Intervention de Éric Woerth

Réunion du 20 novembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, dans la période de crise que nous traversons, la réactivité est évidemment primordiale : un temps de retard dans une décision peut entraîner des effets dévastateurs sur une économie déjà bien chahutée à l’échelle planétaire.

Pour autant, réactivité ne veut pas dire précipitation. Certes, il faut savoir prendre des risques, et des risques mesurés, mais on ne peut se dispenser du temps nécessaire à l’analyse. Le budget de l’État, qui est un des instruments majeurs de pilotage de l’économie dont dispose le Gouvernement, se doit naturellement d’être réactif, c'est-à-dire susceptible de s’adapter à la situation, et en même temps sincère.

Cela signifie qu’il a fallu concilier des paramètres a priori contradictoires : la brutalité de la crise, le temps nécessaire pour analyser les données et le rythme de notre procédure budgétaire. Je pense que nous sommes, tous ensemble, parvenus à faire face à cette situation exceptionnelle.

Avec Christine Lagarde, nous avons présenté devant votre Haute Assemblée les versions révisées des prévisions de croissance et de finances publiques aussi rapidement que possible. C’était il y a très peu de temps, à l’occasion de la discussion dans cet hémicycle du projet de loi de programmation des finances publiques, le 6 novembre dernier. C’était le moment adéquat pour le faire, car nous avons pu débattre de ces révisions pour l’ensemble des finances publiques sur l’ensemble de la législature.

J’ai ensuite eu l’occasion de détailler avec vous ces révisions pour la sphère sociale dans le PLFSS. J’en tirerai aujourd’hui logiquement les conséquences avec le présent projet de loi de finances en présentant les amendements correspondant à ces révisions.

Pour importants qu’ils soient, ces amendements sont soigneusement circonscrits et concernent principalement l’équilibre et les recettes. Comme je m’y étais engagé, je ne modifie pas les dépenses au-delà de l’incidence mécanique des hypothèses révisées sur la charge d’intérêt et les dépenses indexées.

Ces révisions nous conduisent donc de manière totalement transparente à afficher – malheureusement, dirai-je – un déficit budgétaire plus important pour 2009 puisqu’il s’élève à 57, 6 milliards d’euros, ainsi que je l’ai indiqué hier soir à l’Assemblée nationale.

Bien sûr, la dégradation des prévisions de recettes et de déficit a beaucoup retenu l’attention ; c’est sur elle qu’a porté l’essentiel des commentaires. Pour autant, cela ne doit pas occulter l’essentiel. L’objet premier de la discussion budgétaire n’est pas de faire voter une prévision par le Parlement : le budget n’est pas le « concours Lépine » des conjoncturistes !

Le budget est d’abord la traduction financière d’orientations politiques claires. Les nôtres concernent l’efficacité de la dépense, l’amélioration de la fiscalité et une stratégie nettement définie au cas où nous serions confrontés à de nouvelles surprises, stratégie consistant à laisser agir la conjoncture sur les recettes.

Ces orientations, qui relèvent non pas de la prévision mais de l’action, n’ont pas changé depuis la présentation de ce texte en conseil des ministres tout simplement parce que ce sont celles qui s’imposent à nous. Elles s’imposent à court terme : il nous faut amortir la crise. Elles s’imposent aussi à moyen terme : nous devons préparer l’avenir et tirer au mieux parti de la reprise lorsqu’elle viendra, car elle viendra. Elles s’imposent enfin à long terme : il s’agit de conserver le contrôle de nos finances publiques.

Le projet de loi de finances était d’une parfaite sincérité lorsqu’il a été déposé puisque l’hypothèse d’une croissance de 1 % en 2009 était alors partagée par absolument tous les économistes. J’entends évidemment qu’il conserve toute sa sincérité et tout son réalisme.

Comme je vous l’avais annoncé, face à la dégradation de nos perspectives de croissance, notre choix est de ne pas modifier la progression réelle des dépenses et de ne pas chercher non plus à compenser par des augmentations de recettes la faiblesse de la conjoncture. En d’autres termes : pas de coupes sévères et pas de hausses d’impôts.

En acceptant que les recettes diminuent avec la conjoncture, nous laissons jouer ce que les économistes appellent les « stabilisateurs automatiques ». Or ces stabilisateurs sont puissants en France, ce qui n’est d’ailleurs pas suffisamment compris.

Pourquoi sont-ils puissants ? Tout simplement parce que la sphère publique représente une part très importante de l’activité, bien plus importante que dans d’autres pays. En France, c’est plus d’un euro sur deux produits chaque année qui transite par l’administration. Mesdames, messieurs les sénateurs, cinquante points de PIB, c’est évidemment considérable, et, je l’ai souvent rappelé, nous sommes quasiment les champions d’Europe en la matière !

Le choix de ne pas compenser une diminution de 0, 5 % des ressources en France représente donc un effort plus substantiel que pour des pays où les recettes ne représentent que quarante points de PIB, comme au Royaume-Uni, ou trente, comme aux États-Unis. En laissant jouer les stabilisateurs, l’État prend ainsi à sa charge une large part de l’impact de la crise sur l’économie française. L’avantage de cette stratégie, c’est aussi qu’elle s’adapte à l’ampleur de la crise : si celle-ci se révélait plus marquée, l’effort de l’État serait automatiquement plus important.

Au total, pour 2009, les recettes seraient ainsi revues à la baisse de près de 7 milliards d’euros, en tenant compte à la fois de la révision de la croissance et de la sensibilité de certains impôts à la crise financière, comme l’impôt sur les sociétés. Les recettes de ce dernier devraient enregistrer une diminution de 4 milliards par rapport aux prévisions initiales. Les autres recettes fiscales seraient affectées dans une moindre mesure, notamment la TVA, pour laquelle la diminution serait de 2 milliards d’euros.

Selon ces prévisions, qui sont les plus prudentes jamais retenues, les recettes de l’État progresseraient, à législation constante, de 0, 7 %, c'est-à-dire deux fois moins vite que l’inflation.

En matière de dépenses, la recherche de l’efficacité n’est évidemment pas soluble dans la crise. Bien au contraire, c’est l’efficacité de la dépense qui garantit la solvabilité de l’État. C’est elle qui permettra de rétablir à terme des marges de manœuvre dont nous aurions bien besoin aujourd’hui ; elle est la condition de l’assainissement de nos finances publiques.

Les discussions à l’Assemblée nationale ont validé cette approche puisque les nombreux amendements adoptés n’ont pas modifié significativement l’équilibre du texte. Des crédits supplémentaires ont été accordés pour faire face à la crise. Ils serviront à soutenir les PME et, sur le front de l’emploi, à augmenter le volant d’emplois aidés. Ces crédits ont notamment été gagés par des économies supplémentaires sur toutes les missions.

Par conséquent, je n’ai pas modifié les dépenses au-delà de l’impact mécanique des nouvelles prévisions macroéconomiques sur le poste de la charge de la dette et celui des dépenses de pensions.

En revanche, et je sais que votre Haute Assemblée y sera sensible, le Gouvernement a décidé de ne pas modifier les transferts aux collectivités locales qu’auraient pu impliquer les modifications apportées au taux d’inflation prévisionnel pour 2009. En effet, pour respecter la règle que nous nous étions fixée, il aurait fallu aligner l’indexation des concours sur l’inflation révisée à la baisse à 1, 5 %. Nous avons décidé de ne pas le faire.

Cela représente 275 millions d’euros de plus que la norme dite du « zéro volume », …

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