Lutter contre les fraudes et les abus est nécessaire, et ce n’est pas là ce qui nous chagrine.
Le problème, c’est que l’article 77 étend indûment la notion de fraude à des actes non intentionnels ou liés aux conditions de vie et alourdit le montant des pénalités financières. Cela risque d’aboutir, dans certains cas, à des sanctions disproportionnées.
L’absence de réponse, voire une réponse « abusivement tardive », à un courrier de l’organisme local d’assurance maladie est qualifiée de fraude, et la sanction peut atteindre 200 % des sommes en cause.
Il est difficile de donner un contenu juridique au terme « abusivement tardive », mais là n’est pas l’essentiel. Ces dispositions méconnaissent complètement la situation des personnes concernées, bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire ou de l’aide médicale de l’État.
Les comportements que vous qualifiez de frauduleux sont, bien souvent, liés aux conditions de vie de leurs auteurs. Ces derniers sont souvent démunis face au langage administratif et croulent tellement sous les difficultés que le courrier, à force d’être un vecteur de factures et de mauvaises nouvelles, est de plus en plus difficile à gérer. En outre, certaines personnes ont un domicile précaire et relèvent leur courrier de façon irrégulière.
La mise en place de systèmes automatiques de sanction risque d’empêcher de tenir compte des situations de grande précarité. Réprimer ceux qui abusent sciemment du système est une chose ; nier les situations de détresse sociale et les assimiler à de la fraude en est une autre.
Les moyens de lutter contre la fraude existent déjà. Les renforcer ainsi risque d’aggraver la situation des personnes les plus fragiles et – je le souligne – de bonne foi.
Selon que vous serez puissant ou misérable, disait déjà en son temps La Fontaine…