclaré que les autres dispositions se bornaient à reconnaître des pratiques déjà mises en œuvre par la France en faveur des langues régionales.

Il n’y a donc apparemment aucun inconvénient à ratifier cette charte, et il n’y aurait nul besoin de modifier la Constitution pour cela, dès lors que l’on ne ratifierait pas celles des dispositions qui ont été déclarées contraires à la Constitution par le Conseil constitutionnel.

Dans cet esprit, il serait peut-être intéressant de mettre en place un groupe de travail commun à la commission des lois et à la commission des affaires culturelles pour préciser quelles sont les dispositions de la charte applicables et quelles pourraient être les modalités de leur mise en œuvre.

Pour en revenir à la question de la sauvegarde des langues régionales, les régions concernées sont souvent déjà très offensives. À son niveau, dans la limite de ses compétences et de son budget, le conseil régional de Bretagne a voté à l’unanimité, en décembre 2004, la mise en œuvre d’un plan de politique linguistique, afin de soutenir les filières d’enseignement, les formations pour adultes, le développement des usages des langues régionales dans les médias, l’édition et l’expression culturelle. Mais il y a urgence : les régions se trouvent aujourd’hui confrontées aux limites de leurs moyens et de leurs compétences en la matière.

Cette année, nous fêtons les trente ans de la Charte culturelle qui avait été présentée par M. Valéry Giscard d’Estaing, alors Président de la République, en Bretagne. Alors même que l’UNESCO annonce une année internationale des langues, il semble plus que jamais opportun de franchir un nouveau cap et de donner un nouvel élan au bilinguisme dans les régions françaises.

À ce sujet, madame la ministre, permettez-moi une suggestion : la suppression de la publicité à la télévision publique étant envisagée, pourquoi ne pas attribuer, lorsque cela est possible, les créneaux ainsi libérés aux langues régionales ?

Dans un courrier adressé mardi dernier au Premier ministre, le président du conseil régional de Bretagne a demandé l’introduction d’un droit à l’expérimentation dans la Constitution, afin de développer et de mettre en œuvre une véritable politique linguistique en adéquation avec les attentes des citoyens.

S’agissant de cet enjeu de la sauvegarde et de la transmission des langues régionales, le Sénat, représentant des collectivités territoriales, devrait adopter avec force des positions claires, réalistes et ambitieuses, comme beaucoup d’entre nous l’ont fait cet après-midi : ratification des dispositions de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires compatibles avec la Constitution ou, le cas échéant, soutien à la régionalisation au travers de la mise en place d’un droit à l’expérimentation en matière de politique linguistique publique, et ce d’une manière sereine et positive.

C’est la condition pour redonner du contenu et du sens à une démocratie de proximité, certes enracinée dans une histoire bien particulière à laquelle nous tenons, mais ouverte sur le monde et porteuse d’une diversité culturelle reconnue et valorisée.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gillot

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, évoquer, au lendemain de sa mort, la mémoire d’Aimé Césaire, me semble de circonstance dans un débat sur les langues régionales ou minoritaires, parce que s’il y a un mot qu’il a affirmé avec une foi laïque et citoyenne, c’est bien le mot : « identité » !

C’est ce mot-là qui doit être au cœur de notre réflexion ; c’est ce mot-là qui nous impose de faire preuve d’ouverture d’esprit, de responsabilité et de courage à une époque où les cultures sont prises entre la déferlante de la mondialisation et la volonté de perdurer, de s’affirmer et de rayonner.

C’est en vertu du respect légitime des identités qu’une grande nation comme la France ne peut répondre ni par la surdité législative, ni par la contorsion politique, ni par la cécité culturelle à la demande de ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

En effet, de la Guadeloupe à la Martinique, de la Martinique à la Guyane, de la Guyane à la Réunion, de la Réunion à la Nouvelle-Calédonie, sans oublier les Comores, Wallis et Futuna, Tahiti, des langues chantent, pleurent, rient pour exprimer les héritages, les filiations, les domiciliations, les inflexions qui singularisent, ici ou là, la condition humaine.

Dans l’Hexagone même, le succès extraordinaire du film Bienvenue chez les Ch’tis confirme, si besoin était, la conscience des langues régionales et des langages du terroir.

Disant cela, je ne fais l’éloge d’aucun passéisme ni d’aucun folklorisme. C’est au présent et, surtout, à l’avenir que je pense. En effet, les langues minoritaires, loin d’être des langues résiduelles ou bâtardes, sont des langues à part entière. Elles méritent, à ce titre, le respect de tous et, mieux encore, le respect de la nation.

En effet, non seulement la France ne va pas disparaître parce qu’elle aura consacré, soutenu, développé le principe d’un pluralisme linguistique, mais elle s’enrichira, au contraire, d’une diversité résolument moderne. Elle permettra à ses différentes composantes de valoriser des pans de cultures, des parts d’humanité, des éclats d’imaginaires. C’est dans ce terreau-là que surgira, avec vigueur, l’identité d’une France résolument plurielle et fortement unie. Vous le savez mieux que moi, mes chers collègues, l’unité n’est pas l’uniformité !

L’enjeu de la question des langues régionales est de donner des fondements juridiques au multilinguisme français.

Je ne saurais, dans ce débat, occulter la question du créole. Si de notables avancées visent à faire oublier le mépris d’hier, on ne peut, pour le moment, crier victoire. Le créole, toujours chichement enseigné, encore englué dans des suspicions « coloniales », y compris de la part des parents d’élèves, demeure mal soutenu, alors même que les expériences menées établissent que l’enseignement du créole ne nuit en rien à celui du français.

Plutôt que de nous enfermer dans une dichotomie opposant langue nationale et langue régionale, il faudrait, au contraire, favoriser l’une et l’autre dans le cadre d’une politique linguistique généreuse, cohérente et humaniste. Astérix vient d’être édité en créole : c’est une fierté pour les créolophones, et c’est également un cadeau que le créole fait à tous les francophones ! C’est le refus de l’ouverture qui engendre les communautarismes, les frustrations et parfois les blessures. Aucune langue n’est petite pour ceux qui l’habitent !

Aussi, je formule le vœu que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires soit ratifiée, sous peine de rétrécir linguistiquement une France qui mérite mieux que des refus obstinés et des aveuglements culturels. Les langues aussi ont besoin de liberté, d’égalité et de fraternité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l’UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication

Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, en évoquant la place des langues régionales dans notre société et les mesures qui pourraient être prises pour la consolider, M. Alfonsi nous a invités à ouvrir dans cette enceinte un débat dont les termes et la portée ont toujours passionné nombre de nos concitoyens.

Aborder la question des langues régionales, des langues des Français, c’est, en effet, toucher directement à l’idée que l’on se fait de l’identité nationale, à la manière dont elle s’exprime, aux représentations que l’on y attache. La place des langues dans la société intéresse la dimension publique de la vie, en même temps qu’elle touche à l’intime en chacun de nous. En l’évoquant, nous nous situons toujours sur le double registre du rapport à autrui, puisque toute langue est un outil de communication, et du rapport à soi-même, puisque toute langue est aussi un marqueur d’identité.

Or, depuis une dizaine d’années, cette question est récurrente. Régulièrement, à l’occasion de modifications constitutionnelles, le sujet de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires s’invite dans les assemblées. Nos concitoyens attendent légitimement que les pouvoirs publics leur apportent une réponse sans ambiguïté sur ce point.

Il ne faut pas oublier les conditions dans lesquelles ce texte a vu le jour.

Promulgué en 1992, au lendemain de la chute du mur de Berlin, il répondait notamment à la nécessité de protéger des minorités que le nouvel ordre des choses en Europe centrale pouvait bousculer.

Tout autre est évidemment la situation en France, où s’est développé progressivement un enseignement des langues régionales, où les diverses expressions culturelles, soutenues par l’État et les collectivités locales, se voient accorder une large place par les médias. Pour être souvent jugées insuffisantes, ces avancées n’en sont pas moins bien réelles.

Si la France a signé la charte en 1999, elle n’a pas pu la ratifier, le Conseil constitutionnel ayant jugé qu’elle comportait des clauses contraires à la Constitution. Notre position n’a évidemment pas changé, et la charte ne sera pas ratifiée. Je l’ai dit la semaine dernière à l’Assemblée nationale : le Gouvernement, autant pour des raisons pratiques que pour des raisons de principe, ne souhaite pas modifier la Constitution dans un sens qui permette la ratification.

Sur le plan des principes, le Conseil constitutionnel a estimé que la charte conférait des droits spécifiques et imprescriptibles à des groupes de locuteurs à l’intérieur de territoires, ce qui portait atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français.

Or ces principes fondamentaux s’opposent, selon le Conseil constitutionnel, à ce que soient reconnus des droits collectifs à quelque groupe que ce soit, défini par une communauté d’origine, de culture, de langue ou de croyance.

Il a également considéré que les dispositions énoncées dans le préambule de la charte, ainsi que dans les parties I et II, n’étaient pas dépourvues de portée normative : elles sont contraires au premier alinéa de l’article 2 de la Constitution, aux termes duquel « la langue de la République est le français », en ce qu’elles tendent à reconnaître un droit à pratiquer une autre langue que le français, au-delà de la vie privée, dans la sphère publique, à laquelle la charte rattache la justice, les autorités administratives et les services publics.

C’est donc sur un double terrain, celui de l’atteinte aux principes fondamentaux de la République et de la méconnaissance de la primauté du français dans la sphère publique, que le Conseil constitutionnel s’est placé pour affirmer que la charte comportait des dispositions contraires à la Constitution.

Nos concitoyens sont naturellement attachés à ces principes, sur lesquels nous ne souhaitons pas revenir, de même, j’en suis persuadée et cela a été dit, que la représentation nationale. C’est d’ailleurs pour ce motif précis que le Président de la République s’était déclaré défavorable à la ratification de la charte lors de la campagne électorale présidentielle.

Toutefois, au-delà de la décision du Conseil constitutionnel, il faut avoir présentes à l’esprit des considérations d’ordre institutionnel, pratiques et financières qui, prises ensemble, confortent le Gouvernement dans son intention de ne pas ratifier la charte.

Ainsi, il n’est, à l’évidence, pas souhaitable qu’une administration nationale ou territoriale soit obligée de s’exprimer dans la langue d’une région donnée. L’instauration d’une condition incontournable de maîtrise de cette langue régionale pour être recruté en tant que fonctionnaire pourrait, en effet, être une conséquence logique de la ratification de la charte.

Ne perdons pas de vue non plus l’existence de difficultés d’ordre pratique, difficultés liées d’abord au nombre de langues concernées. Lorsque la question du champ d’application de la charte s’est posée en 1999, quelque soixante-dix-neuf langues, dont trente-neuf pratiquées outre-mer, ont été identifiées et regroupées sous la dénomination de « langues de France ».

S’agissant de la France métropolitaine, cet ensemble comprenait toutes les langues visées par la loi Deixonne : le basque, le breton, le catalan, le gallo, la langue mosellane, la langue régionale d’Alsace et la langue d’oc dans ses différentes variétés, auxquelles s’ajoutaient notamment le flamand occidental, le franco-provençal et la langue d’oïl, ainsi que cinq autres langues parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République, à savoir le berbère, l’arabe dialectal, le yiddish, le romani et l’arménien occidental.

Signe indiscutable de la richesse du patrimoine linguistique de notre pays, cette liste impressionnante souligne aussi la difficulté qui serait la nôtre de fixer le périmètre d’application de la charte, d’autant que celle-ci ne fournit pas d’indications sur les critères d’éligibilité, par exemple le nombre minimal de locuteurs. Le risque de dispersion de l’aide et des moyens au détriment des langues les plus représentatives serait réel.

J’attire également votre attention sur le coût que représenterait cette ratification.

La France a établi, lors de la signature de la charte, une liste de trente-neuf engagements auxquels elle se proposait de souscrire. Parmi ceux-ci figurait l’engagement de rendre accessibles dans les langues régionales ou minoritaires les textes législatifs nationaux les plus importants, à moins que ces textes ne soient déjà disponibles autrement.

La France proposait également de prendre l’engagement de permettre ou d’encourager la publication par des collectivités territoriales des textes officiels dont elles sont à l’origine dans lesdites langues, ainsi que l’emploi ou l’adoption des formes traditionnelles de la toponymie dans ces mêmes langues.

Tels qu’ils sont formulés, ces engagements, au demeurant parfaitement conformes à notre droit, ne relèvent pas en eux-mêmes d’une obligation : permettre ne signifie pas imposer ! C’est leur combinaison avec le préambule de la charte qui leur donne un caractère obligatoire. Pour l’État comme pour les collectivités locales, le refus de traduire un texte en une langue régionale pourrait sans doute être contesté devant les tribunaux sur le fondement de ce droit imprescriptible de parler une telle langue.

On peut donc imaginer le poids, pour les finances publiques, d’une obligation de traduction : il serait proportionnel au nombre de langues retenues, et cette obligation concernerait non seulement les textes futurs, mais également notre « stock » législatif !

Enfin, il y a, au plus profond de la décision du Gouvernement de ne pas ratifier la charte, la conscience que la question de la langue a toujours revêtu dans notre histoire une dimension particulière, notamment depuis que l’ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 a imposé aux parlements et aux tribunaux l’usage du français. La situation de notre pays, dont le patrimoine linguistique est le plus riche d’Europe, n’est pas la même que celle des grands pays occidentaux qui ont ratifié la charte.

Cependant, comme l’a fait observer le Conseil constitutionnel et l’a judicieusement rappelé M. Alfonsi, les trente-neuf mesures que la France se proposait d’appliquer en cas de ratification, y compris les deux mesures relatives à la traduction que je viens de citer, sont toutes conformes à notre cadre légal et réglementaire ; d’ailleurs, la France les applique déjà largement.

J’en veux pour preuve que, dans notre système éducatif, plus de 400 000 élèves suivent un enseignement de langue régionale aux différents niveaux des secteurs public et privé. Ces effectifs, en particulier dans le primaire, ont connu, ces dernières années, une augmentation spectaculaire, décuplant en dix ans, triplant au cours des cinq dernières années, selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale. À une demande sociale forte, l’éducation nationale s’emploie à répondre en formant notamment de nombreux enseignants.

Aux termes de la loi de 2005 d’orientation et de programme pour l’avenir de l’école, dite « loi Fillon », l’enseignement des langues régionales s’inscrit dans un partenariat étroit avec les collectivités territoriales, qui peuvent désormais s’investir au travers de la signature de conventions. L’école se substitue d’ailleurs largement aux familles puisque, actuellement, seul un Français sur huit environ a peu ou prou acquis par héritage la connaissance d’une langue régionale, qu’il ne transmet à son tour que dans un tiers des cas.

Pour ce qui concerne les médias, l’un des deux principaux vecteurs de la transmission des langues régionales, l’action du Gouvernement s’attache d’abord à élaborer et à faire respecter une réglementation libérale assurant la libre expression des langues régionales.

Debut de section - Permalien
Christine Albanel, ministre

Mme Christine Albanel, ministre. Aucun obstacle ne doit venir l’entraver. Ainsi, à titre d’exemple, les dispositions qui restreignaient l’octroi des aides à la presse hebdomadaire régionale aux publications de langue française ont été étendues en 2004 aux langues régionales en usage en France.

M. Jean-Louis Carrère fait un signe de dénégation.

Debut de section - Permalien
Christine Albanel, ministre

Dans le champ audiovisuel, les sociétés qui exercent des missions de service public doivent, aux termes de la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, mettre en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Les cahiers des charges de Radio France, de RFO et de France 3 traduisent cette obligation et s’efforcent de la mettre en œuvre. Certes, les résultats sont inégaux selon les antennes, et le temps accordé aux langues régionales dans l’audiovisuel public est sans aucun doute trop faible. Encore faut-il savoir que, chaque jour, en particulier outre-mer, ce sont plusieurs centaines de programmes qui sont diffusés sur le territoire français dans une dizaine de langues régionales.

Dans le domaine de la culture, enfin, nous donnons la priorité au soutien à la création artistique en langues régionales. Notre objectif est que cette production, si méconnue, souvent d’une grande richesse et d’une grande originalité, soit partie intégrante et agissante de notre environnement culturel.

C’est la raison pour laquelle le ministère de la culture encourage les secteurs où se jouent et se forgent la modernité et les légitimités culturelles, du multimédia au théâtre et au cinéma, sans oublier bien entendu le livre, qui demeure le principal outil de développement culturel. Il ne saurait être appliqué un traitement particulier aux créateurs selon la langue qu’ils choisissent. La qualité des œuvres doit rester le seul critère de sélection.

Nous souhaitons inscrire la pluralité linguistique interne dans le débat général sur le plurilinguisme. L’unité sur laquelle s’est construit notre pays n’appelle pas la conformité à un seul modèle. La nation a, au contraire, besoin du dialogue, des confrontations et des contradictions qui animent la vie démocratique. Les langues régionales sont l’instrument et l’expression mêmes de la pluralité culturelle sans laquelle la France ne serait plus fidèle à elle-même. La grande leçon, c’est que l’identité française peut se dire en plusieurs langues ; sachons donc exprimer notre attachement à une France politiquement et culturellement plurielle.

Il reste que, s’il existe des dispositions législatives et réglementaires qui autorisent l’usage des langues régionales en France, elles sont mal connues, de sorte que les réelles marges de manœuvre offertes en la matière ne sont pas suffisamment exploitées.

On constate ainsi une grande méconnaissance de l’état actuel du droit. Qui par exemple, y compris parmi les parlementaires et les élus, sait qu’une collectivité territoriale peut publier les actes officiels qu’elle produit dans une langue régionale, dès lors que ces textes apparaissent comme une traduction du français, seule version à faire foi puisque la langue de la République est le français ? Les dispositions qui régissent l’emploi des langues de France et les possibilités offertes par les textes sont disséminées et fragmentées. Un effort de codification et de normalisation s’impose donc. Nous avons besoin d’un cadre de référence qui nous permette d’y voir plus clair, qui organise et mette en cohérence ce qui existe et qui offre une perspective aux développements nouveaux de la demande sociale et des mentalités.

Un texte de loi donnant une forme institutionnelle au patrimoine linguistique de la nation et servant de cadre de référence est par conséquent nécessaire.

Tout en récapitulant les dispositions existantes, il ouvrira la voie à une véritable avancée en matière de démocratie culturelle dans notre pays et comportera des mesures concrètes dans les domaines de l’enseignement, des médias, des services publics, de la signalisation et de la toponymie. Étant originaire de l’Ariège et de Toulouse, je profite d’ailleurs moi-même de la double dénomination, évoquée par plusieurs orateurs, désignant nos rues et nos localités.

Ces mesures très concrètes viseront à sécuriser l’usage des langues régionales dans notre société, conformément au souhait qui avait été émis par le Président de la République et dans le respect des valeurs de notre République. Elles devraient intervenir assez rapidement, c'est-à-dire dans le courant de l’année 2009, et le Gouvernement attend, bien sûr, de la représentation nationale qu’elle apporte tout son concours à l’élaboration du texte. Différentes suggestions touchant aux grands domaines qui seront directement concernés ont d’ailleurs déjà pu être formulées aujourd'hui.

Pour autant, soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous n’oublions pas que la langue française demeure le socle sur lequel se fonde notre pays, ainsi que l’accès au savoir, aux œuvres, aux technologies, et sans lequel il ne saurait y avoir d’intégration réussie.

Comme le rappelait le Premier ministre, elle est, au plus profond, le lien qui nous rassemble autour des valeurs de la République. Je lui soumettrai d’ailleurs prochainement une circulaire sur l’emploi du français dans les services publics.

Le rappel de quelques grands principes me paraît à cet égard indispensable à la veille de la présidence française de l’Union européenne. C’est en maintenant la force du lien de confiance de nos concitoyens avec la langue française que nous pourrons dans le même temps bâtir une politique audacieuse en faveur des langues régionales, afin que nous n’arrivions jamais à cette situation catastrophique, envisagée, comme le rappelait M. Alfonsi, par Georges Dumézil, où une langue n’est plus parlée que par une poignée de locuteurs, ce qui représente une véritable perte de patrimoine.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous en avons terminé avec cette question orale.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse [nos 269 (2006-2007) et 307].

Dans la discussion générale, la parole est à M. Ladislas Poniatowski, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires économiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, permettez-moi tout d’abord d’exprimer ma satisfaction de voir cette proposition de loi, que j’avais déposée en février 2007, venir aujourd’hui en discussion à la suite de la décision du bureau du Sénat de l’inscrire à l’ordre du jour de notre assemblée, à la demande du groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Cette proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, à laquelle vous me permettrez aussi d’associer mes soixante-dix collègues ayant manifesté le souhait d’en être cosignataires, est le fruit d’un travail mené avec les acteurs du monde de la chasse, en amont notamment de l’élection présidentielle. J’espère, monsieur le secrétaire d'État, que son examen pourra ensuite rapidement être poursuivi à l’Assemblée nationale.

Je me dois, mes chers collègues, de faire d’entrée un rappel, qui va rassurer mais peut-être aussi décevoir certains d’entre vous : il n’est nullement question aujourd’hui de rouvrir un débat sur les grands équilibres entre la chasse et la non-chasse ou entre la chasse et d’autres activités, notamment agricoles ou sylvicoles. Cette proposition de loi a pour objet non pas d’instaurer un nouveau cadre des activités cynégétiques, mais simplement de permettre quelques améliorations ponctuelles en restant à l’intérieur du cadre existant, mis en place par la loi du 30 juillet 2003 relative à la chasse et par la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR ».

Ma conviction est en effet que le temps des grandes polémiques sur la chasse est passé. Beaucoup de chemin a été parcouru depuis trois ans. Les chasseurs sont aujourd’hui reconnus comme des acteurs responsables d’une gestion équilibrée des écosystèmes et, dans certaines régions, on s’inquiète déjà des conséquences d’un non-renouvellement des générations de chasseurs sur le développement durable des territoires.

Mon ambition est précisément de lever les obstacles ou les entraves, souvent très concrètes, qui ne permettent pas aux chasseurs ou à leur fédération de jouer pleinement leur rôle.

À cette fin, le texte initial visait deux objectifs : clarification et simplification.

La clarification du droit existant consiste en fait à lever des ambiguïtés liées à l’interprétation de dispositions nouvelles introduites en 2003 et en 2005, ainsi que par la loi du 26 juillet 2000, dite « loi Voynet ».

Quant à l’objectif de simplification, il procède d’une volonté de faciliter la vie quotidienne des acteurs de la chasse.

Ces deux objectifs sont complétés par la volonté de régler deux problèmes plus spécifiques : celui du « nomadisme » des permis nationaux, d’une part, et celui des dégâts de gibier liés aux territoires non chassés, d’autre part.

Quant aux conclusions adoptées le 30 avril dernier par la commission des affaires économiques et qui vous sont aujourd’hui soumises, mes chers collègues, elles ont conservé l’orientation générale du texte.

En effet, en ajoutant onze nouveaux articles aux onze articles de la proposition de loi initiale, la commission a complété à la fois le volet « clarification » et le volet « simplification » du texte.

Aux deux problèmes spécifiques traités par la proposition de loi, à savoir le « nomadisme » des permis et les dégâts de gibier, la commission a ajouté une troisième question, celle du sabotage des actions de chasse.

Permettez-moi maintenant de vous présenter plus précisément les vingt-deux articles que la commission a adoptés à l’unanimité le 30 avril. Je me propose de le faire non pas nécessairement de façon linéaire, mais en reprenant les trois axes déjà évoqués : la clarification, la simplification et le règlement de problèmes particuliers.

Au titre de la clarification, l’article 1er de la proposition de loi vise à dissiper toute ambiguïté quant au fait que les schémas départementaux de gestion cynégétique créés en 2000 doivent comprendre des mesures de sécurité, alors que le droit actuel laisse subsister une incertitude quant à l’articulation des règles de sécurité prévues à l’échelon départemental et de celles qui sont prises à l’échelon national par décret en Conseil d’État.

L’article 2 permet de mettre fin à cette incertitude en supprimant le renvoi à ce décret, qui n’est toujours pas intervenu, après huit ans, pour des raisons dont nous aurons, je crois, l’occasion de reparler lors de la discussion des articles.

L’article 3 vise utilement à compléter les dispositions en vigueur en prévoyant des sanctions spécifiques en cas de non-respect des schémas départementaux de gestion cynégétique. En effet, l’inexistence actuelle de telles sanctions laisse, en pratique, planer un doute sur la force obligatoire de ces schémas.

Dans le même esprit, l’article 9 tend à combler une lacune du droit actuel en prévoyant que les gardes particuliers et les agents de développement des fédérations de chasseurs agissant dans le cadre d’une convention de garderie pourront procéder à la saisie du gibier tué illégalement.

Quant à l’article 10, il vise à réparer une erreur de transcription de dispositions de la loi du 23 février 2005 qui aboutit à priver de son effectivité une disposition relative aux infractions les plus graves au droit de la chasse en limitant l’augmentation des peines pour circonstances aggravantes à un seul type d’action répréhensible, à savoir la détention d’instruments ou d’engins de chasse interdits, alors que le texte avait aussi pour objet d’en viser cinq autres, parmi lesquels le fait de chasser dans les réserves ou sur le territoire d’autrui sans y être autorisé.

Une erreur matérielle s’étant glissée dans la première version des conclusions de la commission, j’ai publié un erratum au feuilleton afin d’ôter toute ambiguïté.

S’agissant toujours du volet de la clarification des textes, l’article 16 a pour objet de trancher les hésitations jurisprudentielles liées à l’interprétation de l’article L. 141-1 du code de l’environnement concernant l’agrément des fédérations au titre de la protection de l’environnement.

Cet article du code a été complété en ce sens par la loi DTR, mais des doutes semblent subsister. Le présent texte vise à les lever en reconnaissant par la loi aux fédérations de chasseurs la qualité d’associations agréées pour la protection de l’environnement, disposition que nos collègues socialistes proposeront d’amender.

Enfin, l’article 18 tend à clarifier la volonté du législateur en précisant que la loi de 2005 avait bien pour objet d’autoriser les associations communales de chasse agréées à utiliser la délivrance de cartes de chasse temporaires comme l’un de leurs moyens de financement.

J’en viens maintenant au volet relatif à la simplification du droit et à la facilitation de la vie des chasseurs.

Afin de faciliter l’accès à la chasse lorsque cela peut être efficace, c’est-à-dire au stade de la première démarche, il est proposé, à l’article 4, d’abaisser le coût du permis de chasser lors de la délivrance du permis pour les jeunes de seize à dix-huit ans et, aux articles 5 et 6, de diminuer le coût de la validation annuelle du permis à l’occasion de la première validation annuelle pour tous les nouveaux chasseurs.

L’article 5 prévoit une baisse de 50 % de la redevance payée à l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, ce qui devrait représenter 450 000 euros, soit 0, 6 % du montant total de la redevance perçue.

Quant à l’article 6, il prévoit une baisse de la cotisation fédérale due pour la première validation. J’invite vivement les fédérations départementales de chasseurs à respecter l’esprit de cette mesure, c'est-à-dire à diminuer de 50 % le montant de leurs cotisations.

En ce qui concerne les pertes immédiates de recettes pour l’État résultant de l’article 4, évaluées à 95 000 euros, elles sont classiquement gagées par une augmentation des droits sur les tabacs par le biais de l’article 22.

Par ailleurs, l’article 8 de la proposition de loi prévoit l’amélioration des droits des chasseurs en cas de demande de restitution de permis à la suite de la suspension de celui-ci. Il est prévu que le chasseur concerné soit entendu par le juge à cet effet.

Au regard de l’objectif de simplification, il est important de signaler qu’un certain nombre d’articles visent très directement à alléger ou à supprimer des formalités inutiles ou disproportionnées, s’inscrivant en cela dans l’effort continu mené depuis 2002 dans tous les domaines au titre de la simplification administrative.

Il en est ainsi de l’article 13, qui vise à assouplir le droit applicable en Alsace-Moselle pour l’aligner sur le droit national en matière de liberté de transport du gibier.

De même, l’article 14 tend à rétablir une ressource issue des terrains militaires pour les fonds d’indemnisation des dégâts de sangliers dans ces départements.

Quant à l’article 15, il a pour objet d’assouplir les possibilités de financement de ce fonds, qui sont aujourd’hui plus contraignantes que dans le reste du pays, notamment parce qu’il n’est à l’heure actuelle pas possible d’y instaurer un « bracelet sanglier » équivalent au « bracelet grand gibier » tel qu’il existe dans de nombreux départements français.

Enfin, la commission a également souhaité faire œuvre de simplification en supprimant quelques règles obsolètes, telles que l’obligation de marquage des parties de gibier partagées à l’issue d’une chasse, qui est aujourd’hui imposée pour en permettre le transport, et ce alors même que c’est sur le terrain et non dans les coffres des véhicules que le contrôle de respect du plan de chasse est effectué. Tel est l’objet de l’article 19.

S’agissant de l’article 20, il avait initialement pour objet de lever l’interdiction actuelle relative à la détention, au transport et à la naturalisation de certains animaux classés nuisibles. Or la parution d’un texte réglementaire au Journal officiel de ce dimanche 11 mai lui a fait perdre sa raison d’être ; c’est pourquoi la commission l’a supprimé lors de sa réunion de cet après-midi.

L’article 21 procède du même esprit, en libéralisant l’utilisation du grand duc artificiel qui, tenez-vous bien, fait, elle aussi, l’objet d’une interdiction administrative à certaines périodes !

Je terminerai cette présentation par le troisième aspect du texte, consistant à compléter les mesures de clarification et de simplification en réglant des problèmes lancinants pour certains d’entre eux et plus récents, mais très inquiétants, pour d’autres.

Le premier de ces problèmes est celui du « nomadisme » imputable à certains chasseurs, qui consiste à valider un permis national non pas dans son département de résidence, mais dans un département où la cotisation est plus faible, et ce au détriment de la fédération du lieu où l’on réside ou de celui où l’on chasse effectivement.

Le texte vise à instaurer un système neutralisant l’effet de ces différences de prix, au moyen non plus d’un système de compensation indirecte entre fédérations tel que proposé dans le texte initial, mais d’un système beaucoup plus simple, prévu à l’article 7, consistant tout simplement à fixer un prix national unique pour la validation du permis national.

Le deuxième problème spécifique abordé au travers de ce texte a trait à l’indemnisation des dégâts de gibier causés par les animaux qui prolifèrent sur des territoires dépourvus de plans de chasse. La solution proposée à l’article 12 consiste à soumettre les propriétaires à une obligation de gestion qui, si elle n’est pas exécutée, ouvrira droit, pour le fonds d’indemnisation, de se retourner contre le propriétaire du terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cette obligation de gestion prend la forme d’une sorte de « plan de chasse » imposé par le préfet, que nous avons appelé « plan de tir ».

En termes d’indemnisation, cela revient, en fin de compte, à reprendre les dispositions qui existent déjà concernant les opposants de conscience aux associations communales de chasse agréées, les ACCA, mais qui ne s’appliquent, par définition, que lorsque ces dernières existent, c’est-à-dire dans seulement un tiers des communes françaises.

Enfin, le troisième problème spécifique traité, pour la première fois, par le présent texte est celui des commandos anti-chasse, dont l’action ne cesse de se développer depuis 2006, par le recours à des méthodes violentes déjà en vigueur dans les pays anglo-saxons.

Ces actions ne concernent plus seulement la chasse à courre, mais affectent aussi les chasses à tir, avec des risques évidents pour la sécurité des personnes et des animaux. Je pense, en particulier, aux chiens, déjà victimes des agissements des commandos. Pourtant, les auteurs de ces actes semblent bénéficier aujourd’hui d’un certain sentiment d’impunité, ce qui les conduit, par exemple, à passer des petites annonces dans la presse locale pour recruter, selon leurs propres termes, des « saboteurs » d’actions de chasse…

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Si ces pratiques sont inacceptables, notre droit pourrait n’être pas parfaitement adapté à l’appréhension de ces situations dans la mesure où le droit pénal correctionnel ne concerne que les actions les plus graves, lourdement punies après une procédure relativement longue et complexe.

À titre subsidiaire, c’est-à-dire en l’absence de poursuites correctionnelles, il m’a semblé qu’une réponse plus pertinente consisterait à prévoir une peine contraventionnelle de cinquième classe pour « délit d’entrave à la chasse », ce qui aurait notamment le mérite de donner lieu à une procédure plus légère devant le tribunal de police.

J’insiste sur le fait que cet article a été introduit par la commission après avoir reçu un avis favorable des représentants des associations de défense de la nature et des animaux, que j’ai auditionnés.

C’est d’ailleurs le souci d’obtenir le consensus le plus large qui a guidé l’ensemble des travaux de la commission et qui a abouti à l’adoption à l’unanimité des conclusions que je viens de présenter.

Ce souci du consensus m’a notamment conduit à ne pas reprendre dans ce texte un certain nombre de propositions que je souhaitais formuler, s’agissant, par exemple, du cadre juridique des chasses professionnelles, aussi appelées « chasses commerciales ». J’ai en effet considéré que ces sujets nécessitent encore un dialogue entre l’ensemble des acteurs de la préservation de l’équilibre de la faune sauvage, en particulier dans le cadre de la table ronde organisée par le ministère de l’écologie et du développement durable, présidée par mon collègue député Jérôme Bignon, président du groupe d’études « chasse » à l’Assemblée nationale, et à laquelle j’aurai l’honneur de participer.

J’ai en effet la conviction profonde que bien que le temps des grandes polémiques soit aujourd’hui révolu, mais aussi précisément parce que ce temps est révolu, il est de notre responsabilité de faciliter tous les échanges entre l’ensemble des parties prenantes.

De ce point de vue, je voudrais déplorer très solennellement que l’État a vraisemblablement gâché de réelles occasions de dialogue en ne permettant pas la réunion de l’Office national de la faune sauvage et des habitats. En effet, cet observatoire ne s’est pas réuni depuis 2005, alors que, par sa composition tripartite – administrations techniques, chasseurs et associations de protection – et par ses attributions, il est le lieu naturel d’échange sur ces sujets.

En octobre 2008, l’observatoire devra rendre son rapport trisannuel général sur l’état de la faune sauvage. Or, n’ayant pas travaillé, il ne pourra bien sûr pas le faire. Monsieur le secrétaire d’État, faites-vous, s’il vous plaît, l’interprète du monde de la chasse pour éviter que ce triste événement ne se reproduise ! Nous avons tant à gagner au dialogue, et quand je dis « nous », je songe non seulement aux acteurs les plus engagés sur ces questions, mais aussi, très concrètement, à l’équilibre de nos écosystèmes et au développement durable de nos territoires.

C’est en tous cas dans cet esprit, mes chers collègues, que je vous propose d’adopter les conclusions de la commission des affaires économiques sur cette proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de la chasse, texte qui se veut avant tout modeste et pragmatique et qui sera, je l’espère, efficace.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire

Madame le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite, tout d’abord, excuser M. le ministre d’État Jean-Louis Borloo, retenu, à cette même heure, à l’Assemblée nationale par l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

La chasse est non seulement au cœur du territoire français, au cœur des pratiques des hommes et des femmes qui y vivent, mais elle prend aussi toute sa part dans le projet de développement durable pour notre pays. Elle est également inscrite dans le travail que mène notre grand ministère pour faire face aux défis d’un monde changeant, où la culture, l’économie et l’écologie doivent se combiner afin de définir les modalités d’un « vivre ensemble » qui soit respectueux de notre environnement.

Je tiens, à cet instant, à remercier le sénateur Ladislas Poniatowski, président du groupe « chasse et pêche » du Sénat. Son travail constant et de grande qualité doit être souligné, de même que son implication au service du développement de l’activité cynégétique. Cette proposition de loi que nous examinons aujourd’hui en première lecture est d’ailleurs un témoignage, parmi d’autres, de son action. Permettez-moi également d’exprimer ma gratitude au président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Émorine, et à l’ensemble des membres de celle-ci pour leur contribution.

La Haute Assemblée n’a pas examiné de dispositions relatives à la chasse depuis plusieurs mois. Il est vrai que le Président de la République a invité à une « pause » dans l’élaboration de lois relatives à la chasse, en soulignant toutefois l’intérêt de procéder, quand elle est nécessaire, à la simplification des textes, qui, sur ce sujet, foisonnent.

Le Gouvernement souhaite s’engager activement dans un travail de fond sur la chasse. Le rythme des réformes, toutes aussi urgentes les unes que les autres, et, pour le ministère, la conduite du Grenelle de l’environnement ont, il est vrai, imposé que ce travail soit mis en attente ces derniers mois. Il est donc grand temps maintenant de s’y atteler !

Dans cette perspective, une concertation avec tous les acteurs de la chasse, associés aux usagers du monde rural, notamment les agriculteurs, les forestiers, les propriétaires fonciers et les associations de protection de la nature, est mise en place afin d’aboutir à la formulation de propositions de fond qui permettront à l’activité cynégétique un développement durable et une assise solide pour l’avenir. La présence à cette table ronde du député Jérôme Bignon, qui la préside, et de M. Ladislas Poniatowski constitue un gage de succès et de qualité.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Ce travail, qui doit se dérouler jusqu’à l’été, portera, entre autres sujets, sur la connaissance et le développement de l’économie de la chasse. Les outils d’une valorisation durable des territoires et des activités cynégétiques doivent faire l’objet de propositions pratiques et originales, tant il est vrai que le potentiel est important.

La table ronde devra permettre d’envisager les modalités de production d’une connaissance partagée et reconnue par tous de l’état des populations de gibiers. Des options pour faire fonctionner au mieux l’Observatoire national de la faune sauvage devront être clairement dégagées ; il s’agit là d’une réponse à l’une de vos préoccupations, monsieur le rapporteur.

C’est sur la base de résultats scientifiques reconnus par tous que nous pourrons enfin apaiser les débats douloureux relatifs aux dates de chasse, et proposer les évolutions et les simplifications nécessaires.

Enfin, la table ronde devra déboucher sur des solutions pratiques pour permettre aux chasseurs de travailler activement avec les agriculteurs, les forestiers et les gestionnaires d’espaces naturels, en vue de favoriser le développement d’une chasse responsable sur nos territoires ruraux. L’existence de synergies entre le développement de terroirs cynégétiques, multifonctionnels, et la qualité agricole et environnementale des campagnes n’est plus à démontrer.

Il reste cependant à développer les outils nécessaires, par l’action agro-environnementale, la conclusion de partenariats avec les équipes de développement des fédérations de chasseurs et l’animation du secteur.

Par ailleurs, à la suite des travaux menés dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, nous souhaitons consolider une police de la nature, de la chasse et de l’eau, en rapprochant, notamment, les agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et ceux de l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques.

Une telle évolution sera tout à fait positive, me semble-t-il : placés sous l’autorité des préfets et des directions départementales de l’équipement et de l’agriculture, ces agents constitueront ainsi une force unifiée. La spécificité de la police environnementale sera réaffirmée, dans le cadre d’une articulation rapprochée avec les autres forces de police, notamment la gendarmerie. L’efficacité des offices en sortira, je l’espère, renforcée.

Cette phase d’élaboration doit aboutir, dès cet été, à une série de propositions concrètes, législatives, programmatiques ou techniques, afin de développer une chasse responsable, dans ses aspects économiques comme du point de vue de l’écologie durable.

C’est ainsi que nous souhaitons construire un programme ambitieux pour le quinquennat en matière cynégétique, sur le fond, mais aussi – soyez-en assurés, mesdames, messieurs les sénateurs – sans tabou.

Le Gouvernement accueille donc la proposition de loi que vous examinez aujourd’hui comme une contribution importante à ce processus. Il s'agit d’une première étape qui, selon nous, doit rester centrée sur la simplification des textes, sans préjuger des propositions consensuelles qui émergeront de la table ronde.

Vos débats d’aujourd’hui éclaireront sans aucun doute ce travail, et nous sommes naturellement à votre écoute, mesdames, messieurs les sénateurs. Ici, comme hors de cet hémicycle, le Gouvernement sera particulièrement réceptif aux propositions concrètes, ancrées dans les territoires.

Nous souhaitons des mesures qui consolident les équilibres budgétaires et les institutions publiques et privées chargées du secteur cynégétique. Enfin, nous appelons de nos vœux des propositions qui clarifient et simplifient les textes de loi, au bénéfice d’une chasse comprise par tous, responsable, sécurisée, durable et qui contribue à entretenir des liens de proximité entre tous les acteurs concernés, dans l’ensemble de nos territoires.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je ferai deux remarques pour commencer.

Tout d'abord, je connais bien l’attachement de M. Falco à la Haute Assemblée et son intérêt pour les questions d’aménagement du territoire, y compris quand celles-ci concernent des pratiques comme la chasse. Toutefois, je regrette que, s'agissant d’un texte de cette importance, nous ne puissions débattre avec le ministre compétent …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je le sais ! Là n’est pas le problème. Comprenez-moi bien, mes chers collègues : ce n’est pas la personne qui est en cause, loin s’en faut, mais le titre. Un débat sur la chasse au Sénat mérite, me semble-t-il, un traitement qui soit à la hauteur des enjeux posés par la présente proposition de loi, voilà tout !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ma seconde remarque ne s’adresse pas à M. le secrétaire d'État, ni d'ailleurs à M. le rapporteur.

La chasse constitue un sujet sensible. Or, par-delà nos différences politiques, nous avons souvent prouvé, sur ces travées, que nous pouvions nous accorder sur certains points, au terme de discussions longues mais fructueuses. Il serait donc tout à fait dommage de réunir une table ronde qui ne serait pas pluraliste, d’autant que les sénateurs de l’opposition représentent des zones cynégétiques très importantes, par le nombre de chasseurs comme par la puissance des fédérations qui les regroupent.

Bien sûr, je ne suis pas sans savoir qu’il existe une majorité parlementaire. Mais permettez-moi de vous dire qu’il existe aussi une majorité dans les collectivités locales ! Et, à l’évidence, la chasse se pratique au plus près du terrain. Nous avons la chance de pouvoir dégager des convergences fortes sur un tel sujet, ne nous en privons pas !

J’espère que mon appel sera entendu et qu’un groupe pluraliste sera constitué, comme celui que nous avions formé naguère au Sénat, monsieur le rapporteur, et qui s’était rendu en délégation à Bruxelles avec la ministre chargée de ces questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je crois, en effet, qu’une telle démarche peut être intéressante.

Mais j’en viens au cœur de mon propos.

Je suis surpris d’avoir à débattre de ce texte aujourd’hui, non que la proposition de loi de notre collègue n’ait pas déjà attiré mon attention à la fin du mois de mars, mais parce que le moment d’en discuter me semble curieusement choisi.

En effet, à l’instar du nucléaire, le thème de la chasse avait été exclu des discussions du Grenelle de l’environnement, avec promesse faite aux chasseurs, aux élus et aux autres associations de lancer un processus de concertation spécifique sur ce sujet dès le début de l’année 2008.

Il semble que ce processus mette du temps à s’amorcer, mais, franchement, était-il nécessaire de le faire précéder à toute force par une loi, fût-elle de simplification, même si ce texte ne nous déplaît pas du tout ?

Je le répète, les travaux annoncés par M. Jean-Louis Borloo devaient avoir pour objectif de délimiter des « terrains de consensus », en ce qui concerne tant l’amélioration du fonctionnement de l’observatoire national, l’état de conservation des espèces que les relations contractuelles entre agriculteurs, forestiers et chasseurs, sans oublier l’économie de la chasse.

Le développement de la filière « gibiers », on l’oublie trop souvent, représente des enjeux économiques colossaux, puisque le chiffre d’affaires annuel de ce secteur s’élève à près de deux milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Ces travaux collectifs permettront-ils d’établir des relations suffisamment sereines pour que tous, ou du moins le plus grand nombre, finissent enfin par se mettre d’accord sur des propositions consensuelles en matière de dates d’ouverture et de clôture de la chasse ? En effet, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, cette question empoisonne la vie des parlementaires, parce qu’elle empoisonne celle des chasseurs !

Rien n’est moins sûr, malheureusement, si l’on en croit les méthodes utilisées par votre gouvernement quand il s’agit de mettre en œuvre « l’après-Grenelle ». Et si, en plus, la majorité sénatoriale se laisse aller à la tentation de verser un peu d’huile sur le feu ici où là, on n’a pas fini d’attendre ces accords consensuels !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Une fois n’étant pas coutume, je me référerai au Président de la République : l’an passé, alors qu’il était encore candidat, il avait affirmé souhaiter « une pause » après les trois textes relatifs au droit de la chasse adoptés en huit ans, tout en reconnaissant qu’une mise en cohérence et une simplification du droit en vigueur étaient peut-être nécessaires.

Revenons donc à cette proposition de loi de M. Ladislas Poniatowski. Est-elle un simple texte de mise en cohérence et de simplification ? Oui. Est-elle pour autant consensuelle et sans danger pour la suite des événements ? Mes chers collègues, attention !

Sur les vingt-deux articles qui nous sont proposés, une bonne quinzaine simplifient et mettent en cohérence le droit, je vous en donne acte. Toutefois, plusieurs autres modifient la législation existante et certains pourraient même apparaître comme des chiffons rouges pour les associations de protection de la nature, alors même que, je le reconnais, il s'agit surtout de dispositions d’appel visant à trouver des solutions durables à des problèmes qui se posent réellement sur le terrain. Enfin, d’autres articles prévoient d’authentiques solutions pour mieux organiser le monde de la chasse.

Naturellement, j’évoquerai d’abord les articles qui me posent problème. Par exemple, est-ce en diminuant de moitié le prix des permis et des redevances que nous ferons revenir les jeunes vers ce loisir qu’est la chasse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

On le sait, la chasse se pratique souvent en famille – c’est le cas, notamment, dans la région où j’ai le plaisir de m’adonner à cette pratique. Je trouve donc légitime la crainte de certains de mes collègues et de plusieurs associations quant à l’objectif systématiquement affiché « d’encourager la chasse chez les jeunes ». On ne les incitera pas à chasser comme on leur faciliterait l’accès en boîte de nuit, simplement en diminuant le prix d’entrée : le plus souvent, c’est avec son père ou un parent que l’on va à la chasse, et c’est la famille qui paie le permis nécessaire.

Malgré tout, nous ne souhaitons pas amender ces articles, car nous estimons que la baisse du coût du premier permis peut avoir quelques avantages, sinon pour les jeunes chasseurs, du moins pour les ménages dont ils sont issus.

En revanche, nous proposerons deux amendements à ce texte. Le premier portera sur l’article 12, dont nous estimons qu’il constitue un véritable chiffon rouge et qu’il est particulièrement mal venu. En effet, il reviendrait indirectement sur un droit acquis des propriétaires, qui verraient leur responsabilité financière engagée s’ils refusaient un nouveau « droit de chasser sur leurs terrains » et si l’on considérait que le gibier responsable des dégâts « provient de leurs fonds ».

Pourtant, quand, en 2000, – certains d’entre vous s’en souviennent sans doute, mes chers collègues – la loi relative à la chasse avait prévu une opposition de conscience, permettant à tout propriétaire de refuser la chasse chez lui, c’était non pas pour satisfaire une revendication purement idéologique, mais pour tirer les conséquences d’une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme, qui avait estimé qu’une partie de la loi Verdeille de 1964 portait atteinte au droit de propriété et à la liberté d’association.

Prenons donc garde à ce que la présente proposition de loi n’expose pas la France à une nouvelle procédure et à une nouvelle condamnation : ce serait là, comme on dit dans ma région de rugby, marquer un essai contre son camp ! Nous proposerons donc de supprimer cet article ou du moins de le rédiger de façon à écarter un tel risque, que, j’en suis sûr, personne ici ne veut courir.

Nous proposerons aussi d’amender l’article 16, car nous pensons qu’il est délicat d’octroyer automatiquement à toutes les fédérations et à la Fédération nationale l’agrément d’association de protection de la nature. En revanche, nous estimons, comme bien d’autres, qu’il faut résoudre les imbroglios juridiques nés des recours intentés contre les décisions des préfets qui ont reconnu cette qualité à certaines fédérations. C’est pourquoi nous vous proposerons un amendement sur ce point, mes chers collègues, tout en restant, là encore, ouverts à toute suggestion qui nous permettrait d’y voir plus clair.

Toutefois, je tenais à saluer la teneur générale de ce texte, et en particulier deux mesures importantes : tout d'abord, la disposition qui vise à organiser la redistribution d’une partie des recettes en faveur des fédérations où habitent les chasseurs, afin de lutter contre le « nomadisme » et d’instituer une certaine péréquation constitue une très bonne idée ; ensuite, l’incrimination de l’entrave à la chasse, à travers l’article 11, me semble tout à fait positive.

En conclusion, je reviendrai sur l’importance de cette proposition de loi.

Celle-ci adresse en premier lieu des signaux positifs aux chasseurs, qui ne sont pas responsables de tous les dégâts de gibier et ne peuvent assumer seuls des responsabilités en partie collectives. La chasse est un loisir reconnu en France, en raison de son intérêt dans la gestion de la faune sauvage et des équilibres de la biodiversité.

Monsieur le rapporteur, s'agissant des dégâts de gros gibier, le camp militaire du Poteau, en Gironde, et je parle sous le contrôle d’un sénateur de ce département, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Jean-Louis Carrère. … nous pose un véritable problème, car il est impossible d’aller y chasser les sangliers. Ceux-ci s’y réfugient et, quand ils en sortent, que ce soit au nord ou au sud, ils ravagent les grandes cultures de maïs et consomment cette céréale à profusion.

M. le rapporteur acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

J’avais interrogé Mme la ministre de la défense à l’époque – aujourd'hui ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales –, qui est d’ailleurs élue de la région Aquitaine, sur la façon de résoudre ce problème, par exemple en décidant la clôture complète de la zone et la régulation du cheptel que celle-ci abrite. Nous n’avons pu trouver de solution qui ne soit très onéreuse.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Elle l’est en partie grâce à la fédération départementale des chasseurs de la Gironde et à la fédération départementale des chasseurs des Landes ! Mais des dispositions financières et juridiques restent encore à mettre au point. Autrement, nous n’y arriverons pas, car la difficulté est réelle.

Cela étant, monsieur le rapporteur, même si je sais votre sensibilité et le souci que vous avez de ne pas verser dans la provocation, cette proposition de loi est aussi porteuse de signaux négatifs.

Ainsi, son texte a doublé de volume en commission. Certes, cela prouve qu’un véritable débat a eu lieu, mais ces nouveaux articles réduisent sinon la portée du moins la lisibilité des mesures initialement prévues. Cette discussion a tout l’air d’un bras-de-fer entre la majorité sénatoriale et le Gouvernement.

Pour ma part, je préfère que la majorité sénatoriale joue son rôle et je l’invite à poursuivre dans ce sens. Il n’en reste pas moins que l’examen de ce texte pourrait se dérouler de manière un peu plus consensuelle. Une fois encore, on n’hésite pas à fouler au pied les engagements de concertation et on tente de passer en force sur d’autres mesures.

Ces procédés ne sont pas de bonne méthode et empêcheront, le moment venu, tout accord sur les dates d’ouverture et de fermeture de la chasse, alors que nous y sommes prêts et que, scientifiquement, rien ne s’oppose à une bonne solution en la matière.

Monsieur le secrétaire d'État, à quelques nuances près, ce texte nous intéresse ; ma collègue Odette Herviaux vous le confirmera dans quelques instants. Si le débat sur les amendements est satisfaisant, cette proposition de loi recueillera notre soutien, et même un soutien enthousiaste.

Cependant, je ne saurais conclure sans mettre en garde certains. Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous nous efforçons d’agir en minorité parlementaire responsable. Or, le 4 juin prochain, nous discuterons ici même le projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la V République. Je souhaite que, à cette occasion, les membres de l’UMP fassent preuve du même état d’esprit que celui dont nous sommes capables de faire montre quand il s’agit de sujets aussi importants que celui de la chasse !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.- Exclamations ironiques sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous aurez noté que le rapporteur est en même temps le signataire unique de cette proposition de loi. Étant président du groupe chasse et pêche, il ne lui était pas nécessaire d’agir autrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Et qui le lui reprocherait aujourd'hui, alors que chacun connaît ici ses compétences, ses connaissances, son talent, son adresse, voire – et cela ne gâche rien ! – sa diplomatie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

En tant que vice-président de ce groupe, je n’ai aucun état d’âme à ce propos. Au contraire, je tiens à redire à Ladislas Poniatowski combien je me félicite de l’heureuse initiative qu’il a prise. En effet, le groupe chasse et pêche a maintes fois évoqué ces sujets, que ce soit avec les fédérations de chasseurs ou avec le Gouvernement, quand il avait la chance d’avoir des contacts avec le ministre concerné et ses collaborateurs sur ce sujet. Les plus récents échanges remontent à l’époque où Mme Nelly Olin était ministre de l’écologie et du développement durable. Monsieur le secrétaire d'État, je ne désespère pas que ces contacts reprennent, que ce soit avec vous, avec Jean-Louis Borloo ou avec Nathalie Kosciusko-Morizet !

Vous venez d’annoncer la tenue d’une table ronde, qui réunira les pêcheurs, les chasseurs et tous ceux qui s’intéressent à l’activité cynégétique. Je ne peux que me réjouir de cette initiative, même si je ne suis pas loin de rejoindre la position de Jean-Louis Carrère : il aurait été pertinent et utile que l’opposition y soit associée.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Elle l’est !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

En effet – notre collègue a raison de le rappeler et le rapporteur le sait très bien –, nous avons toujours réussi à dégager un consensus sur les textes relatifs à la chasse. Je n’ai pas souvenir qu’il en ait jamais été autrement depuis que je suis sénateur, c'est-à-dire depuis 1992.

Il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Cette proposition de loi contient un certain nombre de mesures intéressantes et l’absence d’une co-signature pluraliste ne doit pas nous donner d’état d’âme.

Il serait toutefois judicieux – seul Ladislas Poniatowski pourra en prendre l’initiative – que des rendez-vous réguliers soient pris avec le groupe chasse et pêche afin que ce dernier soit tenu informé de l’état d’avancement de la réflexion de la table ronde et que soit dégagée, autant que faire se peut, une position consensuelle sur un futur texte législatif relatif à la chasse qui serait présenté au Parlement.

Accepter de dépasser nos sensibilités politiques et nos clivages pour parvenir à une position commune ne peut être qu’heureux. Notre collègue Jean-Louis Carrère a raison de le souligner : lorsque l’occasion de le faire se présente à nous, il faut en profiter et ne pas hésiter un seul instant ; trop de sujets nous divisent par ailleurs.

Monsieur le rapporteur, depuis l’examen de votre texte par la commission, une proposition de loi de notre collègue député Maxime Gremetz a été déposée, ...

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Ah !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

... qui contient, à la lettre près, certaines des dispositions présentes dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Cela démontre, une fois de plus, qu’une convergence de vues est possible. À cet égard, les mesures de simplification et de clarification contenues dans votre proposition de loi sont particulièrement heureuses.

Il serait utile que le Gouvernement, aux côtés de la Fédération nationale des chasseurs, des groupes chasse et pêche et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, élabore une action de communication à destination du grand public, pour que la chasse retrouve l’estime de nos concitoyens. Ces derniers méritent d’être éclairés. Il est temps de mettre un terme aux critiques, infondées, qui, diffusées par certains médias, sont souvent le fait d’hommes et de femmes qui ne connaissent pas l’activité cynégétique.

Monsieur le secrétaire d'État, je souhaite obtenir du Gouvernement des éclaircissements et des précisions sur un certain nombre de points.

Je reviendrai, tout d’abord, sur les circonstances aggravantes des infractions au droit de chasse, prévues à l'article 10.

Aux termes de l'article L. 428–5 du code de l’environnement, est une infraction le fait de « chasser sur le terrain d’autrui sans son consentement, si ce terrain est attenant à une maison habitée ou servant d’habitation, et s’il est entouré d’une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins ». Est-ce à dire, a contrario, qu’un chasseur qui pénétrerait sans autorisation dans une propriété non clôturée pourrait le faire sans vergogne et ne serait pas en infraction ? Une telle différence de traitement me paraît anormale, voire anticonstitutionnelle, car elle introduit une véritable inégalité entre les propriétaires !

Notre droit positif doit faire de toute intrusion sur une propriété privée une infraction. Sur ce point, le texte n’est pas assez précis. Monsieur le secrétaire d'État, je vous demande d’apaiser mes inquiétudes à ce sujet.

En 2005, lors de l’examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux – Ladislas Poniatowski était rapporteur, mais vous n’occupiez pas encore les fonctions qui sont les vôtres, monsieur le secrétaire d'État –, j’avais déposé un amendement visant à interdire les clôtures sur les propriétés privées.

Aujourd'hui, en Sologne, espace privilégié en matière de faune sauvage, qui couvre presque trois départements de la région Centre, toutes les propriétés qui ne sont pas clôturées le deviennent par celles qui le sont ! Ce n’est pas sans entraver la libre circulation des animaux sauvages.

Une telle situation est assez incompréhensible. D’un côté, le Gouvernement investit énormément dans des corridors afin de favoriser cette circulation.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

De l’autre, il laisse un certain nombre de propriétaires clôturer leurs terrains – les superficies concernées sont souvent importantes, de l’ordre de 200 à 300 hectares, voire 1 000 hectares pour certaines –, rendant cette circulation impossible.

Cela n’est pas sans inconvénients. D’une part, cela crée des problèmes de pollution génétique. Pour les éviter, il faut attraper des animaux présents dans d’autres domaines et les introduire dans ces propriétés, ce qui ne me paraît pas de bonne gestion.

D’autre part, c’est une atteinte à la crédibilité des chasseurs et à leur image, en ce que l’on donne le sentiment d’avoir aménagé des parcs de chasse pour s’exercer au tir ! Il est vrai que, dans des parcs de quelques dizaines d’hectares – nous en connaissons –, certains élèvent des sangliers dans l’unique but de réaliser des opérations commerciales et de vendre en définitive un beau tableau de chasse ! Il s’agit là de comportements tout à fait condamnables et inacceptables, et la réglementation en la matière ne me semble pas encore suffisamment contraignante.

À la demande du rapporteur, j’avais accepté de retirer cet amendement, qui pourtant avait le mérite de soulever un vrai problème, contre l’engagement du ministre de l’écologie et du développement durable, Serge Lepeltier, d’une réflexion de fond sur le sujet. J’aimerais savoir si le Gouvernement a avancé sur cette question et si ce point sera à l’ordre du jour de la future table ronde.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

La situation est telle que j’ai déposé à nouveau un amendement sur ce sujet. Si en effet les propriétaires sont aujourd'hui amenés à clôturer leur terrain, c’est notamment pour éviter les visites inopinées d’un certain nombre de personnes qui pénètrent sur leur propriété pour aller à la pêche ou, à l’automne, cueillir des champignons. Ces propriétaires n’arrivent plus à supporter les charges de garderie et de surveillance.

Au moment où nous réfléchissons, à l’issue du Grenelle de l’environnement, à la protection de la flore, de la faune, à l’aménagement du territoire, il me paraît pertinent de supprimer les clôtures et de permettre la libre circulation des animaux sauvages. Pour ce faire, il faut donner aux propriétaires les moyens de rémunérer une personne qui assure la surveillance du territoire et qui mène cette action de gestion.

Tel est le sens de l’amendement que j’ai déposé. Je ne me fais pas d’illusion quant au sort qui lui sera réservé aujourd'hui : il s’agit d’un amendement d’appel. Je souhaite simplement que, dans le cadre de la table ronde, nous puissions poursuivre la réflexion en la matière et envisager les mesures qui pourraient être prises dans ce sens.

Sur les mesures concernant les dégâts de gibier, par ailleurs, l'article 10 prévoit que « si le nombre d’animaux attribués n’est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée en application de l’article L. 425-11 ». Il me semble que le texte aurait pu aller plus loin et engager la responsabilité du propriétaire sans en faire une simple possibilité.

Pour avoir été administrateur de la fédération départementale des chasseurs de l’Oise, je sais bien que, comme d’autres, elle est aujourd'hui confrontée au paiement de sommes considérables au titre de l’indemnisation des dégâts de gibier…

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

… tout simplement parce que certains détenteurs de droit de chasse ne prélèvent pas leur quota au prétexte qu’il ne faut pas tirer les laies suitées, les petits animaux dont le poids est inférieur à une certaine norme. À cet égard, certains chasseurs, peu habitués, ont bien du mal à identifier les animaux et à déterminer leur poids. Quoi qu’il en soit, des populations animales prolifèrent, causant des dégâts de plus en plus importants.

De surcroît, le prix des céréales étant en hausse – fort heureusement pour les agriculteurs et les céréaliers –, cela vient alourdir l’addition résultant des dégâts dus au gibier.

Dans ces conditions, responsabiliser davantage les propriétaires qui n’exercent pas leur droit me semblerait positif.

Enfin, je me félicite que, dans le domaine de l’environnement, les mêmes qualités soient reconnues aux fédérations de chasseurs qu’aux associations d’« écologistes ».

Mes chers collègues, comme nous le savons tous, sur le territoire national, dans certaines zones qui ne sont pas ouvertes à la chasse, des populations de petit gibier, comme le perdreau gris, le faisan, le lapin, le lièvre ont quasiment disparu, alors qu’elles réapparaissent dans des zones de chasse. C’est bien la preuve de l’utilité de l’action des chasseurs en termes de gestion du territoire.

Les chasseurs sont des hommes et des femmes responsables. L’initiative est donc particulièrement bienvenue. Il reste simplement à effectuer un travail de communication auprès de nos concitoyens.

Tels sont les idées dont je voulais vous faire part, mes chers collègues, s’agissant d’une proposition de loi que je soutiendrai.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de Ladislas Poniatowski vise à clarifier et à simplifier le droit de la chasse par un ensemble de mesures tendant à résoudre les difficultés ponctuelles apparues depuis la mise en œuvre du volet « chasse » de la loi relative au développement des territoires ruraux.

Le chapitre Ier tend à renforcer les mesures de sécurité dans les schémas cynégétiques départementaux, en partant du constat que le décret en Conseil d’État pertinent n’a pas été pris, alors qu’il devait l’être depuis huit ans. Le texte renvoie donc aux schémas départementaux la responsabilité totale de prévoir les mesures de sécurité relatives aux diverses actions de chasse. Il serait intéressant, monsieur le secrétaire d’État, de savoir pourquoi ce décret n’a jamais été pris.

Je dois vous avouer que notre préférence penche pour un socle national de mesures de sécurité, socle complété, au sein des schémas départementaux, par des mesures spécifiques locales. Notre amendement n° 5 va dans ce sens ; il garantirait à la fois une meilleure cohérence nationale et un suivi juridique plus aisé, tout en bénéficiant d’une approche de proximité.

On peut d’ailleurs s’interroger sur l’interprétation juridique des schémas départementaux qui, bien que visés par le préfet, n’auront pas toujours la rédaction normative nécessaire, nos lois elles-mêmes péchant parfois de ce point de vue.

Le chapitre III de la proposition de loi relève d’une bonne intention, puisqu’il s’agit d’inciter les jeunes chasseurs âgés de seize à dix-huit ans en réduisant de 50 % – 15 euros – le droit de timbre et de 50 % la redevance annuelle la première année de chasse. Il est laissé également aux fédérations départementales la possibilité de diminuer la cotisation fédérale la première année pour les nouveaux chasseurs.

Toutes ces mesures vont dans le bon sens et partent du constat selon lequel le renouvellement des générations de chasseurs est actuellement très loin d’être assuré. À titre d’exemple, au sein de ma société communale de chasse, le plus jeune chasseur est âgé de vingt-huit ans ; depuis douze ans, aucun jeune n’a été recruté par cette société qui compte environ quatre-vingts adhérents. Il y a bien de quoi s’inquiéter de l’avenir de la chasse et des chasseurs, et, au-delà, de la gestion non seulement des équilibres agro-sylvo-cynégétiques mais aussi des nuisibles.

L’avenir de la chasse ne dépend sans doute pas uniquement de mesures financières, mais celles-ci demeurent à notre avis beaucoup trop modestes et insuffisamment incitatives de la part de l’État qui continue de peser lourdement sur le budget des fédérations départementales et sur celui des chasseurs en ne finançant pas sa propre garderie. À cet égard, près de 75 % du budget de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage proviennent des chasseurs eux-mêmes.

L’article 7 vise à combattre le « nomadisme » des demandeurs du permis national. Nous aurions également pu appeler cela « l’opportunisme ». Sur ce point précis, la solution pourrait être une péréquation équilibrée entre fédérations, au regard des efforts fournis par ces dernières pour réduire le coût des dégâts de gibier.

L’article 9 a pour objet de renforcer le pouvoir des « agents de développement » des fédérations départementales et de leur permettre de saisir le gibier tué en infraction au droit de la chasse et de l’offrir à l’établissement de bienfaisance le plus proche ou de le détruire.

Cet article, sans doute nécessaire, a lui aussi la faiblesse de mettre en évidence les évolutions en matière de garderie depuis la modification du statut des ex-gardes fédéraux devenus des gardes de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Les nouvelles charges des fédérations et des sociétés de chasse en matière de garderie justifient, une fois de plus, la prise en charge intégrale par l’État du financement de son service de garderie, dont les prérogatives dépassent d’ailleurs largement le domaine de la chasse.

Les membres du groupe CRC souscrivent à l’esprit de l’article 11 dont l’objet est de décourager le sabotage des actions de chasse qui, inspiré de l’expérience britannique, porte préjudice à la chasse. Mais, normalement, le droit civil et le droit pénal en vigueur devraient suffire.

La difficulté essentielle est de prendre sur le fait les saboteurs et de prouver leurs intentions malfaisantes. Il serait intéressant qu’on nous en dise davantage sur la façon dont la justice appréhende les faits, tant au pénal qu’au civil, afin que nous puissions nous faire une opinion plus précise sur ces délits.

L’article 12 du chapitre IV traite de l’indemnisation des dégâts de gibier qui fait flamber les budgets fédéraux au regard de l’augmentation du cours des céréales, notamment. Il engage la responsabilité financière de tout propriétaire de territoire, y compris les territoires sur lesquels la chasse n’est pas souhaitée.

Cet article nous semble logique dans la mesure où le gibier circule et peut occasionner des dégâts importants sur des parcelles, dégâts que doivent aujourd'hui indemniser les fédérations départementales.

Il pose, en outre, toute la problématique des dégâts dus aux sangliers, en particulier, qui représentent une part très importante des indemnisations. Un certain nombre d’initiatives départementales, en matière de clôtures électrifiées et d’aménagements de cultures en forêt, montrent que le montant des indemnisations peut être contenu et même diminué de manière sensible.

Les modifications apportées par l’article 15 visent d’ailleurs plutôt à élargir les contributions financières des chasseurs qu’à apporter de véritables solutions curatives en matière de dégâts de gibier.

À l’article 16, les membres du groupe CRC sont d’accord pour que la Fédération nationale des chasseurs et les fédérations départementales aient la qualité d’association agréée au titre de l’environnement. Le rôle joué par les chasseurs dans la lutte contre la rage, leur vigilance permanente pendant la crise de la grippe aviaire, le soin qu’ils apportent à la régulation des espèces nuisibles, à l’aménagement de l’espace et à la garantie de la diversité des espèces faunistiques justifient cette position.

Les membres du groupe CRC ont également déposé un amendement à l’article 19 pour maintenir le dispositif actuel de marquage des animaux tués pendant le transport de la venaison. En effet, nous craignons que la disparition de cette mesure, certes fastidieuse, ne facilite les opérations de dissimulation du braconnage de grand gibier. Il est fréquent de rentrer avec un demi-chevreuil dans le coffre après une journée passée dans les chasses domaniales où le partage se fait par rotation et je trouve normal que, dans ce cas, il y ait un ticket portant le numéro du bracelet.

En conclusion, la proposition de loi comporte un certain nombre de dispositions et d’améliorations ponctuelles pour le monde de la chasse. Les polémiques suscitées par la chasse se sont apaisées depuis 2003 et 2005. Pour autant, rien n’est réglé durablement : le plus grand danger qui guette la chasse est la baisse régulière du nombre de chasseurs. Nos détracteurs attendent patiemment le moment venu pour contre-attaquer.

Je n’ose imaginer le coût d’une gestion administrée par les pouvoirs publics pour pallier, demain, le manque de chasseurs et assurer à leur place la gestion des espèces chassables et nuisibles, l’indemnisation des dégâts agricoles et forestiers.

Si la chasse n’a généralement jamais mis en cause l’existence des espèces, en revanche, les crises sanitaires les ont fortement perturbées. Qu’il s’agisse du petit ou du grand gibier, un effort important de recherche et de prévention doit être mis en œuvre. La meilleure garantie pour l’avenir de la chasse, c’est l’avenir des chasseurs eux-mêmes ; c’est aussi le maintien, voire le développement, d’une chasse populaire, accessible, attractive, intergénérationnelle et de proximité.

Si nous n’anticipons pas les réponses à ces questionnements, ils reviendront plus vite que nous ne le pensons. Cette proposition de loi n’étant qu’une première étape, comme vous venez de l’indiquer, monsieur le secrétaire d'État, …

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Tout à fait !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

M. Gérard Le Cam. … nous attendons donc la suite avec un vif intérêt.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’objectif de ce texte n’est pas de réformer une nouvelle fois l’organisation française de la chasse. La loi relative à la chasse du 30 juillet 2003 et la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005 ont mis cette activité en situation de rentrer dans la modernité.

Nous avons des atouts : l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, des fédérations structurées, une chasse bénévole et démocratique, des structures scientifiques de gestion, des schémas de gestion cynégétique...

De fait, ces évolutions trouvent leur application sur le terrain, où le chasseur se révèle de plus en plus un acteur incontournable de l’aménagement du territoire et de la protection de la nature.

Des actions concrètes de gestion et de préservation sont menées par les fédérations départementales de chasseurs, tels l’aménagement de zones de nidification, la création et la restauration de mares et d’étangs, l’entretien de formations végétales, la gestion des niveaux d’eau, la restauration de marais asséchés. Près d’un chasseur sur deux participe à des actions bénévoles sur le terrain pour aménager, restaurer et préserver les habitats. Grâce à eux, chaque année, des centaines de milliers de mètres cubes de déchets sont ainsi enlevées des milieux naturels.

La chasse, après avoir affronté une crise d’identité avec la montée en puissance de l’écologie politique qui l’a stigmatisée, peut aujourd’hui affirmer sans complexe ses valeurs et sa légitimité.

D’aucuns rêvent encore de la marginaliser, mais ce sont des idéologues. À la réflexion, ne se sont-ils pas marginalisés eux-mêmes ? Les défenseurs de la nature pragmatiques reconnaissent le bien-fondé des actions des chasseurs en faveur de la faune et des habitats.

D’ailleurs, il me paraît facile de comprendre que la chasse durable ne peut s’exercer que sur des territoires préservés. Le chasseur a finalement l’obligation d’assurer la pérennité des gibiers sans lesquels il ne pourrait plus pratiquer son activité. Et toute la faune sauvage en profite !

Cette année, nombre d’agriculteurs ont exprimé leur inquiétude face à l’apparition de zones de concentration et de prolifération du gibier. Lapins de garenne, renards, sangliers, prolifèrent dans l’Hexagone, causant des dégâts dans les forêts, les cultures, mais aussi aux lisières des villes, et, parfois, jusqu’au cœur des cités.

D’aucuns, çà et là, ont estimé que les chasseurs n’avaient pas fait ce qu’il fallait. C’est vraiment un comble ! Mais c’est aussi peut-être le signe d’un vieillissement et d’une diminution du nombre des chasseurs. C’est pourquoi je me réjouis qu’il soit proposé d’abaisser le coût du permis de chasser lors de la délivrance du permis pour les jeunes âgés de seize à dix-huit ans, ou à l’occasion de la première validation annuelle pour tous les nouveaux chasseurs, qui verraient diminuer la redevance à l’ONCFS ainsi que leur cotisation fédérale. Une telle mesure devrait augmenter l’attractivité de la chasse.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Je souhaite souligner aussi l’importance de l’article 16 du texte proposé par la commission, qui confère aux fédérations de chasseurs la qualité d’association agréée pour la protection de l’environnement. Le rôle des chasseurs en matière de développement et d’équilibre des milieux naturels est enfin reconnu.

Pour conclure, vous l’aurez compris, les membres du groupe du RDSE voteront ce texte.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l ’ UC-UDF et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Boyer

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au cours de nos travaux, ces dernières années, la chasse n’a pas été oubliée, car nous connaissons la place qu’elle occupe dans la vie sociale, écologique et économique de notre pays. Elle est aussi un sport, mais un sport différent des autres, car il s’exprime sur tout notre espace naturel.

Les chasseurs sont désormais reconnus comme des acteurs à part entière de la gestion équilibrée des écosystèmes et, plus largement, du développement économique et écologique de nos territoires ruraux.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui a un double objectif. Elle vise, tout d’abord, à compléter et à préciser certaines dispositions de la loi relative à la chasse et de la loi relative au développement des territoires ruraux. Ensuite, elle tend à simplifier et à adapter le mieux possible le cadre juridique des activités de chasse.

Je ne reviendrai pas dans le détail sur les mesures qui nous sont soumises, car elles viennent d’être excellemment exposées.

Comme à la plupart d’entre vous, mes chers collègues, trois points me semblent absolument primordiaux : l’attribution aux fédérations de chasseurs du statut d’association agréée au titre de la protection de l’environnement, l’indemnisation des dégâts de gibier et l’incitation financière que constitue la diminution du coût du timbre du permis de chasse en faveur des jeunes âgés de seize à dix-huit ans.

Tout d’abord, s’agissant de l’agrément au titre de la protection de l’environnement, je rappelle qu’aux termes de la loi relative au développement des territoires ruraux a été reconnue la contribution des chasseurs à la gestion équilibrée des écosystèmes, ainsi que leur participation au développement économique du milieu rural, avec, pour corollaire, la confirmation de la possibilité pour les fédérations de chasseurs d’être agréées au titre de la protection de l’environnement.

Toutefois, comme la plupart d’entre vous le savent mieux que moi, mes chers collègues, depuis l’adoption de cette loi, la possibilité pour les fédérations de chasseurs d’être agréées pour la protection de l’environnement a continué d’être contestée. Le rôle des fédérations et des chasseurs dans la protection de la nature ne peut pourtant pas être nié.

Ainsi, en tant qu’associations agréées au titre de la protection de la nature, les fédérations interviennent dans toute modification des écosystèmes ou pour toute atteinte dont ils seraient victimes, portent devant les tribunaux les préjudices causés à l’environnement, mènent des opérations éducatives en milieu scolaire sur la connaissance de la faune sauvage, informent le grand public sur la faune et ses habitats.

Ce rôle est donc absolument primordial.

En outre, force est de reconnaître que les fédérations de chasseurs assurent un maillage du territoire, notamment dans les départements ruraux, peu densément peuplés, où elles apportent une expertise et une connaissance du terrain et des écosystèmes que nul ne peut contester.

Je tiens à assurer M. le rapporteur du soutien du groupe UC-UDF, au nom duquel je m’exprime, sur l’ensemble de la proposition de loi, notamment son article 12, relatif à l’indemnisation des dégâts de gibier. En effet, ces dégâts se multiplient, du fait d’une double évolution inquiétante, caractérisée, d’une part, par le vieillissement et la diminution du nombre des chasseurs, comme cela a été souligné déjà plusieurs fois à cette tribune, et, d’autre part, par l’apparition de zones de concentration et de prolifération du gibier.

Actuellement, les dépenses totales d’indemnisation par campagne cynégétique sont de l’ordre de 22 millions d’euros à 23 millions d’euros. Les dégâts causés par le sanglier représentent 83 % du montant total des indemnisations versées aux agriculteurs.

Un tiers des communes françaises, soit 12 750 d’entre elles, subissent des dégâts dus aux sangliers. Toutefois, pour être objectifs, reconnaissons que 1 % des communes, soit 367 d’entre elles, concentrent à elles seules le quart de la totalité des dégâts dus aux sangliers. Cette concentration des dommages causés aux cultures sur des zones peu étendues montre que de simples mesures de gestion de l’espèce suffiraient à les limiter grandement.

Il est donc nécessaire, monsieur le secrétaire d’État, que la responsabilité financière des propriétaires soit engagée – l’état d’esprit a d’ailleurs beaucoup évolué, et ce dans un sens constructif –, qu’il y ait un plan de chasse ou pas, si la prolifération du gros gibier y est responsable des dégâts agricoles.

À l’heure actuelle, l’indemnisation des dégâts occasionnés aux cultures et aux récoltes agricoles est assurée par les fédérations départementales de chasseurs. Elle n’est possible que pour les dégâts occasionnés par les seuls sangliers et les autres espèces de grands gibiers soumis à plan de chasse. Elle ne concerne que les cultures et les récoltes agricoles, ce qui exclut toute indemnisation des dégâts forestiers et des pertes indirectes.

Les fédérations peuvent à leur tour obtenir le remboursement des frais engagés en se retournant contre le bénéficiaire du plan de chasse qui n’a pas appliqué ce dernier ou contre les opposants de conscience aux associations communales de chasse agréées qui n’ont pas procédé, sur leur territoire, à la régulation des espèces de grand gibier.

En revanche, rien n’est prévu dans le cas d’un territoire non chassé situé dans une commune où il n’existe pas d’association communale de chasse agréée.

La proposition de loi permet donc de rétablir l’équité de traitement, puisque tous les territoires non chassés participeront désormais à l’indemnisation des dégâts agricoles.

Alors que les prix des matières agricoles s’envolent, l’enjeu financier est de plus en plus important, ces mêmes prix servant de base pour évaluer les dégâts subis par les agriculteurs.

J’en viens maintenant à mon dernier point, la diminution du droit de timbre pour les jeunes chasseurs.

L’érosion du nombre de validations de permis de chasse est un phénomène général en France et est liée à la diminution de la qualité cynégétique.

À l’heure actuelle, 1 250 000 chasseurs font valider leur permis chaque année. Ils ont en moyenne cinquante ans et 90 % d’entre eux résident dans des communes de moins de 2 000 habitants. Il est donc urgent d’assurer un renouvellement générationnel des chasseurs et d’augmenter leur nombre, sachant que leurs effectifs ont diminué de 40 % en vingt ans, comme vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues.

La chasse accompagnée, qui est pratiquée depuis quelques années déjà, permet de faire découvrir aux jeunes l’univers et la pratique de la chasse.

Néanmoins, la diminution du droit de timbre de 50 % pour les jeunes chasseurs de seize à dix-huit ans, le faisant passer de 30 à 15 euros, me paraît tout à fait pertinente.

Le prix du timbre ne doit être rédhibitoire ni pour un ménage modeste, ni pour un jeune qui se finance grâce à des « petits boulots ». Cette diminution importante devrait donc elle aussi contribuer à assurer le renouvellement des générations de chasseurs.

Il me reste à féliciter M. Poniatowski pour l’objectivité et le réalisme de sa proposition de loi : loin d’être incompréhensible, comme, hélas ! nombre de textes, elle est au contraire dictée par le bon sens, qualité qui caractérise d’ailleurs les chasseurs. J’ai vu quelle passion, quelle détermination mettaient dans leurs propos ceux d’entre vous qui chassent, mes chers collègues. Bravo ! La chasse est un loisir et un sport ; le sport est l’expression de la vie. Alors, vive la vie, vive le sport, vive la chasse !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi qui est soumise à notre examen vise à améliorer et simplifier le droit de la chasse.

À l’heure des premiers textes d’application des promesses du Grenelle de l’environnement, elle est avant tout un texte technique qui ne soulève apparemment pas de problèmes politiques majeurs.

On peut, cependant, regretter une erreur de méthode : le Gouvernement, à travers les tables rondes sur la chasse durable – l’adjectif est à la mode ! – qui auront lieu dans les prochaines semaines, organise la concertation après le temps de la décision législative. Plutôt qu’une nouvelle rupture de synchronisation entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire, peut-être faut-il y voir plutôt une simple volonté d’anticipation de M. le rapporteur.

En ce qui concerne la chasse, il en va des élus comme des citoyens : le ton est à l’apaisement, à la tolérance et à la cohabitation pacifiée sur le territoire entre ses partisans et ses détracteurs. C’est ce que j’ai pu remarquer depuis plusieurs années sur le terrain, du moins dans le département dont je suis l’élue, le Morbihan.

L’économie générale de la proposition de loi va dans le bon sens, celui d’une accessibilité maîtrisée du droit de chasser. C’est, pour les chasseurs, les citoyens et les pouvoirs publics, la garantie d’une chasse réconciliant la reconnaissance de cette activité et son rôle dans la protection de l’environnement à travers la régulation des espèces, mais pas seulement.

Favoriser l’accessibilité au droit de chasser, c’est tout d’abord permettre aux jeunes d’en bénéficier et, surtout, de les amener à mieux connaître ce qu’est réellement la chasse.

Le renouvellement des générations et la formation au respect de l’environnement sont autant de conditions pour une chasse « durable ». Le chapitre II, relatif au permis de chasser, va ainsi y contribuer, en ce qu’il vise à diminuer le montant du timbre du titre permanent pour les jeunes âgés de seize à dix-huit ans, celui des cotisations fédérales pour les nouveaux chasseurs, et à instaurer un prix unique pour le permis national.

D’autres mesures devront être aussi encouragées à l’avenir et sont déjà mises en œuvre dans certaines fédérations, dont celle du Morbihan : remboursement de la première année, formation gratuite, développement de la chasse accompagnée.

La maîtrise du droit de chasser est, quant à elle, garantie par le renforcement du dispositif légal relatif aux infractions, traité au chapitre III, et aux article 1er et 3 du chapitre Ier, qui concerne la sécurisation des schémas de gestion cynégétique.

Dans ce cadre, la reconnaissance des fédérations de chasseurs comme associations agréées au titre de la protection de l’environnement paraît utile et nécessaire. Tel est l’objet de l’article 16 de la proposition de loi.

Pour suivre régulièrement les assemblées générales de la fédération de chasse de mon département, je connais tous les efforts réalisés par les chasseurs en faveur de l’environnement, efforts qui vont bien au-delà de la simple gestion cynégétique : mise en place de jachères faunistiques en partenariat avec les agriculteurs et de jachères fleuries en milieu plus urbanisé, gestion déléguée de zones protégées, comme les marais et les entrées des rias, avec une vocation pédagogique et de nombreuses visites réservées aux scolaires pour améliorer la connaissance des oiseaux, ce en partenariat avec le conseil général, le conseil régional et la LPO, la ligue pour la protection des oiseaux.

J’espère que cette coopération n’est pas une exception ; toutefois, peut-être toutes les fédérations ne vont-elles pas aussi loin. C’est pourquoi nous pensons qu’il convient d’être plus strict sur la procédure d’agrément : il doit être délivré non pas directement, a priori, mais sur avis du préfet, représentant de l’État et garant du respect des lois, notamment de celles qui seront votées en application du Grenelle de l’environnement.

Notre amendement ne vise donc rien d’autre que la reconnaissance des bonnes pratiques, l’égalité de traitement et la cohérence de l’action publique, d’autant que les préfectures exercent déjà une tutelle sur le dossier des dégâts et reçoivent le rapport annuel des fédérations de chasseurs.

Cette question mériterait donc un temps de réflexion plus long, car, comme l’écrit M. Poniatowski dans son rapport, « une telle modification dépasse largement le cadre d’une loi de simplification du droit de la chasse, car elle touche à la question de la gouvernance de la protection de la nature et du développement durable ».

Un autre sujet majeur évoqué dans cette proposition de loi demande des débats complémentaires : il s’agit de l’inclusion des territoires non chassés dans le champ d’indemnisation des dégâts de gibier, précisée à l’article 12, à travers l’attribution d’un plan de tir, par le préfet, aux propriétaires de terrains ne procédant pas à la régulation des espèces dont la prolifération cause des dégâts agricoles et facilite l’apparition de maladies.

Pour bien connaître les abords du terrain militaire de Coëtquidan, je puis affirmer que ce problème a, pendant très longtemps, gâché les relations entre les agriculteurs et les militaires, …

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Herviaux

… mais que le climat est à l’apaisement, depuis que le camp a, voilà quelques années, été entouré d’une clôture électrique et, surtout, que le terrain est en partie cultivé, comme les zones d’agrainage, notamment avec du blé noir.

Aujourd’hui, la hausse du prix des produits agricoles impose que de nouveaux moyens de financement soient trouvés pour rembourser les dégâts causés par le gibier, car les fédérations ne pourront pas longtemps supporter l’augmentation incessante du coût de ce remboursement. Cependant, il ne faut pas précipiter la mise en place de nouveaux dispositifs qui, comme le réclament les chasseurs, devront être forcément négociés, pour être viables et pour que le nombre des recours soit réduit.

Notre amendement de suppression a plusieurs significations : tout d’abord, marquer qu’il faut intégrer cette problématique dans le programme des futures tables rondes, ensuite, redire notre attachement à distinguer petits et grands propriétaires, enfin, affirmer d’une certaine manière notre soutien au développement des associations communales de chasse agréées, les ACCA.

Le développement des ACCA est un enjeu majeur pour les fédérations de chasseurs afin de pérenniser les territoires de chasse, favoriser une gestion collective et responsable des espèces, bref, rendre vraiment durable la chasse.

La réflexion doit donc aller bien au-delà de la délivrance de cartes de chasse temporaires pour s’étendre à l’étude de tous les moyens financiers, politiques et juridiques susceptibles de rendre plus attractive la généralisation des ACCA.

En conclusion, je redirai donc que, si cette proposition de loi comporte des avancées techniques attendues et importantes, beaucoup de sujets méritent cependant une attention plus grande et des débats plus longs, afin d’être examinés de façon plus approfondie.

Sous réserve des remarques que nous avons formulées, nous approuverons donc ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite tout d’abord féliciter l’ensemble des intervenants pour leur sens des responsabilités et leur grande connaissance des problèmes de la chasse.

Je veux dire à mon ami Jean-Louis Carrère que, comme l’a bien fait ressortir la discussion générale, les chasseurs sont des acteurs de l’aménagement du territoire, protecteurs de cette nature que nous aimons tant. Finalement, le fait que je sois présent parmi vous aujourd'hui, en tant que secrétaire d’État chargé de l’aménagement du territoire, …

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

…montre le respect que j’ai pour les chasseurs et le souci qui est le mien de les accompagner au mieux dans ce domaine.

Au vu de la richesse de la discussion de cet après-midi, et pour continuer dans les images empruntées au rugby, je sais que nous allons pousser tous ensemble pour marquer un essai très profitable avant même la tenue de la table ronde sur la chasse, souhaitée sur toutes les travées de cette assemblée et à mes yeux tout à fait nécessaire.

Je tiens d’ailleurs à apaiser les inquiétudes que nombre d’entre vous, notamment M. le rapporteur, ont exprimées : M. Bignon, qui présidera cette table ronde, a effectivement invité l’ensemble des élus qui le souhaiteraient à y siéger, au-delà de toute appartenance politique, et je ne peux que m’en féliciter.

Seront ainsi réunis autour d’une même table six représentants des chasseurs, six représentants des gestionnaires et des protecteurs de l’environnement, mais aussi des représentants du monde socio-professionnel, des agriculteurs, des forestiers, des propriétaires ruraux, des scientifiques, ainsi, donc, que des parlementaires représentatifs de l’ensemble des sensibilités politiques de l’Assemblée nationale et du Sénat.

J’en suis convaincu, cette table ronde, ô combien souhaitée et souhaitable, permettra d’aboutir à un certain nombre de résolutions, ce qui sera une première, aussi bien pour le monde de la chasse que pour celui de la protection de la nature.

Le fait d’examiner cette proposition de loi aujourd’hui ne me paraît donc pas précipité. C’est une façon d’ouvrir le dossier et d’annoncer cette table ronde, et la discussion d’aujourd'hui laisse présager la richesse des débats qui se tiendront dans ce cadre. Il est d’ailleurs prévu à son ordre du jour d’aborder les sujets que, les uns et les autres, vous avez évoqués, à savoir les problèmes de territoires, de gibiers ou de clôtures, qui intéressent notamment M. Vasselle.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Des réponses appropriées y seront donc apportées.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

À ma connaissance, six réunions sont programmées d’ici à l’été. Du temps est donc donné à la réflexion, ce qui permettra d’aller au fond des choses. Je ne doute pas que les participants feront preuve, comme vous, d’une grande ouverture d’esprit et d’un sens aigu des responsabilités partagées. La chasse mais aussi la protection de la nature en sortiront grandies.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette table ronde aura le mérite de prouver que des personnes responsables et raisonnables savent se mettre autour d’une table pour élaborer un texte répondant à l’intérêt général. Cela étant, l’examen des articles de cette proposition de loi et des amendements déposés va nous donner l’occasion dès à présent d’aborder les sujets qui vous préoccupent.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Nous passons à la discussion des articles.

CHAPITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX SCHÉMAS DE GESTION CYNÉGÉTIQUE

Le premier alinéa de l’article L. 425-2 du code de l’environnement est ainsi rédigé : « Parmi les dispositions du schéma départemental de gestion cynégétique figurent obligatoirement : »

L’article 1 er est adopté.

L’article L. 424-16 du même code est abrogé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 5, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

J’ai eu l’occasion tout à l’heure d’évoquer cet amendement relatif aux règles de sécurité. Notre préférence va à l’élaboration d’un socle national. Nous l’avons précisé, le suivi des questions juridiques, notamment en termes de contentieux, risque de s’avérer pour le moins complexe si l’on confie un tel volet aux fédérations départementales, dans le cadre des schémas départementaux de gestion cynégétique.

Tel est l’esprit de cet amendement que je vous invite, mes chers collègues, à adopter.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Monsieur Le Cam, la commission n’est pas favorable à cet amendement, et je vais m’efforcer de vous convaincre de le retirer.

Les articles 1er et 2 sont en effet totalement indissociables, dans la mesure où ils traitent tous les deux de sécurité. Pour vous avoir entendu soulever ce problème à chaque fois que le Sénat débattait de la chasse, je sais combien ce sujet vous est cher, et c’est tout à votre honneur. Croyez-moi, il me préoccupe beaucoup et nombre de chasseurs également.

Si ces deux articles sont indissociables, c’est parce que les deux tiers environ des départements français ont déjà adopté leurs schémas départementaux de gestion cynégétique. Lors du vote de la loi de 2003, nous avions souhaité que toutes les fédérations départementales, chargées de l’élaboration de ces schémas, y mentionnent les mesures de sécurité. Or, les termes de la loi n’étant pas assez précis, certaines fédérations l’ont fait, d’autres non.

C'est la raison pour laquelle nous précisons dans l’article 1er de la proposition de loi que les mesures de sécurité seront désormais fixées par les schémas départementaux de gestion cynégétique et non plus par décret en Conseil d'État, comme cela était prévu par la loi de 2000. Quant à l'article 2, il vise à supprimer toute référence à ce décret.

Du reste, si ce décret n’a jamais été publié en huit ans, c’est tout simplement parce que les territoires que vous tous représentez sont divers et variés : chasser en Bretagne, ce n’est pas la même chose que chasser dans les Landes, dans l’Oise ou dans le centre de la France ; les territoires ne sont pas les mêmes, les pratiques de chasse n’y sont pas identiques, et il était donc très difficile de rédiger un décret constituant un socle national.

Telle qu’elle est rédigée, la proposition de loi n’oublie en rien ces mesures de sécurité, qui seront intégrées aux schémas départementaux de gestion cynégétique. Le représentant de l’État aura toujours la possibilité d’intervenir s’il constate un certain nombre d’oublis : d’abord, c’est lui qui valide le schéma, en y apposant sa signature ; ensuite, rien ne l’empêche de prendre à tout moment les mesures de sécurité supplémentaires qu’il estime nécessaires. La protection en ce domaine est donc doublement assurée.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mon cher collègue, au vu de l’équilibre satisfaisant permis par les deux articles 1er et 2, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement. À défaut, la commission maintiendrait son avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Monsieur le sénateur, les problèmes de sécurité liés à la chasse ne sauraient être considérés comme une fatalité. Les accidents provoquent une trentaine de morts par an : c’est beaucoup trop !

Cela a été évoqué dans la discussion générale, le précédent gouvernement s’était fixé pour objectif de parvenir à la publication du décret prévu à l’article L. 424-16 du code de l’environnement, décret relatif à la définition des règles générales de sécurité à la chasse. Ce travail n’a malheureusement pas abouti.

Aujourd'hui, le Gouvernement privilégie une position de neutralité sur ce point, en soulignant qu’il n’y a pas de contradiction entre l’existence de règles générales nationales et leur traduction locale, dans les schémas départementaux de gestion cynégétique.

Pour autant, il s’engage solennellement à publier le décret avant la fin de cette année, car, vous l’avez très bien compris, il s’agit d’une question de sécurité publique. Comme l’a souligné à juste titre M. le rapporteur, ce décret doit être rédigé de telle sorte qu’il puisse s’appliquer sur chacun de nos territoires.

Comme vous le voyez, entre acteurs de l’aménagement du territoire, nous arrivons à nous comprendre !

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Au regard de l’engagement pris par M. le secrétaire d’État, je retire cet amendement, madame la présidente, puisque nous obtenons, au moins partiellement, satisfaction.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 5 est retiré.

Je mets aux voix l’article 2.

L’article 2 est adopté.

L’article L. 425-3-1 du même code est rétabli dans la rédaction suivante :

« Art. L. 425-3-1. - Les infractions aux dispositions du schéma départemental de gestion cynégétique sont punies des amendes prévues par les contraventions de la première à la quatrième classe selon des modalités fixées par un décret en Conseil d’État. » –

Adopté.

CHAPITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AU PERMIS DE CHASSER

Après la première phrase de l’article 964 du code général des impôts, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « Le droit est de 15 euros pour les mineurs âgés de plus de seize ans ». –

Adopté.

Après le septième alinéa de l’article L. 423-21-1 du code de l’environnement, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu’un chasseur valide pour la première fois son permis de chasser lors de la saison cynégétique qui suit l’obtention du titre permanent dudit permis, le montant de ces redevances est diminué de moitié. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 8, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :

II. Le huitième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée :

« La diminution du montant des redevances qui en résulte est compensée par l’augmentation des redevances applicables aux chasseurs n’appartenant pas à la catégorie des bénéficiaires de la diminution, selon une répartition fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la chasse et du budget. »

II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :

I. -

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

La réduction de moitié du montant des redevances cynégétiques en faveur des chasseurs validant leur permis pour la première fois vise à favoriser l’attractivité de la chasse et constitue donc une initiative intéressante.

Toutefois, il importe d’en relativiser l’impact, au regard des dépenses cynégétiques annuelles du chasseur individuel, qui sont de l’ordre de 1 500 euros. Il n’est nullement établi qu’une mesure incitative financière soit une réponse adaptée pour mobiliser suffisamment de nouveaux chasseurs, alors que la formation, l’accompagnement et l’accès des jeunes à des territoires de chasse sont prioritaires. L’effet attendu, à savoir l’augmentation des cotisants, n’est donc absolument pas assuré.

En outre, cette mesure entraînerait une perte de recettes de l’ordre de 500 000 euros pour l’ONCFS, dont le budget est déjà fragilisé par le règlement des contentieux en cours, qui, vous le savez, sont nombreux. Elle n’est donc pas supportable actuellement, et il n’est pas envisageable pour l’État de se substituer et de créer des recettes permettant de financer une disposition qui découle de priorités et de choix internes au monde de la chasse.

C’est la raison pour laquelle, pour appuyer la proposition de loi de M. Poniatowski, le Gouvernement privilégie la notion de solidarité intergénérationnelle, qui existe d’ailleurs déjà en matière de chasse avec la chasse accompagnée.

Nous proposons donc à cet effet de compenser la diminution des recettes afférentes à la mise en œuvre de la mesure en faveur des nouveaux chasseurs par l’augmentation correspondante des redevances acquittées par les chasseurs qui ne valident pas leur permis pour la première fois. Au demeurant, pour ces derniers, cette augmentation de redevance correspondrait à moins de 40 centimes d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je suis tout à fait opposé à l’amendement du Gouvernement, et je vais m’en expliquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Mes chers collègues, je vous ai entendus les uns et les autres le souligner lors de la discussion générale, il est très important de trouver des mesures pour tenter de limiter l’érosion du nombre de chasseurs dans notre pays. Vous l’avez dit de manière différente, mais vous avez été nombreux à vous plaindre notamment des dégâts causés par le gros gibier et à évoquer les territoires protégés. Si, demain, il n’y a plus de chasseurs, soit pour contribuer à la limitation de ce cheptel de gros gibier, soit pour payer les dégâts, nous allons avoir un vrai problème dans notre pays.

Je ne sais pas si le monde de la chasse parviendra à faire aussi bien que celui de la pêche, mais les articles 4, 5 et 6 n’ont d’autre but que d’y aider les chasseurs. En effet, grâce à une diminution du coût des cotisations ou des timbres, il y a plusieurs dizaines de milliers de pêcheurs en plus depuis trois ans.

Les articles 4, 5 et 6 établissent un équilibre entre l’effort demandé respectivement à l’État, à l’ONCFS et aux fédérations de chasse. L’effort est donc partagé.

L’article 4 diminue le coût du timbre pour les jeunes chasseurs, âgé de seize à dix-huit ans. L’effort est alors consenti par l’État.

L’article 5 réduit la redevance payée à l’ONCFS, mesure dont le coût - j’en suis tout à fait conscient ! - est de 450 000 euros.

Quant à l’article 6, il impose aux fédérations de chasse de consentir un effort à l’occasion de l’arrivée dans le monde de la chasse d’un nouveau chasseur, jeune ou non, c’est-à-dire lors de la première année.

Chacun fait donc un effort.

Or, avec cet amendement, monsieur le secrétaire d’État, vous « chargez la barque » des chasseurs et vous mettez tout sur leur dos. Je ne suis pas d’accord !

Nous en avons déjà débattu lors de l’examen des lois de 2002 et 2003. S’agissant de l’ONCFS, on commence à aller dans le bon sens, grâce à certains de vos prédécesseurs et, en premier lieu, grâce à Mme Bachelot-Narquin. Aujourd'hui, près de 75 % du budget de l’ONCFS est à la charge des chasseurs, contre 25 % à la charge de l’État. Or, en toute logique, ce devrait être l’inverse : l’ensemble des missions régaliennes de l’ONCFS devraient être financées par l’État, soit 75 % de ce budget, et les chasseurs devraient supporter les seules missions cynégétiques de l’ONCFS.

Nous n’en sommes pas encore là, mais nous sommes entrés dans un bon cycle avec Mme Bachelot-Narquin. Il ne faudrait pas produire un nouvel effet contraire en 2008, même s’il ne s’agit en l’occurrence que de 450 000 euros. Cela représente, monsieur le secrétaire d’État, une diminution de 0, 6 % des recettes de l’ONCFS.

Je sais que l’État abonde ce budget à hauteur de près de 25 millions d’euros, mais j’espère que l’effort se prolongera dans les années à venir.

C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait hostile à l’amendement du Gouvernement.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 5 est adopté.

Le cinquième alinéa de l'article L. 421-14 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Elle détermine également la réfaction appliquée à la cotisation due par tout chasseur validant pour la première fois son permis de chasser lors de la saison cynégétique qui suit l'obtention du titre permanent dudit permis. » –

Adopté.

I. Le cinquième alinéa de l'article L. 421-14 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« De même, elle fixe chaque année le prix unique de la cotisation fédérale que chaque demandeur d'un permis de chasser national devra acquitter. »

II. Avant le dernier alinéa de l'article L. 426-5 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Tout adhérent chasseur ayant validé un permis de chasser national et étant porteur du timbre national grand gibier mentionné à l'article L. 421-14, est dispensé de s'acquitter de la participation personnelle instaurée par la fédération dans laquelle il valide son permis. De même, tout titulaire d'un permis national porteur d'un timbre national grand gibier est dispensé de s'acquitter de la contribution personnelle due en application des dispositions de l'article L. 429-31 alinéa c du code de l'environnement. » –

Adopté.

L'article L. 428-17 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée : « Il est entendu à cet effet par le juge. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 10, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer les mots :

Il est entendu

par les mots :

Il peut être entendu

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

L’article 8 introduit l’obligation pour le juge d’entendre la défense du chasseur qui fait l’objet d’une suspension de son permis de chasser.

Nous comprenons l’objet de la disposition proposée. Pour autant, nous ne pouvons approuver le caractère obligatoire de cette audition par le juge. En effet, il revient au requérant de motiver sa requête écrite afin d’expliquer les raisons qui motivent sa demande de restitution du permis. Les éléments portés à la connaissance du juge doivent lui permettre d’apprécier le bien-fondé de la demande et ce n’est que dans le cas où il estime cette audition utile pour sa prise de décision qu’il doit entendre le requérant. Le juge doit conserver sa liberté d’appréciation quant à la nécessité d’une telle audition afin d’écarter les demandes abusives ou dilatoires.

Par ailleurs, une telle obligation faite au juge d’entendre l’auteur de la requête ferait peser une charge très lourde sur les tribunaux d’instance et irait à l’encontre de l’orientation générale de simplification des procédures judiciaires retenue par le Gouvernement.

En tout état de cause, le chasseur sera entendu sur l’infraction qui lui est reprochée lors de l’audience pénale. Le Gouvernement propose donc de substituer à l’obligation faite au juge de procéder à une audition la simple faculté d’entendre le chasseur qui a fait l’objet d’une suspension de son permis de chasse et qui en demande la restitution provisoire, ce qui permet tout à la fois d’inscrire dans le droit cette mesure favorable au chasseur et de préserver la libre appréciation du juge.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Il est favorable, car notre intention était, dès le départ, de donner la possibilité au chasseur d’être entendu par le juge. Cet amendement permet de respecter l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme, ce qui était aussi notre souhait.

L’amendement est adopté.

L’article 8 est adopté.

L'article L. 428-21 du même code est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ils sont habilités à procéder à la saisie du gibier tué à l'occasion des infractions qu'ils constatent et ils en font don à l'établissement de bienfaisance le plus proche, ou le détruisent. » ;

2° Dans la seconde phrase du dernier alinéa, le chiffre : « deux » est remplacé par le chiffre : « trois ».

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I - Compléter cet article par un II ainsi rédigé :

II - Le second alinéa de l’article L. 428-31 du même code est complété par les mots : « ou, en cas d’impossibilité, détruit ».

II - En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention :

I. -

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Il s’agit d’un amendement d’harmonisation.

Il était nécessaire de consolider le droit en matière de saisie de gibier. C’est l’objet de l’article 9, qui tend à faciliter la mission des gardes particuliers et des agents de développement des fédérations de chasseurs conventionnées pour assurer la garderie des territoires, en les autorisant à procéder à la saisie du gibier tué dans le cadre d’une infraction. Pour des raisons sanitaires, il était indispensable de préciser le sort réservé au gibier saisi lorsque celui-ci ne peut être livré à l’établissement de bienfaisance le plus proche, notamment du fait des règles sanitaires en vigueur ou de la saturation des demandes locales.

L’amendement du Gouvernement complète la proposition au bénéfice des gardes de l’ONCFS et des agents visés par l’article L. 428-20 en les autorisant à procéder également à la destruction du gibier qui ne peut, pour les mêmes raisons, être donné à des établissements de bienfaisance.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Il est favorable.

Il y a une bizarrerie dans notre droit : lorsqu’un braconnier se fait prendre sur le fait, une fois le procès-verbal établi, il peut repartir tranquillement avec son gibier sur les épaules ; tout juste s’il ne peut pas demander au garde de lui donner un coup de main pour charger le gibier dans le coffre de sa voiture !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Désormais, grâce à cet amendement, tous les gardes, y compris ceux de l’ONCFS, pourront saisir le gibier. J’en suis ravi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Il serait peut-être utile, monsieur le secrétaire d’État, d’assouplir les règles sanitaires. Il est tout de même dommage d’enterrer du gibier, alors que l’on pourrait, en mettant en place des contrôles vétérinaires, le donner à certains établissements pour les repas de leurs résidents. Cela contribuerait à donner une meilleure image de la chasse, ce qui n’est pas le cas lorsque des gardes particuliers enterrent du gibier, même saisi.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

M. Hubert Falco, secrétaire d'État. Cher Alain Vasselle, dans certains villages, où l’on a l’habitude de porter le gibier aux maisons de retraite ou aux foyers ruraux, il y a saturation. Les gens ne veulent tout simplement plus de sanglier !

Sourires

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

L’autorisation donnée au garde d’enterrer le gibier est une possibilité parmi d’autres. À lui de trouver un équilibre entre les dons et les destructions. S’il n’a pas apporté de gibier depuis quelque temps à la maison de retraite, il sera le bienvenu. Dans le cas contraire, le directeur lui dira qu’il peut le garder !

L’amendement est adopté.

L’article 9 est adopté.

L'article L. 428-5 du même code est ainsi rédigé :

I. - Est puni d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende le fait de commettre l'une des infractions suivantes :

1° Chasser sur le terrain d'autrui sans son consentement, si ce terrain est attenant à une maison habitée ou servant d'habitation, et s'il est entouré d'une clôture continue faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins ;

2° Chasser dans les réserves de chasse approuvées par l'État ou établies en application des dispositions de l'article L. 422-27 ;

3° Chasser en temps prohibé ou pendant la nuit ;

4° Chasser à l'aide d'engins ou instruments prohibés, ou par d'autres moyens que ceux autorisés par les articles L. 424-4 et L. 427-8 ou chasser dans le cœur ou les réserves intégrales d'un parc national ou dans une réserve naturelle en infraction à la réglementation qui y est applicable ;

5° Employer des drogues ou appâts qui sont de nature à enivrer le gibier ou à le détruire ;

6° Détenir ou être trouvé muni ou porteur, hors de son domicile, des filets, engins ou instruments de chasse prohibés ;

lorsque ces infractions sont commises avec l'une des circonstances suivantes :

a) Être déguisé ou masqué ;

b) Avoir pris une fausse identité ;

c) Avoir usé envers des personnes de violence n'ayant entraîné aucune interruption totale de travail ou une interruption totale de travail inférieure à huit jours ;

d) Avoir fait usage d'un véhicule, quelle que soit sa nature, pour se rendre sur le lieu de l'infraction ou pour s'en éloigner.

II. - Est puni des mêmes peines le fait de commettre, lorsque le gibier provient d'actes de chasse commis avec l'une des circonstances prévues aux a) à d) du I, l'une des infractions suivantes :

1° Mettre en vente, vendre, acheter, transporter ou colporter du gibier en dehors des périodes autorisées en application de l'article L. 424-8 ;

2° En toute saison, mettre en vente, vendre, transporter, colporter ou acheter sciemment du gibier tué à l'aide d'engins ou d'instruments prohibés.

III. - Est puni des mêmes peines le fait de commettre, sans circonstances aggravantes mais en état de récidive au sens de l'article L. 428-6, l'une des infractions prévues aux I et II. –

Adopté.

Dans la sous-section III du chapitre 8 du titre II du livre IV du même code, est inséré un article L. 428-3-1 ainsi rédigé :

« Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe le fait d'entraver ou d'empêcher le déroulement normal d'une action de chasse. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 12, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Malgré les difficultés juridiques et techniques posées par l’article 11, le Gouvernement pourrait y être favorable, car les entraves aux actions de chasse légale sont inadmissibles. Toutefois, une analyse détaillée et plus approfondie par la Chancellerie s’impose avant l’éventuelle présentation de la mesure à l’Assemblée nationale.

Considérant qu’il serait prématuré d’adopter cet article avant l’examen de la Chancellerie, le Gouvernement propose cet amendement de suppression.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Vous devez être conscient, monsieur le secrétaire d’État, que les chasseurs sont très sensibles à ce que l’on nomme en anglais le hunt sabotage, qui est malheureusement en pleine expansion. On n’a compté que deux actions de ce type lors de la saison de chasse 2006-2007, mais il y en a eu douze lors de la saison qui s’est achevée en février dernier, et d’autres affaires sont en cours d’examen.

En effet, à chaque fois qu’une telle opération se produit, elle fait l’objet d’une plainte, déposée par la Société de vénerie, par les fédérations départementales, et parfois aussi par la Fédération nationale.

J’ai reçu des associations de protection de l’environnement, des écologistes et des associations de protection des animaux. Vous devez savoir, monsieur le secrétaire d’État, qu’ils ne sont nullement hostiles à la création de ce que j’appelle un « délit » d’entrave.

J’ai bien compris qu’un certain nombre de problèmes juridiques et techniques se posaient et que vous souhaitiez que le garde des sceaux les examine. Mais, soyons bien d’accord, monsieur le secrétaire d’État, nous n’allons pas faire étudier ces questions par un groupe de travail qui siégerait pendant plusieurs mois ! J’espère qu’il s’agit bien uniquement du temps nécessaire permettre l’examen de la disposition par le garde des sceaux avant sa présentation à l’Assemblée nationale.

Je souhaite, avec cet article 11, adresser un message à ceux qui sont responsables de ces opérations. Ce sont des gens qui ne respectent absolument pas la loi et qui agissent cagoulés, mes chers collègues ; ils ont déjà provoqué la mort de chiens.

J’aurais aimé que vous soyez à mes côtés pour l’entendre, monsieur le secrétaire d’État : les associations de protection des animaux et de défense de l’environnement m’ont demandé que nous soyons aussi sévères à l’encontre des personnes qui commettent ces actes que nous le sommes envers les braconniers.

Mon message s’adresse donc bien entendu aux individus qui se rendent responsables de ces agissements, mais aussi aux juges qui seront conduits à statuer. Je le répète, mon souhait est que cet acte soit considéré comme une infraction.

Sachez, mes chers collègues, que je ne vais pas aussi loin avec l’article 11 – un article qui est le nôtre, à nous, parlementaires, et c’est pour cela que j’aimerais qu’il soit respecté – que le projet de loi relatif aux organismes génétiquement modifiés, qui crée des délits d’entrave assortis de sanctions pénales graves. Pour ma part, je me limite à une contravention de la cinquième classe, qui relève donc du tribunal de police et non du tribunal correctionnel.

Je pense que cette mesure est raisonnable et équilibrée. C’est pourquoi j’aimerais qu’elle entre dans notre droit. Je suis donc d’accord pour suivre le Gouvernement, mais à condition que cet article puisse être examiné par l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Le Gouvernement prend l’engagement que cet article sera bien examiné par l’Assemblée nationale. S’il sollicite ce temps de latence, c’est uniquement pour pouvoir consulter la Chancellerie sur cette question.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

En conséquence, l'article 11 est supprimé.

CHAPITRE IV

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉGÂTS DE GIBIER

Après l'article L. 425-12 du même code, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 425-12-1. - Le préfet, sur proposition de la fédération départementale ou interdépartementale des chasseurs, attribue un plan de tir au propriétaire d'un territoire ne procédant pas ou ne faisant pas procéder à la régulation des espèces présentes sur son fonds qui causent des dégâts.

« Si le nombre d'animaux attribués n'est pas prélevé, le propriétaire peut voir sa responsabilité financière engagée en application de l'article L. 425-11. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par MM. Pastor et Carrère, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Nous souhaitons supprimer cet article en attendant que la table ronde se soit réunie et que les négociations aient eu lieu.

Il faut certes trouver un meilleur moyen d’indemniser les dégâts dus au grand gibier, en particulier – tout le monde y pense – aux sangliers. Nous en sommes parfaitement d’accord. Cependant, tout en admettant que ce que nous propose M. Poniatowski est habile, nous pensons que ces dispositions sont dangereuses à plusieurs titres.

Tout d’abord, même si la proposition de loi ne vise pas à modifier les « acquis de conscience » de la loi « Chasse » de 2000, elle contourne quand même ses fondements philosophiques.

Monsieur le rapporteur, vous proposez, toutes choses égales par ailleurs, de faire des propriétaires « opposants de conscience » les responsables présumés des dégâts commis par les espèces mal gérées. Serait en cause leur refus de réguler les espèces par le tir sur leurs terrains.

Mes collègues et moi-même sommes prêts à reconnaître la nécessité de faire contribuer au paiement des dégâts tout propriétaire de fonds, en particulier ceux qui ne procèdent à aucune régulation. Toutefois, il serait préférable que nous prenions le temps de réfléchir aux alternatives qui pourraient s’offrir à eux. Nous ne pouvons pas leur faire payer des dégâts sans faciliter préalablement une solution alternative sans chasse. Or, vous le savez comme moi, la battue administrative est une procédure extrêmement lourde. Donnons-nous le temps de la réflexion !

D’autres textes parlementaires ou tout simplement la navette devraient nous permettre de légiférer une fois un accord plus consensuel trouvé sur ce point précis.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Compte tenu de la richesse de cette discussion et du respect dû à chacun, qu’il s’agisse des défenseurs de la nature ou des chasseurs, le Gouvernement préfère d’emblée s’en remettre à l’avis de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Les textes relatifs à la chasse sont très souvent adoptés de manière consensuelle. L’une des raisons en est que, comme l’a dit Jean-Louis Carrère tout à l’heure, je ne suis pas un provocateur.

Cela étant, je veux apporter une précision, ce qui me permettra également de répondre à Alain Vasselle.

La première version de la proposition de loi, à savoir les onze premiers articles, a été cosignée par soixante-dix parlementaires, dont Alain Vasselle. Malheureusement, j’ai commis l’erreur de la déposer trop vite, c’est-à-dire avant que tous aient pu la cosigner. Le résultat est que j’apparais aujourd’hui comme le seul auteur, ce qui ne correspond pas à la réalité.

Le texte actuel compte deux fois plus d’articles en raison de l’ajout de modestes mesures techniques. Ces articles résultent du fait que j’ai continué mes auditions avec les chasseurs et d’autres intervenants. Il faut savoir que le texte initial, autrement dit la première partie, date tout de même de la fin de 2006.

Pour en revenir à l’article 12 proprement dit, je tiens à préciser que l’audition des associations écologistes a fait ressortir que le seul article qui fâchait était non pas celui visant le « délit » d’entrave à la chasse, mais bien celui-ci. Son dispositif répond pourtant à une demande de plusieurs d’entre vous, mes chers collègues.

Il est vrai que les dégâts causés par le gibier posent un véritable problème. Les chasseurs en ont effectivement plus qu’assez d’être les seuls à payer pour des sangliers qu’ils voient se réfugier sur des terrains militaires ou privés- les propriétaires ne versent pas de redevance et donc ne paient pas les dégâts -, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

… puis en sortir pour aller se gaver dans les récoltes de maïs !

Je suis conscient que ce sujet doit être débattu non seulement avec les chasseurs, mais aussi avec les non-chasseurs ainsi qu’avec le représentant de l’État. Le groupe de travail créé par le Gouvernement et présidé par Jérôme Bignon offre une très bonne occasion de le faire, car toutes les parties y sont représentées.

Monsieur le secrétaire d’État, je souhaiterais que ce soit l’un des tout premiers sujets étudiés par ce groupe de travail. J’en fais partie, et je suis même le premier bras droit de Jérôme Bignon. Tous ceux qui sont concernés par la gestion des territoires, de la faune et de la flore y seront présents. Vous avez fait une ouverture et avez rassuré M. Carrère sur le caractère pluraliste de ce groupe de travail.

Je tenais à ce que cet article soit discuté en séance publique, ce qui est en partie chose faite. C’est pourquoi je vais répondre aux attentes et le retirer.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’article 12 est retiré.

En conséquence, l’amendement n° 1 rectifié n’a plus d’objet.

CHAPITRE V

ADAPTATION DU DROIT APPLICABLE EN ALSACE ET MOSELLE

I. Les articles L. 429-21 et L. 429-22 du même code sont abrogés.

II. L'article L. 429-1 du même code est ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent titre sont applicables aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, à l'exception de celles des articles : L. 422-2 à L. 422-26, L. 426-1 à L. 426-8, L. 427-9 et L. 428-1, alinéas 1 et 2, et sous réserve des dispositions du présent chapitre. » –

Adopté.

I. L'article L. 429-27 du même code et complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les titulaires, personnes physiques ou morales, d'une location ou d'une autorisation temporaire de chasser sur le domaine militaire. »

II. L'article L. 429-30 est ainsi modifié :

1°) Après les mots « l'article L. 429-14 », le premier alinéa de l'article est complété par les mots :

« que le propriétaire qui s'est réservé l'exercice du droit de chasse soit tenu ou non au versement de ladite contribution ».

2°) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La contribution des titulaires, personnes physiques ou personnes morales, d'une location ou d'une autorisation temporaire de chasser sur le domaine militaire est calculée sur la base du prix moyen à l'hectare des locations dans le département intéressé. » –

Adopté.

L'article L.429-31 du même code est ainsi modifié :

1°) Dans le deuxième alinéa, les mots : « proportionnellement à la surface boisée de leur territoire de chasse ; », sont remplacés par les mots : « en fonction de la surface boisée et non boisée de leur territoire de chasse ; ».

2°) Dans le troisième alinéa, les mots : « proportionnellement à la surface totale de leur territoire de chasse, ou proportionnellement à sa surface boisée; » sont remplacés par les mots : « variable en fonction de la surface boisée et non boisée de leur territoire de chasse ;».

3°) Le c) est ainsi rédigé :

«Une contribution personnelle modulable selon le nombre de jours de chasse tel que défini par le permis de chasser, due par tout chasseur, le premier jour où il chasse le sanglier dans le département à l'exclusion des personnes qui se sont acquittées du timbre national grand gibier ; »

4°) L'article est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« d) Une contribution due pour chaque sanglier tué dans le département. » –

Adopté.

CHAPITRE VI

DISPOSITIONS RELATIVES AUX FÉDÉRATIONS DE CHASSEURS

I. Après le deuxième alinéa de l'article L. 421-14 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Elle a la qualité d'association agréée de protection de l'environnement en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement. »

II. L'article L. 421-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Elles ont la qualité d'association agréée de protection de l'environnement en application de l'article L. 141-1 du code de l'environnement. »

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L'amendement n° 2 rectifié bis, présenté par MM. Pastor et Carrère, Mme Herviaux et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Après le premier aliéna de l’article L. 141-1 du même code, il est inséré un aliéna ainsi rédigé :

« La fédération nationale et les fédérations départementales des chasseurs sont éligibles à l’agrément mentionné au premier alinéa. »

La parole est à M. Jean-Louis Carrère.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

M. Pastor, Mme Herviaux et moi-même souhaitons proposer au Sénat une nouvelle rédaction de cet article, car il nous semble difficilement admissible en l’état.

Si nous sommes d’accord sur le principe de permettre aux fédérations de chasseurs d’être reconnues comme associations protectrices de l’environnement au titre de l’article L. 141-1 du code de l’environnement, nous ne pouvons imaginer que ces dernières bénéficient d’un quasi-passe-droit, d’un «fait du prince » fût-il parlementaire. Cet article vise ni plus ni moins à valider l’agrément par la loi pour seulement quelques associations dans notre pays. Je partage le constat du rapporteur : l’article est peut-être un peu ambigu. Cela justifie-t-il pour autant cette procédure d’exception ? Je ne le crois pas.

L’article L. 141-1 du code de l’environnement dispose que peuvent faire l’objet d’un agrément motivé par l’autorité administrative toutes les « associations régulièrement déclarées et exerçant leurs activités statutaires dans le domaine de la protection de la nature et de la gestion de la faune sauvage, de l’amélioration du cadre de vie, de la protection de l’eau, de l’air, des sols, des sites et paysages, de l’urbanisme, ou ayant pour objet la lutte contre les pollutions et les nuisances et, d’une manière générale, œuvrant principalement pour la protection de l’environnement ».

L’agrément est obtenu au terme d’une procédure d’instruction par le préfet, qui recueille les avis du directeur régional de l’environnement, des services déconcentrés, du procureur général et, éventuellement, du maire. Il permet notamment de se porter partie civile dans les litiges relatifs aux infractions à la protection de l’environnement.

C’est la loi du 23 février 2005 qui a confirmé la possibilité pour les associations de chasseurs d’être agréées pour la protection de l’environnement en complétant l’article L. 141-1 du code de l’environnement par la mention des associations intervenant dans « la gestion de la faune sauvage ».

Je partage le constat fait par la commission : malheureusement, même après 2005, la possibilité pour les fédérations de chasseurs d’être agréées pour la protection de l’environnement a continué d’être contestée.

En revanche, je ne peux imaginer une telle rupture d’égalité entre les associations. C’est pourquoi je vous propose de vous ranger à notre proposition, qui semble sage : il s’agit d’ajouter explicitement que les fédérations de chasse et la fédération nationale sont éligibles à l’agrément. Certes, cela n’éteindra pas tous les recours contentieux, mais cela viendra utilement préciser le texte pour faciliter les décisions de justice, en somme, pour faire en sorte que l’esprit de la loi soit respecté. Ainsi, je pense que nous serons inattaquables.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

J’admets que je suis peut-être allé trop vite et trop loin, mais mon objectif était de répondre à un problème précis.

Les fédérations départementales de chasse ne sont qu’une minorité à demander à être agréées en tant qu’associations de protection de l’environnement. Or les juges interprètent la loi de manière diverse. Ainsi, à la suite des recours qui sont formés contre la décision du préfet d’accorder l’agrément à une fédération départementale, certains tribunaux répondent « oui » et d’autres « non ». L’objet de cet article est donc d’adresser un message aux juges afin de leur dire qu’elles sont bien éligibles.

En rendant l’agrément automatique, je suis probablement allé trop loin. Toutefois, le premier amendement déposé par le groupe socialiste était contre-productif, car il interdisait pratiquement tout.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cette nouvelle rédaction, mon cher collègue, me convient parfaitement.

Dans nos rangs, ceux de nos collègues qui ont un esprit juridique aiguisé avaient également appelé mon attention sur le fait que l’automaticité de l’obtention de l’agrément n’était pas saine et introduisait une injustice par rapport à d’autres types d’associations.

Pour toutes ces raisons, je suis favorable à l’amendement du groupe socialiste, dans sa nouvelle rédaction.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

La très large majorité des associations et fédérations de chasseurs sont déjà agréées au titre de la protection de l’environnement. L’article L. 141-1 dispose en effet que les associations régulièrement déclarées exerçant leur activité statutaire dans le domaine de la gestion de la faune sauvage peuvent faire l’objet d’un agrément motivé de l’autorité administrative.

La pratique administrative a attribué au fil des ans l’agrément à quatre-vingt-une fédérations et associations de chasseurs.

Par ailleurs, l’introduction d’un alinéa spécifique sur les associations de chasseurs conduirait à en faire le seul groupe catégoriel identifié spécifiquement dans l’article L. 141-1, introduisant ainsi un déséquilibre dans l’économie générale de l’article.

Cela étant, je veux faire remarquer à M. Carrère que le Gouvernement sait rester sage. C’est pourquoi il s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.

L'amendement est adopté.

L'article L. 421-12 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« À l'initiative des fédérations départementales des chasseurs et par accord unanime entre elles, il peut être créé d'autres fédérations interdépartementales des chasseurs. » –

Adopté.

CHAPITRE VII

ALLÉGEMENT DES PROCÉDURES ADMINISTRATIVES

La deuxième phrase du premier alinéa de l'article L. 422-2 du même code est complétée par les mots :

« en délivrant notamment des cartes de chasse temporaire ». –

Adopté.

Pendant la période où la chasse est ouverte, le transport d’une partie du gibier mort soumis au plan de chasse est autorisé sans formalité par les titulaires d’un permis de chasser valide.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 6, présenté par MM. Le Cam, Billout et Danglot, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Cet amendement vise à maintenir le dispositif de marquage de l’animal tué, et donc l’accompagnement de la venaison par un ticket.

Nous sommes bien conscients du fait que ce dispositif est assez fastidieux à mettre en œuvre en fin de chasse. Pour autant, il s’agit d’une mesure supplémentaire pour lutter contre certaines actions de braconnage sur le grand gibier.

Ce marquage par voie de ticket pourrait peut-être être simplifié grâce à la mise en place de tampons automatiques, reprenant les lettres et les chiffres du bracelet de l’animal.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

La commission tient évidemment à son article 19.

Ceux qui chassent connaissent cette pratique du marquage, et même ceux qui ne chassent pas puisque, de temps en temps, des morceaux de gibier partagés à la fin d’une chasse leur sont offerts et arrivent dans leur réfrigérateur.

Cet article ne concerne pas le gibier commercialisé, c’est-à-dire vendu, qui doit respecter des règles sanitaires très précises, parfois lourdes aux dires de certains. Néanmoins, il faut conserver ces règles sanitaires. Le gibier tué au cours d’une chasse et qui rejoint ensuite le circuit commercial doit pouvoir être suivi à la trace.

Cet article ne concerne donc que le gibier qui est partagé et coupé en morceaux. Vous savez très bien quel plaisir éprouve, en fin de journée, chaque chasseur repartant chez lui, qui avec un cuissot, qui avec une épaule, qui avec un morceau encore plus tendre ! La remise d’un ticket n’a plus de raison d’être.

Je vous signale au passage, et disant cela je me tourne vers Alain Vasselle et René Beaumont, qui sont tous deux concernés par le problème des chasses commerciales, que le même gibier tué dans un enclos fermé, sans plan de chasse, peut être partagé sans qu’il soit besoin de remettre un ticket ! Autrement dit, en cas de contrôle, il peut y avoir contestation si on ne peut expliquer et justifier que le gibier a été tiré en enclos.

Voilà pourquoi, dans ce texte qui a pour objet de simplifier les procédures et de diminuer le poids de l’administration, nous proposons de supprimer la remise de ce petit bout de papier systématiquement distribué à tous les chasseurs.

Cela étant, je conseille à ceux qui emporteront une pièce plus noble, à savoir la tête de l’animal, qu’on aime parfois emmener chez un taxidermiste afin de pouvoir l’accrocher ensuite dans une grange ou dans une salle à manger de chasse, d’avoir un ticket, non pour transporter leur morceau mais pour éviter des difficultés au taxidermiste.

Pour toutes ces raisons, je vous demande, mon cher collègue, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Je ne suis pas d’accord avec M. le rapporteur sur la question du transport des parties de gibier. Le Gouvernement souhaite que les dispositions actuelles de traçabilité des pièces de gibier soient conservées, pour des raisons de suivi et de contrôle sanitaire.

La proposition, qui revient à rendre légal le transport de toute pièce de grand gibier pendant la saison d’ouverture de la chasse et supprime le système des tickets, empêche cette traçabilité, ainsi que le contrôle du braconnage a posteriori. Elle me paraît donc problématique.

C’est la raison pour laquelle, monsieur le rapporteur, je suis défavorable à l’article 19.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je maintiens ma position.

Votre argument sur le braconnage n’est pas bon, monsieur le secrétaire d’État. Le braconnier tue le gibier et n’en prélève pas un morceau : il prend l’animal en entier.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Il peut y avoir plusieurs braconniers !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

S’il coupe l’animal en morceaux, c’est qu’il a déjà commencé à le distribuer et à récupérer un peu d’argent, en le vendant à droite et à gauche ! Cette mesure ne concerne donc pas le braconnier et l’argument que vous avancez n’est pas le bon.

Nous souhaitons simplement un peu moins d’administration et de fonctionnarisation, pour une activité de plaisir et un sport.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jean-Louis Carrère, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Je suis très sensible à la traçabilité, mais en même temps je suis chasseur. Il est difficile de trouver une solution médiane.

Quand on chasse et qu’on a pris du gibier, qu’on l’a découpé et offert, il est très compliqué de distribuer des tickets à tout le monde. S’il y a trente personnes pour se partager un cerf, distribuer un ticket à chacun est infaisable !

Certes, au cours d’un débat feutré, dans un bel hémicycle, la procédure paraît intellectuellement tout à fait recevable. Mais, franchement, dans la pratique, la solution envisagée est difficilement applicable et compatible avec notre passion !

Je ne soutiens pas toutes les initiatives de M. Ladislas Poniatowski, loin s’en faut, mais celle-là est frappée au coin du bon sens.

L’amendement n’est pas adopté.

L’article 19 est adopté.

L’utilisation du grand-duc artificiel pour la chasse et la destruction des animaux nuisibles est autorisée. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 3 rectifié, présenté par MM. Vasselle, Beaumont, Billard, J. Blanc et Cazalet, est ainsi libellé :

Après l’article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I — Le 1 de l’article 199 sexdecies du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :

«…) L’emploi d’un garde particulier visé par les articles L. 428-21 et L. 437-13 du code de l’environnement, L. 231-1 du code forestier, 29 et 29-1 du code de procédure pénale. »

II — Le I n’est applicable qu’aux sommes venant en déduction de l’impôt dû.

III — Les pertes de recettes résultant pour l’État des I et II ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Alain Vasselle.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

J’ai déjà plus ou moins présenté cet amendement dans la discussion générale. Je ne m’étendrai donc pas sur le sujet.

Il me semblerait, bien entendu, particulièrement opportun que cet amendement soit adopté. Or, en privé, M. le président de la commission des affaires économiques m’a demandé de le retirer au motif qu’il n’était pas très populaire. En quoi ne l’est-il pas ? J’imagine que c’est parce qu’il doit intéresser essentiellement les propriétaires privés.

Néanmoins, cette question mérite qu’une réflexion soit conduite. Aujourd’hui, s’agissant de la garderie et de la surveillance des territoires, vous savez très bien que le nombre d’agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage, mais également les moyens dont disposent les fédérations ne permettent pas d’assurer une couverture de l’ensemble du territoire. Nous sommes bien contents, pour assurer la régulation des espèces ainsi que la gestion des territoires et de la faune comme de la flore, que des propriétés privées assument cette surveillance.

Malheureusement, hormis des bénévoles, il y a de moins en moins de gardes particuliers. Sur certains territoires, il serait donc bien utile qu’il y ait des volontaires qui soient indemnisés.

Il me semble donc que, à défaut d’adopter cet amendement que je présente avec mes collègues René Beaumont, Joël Billard, Jacques Blanc et Auguste Cazalet, il serait important d’en faire un objet de réflexion dans le cadre de la table ronde.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

J’ai souvent beaucoup de sympathie pour les amendements de notre collègue Alain Vasselle. En l’occurrence, ma position sera très prudente et, avant de me prononcer, je demanderai l’avis du Gouvernement.

Je vous signale, mon cher collègue, que les emplois de gardiens de propriété ou de jardiniers peuvent bénéficier de la mesure dont vous souhaitez faire bénéficier les gardes-chasse. Certes, ce n’est pas tout à fait la même chose. En termes d’effectifs, cela n’a rien à voir puisque les emplois que vous évoquez représentent 3 000 à 4 000 personnes, et encore… En effet, tel que votre amendement est rédigé, seul le propriétaire qui chasse lui-même sur sa propriété pourrait bénéficier de cette mesure, et non celui qui loue sa chasse.

Cette proposition n’est pas tout à fait illogique. Mais je doute fort que l’argument invoquant la création d’emplois soit suffisamment fort pour convaincre le Gouvernement.

Bref, la commission a souhaité connaître l’avis du Gouvernement avant de donner le sien.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Il est difficile d’émettre un avis éclairé sur la mesure proposée en l’absence de données de base. En effet, nous ne disposons pas d’évaluations fiables des effectifs de gardes particuliers employés, dont l’agrément relève des préfectures.

Par ailleurs, l’effet incitatif sur l’environnement reste à démontrer au regard d’un certain nombre de dispositifs existants.

Ainsi, une mise en perspective s’impose, notamment avec des structures opérant en milieu rural, dans des missions de surveillance des milieux naturels de protection de la faune.

En tout état de cause, nous tenons à souligner la qualité du travail accompli par ces agents. Elle révèle une reprise en main par les particuliers de la gestion des milieux naturels que la population rurale n’a plus les moyens d’exercer.

Un gisement d’emplois potentiels existe, mais il va très au-delà de la chasse pour concerner indifféremment toutes les catégories de gardes particuliers en milieu rural.

En conséquence, compte tenu de la portée trop générale de cette disposition et des lacunes importantes en matière d’évaluation, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

Toutefois, je tiens à faire remarquer à M. Vasselle que ses propositions pourront être reprises dans le cadre de la table ronde et feront l’objet de discussions à cette occasion.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

Bien entendu, je le retire.

Je remercie M. le rapporteur d’avoir démontré qu’il savait être diplomate en exposant l’avis de la commission..)

Je remercie également M. le secrétaire d’État d’avoir fait cette ouverture en direction de la table ronde.

Vous pourrez, monsieur le secrétaire d’État, avec vos experts, procéder aux évaluations et peut-être réfléchir sur le caractère non limitatif du dispositif actuel auquel a fait référence M. le rapporteur pour le jardinage et le gardiennage.

Si l’interprétation du texte permettait d’offrir cette possibilité, ce serait un pas dans la bonne direction.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 3 rectifié est retiré.

L’amendement n° 7, présenté par M. Beaumont, est ainsi libellé :

Après l’article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa du II de l’article L. 424-3 du code de l’environnement est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Le grand gibier lâché par ces établissements est identifié par individu. »

La parole est à M. René Beaumont.

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Cet amendement a pour objet d’attirer également l’attention sur une pratique qui a tendance à se répandre de plus en plus sur nos territoires : celle des chasses commerciales en général, mais surtout des chasses commerciales de grand et de très grand gibier.

En effet, en la matière, on assiste aujourd’hui à de très gros dérapages. Il en résulte des inconvénients majeurs sur le plan de l’éthique, sur le plan sanitaire, ainsi que sur le plan de la justice et de l’équité.

Sur le plan de l’éthique, que penser de la chasse à ce que l’on appelle les « cochongliers », dont on ne sait plus trop bien à quelle espèce ils appartiennent à force de croisements multiples ? Je rappelle pour les néophytes qui ne sont pas chasseurs que, dans la famille des porcins, comme dans celle des équidés, deux espèces peuvent se reproduire ensemble. C’est le cas du cochon et du sanglier, qui se reproduisent par croisement, ce qui engendre un individu hybride, un organisme génétiquement modifié, lequel ne ressemble effectivement ni à un sanglier ni à un cochon.

Sur le plan de l’éthique, est-ce encore de la chasse que de tirer sur des animaux ventrus, qui n’ont pas de vitesse et qui, finalement, sont habitués à vivre sur un territoire fixe ? Pour moi, de telles pratiques dénaturent la chasse !

Au demeurant, ce n’est pas la seule raison qui m’amène à présenter cet amendement d’appel à l’égard du groupe d’étude.

La deuxième raison qui me pousse à déposer cet amendement est d’ordre sanitaire. Là, c’est le vétérinaire qui s’inquiète.

En effet, cette concentration d’animaux dans un espace restreint est très propice à l’apparition d’épidémies importantes. Le cas s’est présenté dans un département voisin du nôtre, cher président de la commission des affaires économiques, celui de la Côte-d’Or, où, dans la vallée bien connue de l’Ouche, une très grande chasse dans un enclos comprend des porcins tuberculeux.

Or ces animaux ont transmis la tuberculose à deux élevages bovins sur ces territoires, lesquels ont dû être abattus à deux reprises en six ans d’intervalle. L’épidémiologie a fait la preuve que ces élevages avaient bien été contaminés par les porcins en question.

De vrais problèmes peuvent également se poser en matière d’équité et de justice.

Le gibier, nous le savons, est res nullus ; il n’appartient à personne et personne n’en est responsable. Mais un animal élevé dans un enclos, d’où il s’échappe, a un propriétaire. Le propriétaire est responsable de cet animal, ainsi que des dégâts aux cultures et des accidents qui peuvent être causés par ce prétendu gibier. Il me paraît donc intéressant d’imposer dans ces chasses commerciales l’identification des animaux, ce qui permettrait de reconnaître que ces animaux ne sont pas des gibiers, que ce sont des produits d’élevage, dont un propriétaire est responsable.

Cette démarche, qui est certes lourde, permettrait d’assainir beaucoup ce type de chasse. En effet, s’il existe des chasses commerciales de grand gibier de très grande qualité, - j’en connais quelques-unes –, en revanche, il en existe beaucoup qui sont de très mauvaise qualité, avec des clôtures complètement perméables rendant possible ce type de mélange.

Voilà l’appel que je formule auprès du Gouvernement, d’abord pour conforter l’éthique de la chasse, mais aussi pour les raisons sanitaires et judiciaires que je viens d’évoquer.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cet amendement très précis, technique et concret a trait au procédé de marquage systématique du gibier des chasses commerciales. Toutefois, dans ses explications, notre collègue René Beaumont est allé bien au-delà de l’objet de son amendement puisqu’il a évoqué une série de problèmes relatifs à la chasse commerciale. J’avais d’ailleurs moi-même envisagé de traiter le sujet. Je ne l’ai pas fait – mais je veillerai au suivi de cette question – parce que c’est l’un des sujets qui devront de toute évidence être étudiés par le groupe de travail créé par le Gouvernement et présidé par Jérôme Bignon.

Au-delà des problèmes sanitaires que vient d’évoquer René Beaumont, il y a le problème posé par tous ceux qui chassent hors période légale d’ouverture. Cela perturbe tout le monde : les chasseurs qui, eux, n’ont pas la chance de pouvoir chasser dans ces territoires et les non-chasseurs, qui ne comprennent pas pourquoi, à une période de l’année où, théoriquement, l’on ne devrait plus entendre un seul coup de fusil, les balles continuent à siffler. C’est donc un sujet qui dépasse le problème des chasses commerciales et qui mérite d’être traité par tous ceux qui sont concernés.

Voilà pourquoi, n’ayant moi-même rédigé aucun article ni déposé aucun amendement concernant les chasses commerciales, je demande à mon collègue René Beaumont de bien vouloir accepter de retirer son amendement. De mon côté, je me fais fort, aux côtés de Jérôme Bignon, de veiller à ce que l’ensemble des problèmes liés aux chasses commerciales soient examinés par le groupe de travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Monsieur René Beaumont, l’amendement est-il maintenu ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Beaumont

Ainsi que je l’ai dit, il s’agit d’un amendement d’appel ; l’appel ayant été entendu par M. le rapporteur et ne doutant pas qu’il l’ait été également par M. le secrétaire d’État, je le retire.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

L’amendement n° 7 est retiré.

La parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Je tiens à rassurer M. Beaumont. Dans la mesure où il s’agit d’un sujet économique qui touche à la gestion des territoires, il pourra opportunément être débattu lors de la table ronde sur la chasse, tant sur le thème de la gestion des territoires que sur celui de l’économie de la chasse. Il me paraît donc sage d’attendre qu’ait lieu ce débat.

CHAPITRE VIII

DISPOSITIONS FINALES

La perte de recettes résultant pour l’État de la présente loi est compensée à due concurrence par l’institution d’une taxe additionnelle aux droits prévue par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

L’article 22 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Avant de mettre aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi, je donne la parole à M. Yannick Texier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Texier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UMP apporte son entier soutien à l’initiative de notre collègue Ladislas Poniatowski, auteur et rapporteur de la proposition de loi dont nous débattons et, par ailleurs, président du groupe d’études sur la chasse de notre assemblée.

Après la loi sur la chasse de 2003 et les dispositions la concernant dans la loi sur le développement des territoires ruraux, il s’agit pour nous d’adopter des dispositions d’ordre pratique et de clarification qui viennent conforter la législation en vigueur, législation qui s’est révélée efficace au fil de sa mise en œuvre et qui a contribué à ancrer la chasse dans la vie de nos territoires.

En particulier, nous souhaitons continuer d’encourager la pratique de la chasse en abaissant le coût du permis de chasser, homogénéiser la délivrance de ce même permis, faciliter les missions des gardes particuliers et des agents de développement pour assurer la garderie de territoires et mieux traiter la question de l’indemnisation des dégâts de gibier.

Au cours de nos débats, vous nous avez précisé, monsieur le secrétaire d’État, que plusieurs dispositions étaient de nature réglementaire. Sur ces points, il va sans dire que nous souhaitons que le Gouvernement puisse prendre les textes utiles dans les meilleurs délais.

En outre, cette proposition de loi est complémentaire des tables rondes sur la chasse en cours d’organisation par le ministère de l’écologie. De fait, par ces mesures, nous entendons conforter une pratique responsable des activités cynégétiques.

C’est pourquoi le groupe UMP votera la présente proposition de loi pour l’amélioration et la simplification du droit de chasse, dans le cadre d’une gestion collective équilibrée de notre environnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Gérard Le Cam pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Le groupe CRC a décidé de s’abstenir sur ce texte. Il s’agit d’une abstention « bienveillante » compte tenu du fait que nous partageons au moins l’esprit qui sous-tend un grand nombre de ses articles.

Pour autant, nous considérons qu’il reste au milieu du gué. Si j’ai été très heureux, monsieur Poniatowski, d’entendre votre position sur une question que je pense être essentielle, l’avenir des finances de l’ONCFS et celui des fédérations départementales, que vous souhaitez inverser en proportion, il y a loin de la coupe aux lèvres et, compte tenu du contexte financier actuel, nous risquons d’attendre encore malheureusement très longtemps, trop longtemps !

C’est donc dans ce sens que nous nous abstenons, mais ne le prenez pas contre vous, monsieur le rapporteur, puisque, comme je l’ai dit, il s’agit d’une abstention bienveillante.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

La parole est à M. Jean-Louis Carrère pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Pour ma part, je tiens tout d’abord à souligner l’état d’esprit qui a présidé à la préparation de ce texte et à sa discussion en commission.

Mes collègues Jean-Marc Pastor et Odette Herviaux m’ont fait part de l’excellente qualité des discussions. Je tiens ensuite à souligner la qualité de l’écoute dont a fait preuve la commission et l’accueil qui a été réservé à des amendements que nous avons nous-mêmes modifiés afin qu’ils soient recevables.

Après la loi que nous avons votée, unanimement d’ailleurs, en 2005, ce texte sera utile. Je regrette un peu que nous le votions avant que les tables rondes ne se réunissent, ce qui nous oblige à une certaine gymnastique, que vous avez d’ailleurs acceptée de bonne grâce.

Nous avons, bien sûr, encore d’autres demandes à formuler sur les questions de chasse. Vous connaissez en particulier notre attachement à la fixation, après un débat entre nous, des dates d’ouverture, qui est un élément essentiel pour préserver le climat de confiance qui a été recréé avec le monde de la chasse. Nous y sommes très attentifs.

S’agissant de l’organe qui va être amené à réfléchir sur ces questions – sans doute comprendra-t-il des membres de la commission des affaires économiques, et je n’y vois bien sûr aucun inconvénient –, je me permets d’insister sur la nécessité de garantir le pluralisme en son sein.

Pour toutes ces avancées que nous jugeons très positives, le groupe socialiste votera cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Personne ne demande plus la parole ?….

Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 269.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d’État

Madame la présidente, je souhaite remercier M. le rapporteur et M. le président de la commission ainsi que les sénateurs de tous les groupes de la qualité des discussions et des avancées qui ont été faites.

La constitution de la table ronde répond à un engagement de M. le Président de la République ; elle permettra à chacun de faire valoir ses intérêts, et je suis certain que les représentants de l’écologie et des territoires, des professionnels et des élus dans leur pluralité fourniront des travaux très intéressants qui nous permettront de faire progresser l’aménagement du territoire.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Michèle André

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures quarante, est reprise à vingt-deux heures quarante-cinq.