Intervention de Yann Gaillard

Réunion du 26 janvier 2005 à 15h00
Avenir du fret ferroviaire — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Yann GaillardYann Gaillard :

Monsieur le ministre, je veux vous raconter une triste histoire : celle du transport du bois par la SNCF.

Avant les vacances de l'été 2004, certains de mes collègues s'étaient émus de la crise qui menaçait de s'ouvrir dans les relations entre la SNCF et les professionnels de la filière bois au sujet des mesures prévues par le plan de restructuration de l'activité fret de la SNCF.

Le chef du service du fret m'avait d'ailleurs proposé, en ma qualité de président de la Fédération nationale des communes forestières de France, d'engager une concertation. Elle a eu lieu, ce fut une erreur tactique, dans les locaux de la SNCF : tout l'establishment, tout l'état-major et tous les technico-commerciaux de la SNCF nous ont reçus et un certain nombre de réunions ont été organisées.

Je comprends bien les raisons, maintes fois évoquées par mes collègues au cours de cette très intéressante séance, qui ont amené la SNCF à mettre en place ce plan de redressement ; elles nous ont été exposées avec beaucoup de compétence et de gentillesse. Je dois dire qu'il m'a semblé que j'assistais à un cours du soir : l'économie de la SNCF, ses problèmes financiers nous ont été décrits. Mon impression a été la même que celle de M. Percheron ; pour une fois, bien que n'appartenant pas au même camp, nous nous sommes rencontrés, mais il est vrai qu'il ne s'agit pas d'une question politique !

Le président de la Fédération nationale des communes forestières de France que je suis n'a participé à cette concertation que comme observateur : il s'agissait d'une conférence entre le transporteur et les « transportés », à savoir avant tout la Fédération nationale du bois.

Toutefois, je n'ai pu m'empêcher d'être inquiet, car le secteur du transport du bois est tout particulièrement visé par le plan de la SNCF, même si le mode ferroviaire y est minoritaire, puisqu'il ne couvre que 5 % des parts de marché.

Forte dispersion des trafics et caractère déficitaire du secteur, telles sont les raisons qui ont conduit la SNCF à envisager la suppression de dessertes - 50% des « gares bois » - et une augmentation des tarifs de 18 %.

Les conséquences pour les marchés du bois en seront insupportables. Sachant que le transport représente en moyenne 40 % du prix du bois rendu usine, le bois français risque de devenir peu compétitif. D'autant qu'il n'est toujours pas possible de remplacer le rail par la route à un prix raisonnable, la hausse du prix pétrole n'arrangeant rien à l'affaire.

Il ne faut pas oublier non plus l'aspect environnemental d'un tel transfert, aspect longuement exposé par un certain nombre de mes collègues. Le transfert du rail vers la route de deux millions de tonnes par an de bois transportés entraîne déjà 100 000 mouvements supplémentaires de camions grumiers. Cela va à l'encontre de la politique de stabilisation des émissions de gaz à effet de serre.

Les professionnels de la filière bois entendaient bien réfléchir sur l'inévitable fermeture d'un certain nombre de « gares bois ». Toutefois, ils n'acceptaient pas d'être sous la menace d'une hausse tarifaire, alors même que n'aurait pas été mis en place un dispositif résultant d'une carte établie d'un commun accord.

Après une première réunion, le 22 juillet dernier, les deux parties, SNCF et filière bois, avaient donc décidé de travailler ensemble à la préparation d'un plan « gares bois ». Elles ont listé une centaine de gares à conserver, à court terme, contre 207 gares qui étaient ouvertes, la question des hausses tarifaires ne devant être évoquée qu'à l'occasion d'une réunion prévue en septembre 2004.

Or, une lettre de la direction du fret, adressée à la Fédération nationale des communes forestières de France, en date du 30 juillet 2004, avait une toute autre tonalité. Elle annonçait en effet que la hausse tarifaire de 18 % s'appliquerait le 1er septembre 2004 et était déjà accompagnée d'un projet de liste de 46 « gares bois » à fermer.

Après concertation, la profession décidait d'adopter la positions suivante : travailler avec la SNCF sur un plan « gares bois », mais ne pas l'entériner, ne pas prendre la moindre responsabilité. En effet, il s'agissait non pas d'un plan commun, mais de l'application du célèbre principe : je te propose un contrat que tu n'auras pas le pouvoir de refuser !

Une dernière réunion a prouvé que nous ne pouvions pas aboutir. Il n'y a pas eu de rupture, la SNCF ayant même affirmé son attachement au maintien d'un certain volume de fret bois. Cependant, il n'était pas question, pour elle, de revenir sur la hausse des tarifs.

La profession a éprouvé une sorte de résignation ; on a bien senti que le fret bois était pratiquement condamné. C'est un constat amer que de voir la carte des gares fermées par la SNCF se dessiner peu à peu !

Le 18 janvier, M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, a eu la bonne idée de réunir autour de lui tous les acteurs de la filière bois, initiative que n'avait pas eue son prédécesseur. Le problème du transport du bois a été l'une des premières questions évoquées à cette occasion, car c'est un sujet très important pour l'économie.

Le résultat, c'est vous, monsieur le ministre, qui devez le gérer maintenant. Evoquer le transport par voie routière nous conduit, en effet, à rappeler la loi d'orientation forestière de juillet 2001, laquelle ouvrait la possibilité d'augmenter les tonnages pour les transports de bois ronds sur des itinéraires dûment arrêtés par les autorité publiques compétentes dans le département, diminuant ainsi le nombre de camions sur la route.

La circulaire d'application relative aux itinéraires spécifiques a été publiée en juillet 2004. Ils sont définis par arrêté préfectoral, mais nous constatons que, d'un département à l'autre, les pratiques varient, qu'il n'existe pas de réelle coordination. Ce problème est certes le nôtre, monsieur le ministre, mais c'est aussi le vôtre ! Ce que vous gagnez du côté du transport ferroviaire, vous le perdez sur la route, et inversement.

Je suis donc très inquiet au sujet de cette affaire.

Monsieur le ministre, mon propos ne fait que s'ajouter à la liste des regrets entendus cet après-midi. J'attends votre réponse sans trop d'impatience ni trop d'illusion !

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