Dans le champ audiovisuel, les sociétés qui exercent des missions de service public doivent, aux termes de la loi du 1er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, mettre en valeur le patrimoine culturel et linguistique dans sa diversité régionale et locale. Les cahiers des charges de Radio France, de RFO et de France 3 traduisent cette obligation et s’efforcent de la mettre en œuvre. Certes, les résultats sont inégaux selon les antennes, et le temps accordé aux langues régionales dans l’audiovisuel public est sans aucun doute trop faible. Encore faut-il savoir que, chaque jour, en particulier outre-mer, ce sont plusieurs centaines de programmes qui sont diffusés sur le territoire français dans une dizaine de langues régionales.
Dans le domaine de la culture, enfin, nous donnons la priorité au soutien à la création artistique en langues régionales. Notre objectif est que cette production, si méconnue, souvent d’une grande richesse et d’une grande originalité, soit partie intégrante et agissante de notre environnement culturel.
C’est la raison pour laquelle le ministère de la culture encourage les secteurs où se jouent et se forgent la modernité et les légitimités culturelles, du multimédia au théâtre et au cinéma, sans oublier bien entendu le livre, qui demeure le principal outil de développement culturel. Il ne saurait être appliqué un traitement particulier aux créateurs selon la langue qu’ils choisissent. La qualité des œuvres doit rester le seul critère de sélection.
Nous souhaitons inscrire la pluralité linguistique interne dans le débat général sur le plurilinguisme. L’unité sur laquelle s’est construit notre pays n’appelle pas la conformité à un seul modèle. La nation a, au contraire, besoin du dialogue, des confrontations et des contradictions qui animent la vie démocratique. Les langues régionales sont l’instrument et l’expression mêmes de la pluralité culturelle sans laquelle la France ne serait plus fidèle à elle-même. La grande leçon, c’est que l’identité française peut se dire en plusieurs langues ; sachons donc exprimer notre attachement à une France politiquement et culturellement plurielle.
Il reste que, s’il existe des dispositions législatives et réglementaires qui autorisent l’usage des langues régionales en France, elles sont mal connues, de sorte que les réelles marges de manœuvre offertes en la matière ne sont pas suffisamment exploitées.
On constate ainsi une grande méconnaissance de l’état actuel du droit. Qui par exemple, y compris parmi les parlementaires et les élus, sait qu’une collectivité territoriale peut publier les actes officiels qu’elle produit dans une langue régionale, dès lors que ces textes apparaissent comme une traduction du français, seule version à faire foi puisque la langue de la République est le français ? Les dispositions qui régissent l’emploi des langues de France et les possibilités offertes par les textes sont disséminées et fragmentées. Un effort de codification et de normalisation s’impose donc. Nous avons besoin d’un cadre de référence qui nous permette d’y voir plus clair, qui organise et mette en cohérence ce qui existe et qui offre une perspective aux développements nouveaux de la demande sociale et des mentalités.
Un texte de loi donnant une forme institutionnelle au patrimoine linguistique de la nation et servant de cadre de référence est par conséquent nécessaire.
Tout en récapitulant les dispositions existantes, il ouvrira la voie à une véritable avancée en matière de démocratie culturelle dans notre pays et comportera des mesures concrètes dans les domaines de l’enseignement, des médias, des services publics, de la signalisation et de la toponymie. Étant originaire de l’Ariège et de Toulouse, je profite d’ailleurs moi-même de la double dénomination, évoquée par plusieurs orateurs, désignant nos rues et nos localités.
Ces mesures très concrètes viseront à sécuriser l’usage des langues régionales dans notre société, conformément au souhait qui avait été émis par le Président de la République et dans le respect des valeurs de notre République. Elles devraient intervenir assez rapidement, c'est-à-dire dans le courant de l’année 2009, et le Gouvernement attend, bien sûr, de la représentation nationale qu’elle apporte tout son concours à l’élaboration du texte. Différentes suggestions touchant aux grands domaines qui seront directement concernés ont d’ailleurs déjà pu être formulées aujourd'hui.
Pour autant, soyez assurés, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous n’oublions pas que la langue française demeure le socle sur lequel se fonde notre pays, ainsi que l’accès au savoir, aux œuvres, aux technologies, et sans lequel il ne saurait y avoir d’intégration réussie.
Comme le rappelait le Premier ministre, elle est, au plus profond, le lien qui nous rassemble autour des valeurs de la République. Je lui soumettrai d’ailleurs prochainement une circulaire sur l’emploi du français dans les services publics.
Le rappel de quelques grands principes me paraît à cet égard indispensable à la veille de la présidence française de l’Union européenne. C’est en maintenant la force du lien de confiance de nos concitoyens avec la langue française que nous pourrons dans le même temps bâtir une politique audacieuse en faveur des langues régionales, afin que nous n’arrivions jamais à cette situation catastrophique, envisagée, comme le rappelait M. Alfonsi, par Georges Dumézil, où une langue n’est plus parlée que par une poignée de locuteurs, ce qui représente une véritable perte de patrimoine.