Intervention de Bernard Murat

Réunion du 26 janvier 2005 à 15h00
Aide aux producteurs de fruits et légumes — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Bernard MuratBernard Murat :

Dans l'intérêt de nos territoires, et pour leur défense, la survie de cette filière est donc primordiale. Je tenais simplement à le rappeler et à insister sur le fait que nous sommes tous concernés par cette question, car la production des fruits et légumes, au-delà des productions intensives, est un élément incontestable d'équilibre financier pour les productions agricoles multiformes.

Dans un premier temps, je souhaiterais revenir sur les dispositions adoptées la semaine dernière dans le cadre de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, car elles répondent concrètement aux préoccupations des professionnels de la filière. Leur adoption va en effet permettre de donner suite rapidement aux réflexions menées en matière de relations commerciales dans le domaine agricole. Je sais, monsieur le ministre, combien vous avez oeuvré pour qu'il en soit ainsi, et nous vous en remercions.

Autoriser les annonces de prix pour les fruits et légumes frais intervenant dans une courte durée précédant la période de validité de l'annonce, conditionner les remises, ristournes et rabais à la signature d'un contrat écrit incluant des clauses sur le principe du « prix plancher », prévoir une responsabilité en cas de pratique de prix abusivement bas, organiser un encadrement des marges sont autant de mesures qui vont permettre une certaine régulation du marché des fruits et légumes. Nous ne pouvons que nous en féliciter !

Je voudrais aussi revenir sur l'adoption par le Sénat de l'amendement de mon collègue Daniel Soulage, que j'ai d'ailleurs cosigné, instaurant la mise en place du mécanisme du coefficient multiplicateur.

J'ai bien entendu les arguments du Gouvernement, en particulier ses arguments juridiques ; mais pour redonner confiance aux producteurs, il fallait une mesure forte, d'autant plus qu'elle était réclamée et attendue depuis longtemps.

Nous ignorons encore ce qu'il en adviendra, mais elle pourrait répondre aux situations de crise observées ces derniers temps en permettant de corriger les freins à la consommation liés à des prix excessifs au détail au regard du prix de production.

Je voudrais aussi saluer l'initiative du Gouvernement qui, face à l'ampleur sans précédent de la crise de cet été, a débloqué un certain nombre d'aides financières destinées à soutenir la filière durement touchée.

S'agissant des aides de l'ONIFLHOR, vous me permettrez de signaler que le taux de spécialisation imposé pour en bénéficier est toujours de 50 %. Cela élimine d'office les exploitants qui ont joué, souvent pour survivre et équilibrer leurs revenus, la carte de la diversification de leurs productions. Tel est le cas, si l'on exclut la pomiculture, de nombreuses exploitations corréziennes : seuls vingt dossiers sont actuellement éligibles, soit moins de 10 % des producteurs.

Afin d'élargir la base d'éligibilité des dossiers, un abaissement du taux de spécialisation à 30 % paraîtrait opportun. Cet abaissement avait été envisagé, semble-t-il, pour être ensuite abandonné. Peut-être pourrez-vous nous fournir quelques précisions sur cette question aujourd'hui, monsieur le ministre ?

Parer à la crise de ces derniers mois, telle était l'urgence. Mais gérer le présent ne suffit pas, car il faut aussi préparer l'avenir.

L'un des axes fondamentaux sur lesquels nous devons centrer notre action concerne les facteurs de compétitivité des entreprises de la filière.

Je me contenterai d'évoquer le problème des charges et du coût de la main-d'oeuvre de ces entreprises, ainsi que les difficultés rencontrées par ces dernières pour recruter des emplois saisonniers de ressortissants français.

Créateur de centaines de milliers d'emplois, le secteur des fruits et légumes se caractérise par un coût de main-d'oeuvre très élevé. Il constitue en réalité l'élément majeur des coûts de production du secteur. Le phénomène s'est d'ailleurs accentué ces dernières années du fait de la réduction du temps de travail, de l'augmentation du smic, des problèmes liés au recrutement et à la fidélisation de cette main-d'oeuvre.

Il est donc aujourd'hui nécessaire de trouver des solutions pour permettre aux coûts de main-d'oeuvre en France de s'aligner sur ceux de nos concurrents intracommunautaires ou extracommunautaires.

En effet, différentes études montrent combien les producteurs de fruits et légumes subissent de plein fouet les distorsions de concurrence des autres producteurs européens, puisque de forts écarts ont été constatés concernant la valeur des salaires minimaux, le taux des cotisations sociales, la durée du travail et les conditions d'accès à la main-d'oeuvre étrangère.

Ces graves distorsions de concurrence nuisent à la compétitivité et expliquent en partie la crise actuelle du secteur.

Très attentif aux attentes des professionnels sur ce volet, le Gouvernement a d'ores et déjà annoncé un certain nombre de mesures spécifiques. Des groupes de travail étudient encore cette problématique essentielle et d'une brûlante actualité. Puis-je me permettre, monsieur le ministre, de vous demander quel est l'état d'avancement de leurs travaux ?

Peut-être pourrait-on envisager une harmonisation sociale européenne ? Je n'entrerai pas dans le détail des dispositions qui pourraient être prises en la matière, car elles vont des allégements de charges pour les producteurs à la mise en place « d'un contrat cueillette » ou d'une période transitoire à la libre circulation des travailleurs. Mais il pourrait à mon avis s'agir là d'orientations fortes de nature à rassurer la filière.

Ce n'est d'ailleurs là qu'une d'une toute petite partie du plan à mettre en oeuvre afin de rendre cette filière compétitive. Ce plan devra être complet et doté de moyens financiers garantissant l'efficacité des mesures prises. Je sais que vous en avez conscience, monsieur le ministre, et votre présence parmi nous ce soir le prouve. Je crois que nous pouvons à l'évidence vous faire confiance à cet égard.

Puisque nous sommes encore dans la période des voeux, permettez-moi, à titre personnel, de formuler le souhait que les réponses que vous apporterez aux producteurs de fruits et légumes de France prennent toute la mesure des enjeux de cette filière, afin de favoriser le développement de stratégies gagnantes-gagnantes pour la société, pour les consommateurs, pour nos territoires ruraux et, bien sûr, pour la filière elle-même, créatrice d'emplois.

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