Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon propos, qui complètera l'excellente intervention de notre collègue François Marc, portera sur deux points.
J'aborderai tout d'abord la question de la reconnaissance des difficultés de production des fruits et légumes en région de montagne, puis celle de la réglementation française en matière d'agriculture biologique, qui est beaucoup plus restrictive que la réglementation européenne.
S'agissant du premier point, et tout particulièrement de l'arboriculture, il paraît tout à fait légitime et équitable, compte tenu des fortes contraintes pesant sur les départements de montagne - altitude moyenne de ces départements, relief accidenté qui les caractérise généralement avec, le plus souvent, des plantations sur coteaux, structure même des exploitations avec de très petites parcelles et des faibles rendements liés à ces conditions particulières -, que l'indemnité compensatoire de handicap naturel, l'ICHN, soit appliquée sur le terrain avec une plus grande souplesse dans ces départements et sur l'ensemble des départements savoyards, et ce si possible sans distinction de zone.
Par ailleurs, pour que les arboriculteurs puissent vivre de leur production, dans un contexte économique national et international difficile, et au regard des moindres tonnages à l'hectare qui sont réalisés en montagne, la profession souhaite que le prix de vente soit calculé à partir du prix de revient, quitte à proposer une transparence totale des charges du producteur et du distributeur.
En ce qui concerne le maraîchage dans ces départements, là aussi les exploitations sont de petite taille. Eu égard au climat et au relief, les contraintes sont fortes, avec des exploitations faiblement mécanisables, ce qui entraîne forcément un coût de main-d'oeuvre élevé.
Ces éléments expliquent les forts écarts de prix de revient avec d'autres zones de production et justifieraient l'établissement d'une aide pour « zone difficile » dans les départements concernés.
De plus, pour pouvoir valoriser leur production, les maraîchers d'altitude se sont fortement tournés vers la vente directe, ce qui augmente de façon très sensible le temps de travail ; l'aide que je viens de proposer viendrait, pour partie, compenser ce surcroît de travail.
Par ailleurs, s'agissant des deux filières arboricole et maraîchère, j'attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que, d'une façon globale - ce n'est en effet pas exclusivement le cas dans les territoires où les emprises foncières sont faibles -, la pression foncière menace directement les exploitations. On touche là à la problématique du périurbain.
En effet, les meilleures terres sont en plaine ; les coteaux ensoleillés qui entourent nos agglomérations sont propices non seulement à l'agriculture, mais également au développement de l'habitat ; on privilégie une meilleure précocité en plaine pour les cultures qui sont là aussi menacées par le développement de l'urbanisation ; l'accessibilité à l'eau pour l'irrigation y est aussi plus facile ; enfin, l'importance de la proximité des bassins de consommation est un élément important qu'il ne faut pas négliger.
Il est donc indispensable de conserver une place aux maraîchers et aux arboriculteurs dans les aménagements des zones périurbaines pour éviter leur disparition pure et simple. Cela passe par une attention particulière et continue durant la phase d'élaboration des documents prospectifs en matière d'urbanisme, tel que le schéma de cohérence territoriale créé par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, de la part de tous les acteurs appelés à contribuer au contenu de ces schémas de référence, qu'il s'agisse des élus, des chambres consulaires, de l'Etat, ou des personnes qualifiées amenées à contribuer à cette élaboration.
Cela passe aussi par la mobilisation de moyens dont ne disposent pas toujours les collectivités territoriales pour la maîtrise foncière, laquelle conditionne le maintien de l'agriculture périurbaine. Comment l'Etat peut-il répondre à cet objectif ?
Par ailleurs, comment peut-on faire évoluer le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, pour que celles-ci concourent à pérenniser les productions de proximité de fruits et légumes et à favoriser ainsi les circuits courts tout en ayant une activité qui ne se cantonne plus uniquement à une mission agricole ?
Au moment où se créent, sur le territoire national, des établissements publics fonciers locaux, comment pouvons-nous mutualiser les moyens pour favoriser une complémentarité de ces outils fonciers ?
Le second volet de mon intervention concerne la réglementation relative à l'agriculture biologique.
J'ai suggéré tout à l'heure que puissent être reconnus, dans les prix de vente, les produits de la filière fruits et légumes de montagne. A cet égard, je souhaite vous faire part de certaines interrogations des professionnels appartenant à ces deux filières en matière de réglementation française de la production agricole biologique, laquelle est aujourd'hui beaucoup plus restrictive que la réglementation européenne.
En effet, sur le marché, nombreux sont les produits agréés par le règlement CEE n° 2092/91 de l'agriculture biologique et non autorisés en France. Ces produits sont pourtant systématiquement utilisés dans les autres pays de l'Union européenne dans le domaine de l'arboriculture fruitière.
La non-homologation des produits que je viens de citer est très certainement liée au coût très élevé des homologations françaises au regard du marché que représente aujourd'hui, sur notre territoire, l'agriculture biologique. Cette absence d'homologation est certainement également due au fait que les produits utilisables dans l'agriculture biologique proviennent de procédés biologiques de production, telles les fermentations, qui ne peuvent garantir des teneurs toujours parfaitement identiques en « matières actives », condition incontournable pour obtenir une homologation en France.
De fait, cette situation crée une distorsion de concurrence évidente en matière de production, qui est doublée d'une distorsion de concurrence économique puisque les produits des autres pays de l'Union européenne, conformes au règlement européen, sont librement mis sur le marché en France. Il s'agit là d'un sujet tout particulièrement sensible dans les départements producteurs frontaliers.
Aussi me semble-t-il urgent, notamment après en avoir discuté avec des producteurs de fruits arboricoles, de mettre la réglementation française en adéquation avec le règlement européen en matière de production de l'agriculture biologique, tout en restant bien évidemment vigilant en termes de sécurité alimentaire.
En effet, je remets en cause la distorsion évidente de concurrence entre les pays de l'Union européenne, mais je n'ai pas les moyens d'apprécier les politiques de sécurité alimentaire des autres pays de l'Union européenne. Toutefois, je n'ai pas de raison de penser que nos voisins allemands, par exemple, prennent des risques inconsidérés dans ce domaine, eux qui plébiscitent une alimentation saine à partir de produits issus de l'agriculture biologique, à l'instar d'ailleurs d'un pays voisin qui ne fait pas partie de la Communauté économique européenne, la Suisse, pays pionnier en la matière.
Monsieur le ministre, j'attends que vous répondiez aux interrogations et aux craintes des producteurs maraîchers et des producteurs de la filière arboricole.