Intervention de Joël Bourdin

Réunion du 20 novembre 2008 à 15h00
Loi de finances pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Joël BourdinJoël Bourdin :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, M. le Premier ministre a déclaré, il y a peu : « Il faut passer du monde de l’après-guerre au XXIème siècle. »

Nous y sommes, mes chers collègues ! Nous voici en effet saisis d’un budget qui s’inscrit dans un contexte macro-économique de transition, cette dernière étant aussi forte qu’incertaine quant à son aboutissement.

À ce sujet, je ne vous imposerai pas une énième histoire de la crise qui nous afflige, celle-ci ayant déjà été retracée dans les discours des orateurs ainsi que dans le vôtre, madame la ministre.

Une chose est sûre : la crise est là ! Elle décline ses effets économiques et sociaux ; surtout, elle est dans toutes les têtes, ce qui, au demeurant, est le plus grave. Car l’économie est essentiellement une affaire de confiance ou de défiance. C’est le moral des consommateurs et les anticipations des entrepreneurs qui sont les moteurs de la machinerie économique. Dans ce contexte, le rôle des pouvoirs publics, de l’État souverain, est de donner de l’espoir aux uns et aux autres et, éventuellement, de se substituer provisoirement à eux.

Osons l’affirmer, et en tant que président de la délégation à la planification, je ne me fais pas violence pour le dire : l’État est un acteur à part entière de l’économie. Il doit assurer la permanence de certains services qui n’ont pas véritablement de marché ; il doit pallier les défaillances du marché et faire en sorte que la demande et l’offre globales de biens et de services se rencontrent à un niveau efficient.

Les économies étant des mécanismes complexes, leur fonctionnement peut entraîner certains déséquilibres. Ainsi, toutes les économies peuvent se trouver piégées dans ce qu’on appelle un « équilibre de sous-emploi ». C’est ce qu’a montré, dans un raisonnement rigoureux, John Maynard Keynes voilà maintenant soixante-dix ans. Les éléments de ce schéma d’équilibre de sous-emploi restant présents dans notre économie, les États doivent, encore aujourd’hui, jouer un rôle actif dans la création de la valeur et dans la poursuite du plein-emploi.

Cela ne signifie, en rien, que les règles du marché doivent être abolies : celles-ci sont nécessaires à la rencontre de l’offre et de la demande, nécessaires à l’équilibre des prix, nécessaires à la diffusion du progrès, nécessaires aussi à la diffusion de la productivité. Elles peuvent toutefois se montrer défaillantes, parce que le pouvoir d’achat des demandeurs est insuffisant ou parce que des rigidités se manifestent dans l’offre des entreprises. L’État doit alors intervenir pour remettre l’économie sur les rails de la croissance.

C’est la supériorité de l’analyse keynésienne sur l’analyse classique – ou libérale – que d’attribuer un rôle économique éminent à l’État. C’est le rôle d’un État moderne que de veiller, d’une part, à ce que la consommation ne s’essouffle pas et, d’autre part, à ce que l’investissement ne fléchisse pas. Pour ce faire, la puissance publique dispose de tout un arsenal de moyens et peut opérer par substitution. C’est ainsi, comme vous le savez, mes chers collègues, que Roosevelt a entrepris le New Deal après la crise de vingt-neuf, en lançant notamment toute une série de grands travaux, et c’est ainsi que, dans notre histoire d’après-guerre, quelques gouvernements courageux se sont engagés dans une dépense publique active fondée sur l’investissement.

Quand les masses de l’investissement et de la consommation se mettent à baisser, l’effort de l’État doit augmenter, en compensation. Cela signifie que, lorsque la crise pointe – qu’il s’agisse d’une récession ou, pire, d’une déflation –, l’État doit s’efforcer de développer, ainsi que l’a très bien rappelé M. le rapporteur général, ce qu’il convient d’appeler une action contra-cyclique ou, plutôt, une action contra-récessive. Concrètement, cela signifie que, parfois, l’État doit impérativement faire le contraire de ce que font les autres acteurs économiques.

Juste avant la Seconde Guerre mondiale, nous avons souffert d’un épisode désastreux de déflation, entretenu par une politique déflationniste. La consommation et l’investissement diminuaient, pour des raisons liées aux taux de change et, de son côté, la dépense publique baissait dans les mêmes proportions que les recettes publiques. Au final, l’économie sombrait de plus en plus. L’État avait adopté un comportement identique à celui des consommateurs et des investisseurs alors qu’il aurait dû adopter l’attitude inverse. Face à la dérive de la demande spontanée, il n’y avait pas de moteur de remplacement.

On le sait maintenant, l’État doit faire office de moteur de remplacement. Et, je le répète, l’État ne doit pas être à l’unisson des autres acteurs économiques, même si cela entraîne, provisoirement, un accroissement du déficit public. Roosevelt n’a pas eu peur du déficit public, et Roosevelt a fait gagner les États-Unis !

Je me réjouis donc, madame la ministre, au nom de l’UMP, de la réactivité dont ont su faire preuve le Gouvernement et le Président de la République face à la crise. Le message transmis par le Gouvernement est tout à fait rassurant et la décision de ne pas comprimer les prévisions de dépenses, alors même que les recettes ont été ajustées à la baisse, va dans le bon sens.

Nous approuvons aussi le principe – même si ce n’est, pour l’instant, qu’une rumeur – d’un plan de relance qui, certes, alourdirait les charges, à condition qu’il se traduise par des dépenses actives, c’est-à-dire des dépenses d’investissements, et qu’il soit élaboré en coordination avec nos partenaires européens, ce qui devrait être le cas.

Revenons-en au budget. Le groupe UMP salue l’effort de transparence et de vérité que vous avez accompli, madame la ministre, dans un contexte économique et financier difficile, lors de la discussion ici-même, le 6 novembre dernier, du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012.

Nous saluons également votre volonté, à titre exceptionnel, de ne pas traduire mécaniquement la diminution d’un demi-point de la prévision d’inflation sur l’évolution des concours de l’État aux collectivités locales pour 2009, ainsi que l’a rappelé M. le président de la commission des finances.

Cette mesure exceptionnelle en faveur des collectivités locales permettra de préserver les dépenses publiques d’investissement et de solidarité à un moment où la dégradation de la situation économique les rend d’autant plus indispensables.

Sans entrer dans le détail des mesures du projet de loi de finances, je souhaiterais néanmoins dire deux mots au sujet du plafonnement des niches fiscales.

Plusieurs niches qui, jusqu’à présent, offraient des avantages fiscaux illimités, ont en effet été plafonnées individuellement. Les députés ont également institué un plafond global d’exonération d’impôt par voie d’amendement. Je rappelle que les recettes engendrées par ces plafonnements vont permettre, notamment, de financer le revenu de solidarité active. Ces économies sont donc « gagées », en quelque sorte.

Les niches fiscales permettent certes de soutenir l’activité dans certains secteurs ou dans certaines zones géographiques, mais elles ont aussi parfois un effet pervers lorsqu’elles permettent à des titulaires de hauts revenus d’échapper complètement à l’impôt en multipliant les investissements « intéressés ». De travaux parlementaires, il ressort qu’un redevable peut réduire son impôt de 200 000 euros en cumulant divers dispositifs. Le mois dernier, votre administration, madame la ministre, a évalué à 7 000 le nombre de ménages qui, malgré un revenu annuel égal ou supérieur à 100 000 euros, ne payaient aucun impôt.

Les niches concernées par le plafonnement sont la location de meublés, l’investissement dans les DOM et dans les collectivités d’outre-mer, ainsi que l’entretien d’immeubles en zones protégées ou dispositif « Malraux ».

À dessein, je sépare le cas de l’entretien des monuments historiques non ouverts au public, qui doivent être absolument préservés, car il en va de la sauvegarde de notre patrimoine national privé.

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