Intervention de Gilles de Robien

Réunion du 26 janvier 2005 à 15h00
Avenir du fret ferroviaire — Discussion d'une question orale avec débat

Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer :

Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie très sincèrement de vos interventions, toutes plus intéressantes et plus riches les unes que les autres. Cela témoigne que le « plan fret » était une préoccupation que la SNCF, les entreprises, les parlementaires et, bien souvent aussi, les élus locaux ont en partage. Il est également une préoccupation essentielle pour le Gouvernement.

Je remercie sincèrement M. Reiner, auteur de la question. Grâce à lui, certains ont pu exprimer leurs préoccupations, suggérer des pistes pour relancer le fret ferroviaire, et le Gouvernement s'est vu offrir l'occasion d'exposer ce qui est véritablement une nouvelle politique en la matière.

Oui, monsieur Gerbaud, vous avez eu le mot juste : il s'agit bien du plan de la dernière chance pour le fret ferroviaire ! Il doit en tout cas être pris comme tel, c'est-à-dire avec le sérieux qui convient, voire, parfois, avec les angoisses qui l'accompagnent.

Par ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, il ne faut pas jouer avec les mot ni faire peur. Ainsi, j'ai entendu dire que le Gouvernement souhaitait « filialiser » : vous savez bien que tel n'est pas le cas !

Plutôt que de jouer sur les peurs, voyons comment nous pouvons, ensemble, compte tenu de nos préoccupations, mais aussi avec nos propositions, faire en sorte que ce plan réussisse.

Certes, certains d'entre vous le jugent imparfait ; il n'en reste pas moins que j'y ai mis tout mon coeur pour le promouvoir, avec la SNCF, car - j'y insiste - c'est le plan de la dernière chance.

Je souhaite tout d'abord resituer le « plan fret » dans son contexte d'urgence - le mot est faible - pour vous montrer que les mesures prises s'imposaient de toute façon. Nous n'avions donc pas le choix.

Puis, je vous rappellerai brièvement le contenu de ce plan ainsi que les changements radicaux - certains les trouvent parfois trop radicaux, et je les comprends ! - par rapport à la gestion passée.

Je commenterai, enfin, rapidement l'état d'avancement de ce plan, après seulement une année de mise en oeuvre. Je dispose à cet égard de chiffres plus récents que ceux qui ont été cités tout à l'heure et vous pourrez constater, mesdames, messieurs les sénateurs, combien les choses ont tout de même progressé.

Pour autant, nous ne sommes que dans la première moitié du plan, et l'effort qui reste à fournir pour les années 2005 et 2006 est considérable. Cependant, je n'hésiterai pas, s'agissant du plan de la dernière chance.

Le « plan fret », tout d'abord, est une réponse responsable et, j'ose le dire, courageuse. Je ne m'attribue pas ce courage ; je l'attribue aux acteurs qui ont proposé ce plan et qui, aujourd'hui, le mettent en place.

Je rappelle que, avec 47 milliards de tonnes/kilomètre transportées, le transport de marchandises par le fer occupait une part modale de 13 %, contre environ 80 % pour le transport routier. Telle était la situation.

Cette part du chemin de fer était en complet déclin, vous l'avez souligné, mesdames, messieurs les sénateurs, quelles que soient les travées sur lesquelles vous siégez. Elle chutait régulièrement de 1 % par an depuis vingt ans. Entre 2000 et 2002, ce sont plus de 7 % de trafics qui ont été perdus !

L'accroissement indéfini des pertes de cette activité au sein de la SNCF, grande maison mais financièrement fragile, appelait des mesures d'un tout autre ordre, ne serait-ce que pour des raisons de logique financière rappelées avec insistance par les institutions de l'Union européenne.

En effet, il est impossible de réinjecter indéfiniment des fonds publics dans une entreprise qui est soumise à la concurrence, ou qui le sera à l'avenir. Or, en 2003, la perte courante de la SNCF a été égale au quart de son chiffre d'affaires au titre de son activité fret, soit 450 millions d'euros pour un chiffre d'affaires de 1, 8 milliard d'euros. J'insiste donc sur ce point : la SNCF n'avait pas le choix

Politique de volume tous azimuts et à n'importe quel prix, absence de stratégie de développement, perte de parts de marché, vieillissement considérable et mauvaise organisation de l'outil de production, mauvaise productivité, qualité de service dénoncée par presque tous les clients : à la veille de l'ouverture à la concurrence, l'état d'urgence était proclamé.

Le rapport rédigé en 2003 pour le Premier ministre par MM. Gerbaud et Haenel, rapport qualifié par tous d'excellent - qu'ils en soient ici tous deux chaleureusement remercié - a constitué une photographie claire de la situation. Selon eux, « le fret ferroviaire français n'est pas à la hauteur des enjeux »

Une véritable stratégie pour une politique du fret ferroviaire opérationnelle à court et à moyen terme en a donc résulté, impliquant une réorganisation complète et une mobilisation de tous les partenaires.

En effet, le mode de transport ferroviaire présente de nombreux avantages - quelles que soient les travées sur lesquelles vous vous trouvez, mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez été unanimes sur ce point -, notamment environnementaux. Oui, madame Gourault, vous avez mille fois raison : en matière d'environnement et de sécurité, qu'y a-t-il de mieux que le fret ferroviaire ?

Le Gouvernement est sensible à ces avantages. C'est la raison pour laquelle il a décidé et mis en place le « plan fret » 2006. Ce plan obéit à une stratégie claire : il a pour objet un retour à l'équilibre du compte de l'activité, soit - je le confirme - un gain en résultat net de 450 millions d'euros, au terme de la troisième année.

Ce plan vise également à accroître la qualité et la compétitivité, et constitue un programme de développement des trafics, à partir de 2007 au plus tard.

L'objectif de ce plan est de doter la branche fret de la SNCF d'une structure financière et d'un modèle d'organisation sains afin de retrouver une croissance durable et pérenne de 3 % par an à partir de 2007. L'objectif est fixé.

Ce plan se compose de quatre mesures clés.

Premièrement, ce plan prévoit de revoir entièrement l'outil de production, avec une relocalisation des établissements de traction - quinze au lieu de vingt-sept -, la mise en place de grands axes gérés par un système d'information centralisé, une gestion efficace des wagons et une organisation modernisée des acheminements.

Deuxièmement, ce plan tend à améliorer la productivité. Globalement, l'objectif fixé est de faire un effort de productivité de 360 millions d'euros sur les 450 millions d'euros à regagner en résultat brut. Les ateliers de maintenance ont ainsi été restructurés et des investissements à hauteur de plus d'un milliard d'euros sur cinq ans, dont la moitié résultera d'ailleurs du plan Fret 2006, seront consentis pour moderniser le matériel roulant et les systèmes d'information. La moyenne d'âge du matériel roulant sera ainsi ramenée de trente à vingt ans en 2010, grâce aux 210 locomotives électriques en cours de livraison et aux 400 locomotives Diesel qui seront livrées à partir de 2007.

Troisièmement, ce plan vise à reconquérir la confiance des clients. Ceux-ci se gagnent avec des prix, avec un produit, mais également avec la confiance, comme M. Haenel le sait bien. Il faut donc revenir à une qualité de service garantie : toute la chaîne logistique est réorganisée avec chaque client afin d'assurer un service « de bout en bout ». Dans une logique commune d'approvisionnements plus massifs, de chargements plus efficaces et de prévisions plus fines des volumes, le service rendu est alors fiabilisé et la qualité du service accrue.

Quatrièmement, enfin, ce plan prévoit l'adoption d'une nouvelle politique commerciale, fondée sur les marges plutôt que sur le volume. Comment, en effet, faire du transport si l'on ne dégage pas de marges ? Il a été estimé que certains tarifs de fret de la SNCF étaient deux fois inférieurs à ceux de la concurrence. Cela ne peut plus durer. Or la SNCF n'a pas, dans le domaine du fret, d'obligation spécifique de service public. Il est donc impératif de se dégager de ces trafics complètement minoritaires et sous-tarifaires qui pénalisent le reste de l'activité.

Si l'on se recentre sur les transports pour lesquels le mode est vraiment compétitif parce que pertinent, les flux à distance moyenne ou longue peuvent être massifiés, directs et prévisibles. Les tarifs proposés sont alors fondés sur la réalité des coûts et la comparaison des prestations et des prix des concurrents, tout cela grâce à une négociation poussée avec les clients.

Conformément au rapport Haenel-Gerbaud, nous concentrons le trafic non pas sur les clients ou les marchés rentables, mais sur les flux pertinents. Il s'agit là, à mon avis, de la clé du succès : il faut concentrer le trafic sur les flux pertinents !

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