Intervention de Colette Mélot

Réunion du 13 mai 2008 à 16h00
Langues régionales ou minoritaires — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Colette MélotColette Mélot :

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la sauvegarde des langues régionales est une question fort ancienne qui suscite toujours de vifs débats.

Aujourd’hui, on peut dire que notre pays est fortement attaché à deux principes : d’une part, le principe d’unité de la République avec le français comme langue commune ; d’autre part, un principe de préservation de notre patrimoine, dont fait partie la diversité des pratiques linguistiques. Les deux démarches sont parallèles et mon intervention vise à démontrer qu’elles sont conciliables.

Je pense qu’il ne faut pas tomber dans les excès. Certains partisans des langues régionales sont les acteurs plus ou moins conscients du communautarisme et du repli identitaire, au risque de l’affaiblissement de notre République. À l’opposé, il existe des intégristes de la langue française qui désignent les langues régionales comme un fléau pour la République.

Ces combats sectaires sont contraires à l’esprit de notre République et aux aspirations de nos concitoyens.

Le débat sur la place des langues régionales a été rouvert lors de la révision constitutionnelle de janvier dernier. Cette révision était préalable à la ratification du traité européen de Lisbonne. Des députés et des sénateurs, de droite comme de gauche, ont profité de ce débat pour demander l’adhésion de la France à la Charte européenne des langues régionales et minoritaires, afin de donner à celles-ci un statut légal.

Or, le 15 juin 1999, le Conseil constitutionnel avait jugé certaines clauses de cette charte contraires à plusieurs principes essentiels de la Constitution. Selon le Conseil, elles « portent atteinte aux principes constitutionnels d’indivisibilité de la République, d’égalité devant la loi et d’unicité du peuple français ».

La question étant extérieure au débat sur la ratification du traité européen, les amendements déposés n’ont pas eu de suite. Mais le Gouvernement s’est engagé à tenir un débat spécifique sur les langues régionales devant le Parlement dans les mois qui allaient suivre. Notre groupe se réjouit que cette promesse soit tenue, puisqu’un débat a eu lieu la semaine dernière à l’Assemblée nationale, débat prolongé aujourd’hui devant notre Haute Assemblée.

Je voudrais évoquer le contexte juridique et historique dans lequel se pose la question de la ratification de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires.

La langue française est garante de l’unité de notre pays.

Depuis la Révolution et surtout à partir du XIXe siècle, les pouvoirs publics ont voulu apprendre le français à tous les citoyens. Il s’est agi d’une condition sine qua non pour une République égalitaire, offrant à chacun l’accès à l’instruction publique et la possibilité d’une progression sociale. Le but n’était pas de faire disparaître les langues régionales. Cependant, l’hégémonie du français a provoqué fatalement leur marginalisation.

De plus, les moyens employés par l’école pour parvenir à cette unicité de la langue ont été douloureusement ressentis, ce qui explique en partie que le sujet soit si sensible. La première génération, après avoir difficilement acquis le français sur les bancs de l’école, a voulu éviter cette épreuve à ses enfants en les éduquant en français. Les langues régionales ont amorcé leur déclin.

En 1992, il a été inséré un article dans la Constitution énonçant : « La langue de la République est le français. » Cette voie paraît la seule praticable au regard des conséquences qu’impliquerait l’emploi des langues régionales dans la vie publique. On peut citer, par exemple, les problèmes qu’engendrerait l’utilisation des langues régionales dans les procédures civiles et pénales, ou l’obligation de traduction des textes officiels, comme l’envisage la charte européenne.

La langue française est depuis fort longtemps celle qui rassemble les peuples de France. C’est indéniable. Ainsi Albert Camus disait-il : « J’ai une patrie, la langue française ». Une fois ce principe posé, rien n’empêche d’agir pour préserver nos langues régionales.

Il y a cent cinquante ans, au moins 90 % des communes du Var ou du Finistère étaient déclarées non francophones. Les enquêtes dont nous disposons aujourd’hui ont révélé des taux de locuteurs de la langue régionale atteignant en moyenne 10 %, auxquels il faut ajouter 40 % qui la comprennent mais ne la parlent pas.

La transmission familiale des langues régionales n’est guère plus assurée aujourd’hui avec la disparition des dernières générations de locuteurs naturels. Dans ces conditions, l’enseignement est devenu la voie privilégiée et déterminante de la sauvegarde de notre patrimoine linguistique.

Depuis la loi Deixonne de 1951, les langues régionales possèdent un véritable statut. Les pouvoirs publics ont d’abord permis l’enseignement du breton, du basque, de l’occitan et du catalan. Cette possibilité a été étendue au corse en 1974, au tahitien en 1981, puis aux langues mélanésiennes en 1992.

Un ensemble de textes, législatifs et réglementaires, a permis aux collectivités locales intéressées d’assurer l’émergence d’un enseignement structuré autour d’une pédagogie et de recrutements adéquats, en collaboration avec l’État, perçu comme un partenaire et non plus comme un oppresseur. Plus de 400 000 élèves reçoivent aujourd’hui un enseignement de langues régionales et ces effectifs sont en constante augmentation.

La France est particulièrement attachée à la diversité de ses cultures régionales. Face à la mondialisation, qui pourrait nous faire oublier nos racines, nous souhaitons maintenir nos traditions et je pense que nous en avons l’obligation vis-à-vis des générations futures.

Nombreux sont ceux, jeunes ou moins jeunes, qui réveillent le monde d’hier par la langue, la chanson, la littérature, la fête. Les pouvoirs publics ont permis que des émissions en langue régionale soient diffusées sur des chaînes audiovisuelles ou les radios publiques. Il existe bien d’autres dispositions visant à ce que les langues restent vivantes. Je citerai la signalisation routière bilingue ou la possibilité d’émettre des chèques libellés en langue régionale.

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