C'est là une perspective séduisante, mais sans doute utopique aux yeux de certains.
Sur le plan européen, notre réseau modernisé, restructuré, élargi, ne trouvera sa pleine compétitivité, grâce à sa fluidité, que si l'interopérabilité en tous domaines est mise en place aux frontières des réseaux nationaux. Où en sommes-nous, monsieur le ministre, au regard de cette évolution, de cette harmonisation des modes, qui relèvent de la responsabilité de l'Agence ferroviaire européenne ?
En tout état de cause, l'infrastructure joue un rôle essentiel : 30 000 kilomètres de voies, c'est un lourd patrimoine, mais c'est aussi une immense richesse. Entretien, rénovation, modernisation, constitution de réseaux nouveaux relèvent, à travers RFF, de la responsabilité stratégique et financière de l'Etat, responsabilité en termes de choix et de priorités. Il doit se donner les moyens nécessaires : même si les circonstances économiques lui imposent une réduction de la dépense publique, les crédits consacrés aux transports ne doivent pas s'en trouver affectés.
Il reste que, si important soit-il, l'investissement n'est pas tout. Il doit être accompagné et précédé par une amélioration du fonctionnement, et favoriser tout ce qui permet celle-ci, comme en témoigne, par exemple, la récente contribution de RFF à l'amélioration du fret ferroviaire par la mise à disposition de sillons nouveaux et plus nombreux.
Il s'agit de la structuration du graphique de circulation des trains. Cette expression quelque peu barbare cache des objectifs simples : assurer, selon un schéma harmonieux, l'ordonnancement des trains, des plus rapides aux plus lents ; répéter, selon un rythme régulier - toutes les demi-heures, toutes les heures, toutes les deux heures... -, appelé le cadencement, le même schéma de desserte, le principe s'appliquant à toutes les catégories de trains - trains de marchandises, TER, trains nationaux et trains internationaux.
Les trains de marchandises retrouveront alors la priorité. Grâce à la structuration du graphique, que RFF a fini d'élaborer et qui pourrait être mise en oeuvre à l'horizon de 2007, ces derniers bénéficieront systématiquement de sillons prédéfinis, répétitifs et répondant à une exigence de vitesse adaptée. J'ajoute que ce système de cadencement généralisé est appliqué par tous ceux de nos voisins qui constituent des références en matière ferroviaire, à commencer par la Suisse et l'Allemagne. Il ne serait pas convenable, et cela irait même à l'encontre de toute logique, monsieur le ministre, que certaines réticences, qui semblent exister encore, viennent compromettre l'application de ce nouvel outil.
Je voudrais maintenant m'associer pleinement aux propos de mon collègue Hubert Haenel, qui, se demandant quelle serait demain l'entreprise ferroviaire leader en Europe, a estimé que la Deutsche Bahn s'adapterait avant la SNCF si cette dernière ne se reprenait pas. Cela m'amène à poser la question suivante : ne devrions-nous pas envisager un rapprochement avec, précisément, la Deutsche Bahn ?
A cet égard, je souhaite ouvrir ici, en guise de conclusion, une fenêtre - par laquelle risque de s'engouffrer un petit courant d'air ! -, en rapportant la déclaration suivante de M. Hartmut Mehdorn, président de la Deutsche Bahn : « Laissez à la SNCF la responsabilité du trafic voyageurs - elle y excelle - et confiez-nous celle du fret » ! L'avenir dira s'il s'agissait d'une boutade ou d'une prémonition...
Avec tous les partenaires du rail, je forme le voeu que, par la mise en place accélérée de tous les systèmes combinés - ferroutage, système Modahlor -, la route du fer ne soit pas coupée pour les marchandises, contrairement à ce qu'affirmait une célèbre expression historique !