Intervention de Jean-Louis Carrère

Réunion du 13 mai 2008 à 16h00
Langues régionales ou minoritaires — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Jean-Louis CarrèreJean-Louis Carrère :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a près de dix ans, au moment où la France s’engageait sur la voie de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, Bernard Cerquiglini, alors directeur de l’Institut national de la langue française recensait, à la demande du Premier ministre Lionel Jospin, 75 langues « parlées par des ressortissants français sur le territoire de la République », dont 55 langues dans les DOM-TOM, répondant aux exigences de la charte, c'est-à-dire remplir au minimum trente-cinq critères sur les trente-neuf retenus par la France pour la ratification de la charte.

C’est dire, madame la ministre, si notre République est riche d’un patrimoine culturel et linguistique important !

Dans la pratique, de nombreuses initiatives voient le jour pour faire vivre les langues régionales, plus ou moins bien soutenues par les pouvoirs publics et autorisées dans notre réglementation.

Dans le domaine de l’éducation, treize langues régionales peuvent être présentées au baccalauréat, introduites progressivement depuis la loi du 11 janvier 1951 qui a défini les principes régissant l’enseignement des langues et des cultures régionales de l’école élémentaire à l’université.

On pourrait s’interroger sur la baisse des programmes en langue régionale sur le service public audiovisuel depuis quelques années. Mais France 3, en région, est, de façon générale, en perte de vitesse depuis que les conseils régionaux sont majoritairement passés à gauche, sous un gouvernement de droite : cherchez l’erreur !

Radio France s’acquitte mieux de cette mission de promotion des différentes langues et cultures régionales.

Des initiatives privées ont également vu le jour avec plus ou moins de succès. La plus importante est TV Breizh, portée par l’ancien patron breton de TF1, Patrick Le Lay.

Je viens moi-même d’une région, l’Aquitaine, où les diversités linguistiques et culturelles constituent une réalité. En Aquitaine, le conseil régional mène une politique active en faveur d’une politique publique volontariste et concertée. Effectivement, sur le territoire de cette région, deux langues régionales parlées ont cours : l’occitan et le basque.

La politique que nous menons en faveur de la valorisation et de la sauvegarde de ces deux langues vise à promouvoir le plurilinguisme, mais dans le strict respect de l’usage du français, langue de la République.

Je m’attarderai quelques instants sur les grandes lignes de notre politique régionale en faveur de ces deux langues, vecteurs de deux cultures très riches.

Pour ce qui a trait à la langue occitane, l’Institut occitan, installé dans l’agglomération paloise, fédère les partenaires institutionnels et associatifs qui œuvrent, dans le domaine scientifique et culturel, pour la socialisation de la langue occitane et le développement du patrimoine occitan.

L’Amassada, conseil de développement pour la langue occitane en Aquitaine, a permis de mettre en place un schéma d’aménagement linguistique avec les différents partenaires, sous l’égide du conseil régional.

En ce qui concerne la langue basque, qui me tient particulièrement à cœur, nous avons créé, depuis quelques années, en collaboration entre le conseil régional d’Aquitaine, le conseil général des Pyrénées-Atlantiques, le Conseil des élus du pays basque et le Syndicat intercommunal pour le soutien à la culture basque, l’Office public de la langue basque. Il s’agit d’un groupement d’intérêt public, basé à Bayonne, qui a pour objet de définir et de mettre en œuvre des politiques publiques en faveur de la langue basque : structurer et développer l’enseignement du basque, en promouvoir son usage dans la vie sociale, accompagner les partenaires concernés.

En outre, un Institut culturel basque permet d’accompagner des projets associatifs ou individuels visant à promouvoir la langue et la culture, et propose différentes activités et un site en ligne.

Je viens de vous donner l’exemple de ce qui se fait en faveur des deux langues régionales du Sud-Ouest, mais je présume que ma collègue Odette Herviaux vous fera part, tout à l’heure, du même type d’initiatives ayant cours en Bretagne.

Je n’arrive donc pas à comprendre pourquoi l’esprit jacobin qui règne sur notre République et ses lois nous interdit de mieux envisager globalement l’intégration de la richesse et la diversité que constituent les langues et cultures des régions : toute tentative d’intégrer les cultures régionales et de favoriser leur développement, dans le cadre de nos institutions républicaines et laïques, a toujours été vouée à l’échec.

Je rappellerai deux précédents remontant à moins de dix ans.

Il s’agit, d’abord, de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

En 1999, Lionel Jospin, alors Premier ministre, sensible à la valorisation des diverses langues et cultures de notre pays, décide d’engager un processus de ratification de cette charte adoptée par le Conseil de l’Europe en 1992. Trente-neuf des quatre-vingt-dix-huit engagements proposés par la charte sont retenus par la France, au regard des pratiques existant dans notre pays et des exigences juridiques et constitutionnelles, car l’article 2 de la Constitution dispose : « La langue de la République est le français. »

Le Conseil constitutionnel, saisi par le Président de la République, Jacques Chirac, décide, le 15 juin 1999, que certaines dispositions de la charte retenues par la France sont contraires à la Constitution, notamment le « droit imprescriptible » à pratiquer une langue régionale dans la vie publique, clause jugée contraire à l’article 2 et aux principes d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi, d’unicité du peuple français, dans la mesure où elles tendent à conférer des droits spécifiques collectifs à des groupes linguistiques.

Plus récemment, ce que l’on appellera « l’affaire des écoles Diwan » a également prouvé que la pratique des langues régionales dans notre République devait connaître certaines limites.

Je rappelle rapidement les faits.

En 2001, Jack Lang, alors ministre de l’éducation nationale, afin de prouver son attachement au développement et à la promotion des langues et cultures régionales, signe un protocole d’accord avec le président de l’association Diwan, qui fédère des établissements pratiquant l’enseignement en langue bretonne par immersion, afin d’intégrer les écoles Diwan et les 194 personnes exerçant dans ces écoles dans le service public de l’éducation.

Contestant sur le fond et sur la forme le protocole d’accord et les textes d’application, …

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