Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons de ce projet de budget pour 2009 au moment même où l’on constate un accroissement de la pauvreté dans notre pays, au moment même où l’attaque menée contre le service public de l’éducation vient de provoquer l’un des mouvements de grève les plus puissants dans ce secteur depuis bien longtemps, exprimant l’inquiétude des enseignants mais aussi des parents pour l’avenir de leurs enfants.
Parallèlement, comme d’habitude, on continue à nous parler du poids excessif des prélèvements obligatoires, alors que les déficits se creusent et que la justice fiscale et sociale demeure aux abonnés absents.
On nous dit sur tous les tons que les caisses de l’État sont vides et qu’en conséquence l’heure serait à la réduction de la dépense publique.
Nous ne pouvons évidemment pas partager ce constat qui évite de regarder la réalité du chemin parcouru depuis la discussion, au cours de l’été 2007, de la loi TEPA, celle de la loi de finances de 2008 ou encore celle de la loi de modernisation de l’économie.
La question est simple : que sont devenues les promesses électorales du printemps 2007 et quel bilan pouvons-nous tirer des mesures prises depuis le début de la législature ?
En 2007, la loi TEPA devait, au travers d’un choc de confiance, conduire notre pays sur la voie de la croissance, de la création d’emplois, grâce, entre autres, aux vertus d’un généreux paquet fiscal de plusieurs milliards d’euros en année pleine, un paquet fiscal dont on reconnaissait, du bout des lèvres, qu’il avait beaucoup d’intérêt pour les détenteurs de patrimoine. Il permettait, en effet, par ajustement des droits de mutation, par correction de l’impôt de solidarité sur la fortune, de réduire sensiblement le montant de l’imposition due et de « fluidifier », selon l’expression de M. le rapporteur général, la gestion de ces patrimoines.
Ce paquet fiscal comprenait aussi, entre autres mesures phares, la défiscalisation des heures supplémentaires. Je voudrais m’arrêter quelques instants sur cette question.
Le ministère de l’économie et des finances, de manière assez récurrente, communique sur le volume des heures supplémentaires observé par les services du ministère du travail depuis la mise en œuvre du dispositif. Peu importe d’ailleurs que la direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques, la DARES mette en garde contre le fait qu’aucun élément de comparaison n’existe entre le volume des heures déclarées et le volume des heures précédemment effectuées. Le ministère passe outre et claironne le succès de la mesure !
Mais il est nécessaire d’y regarder de plus près. Dans une étude publiée début octobre, la DARES estime à 631 millions d’heures le volume des heures supplémentaires effectuées par les salariés en 2006, c’est-à-dire avant la mise en place du dispositif de la loi TEPA. Sans surprise, ce sont les secteurs de la construction, du commerce et des transports qui s’avéraient alors les plus consommateurs d’heures supplémentaires. Ainsi, 411 millions d’heures supplémentaires auraient été effectuées en 2006 dans ces activités économiques et celles des services aux entreprises.
Pour 2008, l’agence centrale des organismes de sécurité sociale donne une première indication : depuis le début de la mise en place du dispositif, le nombre mensuel d’heures supplémentaires déclarées se situe, selon les trimestres, entre 150 millions et 183 millions d’heures, c’est-à-dire à des niveaux extrêmement proches de ceux que l’on a pu observer pour 2006.
Nombre de petites entreprises semblent avoir décidé de déclarer des heures au titre du dispositif, alors qu’elles ne le faisaient pas auparavant, gonflant artificiellement ce nombre.
Sur le fond, la loi TEPA aura au moins servi dans quelques entreprises, à assurer la paix sociale. Elle a permis, de manière marginale, mais néanmoins réelle, à certains employeurs de se dispenser d’augmenter les salaires sur le dos de l’État et de la sécurité sociale en payant enfin aux salariés les heures supplémentaires qui n’étaient pas déclarées auparavant.
Ainsi, on peut dire que le déficit de la sécurité sociale qui en découle est finalement payé par le salarié lui-même, au travers des franchises médicales sur la visite chez le médecin ou les médicaments que ses enfants prennent quand ils sont malades, puisque c’est le choix que le Gouvernement a décidé de faire !
Par ailleurs, le dispositif d’heures supplémentaires a eu un effet d’éviction et a fortement contribué à la réduction de l’emploi intérimaire. La loi TEPA a permis la mise en place, de fait, de véritables plans sociaux invisibles avec la fin des missions d’intérim, l’une des sources essentielles de progression du chômage dans notre pays.
La DARES nous indique notamment, dans une note publiée le 6 octobre dernier, que l’emploi intérimaire a été réduit de près de 50 000 unités au second trimestre 2008 ! Dans la seule agglomération de Tours, dans des entreprises comme Michelin, SKF, STMicroelectronics, Safety, ce sont 420 intérimaires qui ont ainsi perdu leur emploi !
Tout se passe comme si les heures supplémentaires des uns engendraient le chômage des autres ! Les entreprises ont, en effet, arbitré en défaveur de l’emploi, fût-il intérimaire, le nouveau partage de la valeur ajoutée grâce au dispositif TEPA ! Tel est le constat que l’on peut faire de cette mesure sur l’emploi.
Quant à la croissance que cette loi devait dynamiser, il semble bien que les effets escomptés ne se soient pas produits, au regard de l’état de la progression du PIB au cours de cette année 2008 !
Les prudentes évaluations de croissance à 2 % prévues en novembre 2007 pour la loi de finances de 2008 sont bien loin. Quand on en vient à se féliciter d’une progression de 0, 14 % par trimestre au motif qu’elle resterait positive tandis que nos voisins connaissent une évolution négative de leur PIB, on en est effectivement loin !
Je pourrais d’ailleurs, sur d’autres points de la loi TEPA, véritable porte-drapeau des promesses électorales du printemps 2007, procéder à d’autres observations.
On pourrait ainsi s’interroger sur le véritable gâchis de ressources publiques que constitue l’allégement de l’ISF lié à l’investissement dans les PME, où un milliard d’euros de fonds propres est gagé par 700 millions d’euros de dépense fiscale !