La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Roger Romani.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale.
Je rappelle qu’en application de la décision de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Angels.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi de finances pour 2009 revêt un caractère particulier.
Dans la période de crise que nous traversons, il revient plus que jamais à l’État d’apporter des réponses aux difficultés des Français. Or, et je m’attacherai à le démontrer, ce projet de budget ne répond pas à l’ampleur de la situation que nous connaissons.
La crise a profondément modifié la donne en France et dans le monde. Partout, les thuriféraires du libre-échange le plus débridé redécouvrent les vertus de la régulation, que nous n’avions, de notre côté, jamais oubliées. Les plans de sauvetage se succèdent à un rythme effréné, en apportant chaque fois une réponse partielle à la crise, sans qu’il s’en dégage une ligne directrice cohérente.
La crise financière est née de deux éléments conjoints.
En premier lieu, les marchés financiers, au lieu de financer l’économie, se sont mis à la ponctionner. Les taux de profit demandés, irréalistes et déconnectés de l’évolution saine et normale d’une entreprise, ont conduit à l’émergence de produits toxiques destinés à gonfler artificiellement le rendement du capital.
En second lieu, afin de maintenir la consommation des ménages sans pour autant augmenter les salaires de manière significative, de nombreux États ont favorisé l’endettement individuel, parfois jusqu’au surendettement.
Si j’ai souhaité évoquer en premier lieu le contexte dans lequel nous sommes, c’est parce qu’il serait vain de nier l’évidence. Cette crise, que l’on qualifie de financière, est aussi une crise économique et sociale. Elle est le fruit des choix politiques menés depuis une dizaine d’années sur le plan européen, qui ont consisté à promouvoir le désengagement de l’État de la sphère économique au nom de l’efficacité de marché.
La politique conduite par votre majorité depuis 2002 s’inscrit parfaitement dans cette conception minimaliste du rôle de la puissance publique. Comment pourriez-vous prendre la mesure de cette crise et envisager des réponses cohérentes pour l’endiguer alors que, quelques mois avant qu’elle ne nous frappe de plein fouet, vous considériez comme une hérésie l’intervention de l’État dans le domaine économique et financier ?
En ne prenant pas la mesure de la crise économique et financière, en cherchant avant tout à maîtriser la dépense sans envisager les conséquences économiques d’une politique de restrictions, vous avez fait le choix de nous présenter un budget qui n’est pas à la hauteur de la situation.
La crise économique et financière a déjà affecté notre croissance et nos recettes fiscales, preuve s’il en est que ce contexte économique ne sera pas sans conséquences pour nos comptes publics. Ainsi, vous prévoyez une perte de recettes de 9 milliards d’euros et un déficit public qui atteindra 57, 6 milliards d’euros en 2009.
Après avoir feint d’ignorer les effets de cette crise sur votre budget initial, vous vous êtes rendus à l’évidence. Vous avez, le 6 novembre, annoncé une révision des prévisions de croissance, entachant ainsi cet exercice budgétaire d’insincérité. Cette insincérité est renforcée par l’adoption, à l’Assemblée nationale, d’un projet de budget sans fondement puisque antérieur à la modification d’ampleur à laquelle vous avez procédé.
Au lieu d’anticiper les conséquences budgétaires de la crise, le Gouvernement s’est laissé surprendre. Il n’a pas voulu ajuster les équilibres qu’il avait définis ni procéder à des arbitrages en faveur d’une politique dynamique encourageant la croissance.
Monsieur le ministre, votre inaction a des conséquences graves sur le délabrement de nos comptes publics. Les pertes de recettes déséquilibrent ce budget. À ce rythme, la dette publique va exploser. Vous l’estimez à 68 % du PIB, mais cette augmentation brutale servira uniquement à financer la politique inefficace que vous menez déjà depuis plus d’un an.
Ainsi, après avoir éteint l’incendie provoqué par le séisme des marchés financiers, vous avez omis de vous préoccuper du retour de flamme de la crise sur le terrain économique et social.
Bien sûr, nos établissements bancaires doivent pouvoir préserver leurs ratios de solvabilité ! Pour autant, votre réponse, parce que lacunaire, est insuffisante.
Permettez-moi de revenir quelques mois en arrière, avant l’effondrement des bourses mondiales. Dès le mois d’août 2008, 40 000 personnes supplémentaires venaient grossir les rangs des demandeurs d’emplois. Cette augmentation importante aurait dû vous alerter sur les conséquences pour l’économie réelle de ce que l’on appelait encore alors la crise des subprimes.
Or, confrontés à une crise sociale qui s’annonce sans précédent, vous choisissez sciemment d’amputer le budget de la mission « Travail et emploi » de 700 millions d’euros.
Les retombées de cette crise, couplées à la politique de « laisser-faire » que vous menez, auront de graves conséquences sur le chômage. L’automobile, pourtant l’un des fleurons de l’industrie française, commence à décliner. Renault, après avoir déjà annoncé 900 licenciements, va réduire sa production de 25 % au quatrième trimestre de 2008. Et ce soir même, Peugeot vient à son tour d’annoncer une réduction de son activité.
Vous n’ignorez pas l’existence de tous ces drames sociaux en germes. Et que proposez-vous aux Français ? Vous leur annoncez un plan de rigueur alors qu’ils n’ont jamais eu autant besoin d’un plan de relance.
Transformant ce projet de budget en un exercice comptable d’équilibriste, vous choisissez la contraction budgétaire sans vous préoccuper de ses conséquences économiques et sociales. Afin d’atténuer une partie des effets de la crise, vous auriez pu agir sur les revenus des Français en utilisant les instruments de soutien immédiat à l’activité. Cette politique aurait permis aux plus faibles de nos concitoyens de se protéger contre l’inflation. Au lieu de cela, vous gelez la prime pour l’emploi, vous figez les prestations sous conditions de ressources et vous n’accordez qu’une revalorisation symbolique du point d’indice de la fonction publique. Pourtant, les amortisseurs de crise existent : pourquoi ne pas les utiliser ?
L’utilité de mener une politique de soutien à la demande globale afin de relancer la croissance n’est plus à prouver. Mais, du fait de vos choix budgétaires depuis 2002, vos marges de manœuvre sont très limitées.
Alors que vous auriez dû chercher à employer efficacement les marges, bien minimes, dont vous disposez, vous cherchez exclusivement à maîtriser la dépense publique sans vous pencher sur ses éventuelles retombées positives.
Parmi les victimes des coupes budgétaires, le logement et la rénovation urbaine accusent une baisse de 6, 2 %, soit un demi-milliard d’euros. Pourtant, ces dépenses ont déjà fait la preuve par le passé de leur pertinence économique à moyen terme. L’augmentation du budget du logement aurait pu entraîner des créations d’emplois dans le domaine du bâtiment, qui est confronté à des difficultés grandissantes. Au contraire, certaines mesures, dont l’inutilité est aujourd’hui avérée, continuent d’amputer les recettes de ce projet de loi de finances. C’est notamment le cas du paquet fiscal, que vous maintenez alors qu’il aboutit, dans les faits, à priver chaque année le budget de l’État de 13 milliards d’euros, et ce sans la moindre contrepartie.
Voilà un exemple flagrant des orientations budgétaires inefficaces que j’évoquais précédemment et qui contribuent à limiter vos possibilités d’actions.
Pourtant, la dépense publique peut avoir des effets positifs si elle prépare l’avenir. Les dépenses d’éducation et de protection sociale, lorsqu’elles sont suffisamment importantes et bien ciblées, peuvent agir favorablement sur la croissance et la réduction des inégalités, comme le démontre le rapport que j’ai présenté en juillet dernier devant la délégation pour la planification.
Ce projet de loi de finances, enfin, est dangereux parce qu’il fait peser sur les collectivités territoriales une part importante des restrictions budgétaires alors même qu’elles sont l’un des chaînons essentiels d’une réponse cohérente à la crise. Plus de la moitié de la hausse de 2 % accordée à leur dotation par rapport à 2008 sera consommée par l’intégration du Fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, dans l’enveloppe normée, ramenant l’augmentation de toutes les autres dotations à une valeur bien inférieure à l’inflation. À partir de 2009, la norme d’évolution des dépenses sera encore plus draconienne puisqu’elle sera ramenée à 1, 25 % par an.
Or ces évolutions hypothèquent sérieusement les possibilités d’investissement des collectivités territoriales alors même qu’elles devraient être en première ligne pour parer à la crise. Les collectivités réalisent 73 % du total de l’investissement public. Les condamner financièrement, c’est menacer l’avenir de notre pays.
Monsieur le ministre, ce projet de loi de finances, loin de prendre la mesure de l’ampleur de la crise, apporte de mauvaises réponses. Notre groupe défendra des amendements qui nous permettront de montrer qu’une autre politique budgétaire est possible pour endiguer la crise.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun le sait, la discussion du projet de loi de finances pour 2009 intervient dans un contexte économique et financier particulièrement difficile, puisque nous connaissons une crise sans précédent depuis celle de 1929.
Cette situation a d’ailleurs conduit le Gouvernement à revoir ses prévisions, notamment en termes de déficit budgétaire, depuis la présentation de ce projet de loi de finances.
Malgré ces réajustements, de fortes incertitudes pèsent sur les prévisions, tout particulièrement en ce qui concerne les recettes.
Pour ce qui est des dépenses, je tiens à féliciter le Gouvernement, qui témoigne, au travers de ce projet de loi de finances, de sa réelle volonté de les maîtriser.
Cette maîtrise des dépenses publiques est indispensable à la réduction ou, tout du moins dans la conjoncture actuelle, à la stabilisation des déficits et de la dette publics. Notre pays, nous le savons, n’a que trop tardé à s’engager dans cette voie.
À ce sujet, je me réjouis que l’Assemblée Nationale, à l’initiative du groupe Nouveau Centre, soit allée au-delà des propositions du Gouvernement concernant le plafonnement des niches fiscales. Il faudra, à l’avenir, poursuivre dans cette voie.
Comme le président de notre commission des finances, il me semble que les abattements auxquels ouvrent droit ces niches ne doivent plus être intégrés dans le calcul du revenu pris en compte pour l’application du bouclier fiscal. Il y a là un effet pervers qu’il faudra corriger.
Je voudrais maintenant insister plus particulièrement sur le financement des collectivités locales, qui pose, semble-t-il, un certain nombre de problèmes.
Vous savez, monsieur le ministre, que notre assemblée est particulièrement sensible à cette question et que, sur l’ensemble des travées de la Haute Assemblée, se manifestent de réelles inquiétudes.
Certes, il est normal que les collectivités locales, qui bénéficient de concours représentant environ 20 % du budget de l’État, participent au nécessaire effort de maîtrise des dépenses que j’évoquais précédemment. Si j’osais, je dirais : c’est normal. Mais, en même temps, ce n’est pas juste. En effet, les collectivités locales, qui ont été dans l’ensemble bien gérées, surtout les communes, subissent aujourd’hui les conséquences de la mauvaise gestion de l’État.
Nous comprenons, même si nous le regrettons, que le contrat de croissance ait été remplacé par le contrat de stabilité. Nous sommes nombreux, en revanche, à penser que ce projet de budget va trop loin et risque de poser de graves problèmes à un certain nombre de collectivités et tout particulièrement aux communes qui, parce qu’elles constituent l’échelon de base, subissent, par un effet de cascade, les contraintes budgétaires de l’État, des régions et des départements.
Vous me direz, j’en suis presque certain, que les concours financiers de l’État vont augmenter de 2 % alors que l’inflation ne sera que de 1, 5 %. C’est exact, mais l’évolution de l’enveloppe normée intègre de nouveaux remboursements et dotations. Pour la première fois, elle inclut le fonds de compensation de la TVA, le FCTVA, et cela soulève des problèmes.
Un problème de principe tout d’abord, car le FCTVA n’est pas une dotation, mais un remboursement. C’est un remboursement partiel de sommes versées par les collectivités à l’État, qui conserve, au demeurant, une partie de la TVA perçue. Il n’a donc pas, me semble-t-il, à être encadré.
Un problème financier ensuite, car l’augmentation dynamique du FCTVA – 13 %, selon les prévisions, en 2009 – va pénaliser les autres dotations d’environ 663 millions d’euros et réduire par là même la capacité d’investissement des collectivités locales. Ainsi, à l’avenir, plus les collectivités investiront, moins elles auront de dotations.
L’investissement des collectivités locales représente, vous le savez, près de 75 % de l’investissement public. Il est plus que jamais indispensable à l’économie et il doit être soutenu.
Cette disposition nous semble donc contradictoire avec cet objectif et, par là même, peu opportune. C’est pourquoi nous souhaitons, comme le Comité des finances locales et l’ensemble des associations d’élus, que le FCTVA soit exclu de l’enveloppe normée.
Monsieur le ministre, ne l’oubliez pas, la situation des collectivités locales est préoccupante. Elles subissent, elles aussi, la crise économique. Elles doivent affronter la hausse des taux d’intérêt et des baisses de recettes fiscales : aujourd’hui, celle des droits de mutation, demain, sans doute, celle de la taxe professionnelle.
Un certain nombre de collectivités sont en difficulté car elles ne parviennent plus à céder les terrains de zones d’activité ou de lotissements dans lesquelles elles ont parfois lourdement investi.
Les collectivités subissent également, il faut le reconnaître, les conséquences de la nécessaire réorganisation des services de l’État.
Demandez aux maires ruraux quelles ont été les conséquences de la réorganisation des DDE ! Demandez au maire de la commune de plus de 10 000 habitants que je suis, comme vous, monsieur le ministre et comme vous, monsieur le rapporteur général, quelles sont les conséquences du transfert, sans compensation, de l’instruction des permis de construire, en 2006 et, aujourd’hui, de la gestion des cartes d’identité !
Chez moi, ils étaient instruits depuis bien longtemps ! Et ils s’en portent bien !
Votre commune est riche, monsieur le rapporteur général !
Les élus subissent également les conséquences financières du renforcement des normes. Aussi légitime et nécessaire que soit le renforcement des règles édictées en termes de sécurité, d’accessibilité ou de développement durable, ces mesures ont un coût pour les collectivités.
Je proposerai d’ailleurs que les collectivités aient également accès à l’éco-prêt prévu par ce projet de loi.
Les collectivités sont inquiètes. Elles le sont d’autant plus en raison de l’incertitude concernant le cadre financier qui sera demain le leur.
La taxe professionnelle sera-t-elle réformée ? Et de quelle manière ? Qu’en sera-t-il des conséquences pour les collectivités de l’exonération de taxe professionnelle sur les nouveaux investissements figurant dans la loi de finances rectificative ? Qu’adviendra-t-il de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, que le Gouvernement a renoncé à modifier cette année ?
Nous ne sommes pas opposés, loin s’en faut, aux réformes de la fiscalité locale. Je fais moi-même partie de ceux qui sont favorables à sa remise à plat. Mais encore faut-il que cela se fasse en concertation avec le Parlement et les élus, dans le respect du principe d’autonomie des collectivités locales.
Il est important que les collectivités évoluent dans un cadre sécurisé. Nous nous interrogeons d’ailleurs tous sur leur évolution. Je sais que la discussion du projet de loi de finances n’est pas la meilleure occasion pour en débattre, mais je crois que la réduction du « mille-feuille » administratif à laquelle les élus de mon groupe sont attachés est une nécessité. Elle aura, entre autres avantages, celui d’assurer une réelle maîtrise des dépenses des collectivités locales que j’appelle, comme le Gouvernement, de mes vœux.
J’espère, monsieur le ministre, que ces remarques seront entendues et que nous pourrons ainsi, sans aucun état d’âme, vous apporter notre soutien plein et entier.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous discutons de ce projet de budget pour 2009 au moment même où l’on constate un accroissement de la pauvreté dans notre pays, au moment même où l’attaque menée contre le service public de l’éducation vient de provoquer l’un des mouvements de grève les plus puissants dans ce secteur depuis bien longtemps, exprimant l’inquiétude des enseignants mais aussi des parents pour l’avenir de leurs enfants.
Parallèlement, comme d’habitude, on continue à nous parler du poids excessif des prélèvements obligatoires, alors que les déficits se creusent et que la justice fiscale et sociale demeure aux abonnés absents.
On nous dit sur tous les tons que les caisses de l’État sont vides et qu’en conséquence l’heure serait à la réduction de la dépense publique.
Nous ne pouvons évidemment pas partager ce constat qui évite de regarder la réalité du chemin parcouru depuis la discussion, au cours de l’été 2007, de la loi TEPA, celle de la loi de finances de 2008 ou encore celle de la loi de modernisation de l’économie.
La question est simple : que sont devenues les promesses électorales du printemps 2007 et quel bilan pouvons-nous tirer des mesures prises depuis le début de la législature ?
En 2007, la loi TEPA devait, au travers d’un choc de confiance, conduire notre pays sur la voie de la croissance, de la création d’emplois, grâce, entre autres, aux vertus d’un généreux paquet fiscal de plusieurs milliards d’euros en année pleine, un paquet fiscal dont on reconnaissait, du bout des lèvres, qu’il avait beaucoup d’intérêt pour les détenteurs de patrimoine. Il permettait, en effet, par ajustement des droits de mutation, par correction de l’impôt de solidarité sur la fortune, de réduire sensiblement le montant de l’imposition due et de « fluidifier », selon l’expression de M. le rapporteur général, la gestion de ces patrimoines.
Ce paquet fiscal comprenait aussi, entre autres mesures phares, la défiscalisation des heures supplémentaires. Je voudrais m’arrêter quelques instants sur cette question.
Le ministère de l’économie et des finances, de manière assez récurrente, communique sur le volume des heures supplémentaires observé par les services du ministère du travail depuis la mise en œuvre du dispositif. Peu importe d’ailleurs que la direction de l’animation et de la recherche des études et des statistiques, la DARES mette en garde contre le fait qu’aucun élément de comparaison n’existe entre le volume des heures déclarées et le volume des heures précédemment effectuées. Le ministère passe outre et claironne le succès de la mesure !
Mais il est nécessaire d’y regarder de plus près. Dans une étude publiée début octobre, la DARES estime à 631 millions d’heures le volume des heures supplémentaires effectuées par les salariés en 2006, c’est-à-dire avant la mise en place du dispositif de la loi TEPA. Sans surprise, ce sont les secteurs de la construction, du commerce et des transports qui s’avéraient alors les plus consommateurs d’heures supplémentaires. Ainsi, 411 millions d’heures supplémentaires auraient été effectuées en 2006 dans ces activités économiques et celles des services aux entreprises.
Pour 2008, l’agence centrale des organismes de sécurité sociale donne une première indication : depuis le début de la mise en place du dispositif, le nombre mensuel d’heures supplémentaires déclarées se situe, selon les trimestres, entre 150 millions et 183 millions d’heures, c’est-à-dire à des niveaux extrêmement proches de ceux que l’on a pu observer pour 2006.
Nombre de petites entreprises semblent avoir décidé de déclarer des heures au titre du dispositif, alors qu’elles ne le faisaient pas auparavant, gonflant artificiellement ce nombre.
Sur le fond, la loi TEPA aura au moins servi dans quelques entreprises, à assurer la paix sociale. Elle a permis, de manière marginale, mais néanmoins réelle, à certains employeurs de se dispenser d’augmenter les salaires sur le dos de l’État et de la sécurité sociale en payant enfin aux salariés les heures supplémentaires qui n’étaient pas déclarées auparavant.
Ainsi, on peut dire que le déficit de la sécurité sociale qui en découle est finalement payé par le salarié lui-même, au travers des franchises médicales sur la visite chez le médecin ou les médicaments que ses enfants prennent quand ils sont malades, puisque c’est le choix que le Gouvernement a décidé de faire !
Par ailleurs, le dispositif d’heures supplémentaires a eu un effet d’éviction et a fortement contribué à la réduction de l’emploi intérimaire. La loi TEPA a permis la mise en place, de fait, de véritables plans sociaux invisibles avec la fin des missions d’intérim, l’une des sources essentielles de progression du chômage dans notre pays.
La DARES nous indique notamment, dans une note publiée le 6 octobre dernier, que l’emploi intérimaire a été réduit de près de 50 000 unités au second trimestre 2008 ! Dans la seule agglomération de Tours, dans des entreprises comme Michelin, SKF, STMicroelectronics, Safety, ce sont 420 intérimaires qui ont ainsi perdu leur emploi !
Tout se passe comme si les heures supplémentaires des uns engendraient le chômage des autres ! Les entreprises ont, en effet, arbitré en défaveur de l’emploi, fût-il intérimaire, le nouveau partage de la valeur ajoutée grâce au dispositif TEPA ! Tel est le constat que l’on peut faire de cette mesure sur l’emploi.
Quant à la croissance que cette loi devait dynamiser, il semble bien que les effets escomptés ne se soient pas produits, au regard de l’état de la progression du PIB au cours de cette année 2008 !
Les prudentes évaluations de croissance à 2 % prévues en novembre 2007 pour la loi de finances de 2008 sont bien loin. Quand on en vient à se féliciter d’une progression de 0, 14 % par trimestre au motif qu’elle resterait positive tandis que nos voisins connaissent une évolution négative de leur PIB, on en est effectivement loin !
Je pourrais d’ailleurs, sur d’autres points de la loi TEPA, véritable porte-drapeau des promesses électorales du printemps 2007, procéder à d’autres observations.
On pourrait ainsi s’interroger sur le véritable gâchis de ressources publiques que constitue l’allégement de l’ISF lié à l’investissement dans les PME, où un milliard d’euros de fonds propres est gagé par 700 millions d’euros de dépense fiscale !
Quelle inefficacité dans l’allocation de la ressource publique !
On pourrait critiquer à bon droit les mesures sur les donations et les successions, qui ont facilité la rétention de patrimoine et donc tari l’offre de logements, par exemple. Or, quand vous tarissez l’offre, soit vous faites monter les prix, soit vous les maintenez artificiellement au plus haut !
La même remarque vaut pour la réduction d’impôts associée aux intérêts d’emprunt des accédants à la propriété. Une fois de plus, ce type de mesure n’a fait que permettre aux banques de maintenir à un niveau élevé les taux d’intérêt !
Je pourrais mentionner également le bouclier fiscal, porté à 50 %. Il n’a vraiment profité qu’à 500 contribuables, qui ont accaparé la moitié des 250 millions d’euros de dépense fiscale.
Si je fais ces rappels, c’est pour montrer que les pertes de recettes que vous avez ainsi imposées à l’État ont eu bien des effets pervers. Ils se font sentir sur l’emploi, avec la hausse du chômage, mais aussi sur les déficits publics, avec le creusement du trou budgétaire au-delà des 50 milliards d’euros pour 2008 et, parallèlement, sur les pertes de pouvoir d’achat, amplifiées par la hausse des prix et le maintien des bas salaires.
Aujourd’hui, avec le développement sans précédent du chômage technique dans de nombreuses entreprises, particulièrement dans les très grandes unités industrielles, les salariés ne se demandent pas s’ils vont faire des heures supplémentaires : 5 000 ouvriers de l’automobile au chômage technique pendant deux mois, ce sont plus d’un million et demi d’heures d’inactivité imposée ; 50 000 intérimaires privés d’emploi, ce sont sept millions et demi d’heures de travail perdues !
Le déficit prévu dans ce projet de loi de finances pour 2009, comme celui qui a été constaté dans la loi de finances pour 2008, porte les stigmates des choix opérés depuis le printemps 2007 et nous ramène à l’époque du gouvernement Balladur, quand le ministre du budget, M. Nicolas Sarkozy, faisait valider par la majorité des déficits de plus de 300 milliards de francs !
On aurait pu espérer que, tirant les conclusions des conséquences de ces choix, le Gouvernement présente d’autres propositions à notre assemblée, et ce d’autant que la crise financière ne fait que confirmer la nécessité de rendre plus efficace pour l’emploi, pour le pouvoir d’achat, l’utilisation des fonds publics.
Aujourd’hui, ce n’est pas de la réduction drastique de l’intervention publique prévue dans ce projet de budget que notre pays a besoin : il a besoin de plus d’intervention publique, de plus de service public.
Vous le comprendrez donc, mes chers collègues : dans ce contexte, nous ne pourrons pas voter ce projet de loi de finances.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Monsieur le président, madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, je résumerai en quelques mots le sentiment que me suggère ce projet de budget.
D’abord, quel dommage de ne pas débattre de nos comptes publics toutes administrations confondues ! J’ai entendu tout à l’heure M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique clore la discussion sur les comptes sociaux. Et maintenant, ce ne sont plus les mêmes collègues qui sont présents dans l’hémicycle, ce ne sont plus les mêmes ministres qui sont assis au banc du Gouvernement ! La France est fracturée dans ses comptes : je pense que la consolidation est une exigence que nous n’avons pas encore eu le courage d’imposer mais qui sera nécessaire pour le redressement des comptes publics.
Nous débattrons pendant trois semaines de… 35 % des comptes de la France.
S’agissant de la sincérité de la loi de finances, monsieur le ministre, j’approuve, avec de nombreux autres collègues – et des plus éminents, tels le président de la commission des finances et le rapporteur général –, la révision que vous avez décidée des hypothèses macroéconomiques pour tenir compte de la crise financière et économique qui frappe le monde.
La transparence ainsi manifestée est à l’honneur du Gouvernement tant le travail d’ajustement est lourd pour les services du budget et pour les services de l’économie : rebâtir un projet de loi de finances en pleine discussion parlementaire n’est pas chose aisée, comme le savent ceux qui ont déjà pratiqué l’exercice.
Ce choix, respectueux de notre nouvelle constitution financière, souvenons-nous qu’il n’avait pas été retenu pour la loi de finances pour 1993, comme le soulignait tout à l’heure le président de la commission des finances.
Le Gouvernement avait feint d’ignorer un retournement conjoncturel probablement aussi violent que celui que nous connaissons aujourd’hui, faisant alors perdre à l’acte budgétaire toute sa portée.
C’est pourquoi j’estime que, en termes de sincérité budgétaire, la décision que vous avez prise est une bonne décision : c’est un progrès vers la sincérité en matière de finances publiques.
S’agissant de la maîtrise des dépenses, la norme élargie – qui inclut désormais les prélèvements sur recettes et les taxes affectées aux opérateurs, « points de fuite » bien connus – était prévue à « zéro volume », ce qui, avant la révision de l’hypothèse d’inflation pour 2009, représentait une augmentation d’environ 2 % en euros courants. Compte tenu de l’accroissement considérable et préoccupant de la charge de la dette et des pensions, cette norme appelle légitimement les ministères à la stabilité de leurs dotations, en euros courants, entre 2008 et 2009.
Nous nous répétons souvent dans nos rôles, et je vous prie de m’excuser de redire encore une fois – je sais que mon propos agace souvent et qu’on me répond toujours que c’est impossible – que la stabilisation en valeur de toutes les dépenses publiques, toutes administrations confondues, serait la vraie mesure raisonnable. Elle obligerait les administrations – et la méthode a son importance – à proposer elles-mêmes au corps politique les choix drastiques dont il s’exonère, pour l’instant, au risque d’une iniquité intergénérationnelle qui sera, vous le verrez, la honte de ce siècle.
Nous sommes collectivement responsables d’une indignité qui consiste à financer par l’emprunt nos dépenses courantes de fonctionnement, auxquelles nous avons la lâcheté de ne pas faire face, les renvoyant sans vergogne à nos enfants. Je voudrais souligner à cette tribune – pour le coup, c’est la première fois ! – le danger de ce comportement irresponsable.
De deux choses l’une : soit les générations qui nous suivent accepteront d’avoir été sacrifiées, et c’est très peu probable ; soit elles se révolteront, et leur première décision sera de ne pas servir les droits que nous aurons cru généreusement nous octroyer à nous-mêmes.
Futurs retraités de cette assemblée, réveillons-nous ! Notre aveuglement dépensier d’aujourd’hui pourrait nous condamner demain à des réveils douloureux en matière de pensions et de prestations dépendance et de santé. On ne rasera plus gratis !
S’agissant de l’effort en faveur des collectivités locales, il a déjà été fort bien souligné que le Gouvernement n’a pas réduit l’enveloppe de concours de l’État malgré la révision à la baisse de l’inflation. Cela représente 276 millions d’euros supplémentaires : ils seront les bienvenus, monsieur le ministre, pour couvrir les dépenses supplémentaires, si souvent inutiles, que les ministères dépensiers, imperturbablement, continuent d’édicter sans en payer eux-mêmes le premier euro.
Monsieur le ministre, vous m’avez fait l’honneur de me permettre de présider la Commission consultative d’évaluation des normes. Figurez-vous que, lors de notre première séance, nous roulions à la vitesse de 100 millions d’euros à l’heure. J’ai levé la séance au bout de deux heures, considérant tout de même que, 200 millions d’euros de dépenses supplémentaires pour les collectivités locales, ce n’était pas raisonnable. Eh bien, cela a eu un effet positif puisque, lors de la deuxième séance, nous avions déjà réduit le coût des trois quarts.
Tout cela montre que l’administration centrale regorge de ressources humaines d’une qualité si exceptionnelle, de gens qui se lèvent très tôt le matin et se couchent très tard le soir pour édicter des règles, pour contrôler…, que vous pourrez inventer tout ce que vous voudrez pour favoriser la croissance, tant qu’ils seront là, et en nombre aussi important, cela ne servira à rien.
M. Jean-Jacques Jégou applaudit.
Le rapporteur général, tout à l’heure, a émis sur les moyens nécessaires pour relancer la croissance, sur les questions de fond stratégiques, sur les moyens de forcer les banques à prêter aux entreprises, etc., des avis que je ne partage pas complètement, mais ce ne sont pas de tels désaccords qui m’effraient. Ce qui m’effare, madame, monsieur le ministre, c’est que, toute la journée, vos administrations, par bataillons complets, harcèlent les chefs d’entreprise qui sont en train de se battre avec leur banquier et viennent leur demander de remplir encore des imprimés… Je vous le dis, le comportement de vos administrations à l’égard des chefs d’entreprise est pire encore que l’attitude des banquiers ; c’est mon analyse, personne n’y croit.
Sourires
Vous avez nommé un médiateur pour les banquiers : croyez-moi, nommez un médiateur pour les normes, et vous aurez fait beaucoup pour la reprise de l’activité !
J’en reviens aux collectivités territoriales pour saluer le « jaune » qui leur est consacré et qui a été extrêmement bien réalisé. Vous ne recevez pas toujours de compliments dans votre métier, monsieur le ministre ; aussi, j’insisterai sur le fait que, dans sa version 2009, ce « jaune » a été considérablement enrichi et que, dans certains cas, vous êtes même allé au-delà de ce que le Parlement vous avait demandé. Je souhaiterais donc vivement que vous soyez notre messager auprès de vos services pour les complimenter.
S’agissant de la gouvernance des dépenses fiscales, le président de la commission et le rapporteur général ont dit l’essentiel. L’affichage d’un objectif d’évolution des dépenses fiscales et d’une règle d’encadrement des mesures nouvelles est un progrès qu’il faut saluer. La dépense fiscale s’est envolée ces dernières années comme substitut des dépenses budgétaires, constituant un « point de fuite », que nous avons immédiatement identifié, qui s’est opposé à la maîtrise des déficits publics. Interdire les dispositions fiscales en dehors des lois des finances – proposition de la commission des finances – était une solution de bon sens. Hélas, le bon sens n’est plus dans une période triomphante !
L’effort d’évaluation et de détail sur les dépenses fiscales qui figurent au tome II de l’annexe Évaluation des voies et moyens est à saluer, monsieur le ministre, et à encourager. C’est un document de très grande qualité.
En conclusion, je vous supplierai, madame, monsieur le ministre, de faire en sorte que, d’urgence, la vérité soit dite aux Français, qu’elle leur soit dite dans leur langue et non pas dans la nôtre, car, même si nous ne sommes pas des technocrates, nous finissons par le devenir, à vous fréquenter !
Sourires
Le temps de l’indifférence aux déficits et à la dette est révolu. Les jeunes générations ont maintenant compris que la gestion menée depuis trente ans leur réserve un funeste héritage. Si nous persistons dans notre aveuglement, elles supprimeront tous les avantages que nous croyons naïvement avoir acquis – je pense toujours aux pensions, je pense aux allocations pour la dépendance, je pense au standard de santé auquel nous tenons tant et qui, avec l’espérance de vie qui s’accroît, ne pourra être maintenu.
Mes chers collègues, l’exigence de responsabilité nous adresse un dernier avertissement et nous appelle tous à un sursaut. Pour conduire la politique budgétaire et fiscale juste, il ne suffit pas de s’interroger sur les inégalités sociales : il faut aussi tenir compte des inégalités entre les générations, notamment dans un contexte d’endettement public élevé.
Écoutons cet appel : il est indispensable de le méditer et de faire de ce projet de budget, madame, monsieur le ministre, une première marche de progrès dans cet esprit. C’est ce qui me conduira, pour ce qui me concerne, à le voter.
Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, me voici devant vous pour intervenir dans la discussion générale du projet de loi de finances pour 2009. Que dire de ce projet de budget sans craindre, hélas ! de répéter un certain nombre de vérités qui ont déjà été énoncées par mes collègues ? La répétition ayant malgré tout certaines vertus, je ne désespère pas que nous soyons enfin entendus.
La France doit faire face à une crise financière internationale majeure, qui, nous le voyons tous les jours, affecte son économie.
Or le projet de budget qui nous est aujourd'hui soumis ne prend pas en compte l’ampleur de cette crise et se présente totalement inadapté, me semble-t-il, au regard du contexte économique et social.
Ce texte se place clairement sur une ligne de rigueur budgétaire, qui, une fois de plus, touchera les plus modestes, sans apporter pour autant aucun remède. Si, techniquement, la France a pu éviter d’entrer en récession, de fait, nous sommes en plein dedans ! Le chômage augmente, le pouvoir d’achat recule, l’investissement des entreprises est au point mort et le déficit commercial se creuse.
Sous prétexte que « les finances de l’État sont en difficultés », comme le souligne le président du Comité des finances locales, M. Gilles Carrez, le Gouvernement maintient coûte que coûte sa volonté de maîtriser le rythme des dépenses pour un retour à l’équilibre des finances publiques, plus improbable que jamais, à l’horizon 2012. Pour ce faire, il a choisi de réduire, de façon draconienne, les concours financiers de l’État aux collectivités territoriales.
Vous le savez, en tant qu’ancien président de l’Association des maires de la Martinique, je suis très attaché aux collectivités locales, plus particulièrement aux communes.
Or le mauvais traitement que le Gouvernement inflige aux collectivités territoriales dans ce projet de budget pour 2009 me déconcerte. L’État ne fournira pas aux collectivités les moyens d’assurer convenablement les missions qu’il leur a transférées dans le cadre de la décentralisation.
La discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012, ici même, le 6 novembre dernier, a été l’occasion pour le Gouvernement de réviser les prévisions macroéconomiques sur lesquelles est fondé le projet de loi de finances pour 2009.
Ainsi, l’inflation, initialement prévue à 2 %, est révisée à 1, 5 % en 2009, soit une baisse de 0, 5 point. La croissance sera, quant à elle, presque nulle en 2009 – entre 0, 2 % et 0, 5 %, au lieu du 1 % prévu – et devrait remonter en 2010 et 2011, à respectivement 2 % et 2, 5 % d’évolution du PIB.
À la suite de la révision du taux de l’inflation, le Gouvernement aurait pu appliquer ce nouveau taux aux dotations de l’État pour les collectivités territoriales. Or il a décidé de ne pas remettre en cause l’évolution des concours financiers pour 2009, en préservant ainsi une évolution de 2 %.
Selon le rapporteur général, M. Philippe Marini, ce « geste » du Gouvernement représenterait un gain de l’ordre de 275 millions d’euros, lequel permettrait aux collectivités de jouer le rôle d’amortisseur de la crise actuelle.
Néanmoins, le Gouvernement ne peut pas se permettre d’afficher ce montant de 275 millions d’euros comme un cadeau octroyé aux collectivités locales, ...
...parce que le nouveau périmètre de l’enveloppe des dotations fait perdre initialement aux collectivités plus de 440 millions d’euros.
Par ailleurs, s’il est vrai que l’enveloppe des dotations, telle qu’elle est définie pour 2009, progresse bien de 2 %, l’évolution de l’enveloppe normée, selon le périmètre défini en 2008, est bien inférieure à 1 %. Elle oscillerait entre 0, 7 % et 0, 8 %, selon l’Association des maires de France.
Cette année, le périmètre de l’enveloppe normée des dotations aux collectivités territoriales changera et plusieurs compensations seront intégrées dans cette enveloppe.
Au chapitre des inquiétudes des élus locaux figure l’intégration du FCTVA, le Fonds de compensation pour la TVA. Or ce fonds est à lui seul très dynamique, qui progressera en 2009 de 660 millions d’euros.
Certes, cette intégration fait gonfler le montant global de l’enveloppe, mais elle dissimule en réalité une moindre augmentation des autres dotations. Cela signifie que plus de la moitié de l’augmentation de l’enveloppe des dotations de 1, 1 milliard sera consommée par le FCTVA.
Le Gouvernement crée ainsi un mécanisme pervers : plus les collectivités investiront et plus elles seront pénalisées sur leurs dotations. C’est pour le moins inquiétant, à l’heure où ces structures mobilisent plus de 75 % de l’investissement public !
En d’autres termes, ce nouveau tour de vis imposé aux collectivités locales est une atteinte au pouvoir d’achat. En effet, étouffer financièrement les collectivités locales, c’est prendre le risque d’un ralentissement de l’investissement public, dont on sait qu’il soutient fortement les PME, donc l’activité, et c’est également prendre le risque d’une augmentation de la pression fiscale, alors que c’est la fiscalité locale qui est la plus injuste.
Aussi, comme l’ensemble des associations d’élus locaux, je suis farouchement opposé à ce que le FCTVA se transforme en dotation et soit intégré à l’enveloppe. Il doit rester un remboursement de la TVA acquittée par les collectivités locales au moment où elles investissent.
Les collectivités territoriales sont confrontées à un autre problème assez grave, à savoir la reconduction à l’identique du montant de certaines dotations de fonctionnement, comme la dotation générale de décentralisation. Ces dotations sont donc toutes gelées, illustrant ainsi la cure d’austérité imposée aux collectivités par l’État. Les élus locaux ne s’y trompent guère !
Plus encore, j’observe que, comme pour respecter un certain parallélisme des formes, les montants de plusieurs dotations d’investissement ont tous été reconduits de manière identique à 2008, qu’il s’agisse de la dotation globale d’équipement des communes, de la dotation globale d’équipement des départements, de la dotation départementale d’équipement des collèges, de la dotation régionale d’équipement scolaire ou de la dotation de développement rural.
Là encore, ces dotations sont gelées et n’augmenteront pas plus par rapport à leur montant de 2008, illustrant la même austérité. Même constat, même sanction !
Pourtant, nous le savons, et toutes les observations que je viens de formuler le confirment, sur les 15 milliards d’euros d’investissement habituels réalisés par les conseils généraux, une baisse de l’ordre de 30 % est malheureusement à prévoir cette année.
À n’en pas douter, cela ne sera pas sans conséquences sur le niveau d’activité, et donc sur l’emploi. En réalité, il s’agit d’un véritable coup d’arrêt des investissements locaux, qui demeurent l’un des principaux vecteurs de la croissance.
Et comme si les collectivités locales n’étaient pas suffisamment asphyxiées, les montants des compensations par l’État des exonérations de certains impôts locaux, imposées aux collectivités territoriales, seront considérablement réduits et constituent, en réalité, une variable d’ajustement. Cette mesure est d’ailleurs l’une des plus restrictives à leur égard !
Malgré une légère amélioration apportée par l’Assemblée nationale, le taux d’évolution entre le montant de 2008 des compensations et le montant de 2009 reste encore de moins 17, 7 % ! C’est une véritable catastrophe pour les collectivités territoriales.
Ce projet de loi de finances pour 2009 soulève également l’épineuse question de la taxe professionnelle. Mais déjà son plafonnement a pénalisé les communes et les intercommunalités.
En effet, si la réforme de la taxe professionnelle reste pour le Président de la République à « imaginer », les conséquences de la réforme adoptée en 2005 sont durement ressenties par les collectivités territoriales, qui n’ont nullement décidé cette diminution de leurs recettes.
Bien sûr, ce sont les régions, les départements et les structures intercommunales qui sont les plus gros perdants de cette réforme, puisqu’ils doivent assumer un manque à gagner de 624 millions d'euros sur un total de 645 millions d'euros pour l’ensemble des collectivités. Cette participation représente 3, 6 % de la taxe professionnelle qu’ils perçoivent et 2 % du produit fiscal des quatre taxes directes locales.
Au regard de l’impact financier de ce plafonnement pour les collectivités, il est urgent d’engager une réforme de la taxe professionnelle, réforme qui avait été initialement prévue pour ce projet de loi de finances. Quoi qu’il advienne, il faudra qu’elle soit intégrée à une réforme de l’ensemble de la fiscalité locale, sans quoi l’équilibre fiscal entre les ménages et les entreprises serait remis en cause.
J’en viens à la dotation de solidarité urbaine, ou DSU. Je me réjouis que sa réforme soit reportée et que les critères d’attribution ne soient révisés qu’après une véritable concertation de l’ensemble des élus, tous bords confondus.
Il ne faudrait pas que la modification des critères de la DSU aboutisse à l’exclusion d’un certain nombre de communes, sans pour autant recentrer le dispositif sur celles qui en ont le plus besoin. Je pense bien sûr aux communes d’outre-mer, qui connaissent une situation financière très tendue et cumulent des handicaps structurels dus à leur éloignement, à l’insularité ou encore à l’exposition aux risques majeurs, handicaps dont il n’est point tenu compte dans le calcul de leurs dotations.
Je ne saurais terminer, madame la ministre, monsieur le ministre, sans attirer très vivement votre attention sur la forte dégradation des finances des conseils généraux d’outre-mer, particulièrement concernés par l’insuffisante compensation financière des transferts de compétences. Ces structures attendent un meilleur soutien de l’État, avec des dotations appropriées et calculées sur l’inflation réelle, ainsi qu’un apurement de l’important passif, qui est notamment dû à l’APA et au RMI. Ce passif s’élève à 37 millions cumulés non compensés depuis 2003 pour la Martinique et à 1, 5 milliard d’euros pour l’ensemble des conseils généraux d’outre-mer.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de formuler quelques observations sur ce projet de loi de finances pour 2009.
Je commencerai par un peu d’arithmétique. Madame le ministre, ce texte prévoit 349, 8 milliards d’euros de dépenses et 298, 5 milliards d’euros de recettes. Ce n’est pas équilibré : il manque 49, 2 milliards d’euros. Et on peut s’attendre à un déficit plus important – il est déjà question de 57 milliards d'euros –, si les recettes budgétaires sont moins élevées que prévu.
Ce déficit budgétaire n’est pas loin d’atteindre 3 % du PIB. En outre, il pourrait encore s’aggraver, à la suite de nouvelles dépenses que le Gouvernement déciderait, comme il en a l’habitude, après le vote du budget, à moins qu’il ne s’applique à lui-même l’article 40 de la Constitution, comme je l’ai déjà demandé.
Ce déficit considérable aggravera encore notre dette et notre service de la dette. Ce dernier atteindra 44 milliards d’euros pour 2009, voire plus, si le déficit augmente en cours d’année.
Ainsi, ce seront 44 milliards d’euros ou plus de recettes fiscales qui partiront en fumée. Je rappelle que le montant des impôts sur les revenus sera de 59 milliards en 2009. Si nous poursuivons dans cette voie, ce sera la totalité de ce produit qui s’évanouira.
Je prendrai une autre image : si nous voulions supprimer la dette, qui est aujourd’hui de plus de 1 200 milliards d'euros, et si nous affections chaque année un budget de 10 milliards d'euros consacré à son remboursement, ce qui serait difficile, 120 ans seraient nécessaires, à condition en outre d’être revenus à l’équilibre, ce qui est évidemment impossible.
Sourires.
Nouveaux sourires.
Cela montre l’ampleur du problème, dont il faudrait se préoccuper par une politique systématique de réduction des dépenses de fonctionnement et d’allégement de charges.
À ce propos, je salue l’effort de réduction du nombre de fonctionnaires engagé par le Gouvernement. Mais je rappelle que le nombre de fonctionnaires territoriaux augmente chaque année de plusieurs milliers. En effet, les collectivités locales sont contraintes de titulariser au bout d’un certain temps leurs contractuels, qui sont d’ailleurs souvent d’anciens stagiaires.
Cela est contradictoire et je souhaite que ce problème soit traité d’urgence, par la suppression de cette obligation de titularisation faite aux collectivités territoriales. Voilà comment on fabrique des fonctionnaires, qui restent éternellement dans les communes, provoquant d’importantes difficultés budgétaires.
Il faudrait donc à la fois réduire le nombre de fonctionnaires d’État, mais aussi ne pas augmenter celui des collectivités territoriales.
N’oublions pas non plus que la majeure partie de nos déficits budgétaires provient d’emprunts, destinés à financer des dépenses de fonctionnement récurrentes, comme les allégements de charges, sans limite dans le temps, qui se renouvellent donc chaque année, qui ne procurent aucune recette et aggravent la dette.
Je rappelle que l’orthodoxie financière de gestion des entreprises interdit formellement d’emprunter pour financer des dépenses de fonctionnement. On emprunte pour financer des dépenses d’investissement, ce qui rapporte, et non des dépenses de fonctionnement, comme, malheureusement, le prévoit ce projet de budget.
On devrait adopter ce principe comme obligation absolue, et même le rajouter dans la Constitution.
Il faudrait l’appliquer !
Cela signifie que si l’on veut réduire le déficit budgétaire d’ici à 2012 – objectif du Gouvernement –, il aurait fallu impérativement commencer à diminuer les allégements de charges dès le projet de loi de finances pour 2009.
On n’y arrivera pas autrement. On cherche à faire des économies. En l’occurrence, ce sont 20 milliards d’économies qui pourraient être réalisés, au fur et à mesure.
Il aurait donc fallu prévoir dans ce projet de loi de finances, par exemple, la réduction des allégements de charges sur salaires de 1, 6 à 1, 4 SMIC. Je rappelle qu’en 2004, lorsque j’ai présenté mon premier projet de budget relatif à l’emploi, une diminution de 1, 7 à 1, 6 SMIC avait été adoptée sans aucun problème. Pourquoi ne pas continuer ? Cela permettrait d’alléger les charges budgétaires.
Il faudrait aussi décider que tous les allégements de charges sur salaires seront limités dans le temps et s’arrêteront à une date donnée, par exemple dans quatre ou cinq ans, voire moins. Cela permettrait aux entreprises de s’adapter. Or on continue à alléger les charges sans limitation de durée. Les entreprises s’habituent à cet état de fait avec grand plaisir.
Elles poussent des cris dès que l’on parle de supprimer ces allégements, parce qu’on ne les a pas prévenues à temps.
Aujourd’hui, aucune limite de durée, aucune réduction des taux n’est prévue en matière d’allégements de charges. On ne touche à rien. Cela peut durer longtemps. C’est grave car tous les nouveaux allégements de charges s’ajoutent aux précédents sans aucune limitation. C’est un peu ce que l’on appelle l’échelle de perroquet : on monte mais on ne redescend pas !
Mais je sais bien que le Gouvernement est soumis à un difficile dilemme : ou réduire les allégements de charges et risquer de voir augmenter le chômage, ou les maintenir et supporter une dette de plus en plus lourde, qui aura des conséquences de plus en plus graves. Qu’est ce qui est le plus important : risquer d’aggraver le chômage ou augmenter notre endettement ? Je choisirai, pour ma part, la réduction de l’endettement, car accroître sans limite les dettes et les charges de la dette va bientôt conduire l’État à une impossibilité d’assurer les dépenses avec les recettes fiscales dont une part de plus en plus grande disparaît avec les charges de la dette.
En réalité, ce qui compte pour les entreprises, ce sont toutes les charges sur salaires qui aggravent les coûts de production et qui réduisent les ventes. Aujourd’hui, ces charges représentent autant que le salaire lui-même. Par exemple, pour une rémunération de 1 000 euros le coût pour l’entreprise est de 2 000 euros. Une entreprise hésite donc à embaucher.
Mais il existe d’autres moyens de diminuer ces charges, sans que ce soit l’État qui paie. Par exemple, – j’en ai parlé dans cet hémicycle lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale – on pourrait supprimer des charges sur salaires tout ce qui concerne l’assurance maladie et la famille car ces dépenses ne concernent pas l’activité des entreprises. Cela représente 30 % du total des charges payées par les entreprises, soit 100 milliards d’euros. Le montant de ces charges pourrait être payé par les entreprises, et non par l’État afin de ne pas lui imposer une charge supplémentaire. C’est ce que j’ai proposé sous la forme d’un coefficient d’activité associé au chiffre d’affaires moins la masse salariale, dispositif que je souhaiterais voir étudier de façon plus approfondie. Ce sont des mesures simples mais des personnes trouvent toujours des arguments pour ne rien faire. C’est dramatique.
Je regrette que cette solution n’ait pas encore été prise en considération, malgré mes nombreuses demandes à différents ministres des finances. Il s’agit d’une mesure fondamentale pour améliorer la compétitivité de nos entreprises, qui ne coûtera rien à l’État et sans laquelle notre production sera de plus en plus délocalisée.
Cette solution allégerait les charges sur salaires de 30 %, réduirait les coûts de production et permettrait à l’État d’économiser sur les remboursements de charges entre 7 milliards d’euros et 9 milliards d’euros, car il en bénéficierait lui-même, diminuant le coût de l’allègement des charges ainsi réduites.
J’aurais bien voulu déposer un amendement tendant à abaisser les remboursements de charges de 1, 6 à 1, 4 SMIC, mais j’aurais souhaité avant obtenir l’accord du Gouvernement.
Il ne semble pas encore prêt à agir ainsi, mais c’est la seule façon pour l’État de réduire les charges sans pénaliser ses activités normales. Il s’agit de dépenses de fonctionnement.
Il faudrait aussi accompagner les entreprises par des mesures qui leur permettraient d’embaucher plus facilement. Par exemple, il conviendrait de leur donner plus de flexibilité en matière d’emploi ou de leur accorder des crédits d’investissement remboursables pour développer des produits nouveaux, pour exporter. Cela serait bien plus utile que de multiplier les emplois aidés.
Je souhaite que le Gouvernement examine ces propositions afin de réduire très rapidement nos dépenses budgétaires. On oublie totalement que la réduction du chômage dépend beaucoup plus de la volonté de nos entreprises de développer leurs activités et d’embaucher en France que de la multiplication des emplois aidés, qui réduisent le chômage de façon artificielle et aggravent nos déficits.
Un autre amendement que j’aurais bien voulu déposer tendait à supprimer totalement l’ISF, qui fait un tort considérable à notre économie, qui oblige nos investisseurs à s’expatrier et à investir à l’étranger où ils ne payent pas d’ISF. N’oublions pas que chaque jour trois ou quatre Français quittent notre pays avec leur fortune. Le bilan de l’ISF est catastrophique et s’il est plaisant, pour certains, de faire payer les riches, le risque est de ne plus avoir dans notre pays de telles personnes aisées car elles partent vivre ailleurs. Or, sans les riches, il n’y a plus d’investissements, plus de créations d’emploi. Le chômage augmente. Le partage des richesses comme celui du travail – les 35 heures – sont dangereux, illusoires et aboutissent à l’appauvrissement général et au chômage.
À ce sujet, j’ai été très heureux d’apprendre, monsieur Arthuis, que vous aviez proposé de supprimer l’ISF avec le bouclier fiscal.
Je vous encourage fortement à continuer dans ce sens.
Voilà quelques réflexions et propositions que je me permets de vous faire, madame le ministre, monsieur le ministre, dans un souci de bonne gestion financière et de développement économique, sans lequel il n’y aura pas de croissance.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.
Monsieur le rapporteur général, nous gardons bien le cap sur la réforme de l’État. D’ailleurs, vous faites partie du comité de travail relatif à la révision générale des politiques publiques, la RGPP. Elle est plus que jamais d’actualité.
La phase d’application est en cours. De nombreuses mesures ont été décidées. Un travail considérable a été effectué. Le premier résultat de ce travail, c’est la diminution du nombre de fonctionnaires, que d’aucuns peuvent contester, certes. Le Gouvernement considère qu’il s’agit d’une politique d’avenir à la fois pour la fonction publique et pour les finances publiques.
Lors de la deuxième phase de la RGPP, il conviendra de continuer à utiliser les très riches matériaux d’éclairage de l’ensemble des politiques et de l’organisation des administrations. Il sera également nécessaire d’ouvrir davantage les travaux, et nous verrons comment mieux y associer, notamment, le Parlement.
Monsieur le rapporteur général, l’un de vos propos m’a réjoui. En effet, vous avez demandé à l’ensemble de vos collègues de ne pas faire preuve de trop de créativité en matière de dépenses et doncd’augmentation du déficit de l’État. Étant donné l’ampleur de ce déficit, point n’est besoin d’en rajouter, si je puis dire.
Il est très important que nos débats se déroulent dans cet état d’esprit. Des redéploiements seront peut-être nécessaires. Les idées nouvelles sont les bienvenues, et en général les sénateurs n’en manquent pas. Quoi qu’il en soit, il serait judicieux, en définitive, de ne pas dégrader le solde de l’État.
Par ailleurs, j’ai noté votre volonté de continuer à réfléchir à l’enveloppe consacrée aux collectivités locales. Nous aurons l’occasion d’en parler de nouveau. Je l’ai déjà dit, le Gouvernement souhaite bien sûr en rester au 1, 1 milliard d’euros supplémentaires prévus dans l’enveloppe actuelle.
Je vous remercie, monsieur le président de la commission des finances, de soutenir la stratégie globale proposée dans ce projet de loi de finances. Ce texte n’est pas comme les autres projets de loi de finances. En effet, il affiche une réduction du rythme d’évolution très fort de la dépense publique. De surcroît, il intervient dans un contexte de crise économique considérable, qui a amené tant Mme Lagarde que moi-même à réviser les hypothèses macroéconomiques et à en tirer les conséquences sur les principaux chiffres qui figurent dans ce PLF.
Vous soulignez d’ailleurs très bien que le déficit, dont personne ne peut se satisfaire, c’est le moins que l’on puisse dire, contribue d’une certaine façon à la relance au travers de mécanismes stabilisateurs dits « automatiques ».
Dans un pays où la dépense publique atteint 50 %, la relance est plus forte en laissant jouer ces stabilisateurs que dans un État où cette dépense s’élèverait à 20 %, 30 % ou 40 %. Il faut bien avoir à l’esprit cet élément car la structure même de la dépense de notre État conditionne les actions de relance que l’on peut mener. L’« édredon » est donc plus fort dans un État comme le nôtre que dans un pays qui n’aurait pas ce niveau de dépenses publiques.
Madame Bricq, ce projet de budget soutient l’économie. Ce n’est pas un budget procyclique, c’est-à-dire un budget qui accroîtrait la profondeur ou le rythme de la crise. Tout d’abord, par le biais des stabilisateurs automatiques, autrement dit le fait de ne pas chercher à compenser les déficits, qui eux-mêmes ont une action sur la croissance. Ensuite, parce que, dans ce budget, on finance des dépenses prioritaires, que vous connaissez fort bien. Un choix a été effectué, ce qui n’était pas souvent le cas jusqu’à présent : tous les secteurs étaient considérés comme prioritaires ce qui entraînait automatiquement une augmentation insensée de la dépense. Tel n’est pas du tout le cas dans ce projet de budget.
On peut contester nos priorités – c’est le jeu de la vie politique –, mais nous les assumons assez bien. Ces priorités concernent l’enseignement supérieur, la recherche, le Grenelle de l’environnement.
Dans ce projet de budget, le Gouvernement opère des choix et rejette l’augmentation des prélèvements obligatoires.
Monsieur Jégou, je partage votre point de vue, la dépense d’avenir un enjeu majeur. Le projet de budget en tient compte. Comme l’a rappelé récemment le Président de la République, d’ici à 2012, les dépenses d’investissement représenteront 175 milliards d’euros. Certes, nous donnons au mot « investissement » pas tout à fait le sens qui lui est donné ailleurs, puisqu’il s’agit de dépenses d’équipement, mais aussi de dépenses d’éducation, d’enseignement supérieur ou de recherche. Nous pourrons débattre de ce point de vue si vous le souhaitez.
Je note aussi votre engagement à lutter contre les niches fiscales et sociales, et ce n’est d'ailleurs pas la première fois que vous faites part de vos convictions sur ce sujet. En l’occurrence, nous avons encore bien du chemin à parcourir, mais le Gouvernement a déjà accompli des progrès notables, me semble-t-il.
Je tiens aussi à vous confirmer que la RGPP est en marche. Dès la semaine prochaine, après un travail de préparation intense – Christine Lagarde peut en témoigner –, qui nous a conduit à travailler avec tous les membres du Gouvernement et à examiner les actions menées dans chaque ministère, je présenterai une synthèse sur cette démarche en conseil des ministres.
Des heures de travail ont été nécessaires pour préparer cette communication, qui dressera le bilan de nos réalisations en la matière.
Toutefois, il ne s’agit pas pour moi d’un point d’arrivée, mais d’une étape dans un processus qui sera évidemment poursuivi, comme je l’ai déjà souligné en répondant à M. le rapporteur général.
Monsieur Foucaud, la solution ne réside évidemment pas dans la dépense publique, même si j’ai bien conscience que notre divergence sur ce point est politique.
Notre dépense publique est si élevée qu’il nous faut avant la réduire structurellement, même si nous pouvons bien sûr relancer l’économie, aider un secteur ou considérer qu’une dépense particulière est véritablement nécessaire.
En effet, nous vivons dans un État où la dépense publique est devenue trop importante, au point qu’elle constitue un frein aux investissements privés. Telle est en tout cas notre conviction.
En ce qui concerne les paradis fiscaux, j’estime que nous prenons ce problème à bras-le-corps, mais que nous ne pouvons le régler seuls : c’est l’affaire de nombreux États, sinon de la communauté internationale dans son ensemble.
La France avec ses 64 millions d’habitants ne peut vaincre seule les paradis fiscaux ! Une démarche collective est nécessaire. Il est toujours loisible de publier une tribune dans un journal ou de prononcer un discours condamnant les paradis fiscaux, mais le problème ne sera pas réglé pour autant ! Si nous voulons vraiment le résoudre, nous devons faire en sorte que l’OCDE, le G7, et toutes les autres instances internationales qui prennent les décisions dans ce bas monde agissent dans le même sens.
C’est ce que nous ferons, dès l’an prochain, notamment en publiant, en lien avec l’OCDE, la véritable liste des paradis fiscaux, comme nous nous y sommes engagés récemment.
Monsieur Bourdin, vous avez raison, me semble-t-il, de souligner que l’État doit agir de manière contra-cyclique, c'est-à-dire s’opposer à une phase de dépression économique ou de diminution de la croissance telle que nous l’avons connue dans le passé, et encore l’année dernière.
L’arme budgétaire existe, et nous nous en servons. Nous l’avons utilisée à travers le projet de loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat. De même, nombre de mesures de ce projet de loi de finances sont contra-cycliques et donc, d’une certaine façon, « anti-crise ».
Nous verrons s’il est nécessaire d’aller plus loin. Vous savez que le Président de la République et le Premier ministre ont souligné que nous ne fermerions aucune porte. Comment pourrions agir autrement, d'ailleurs, quand nous sommes aussi peu sûrs de l’avenir ? L’incertitude est totale. Le Gouvernement restera réactif, comme il se doit.
Monsieur de Montesquiou, comme plusieurs de vos collègues, vous vous êtes inquiété de l’avenir, ce qui est évidemment légitime.
Pour en avoir parlé avec vous en aparté, j’ai retenu que vous étiez plutôt favorable, comme Alain Lambert d'ailleurs, à ce que l’on appelle le « zéro valeur », c'est-à-dire la stabilisation des dépenses publiques en euros constants. Toutefois, pouvons-nous comprimer encore la dépense publique ?
J’apporterai deux réponses à cette question.
Tout d'abord, nous disposons d’une loi de programmation pluriannuelle, qui est plus contraignante qu’un simple débat d’orientation budgétaire. Ce document fait apparaître précisément les crédits affectés à chaque mission budgétaire. Vous pourrez vous y référer l’an prochain et pointer les divergences qui pourraient apparaître par rapport à nos prévisions, par exemple en matière culturelle, et qui poseraient problème. Il s'agit donc d’un instrument de contrôle et de maîtrise de la dépense publique.
Ensuite, la stabilisation en valeur des dépenses publiques, qui donc ne prend pas en compte l’inflation, s’applique déjà au total de la masse salariale et de l’intervention publique, à condition, il est vrai, d’en soustraire l’augmentation de la charge de la dette et des pensions. Nous agissons de façon responsable !
Pas tant que cela, monsieur le sénateur ! Nous ne pourrions aujourd'hui absorber cette augmentation. Laissez-moi vous dire que si nous nous étions engagés dans cette voie, notre débat d’aujourd'hui ne porterait pas sur l’évolution de nos finances, mais sur l’effondrement des services publics !
Nous devons effectivement réduire la dépense publique, mais pas en suivant une ligne de pente trop forte, sinon nous échouerons.
Pour absorber l’augmentation de la charge de la dette et des pensions, il aurait fallu trouver 7 ou 8 milliards d'euros supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2009, ce qui, compte tenu de la compression des dépenses que nous avions déjà réalisée, n’était pas possible. Pour vous donner quelques repères, même si vous n’en manquez pas, cette somme représente deux fois le budget de l’action extérieure de la France ! La réduction des dépenses constitue en tout cas pour nous une préoccupation constante.
Monsieur Angels, je pense, comme Christine Lagarde, que ce budget est parfaitement adapté à la situation. La preuve, c’est qu’il ne laisse pas indifférent et qu’il a suscité de nombreux débats ! Certains affirment qu’il n’est pas sincère, d’autres le jugent trop ou pas assez dépensier, d’autres encore s’inquiètent pour les collectivités territoriales. Qu’on l’approuve ou non, ce projet de loi de finances possède donc son identité propre, et j’en suis heureux.
Monsieur Maurey, les collectivités territoriales ne peuvent planer au-dessus du pays. L’État ne peut les mettre « hors crise », comme on mettrait des maisons hors d’eau. Malheureusement, elles aussi vont subir la crise, comme la France, l’Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni et presque tous les pays du monde. L’État ne peut absorber pour elles les conséquences des difficultés économiques.
Nous devrons – moi y compris, en tant que maire – tenir compte de cette réalité et nous y préparer. C’est ce que l’État s’efforce de faire en définissant des règles, qui ensuite peuvent être discutées et acceptées, ou non, mais notre proposition a au moins le mérite d’être sur la table depuis le mois de juillet dernier.
Certes, nous intégrons le fonds de compensation pour la TVA, dont nous considérons qu’il constitue bien un remboursement, dans la progression des concours aux collectivités territoriales. Toutefois, ces derniers augmentent tout de même de 1, 1 milliard d'euros ! Au total, les dégrèvements et remboursements, qui sont retracés dans un chapitre spécifique du projet de loi de finances, s’accroissent tout de même de 3, 2 % par rapport à l’année dernière. Ce n’est pas ce que j’appellerai de l’austérité, ni une injustice faite aux collectivités territoriales !
Mesdames, messieurs les sénateurs, le « toujours plus » ne constitue pas une solution, et en tout cas il ne s’appliquera pas cette année, ni probablement dans les années qui viennent. En revanche, nous devons, à mon avis, être toujours plus justes et plus transparents. On peut approuver, ou non, nos orientations budgétaires, mais au moins celles-ci sont-elles présentées honnêtement.
Je voudrais indiquer à M. Lambert que nous réduisons le nombre de fonctionnaires, et qu’en même temps nous voulons que ceux-ci soient mieux rémunérés, que leurs responsabilités soit mieux identifiés, que leur métier soit plus valorisé.
L’effectif des administrations centrales a été réduit comme jamais. Le nombre de fonctionnaires a autant diminué en un an que pendant les cinq années précédentes, Alain Lambert est bien placé pour le savoir. Je crois donc qu’on ne peut nous faire de reproche à ce sujet.
J’observe d'ailleurs que l’administration des douanes contribue également à la réduction du nombre de fonctionnaires, ce qui n’était pas le cas quand elle se trouvait placée sous l’autorité de M. Lambert… L’effectif de ses agents s’est réduit de 50 %, contre 20 % à l’époque. Il est facile de critiquer l’action gouvernementale quand on est loin, mais c’est plus difficile quand on s’en occupe de près !
Monsieur Serge Larcher, je ne reviendrai pas sur la question du FCTVA. En tout cas, le présent projet de loi de finances n’est pas un budget de rigueur, et il ne frappe sûrement pas les plus faibles.
D'abord, un budget ne frappe personne, et ensuite, par principe, il ne s’attaque pas aux plus faibles, que nous essayons plutôt d’aider !
Mesdames, messieurs les sénateurs, quand vous votez le revenu de solidarité active, je n’ai pas le sentiment que vous frappez les plus faibles, mais plutôt que vous les aidez et les protégez. Franchement, un État où 50 % de la richesse publique est redistribuée ne s’attaque pas aux plus démunis ! Mais peut-être ne parliez-vous pas de la France ?
Sincèrement, je pense que nous n’avons pas à rougir de nos dépenses sociales, qu’il faut plutôt, probablement, mieux utiliser, réorganiser et rendre plus efficaces, et c’est ce que nous essayons de faire. L’État français sait ce que la solidarité nationale veut dire !
Enfin, monsieur Dassault, vous plaidez depuis longtemps et avec constance pour l’instauration d’un coefficient sur la valeur ajoutée. Toutefois, cette mesure a déjà été étudiée, je me permets de le rappeler, par le Conseil d’analyse économique et par le Conseil d’orientation pour l’emploi, qui l’ont trouvée quelque peu dangereuse.
Vous êtes un industriel et un homme politique, et vos idées bénéficient de la grande expérience qui est la vôtre. Je veux donc bien percer l’abcès et demander à mes services, dans les trois ou quatre mois qui viennent, de faire le point de façon précise et objective sur cette question.
En effet, ce débat ne doit pas traîner pendant des années : soit il s'agit d’une bonne idée et nous verrons comment la mettre en œuvre, soit ce n’est pas le cas et alors je suis sûr que nous en tomberons d'accord.
Enfin, en ce qui concerne les allégements généraux de charge, vous défendez une position qui, dans votre situation, est courageuse.
Aujourd'hui, l’État accorde quelque 23 milliards d'euros de réductions de charges sociales sur les salaires compris entre 1 SMIC et 1, 6 SMIC. Il s'agit de compensations versées pour les 35 heures et les heures supplémentaires, auxquelles il faut ajouter certains allégements ciblés de cotisations sociales.
Les réductions de charges sont donc très importantes, mais elles contribuent à alléger le coût du travail. Bien sûr, ces mesures coûtent cher, car elles représentent un manque à gagner en termes de cotisations sociales, mais elles bénéficient aux entreprises.
Vous me répondrez que celles-ci les payent in fine parce que ces sommes alimentent le déficit, qui est répercuté sur l’économie. Toutefois, ces allégements contribuent à améliorer la compétitivité du travail française dans une proportion qui n’est pas négligeable.
En ces temps de crise où toute décision peut avoir des effets très importants sur l’emploi – je m’exprime devant la ministre chargée de ce dossier –, il ne me semble pas opportun de nous lancer dans une expérimentation aussi hasardeuse.
Toutefois, il ne s'agit pas d’un sujet tabou. Nous appliquerons votre proposition dans les zones franches urbaines, en diminuant légèrement les allégements de charges et surtout en rendant plus cohérent ce dispositif.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je répondrai rapidement aux interventions qui n’auraient pas déjà été habilement traitées par Éric Woerth.
Monsieur le rapporteur général, j’ai été particulièrement sensible à vos remarques sur la politique économique menée par la France.
Vous avez en particulier souligné que nous aurions tout intérêt à concentrer nos efforts de relance économique sur l’investissement, et je crois que vous avez raison. C’est précisément la politique que nous tentons de mener actuellement. Nous poursuivrons nos effort en ce sens et nous trouverons, j’en suis sûre, de nouveaux outils, je l’espère, dans un cadre européen.
Parmi les mesures que nous avons déjà adoptées en faveur de l’investissement, je rappellerai rapidement le crédit d’impôt recherche, le soutien aux pôles de compétitivité, qui vient d’être prolongé pour trois ans, l’exonération de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements réalisés depuis le 23 octobre dernier et le plan de soutien aux petites et moyennes entreprises.
À cet égard, je pense en particulier aux 17 milliards d'euros qui ont été mobilisés, dont 14, 3 milliards d'euros dégagés par les banques au bénéfice du financement des petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux 5 milliards d'euros qui ont été décentralisés auprès d’OSEO pour permettre à cette agence d’assurer à la fois des cofinancements et des garanties. Enfin, 5 milliards d'euros ont été mis à disposition des collectivités territoriales.
Certes, il ne s’agit pas là d’un soutien direct à l’investissement des petites et moyennes entreprises, mais ces sommes constituent une part importante de l’investissement global dans notre pays. Au total, 27 milliards d'euros se trouvent mis à disposition soit des petites et moyennes entreprises, soit des collectivités territoriales.
En outre, nous avons sollicité un effort de la Banque européenne d’investissement, à laquelle nous avons demandé d’accroître de 50 % les concours qu’elle consent aux petites et moyennes entreprises. Actuellement, nous sommes en discussion avec elle pour mettre en place un programme de financement encore plus abondant et qui, surtout, bénéficierait à davantage d’entreprises.
Nous souhaitons en particulier aider certains secteurs comme l’automobile. Celle-ci doit développer sa recherche et développement pour franchir une étape technologique difficile et qui vient s’ajouter à la crise conjoncturelle dans laquelle elle se trouve déjà plongée.
Vous avez évoqué des financements extrabudgétaires, en particulier à l’échelon européen. C’est effectivement une voie dans laquelle nous souhaitons avancer plus vite et aller plus loin avec la Commission européenne, et avec le concours la Banque européenne d’investissement.
Vous avez également souligné la nécessité qu’il y avait tout à la fois à encourager l’investissement et à veiller à la cohésion sociale. L’instauration du revenu de solidarité active, tel qu’il est actuellement prévu et avec le développement qu’il connaîtra au cours de l’année 2009, devrait constituer un moyen de répondre aux difficultés que rencontrent les personnes les plus éloignées du monde du travail.
J’ajoute que l’effort considérable que nous demandons à l’ensemble du personnel de Pôle emploi, en vue d’un accompagnement personnalisé et plus rapide des demandeurs d’emploi, devrait aussi contribuer à soutenir ces personnes.
Je voudrais répondre à vos commentaires concernant les structures en cours de création ou existant déjà et qui permettent de détenir des participations. Le Président de la République a lancé ce matin le Fonds stratégique d’investissement. Celui-ci ne me paraît pas correspondre exactement à la définition habituelle d’un fonds souverain, puisque, malheureusement, nous ne disposons pas d’excédents venant de notre balance des paiements ou d’une rente pétrolière à gérer.
Nous souhaitons simplement soutenir une politique économique fondée sur l’investissement, en utilisant à cet effet le levier public.
De ce point de vue, je rappellerai simplement la distinction effectuée ce matin par le Président de la République. Celui-ci a en effet présenté et soutenu un dispositif comprenant deux organismes.
Le premier, c’est le Fonds stratégique d’investissement, qui est destiné à intervenir, à travers des prises de participation minoritaires, dans le cadre de petites et moyennes entreprises évoluant sur des secteurs stratégiques ou pour sécuriser le capital d’entreprises, elles aussi stratégiques, susceptibles d’être menacées. Ce fonds aurait donc vocation à soutenir dans une passe difficile, à prendre des participations minoritaires dans des secteurs stratégiques, qu’elle que soit la taille de l’entreprise.
Je marque au passage qu’il s’agirait, dans ce cas, d’investissements à durée limitée. L’État ne serait pas nécessairement appelé à participer durablement au capital de ces entreprises. Mais l’objectif serait non pas la rentabilité à très court terme ou à court terme, mais la rentabilité à moyen terme, pour faciliter la transition en attendant une période moins difficile.
L’Agence des participations de l’État, que vous avez évoquée, constitue un second « véhicule » de l’investissement public dans le secteur privé, que celui-ci soit exposé ou non. Placée sous la direction et le contrôle exclusifs de l’État, cette agence aurait vocation à prendre en charge les participations majoritaires à caractère stratégique, pour des durées d’investissement plus longues.
Ce rappel me permet de souligner que l’existence de deux organismes ne me semble pas poser de problèmes particuliers, puisque le type de participation, les cibles visées, la durée d’investissement et l’attente de rentabilité ne sont pas les mêmes.
Monsieur le président Arthuis, vous avez évoqué l’exonération de taxe professionnelle en faisant la distinction entre, d’une part, l’exonération actuellement prévue, qui est ponctuelle et constitue – du moins je l’espère – une mesure forte de soutien à l’investissement, et, d’autre part, la réflexion de long terme que nous devons engager à la fois sur le financement des collectivités locales et sur cette taxe et les éléments entrant dans son assiette.
À cet égard, il faut avancer par étapes et une fois mise en place la mesure puissante et temporaire que j’évoquais, attendre aussi bien les conclusions des travaux de la commission Balladur sur les différents échelons territoriaux que les recommandations des deux chambres du Parlement. Après cela, nous pourrons aborder la question de la fiscalité locale et de la taxe professionnelle. Ce tempo me semble être le plus adapté.
Madame Bricq, je souhaite vous rappeler le cadre dans lequel s’inscrit l’action du Gouvernement. Vous avez évoqué les conclusions du G20 en abordant la question de la relance souhaitée par tous les pays qui le composent. Je veux simplement, à cet égard, attirer votre attention sur le fait que, au cours de cette réunion dont les membres totalisent environ 80 % du produit intérieur brut mondial, l’Union européenne s’est exprimée d’une même voix, et d’une voix forte, parce qu’elle était unie, grâce à la présidence française. En effet, le Président de la République a engagé toute son énergie et sa détermination pour conférer à l’Europe une véritable puissance de proposition.
Le principe de la relance ayant été accepté par le G20, il appartient à chaque membre, dans les périmètres géographiques les plus appropriés, de décider de la forme que prendront ces mesures de relance. Dans notre esprit, c’est d’abord à l’échelon européen que doivent se définir et s’articuler les éléments d’une relance.
C’est bien pourquoi, dès le Conseil européen des 15 et 16 octobre derniers, le Président de la République avait invité l’ensemble des vingt-six autres États membres de l’Union à s’engager dans la voie de la définition d’une relance de nature européenne.
À cette époque, il n’avait pas été suivi par ses partenaires. Cela ne l’a pas empêché d’agir de manière déterminée en faveur de la relance et d’obtenir un accord au G20. Reste maintenant à attendre que la Commission précise les éléments d’un plan de relance, dont nous espérons qu’il sera à la hauteur de la situation. Les résultats de ces travaux ne seront connus que le 26 novembre.
Nous dialoguons actuellement avec la Commission européenne. Les données que vous avez citées concernant le communiqué de M. Michael Glos ne sont que des éléments préliminaires et ne ressemblent absolument pas – du moins je l’espère – à ce que sera, le 26 novembre, la communication de la Commission.
Les 130 milliards d’euros auxquels vous faisiez référence ne constituent sans doute pas le montant total du plan de relance. Si c’était le cas, cela représenterait à peu près 1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne. Nous verrons ce qu’il adviendra. Mais il est clair que c’est dans cette instance régionale européenne que nous devons, ensemble, réussir à décliner les éléments de ce plan de relance.
Par ailleurs, j’ai parfois un peu de mal à vous suivre, madame Bricq. En effet, vous estimez que nous mettons en œuvre des mesures de soutien à l’activité avec la loi du 21 août 2007 et, pourtant, vous nous reprochez de ne pas faire de relance.
Les mesures prises dans la loi de 2007 ont permis d’injecter 8 milliards d’euros dans l’économie française sous forme de pouvoir d’achat.
Il faut y ajouter le dispositif de la loi de finances pour 2008, qui comprend notamment le crédit d’impôt recherche.
Que vous ne soyez pas d’accord avec notre démarche et que vous n’approuviez ni les cibles que nous avons choisies ni la façon dont nous répartissons les différents éléments, je veux bien l’admettre. Mais ne dites pas que nous n’avons rien fait en matière de relance et de soutien à l’investissement !
Par ailleurs, on ne le souligne pas assez, la croissance du troisième trimestre 2008 a été positive et la consommation et l’investissement ont augmenté, alors que, partout ailleurs, les signes d’une véritable récession apparaissent clairement. Mais je comprends que vous passiez sous silence ces bonnes nouvelles : vous aviez tellement anticipé une récession que vous auriez pu commenter à l’envi !
En outre, les baisses d’impôt, sur l’ensemble de la législature, atteindront en effet le chiffre de 10 milliards d’euros.
Là encore, vous n’en soufflez mot ! C’est dommage, mais après tout chacun reste dans son rôle et sa posture habituels.
Concernant le soutien à l’économie, en additionnant tout ce qui a été injecté dans l’économie au cours des dernières semaines – on y retrouve 17 milliards d’euros mis à la disposition des PME, 5 milliards d’euros pour OSEO destinés aux petites et moyennes entreprises, 5 milliards d’euros octroyés aux collectivités territoriales, 1 milliard d’euros investis dans le capital de DEXIA, 10 milliards d’euros qui ont été isolés pour renforcer les fonds propres des banques et amener ces dernières à financer l’économie –, nous parvenons à un total de plus de 48 milliards d’euros !
Il s’agit là d’un véritable plan avant l’heure, si j’ose dire, avant même que les pistes d’action soient totalement élaborées au niveau européen. Et je ne doute pas qu’au moment où celles-ci seront révélées nous ne continuions à soutenir la croissance française dans le domaine de l’investissement aux entreprises.
M. Bourdin nous a livré des considérations mûrement pesées et d’une grande hauteur de vue sur le rôle de l’État dans l’économie, notamment en temps de crise, ce dont je le remercie. J’ai également apprécié ses références à lord Keynes et à l’excellence de ses travaux.
Le Président de la République, comme il l’a d’ailleurs expliqué lui-même ce matin, s’est affranchi tant de Keynes que de Friedmann et de quelques autres. Au plein milieu d’une crise d’un type nouveau se caractérisant par son imprévisibilité, sa brutalité et sa profondeur, il faut tout simplement et avant tout être le plus réactif et le plus pragmatique possible, c'est-à-dire, d’une part, s’attaquer à la racine du mal et, d’autre part, faire en sorte de limiter les effets trop douloureux de cette crise à mesure qu’ils se présentent.
Actuellement, l’État français se comporte en véritable partenaire, aussi bien par les mesures prises en faveur des petites et moyennes entreprises, dans le cadre des programmes que j’évoquais, que par son statut d’investisseur, notamment sous forme de prises de participation minoritaires.
M. Bourdin a par ailleurs souligné la nécessité de préserver les flux d’investissements en faveur du patrimoine historique. Je partage entièrement son point de vue. Vous savez d’ailleurs que le Gouvernement estime que, sur ce point, l’Assemblée nationale est allée trop loin.
J’étais prête à accepter des dispositions interdisant un usage abusif du régime des monuments historiques, mais le plafonnement instauré par les députés ne me paraît pas cohérent avec l’effort que l’État se félicite de reporter sur un certain nombre de contribuables. J’espère que nous aurons l’occasion de débattre utilement de cette question devant la Haute Assemblée.
Monsieur de Montesquiou, je vous remercie de votre intervention et des encouragements appuyés que vous avez prodigués au Gouvernement pour le travail de longue haleine qu’il a entrepris. Ce travail, nous le voyons dès le troisième trimestre de cette année, commence à porter ses fruits.
La présidence française de l’Union européenne a permis de renforcer très sensiblement la coordination des politiques économiques des différents États membres. Ce n’était pas chose facile ! Parler de gouvernance économique et de politique économique européenne est une chose totalement nouvelle.
Nous pouvons d’ailleurs nous en réjouir. En effet, je rappelle que l’Union européenne est la première puissance économique mondiale, dès lors que l’on considère l’ensemble des vingt-sept États membres. Or, je pense que c’est uniquement en agissant à l’échelle d’espaces tels que l’Union européenne que nous parviendrons à bâtir les instruments de riposte à la crise économique dans laquelle sont plongées l’ensemble des économies du monde, pays développés et pays émergents confondus.
Qui dit crise financière globale dit aussi réponse globale, tout en conservant une articulation régionale, puis nationale, de façon que tous les instruments soient coordonnés et produisent véritablement des effets. À cet égard, vous avez tout à fait raison, monsieur le sénateur.
Madame Beaufils, vous avez instruit un procès à charge contre les heures supplémentaires. Évidemment, je ne partage pas votre analyse qui me semble tout simplement contredite par les faits.
Vous avez fait référence à 631 millions d’heures supplémentaires pour 2006 et avancé un chiffre similaire pour 2008. Tout d’abord, le nombre d’heures supplémentaires effectuées sera sensiblement plus élevé. Les données de l’ACOSS viennent en effet d’être publiées ; nous disposons donc d’un certain nombre d’éléments qui nous laissent pressentir ce que sera le résultat sur l’ensemble de l’année 2008. Nous serons, quoi qu’il arrive, au-dessus des chiffres de 2006. Et, en toute hypothèse, la croissance était alors deux fois supérieure à celle que nous aurons en 2008. Par conséquent, si, avec deux fois moins de croissance, nous sommes arrivés à faire croître le volume d’heures supplémentaires par rapport à 2006, cela témoigne du succès de la mesure.
Ensuite, vous dites que les heures supplémentaires ont nui à l’intérim. Mais, quand j’analyse le premier trimestre 2008, je constate que l’intérim a progressé au même rythme que le nombre d’heures supplémentaires.
Bien sûr, si vous changez la période d’observation pour ne retenir par exemple que le volume de l’intérim pendant le troisième trimestre 2008, le constat est différent, mais je suis persuadée que, indépendamment de la mesure relative aux heures supplémentaires, nous aurions constaté de toute façon un effondrement de l’intérim, tout simplement parce que l’économie française, au troisième trimestre, a commencé, par anticipation, à s’adapter à la crise qui a commencé par affecter la sphère financière internationale. En effet, l’intérim est toujours le premier touché par anticipation. Il constitue pour cette raison un indicateur avancé des évolutions.
Voilà pourquoi j’attire votre attention sur les chiffres de l’ACOSS, publiés aujourd’hui, et qui indiquent clairement qu’au total, sur les trois premiers trimestres de l’année 2008, 40 % des entreprises françaises ont eu régulièrement recours aux heures supplémentaires.
Ce sont, au total, selon les chiffres de la DARES – je cite mes sources ! –, près de 700 millions d’heures supplémentaires qui, à leur juste mesure, grâce à l’exonération de charges et à l’exonération fiscale qu’elles permettent, offrent autant de pouvoir d’achat supplémentaire aux salariés.
De ce point de vue, je ne crois pas que les heures supplémentaires aient eu un effet négatif sur l’emploi. D'ailleurs, lorsqu’ils sont interrogés individuellement, les chefs d’entreprise, qui utilisent cette mesure de façon récurrente, disent qu’elle ne les a jamais empêchés d’embaucher.
Si M. Serge Dassault était encore présent, je lui aurais répondu que la question des allégements de charges est, certes, délicate, et que nous y reviendrons, je l’espère, lorsque les temps le permettront. Je ne pense pas qu’il soit utile, en période de crise comme celle que nous connaissons et alors que le chômage risque d’augmenter, de baisser le seuil en dessous duquel il est procédé à des allégements de charges.
En revanche, ce que j’appelle de mes vœux, c’est une modification en profondeur du système de formation professionnelle, afin qu’il permette, graduellement, sur une certaine durée, d’améliorer le niveau de formation, d’intervention et de valeur ajoutée de l’ensemble des salariés français, et d’aller progressivement vers une diminution des allégements de charges.
J’ajoute que nous utilisons également ce moyen pour inciter les entreprises à tenir leurs engagements en matière de négociation annuelle des salaires et pour contraindre celles d’entre elles qui ne les respecteraient pas à les tenir.
Enfin, je répondrai rapidement à M. Alain Lambert. Il a évoqué la volonté politique et la qualité technique des services et s’est ému de cette dernière. Or les deux doivent marcher de concert. Il appartient à l’un de travailler avec l’autre. C’est ce que nous nous attachons à faire, et je suis persuadée qu’il s’était attaché à le faire. Je suis extrêmement reconnaissante aux femmes et aux hommes qui travaillent dans nos services de leur aide, que ce soit lors de la préparation de ce projet de loi de finances ou pour l’ensemble des travaux que nous menons. Je suis un peu étonnée de son plaidoyer, qui n’était pas véritablement pro domo, puisque ce fut sa maison.
Je souhaite simplement attirer son attention sur deux inventions dues à mes services et qui ont contribué largement à la simplification de l’ordre juridique. Je pense d’abord au statut de l’auto-entrepreneur, qui permet, par des voies extraordinairement simplifiées, à des personnes dotées de l’esprit d’entreprise et du sens de l’initiative de s’installer à leur compte et de créer leur entreprise. Je pense également au fonds de dotation que nous venons de lancer grâce à la loi de modernisation de l’économie, …
…dont l’ensemble des décrets d’application sera publié avant la fin de l’année 2008.
Mme Christine Lagarde, ministre. Ce fonds, par des voies aussi simples que la constitution d’une association et avec un financement du type de celui dont bénéficient les fondations, permet de donner libre cours au mécénat et de faciliter la mise à disposition, pour des causes d’intérêt général, de fonds privés qui veulent bien se mobiliser à cet effet.
Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…
La discussion générale est close.
Je suis saisi, par M. Foucaud, Mme Beaufils, M. Vera et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d’une motion n° I-50, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Bernard Vera, auteur de la motion.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre opposition fondamentale au contenu de ce projet de loi de finances a été rappelée par les orateurs de mon groupe lors de la discussion générale.
Nous avons ainsi tenu à souligner à quel point les dispositions de ce texte ne permettaient pas d’apporter les réponses adéquates à la situation économique et sociale actuelle, porteuse de difficultés pour la grande majorité de nos compatriotes et, plus particulièrement, pour le monde du travail dans son ensemble, confronté à la menace de plans sociaux massifs et à la suppression de plusieurs centaines de milliers d’emplois dans un contexte globalement récessif.
Nous vivons aujourd’hui la crise d’un capitalisme mondialisé, dérégulé au fil du temps par de multiples décisions prises sur le plan international comme au niveau de chaque législation nationale, fruits de décisions politiques imposées aux peuples et aux salariés.
Cela a notamment conduit à l’accroissement de la rentabilité du capital au détriment du travail dans toutes les économies occidentales.
Comme l’ont montré les discussions sur les « plans de sauvetage » des marchés financiers, les tenants de ce système rêvent, une fois la crise surmontée, de recommencer comme avant, au risque d’entraîner les peuples dans la catastrophe.
À ce propos, les parlementaires du groupe CRC estiment pleinement justifié, à l’annonce des faibles prévisions de croissance pour notre pays – au mieux 0, 5 % pour 2009 – de ne pas avoir voté le plan de sauvetage des banques, accordant la garantie de l’État sans contrôle réel sur plus de 360 milliards d’euros de crédits bancaires.
En effet, engager la garantie de l’État sur des montants proches de 20 % des prêts bancaires accordés dans notre pays aux entreprises pour aboutir à la suppression de 200 000 ou 300 000 emplois nous amène à nous interroger sur l’efficacité de la dépense publique.
Nous devons revenir donc sur la crise économique, notamment financière, que connaît notre pays.
Le vécu de la crise financière, pour les habitants de notre pays, c’est la déperdition de la valeur de leur épargne, pour ceux qui ont placé leurs économies dans des produits à risque, c’est l’incapacité pour les ménages modestes à pouvoir obtenir un prêt immobilier, c’est le refus opposé au chef d’entreprise d’obtenir de sa banque la ligne de trésorerie qui lui permettrait de faire face à ses charges d’exploitation ou le prêt qui autoriserait tel ou tel investissement.
Les dernières données disponibles indiquent clairement un processus de contraction du crédit accordé aux entreprises, notamment aux PME. Ce sont d’ailleurs ces difficultés qui sont aujourd’hui à la source de plans sociaux dans certaines entreprises, parfois importantes.
Ainsi, il n’a pas été possible de trouver 20 millions d’euros pour sauver les 754 emplois de la Camif !
Dès à présent, la remontée du chômage et de la précarité annonce une grave détérioration de la situation sociale, les plans sociaux succèdent aux plans sociaux, des entreprises pourtant réputées sont mises en liquidation, faute de trésorerie, et les chômeurs viennent s’ajouter aux chômeurs existants.
La question première, pour notre pays, est celle de la politique du crédit, des relations entre banques et entreprises et, au-delà, de tous les financements.
Nous sommes clairement partisans de la constitution d’un véritable pôle public financier, prenant appui sur les établissements financiers actuellement investis de missions publiques, comme la Caisse des dépôts et consignations, et sur la nationalisation d’établissements de crédit aujourd’hui largement privatisés depuis 1986.
La nationalisation de ces établissements et l’ensemble du pôle financier public viseraient, sous le contrôle des élus, des salariés et des épargnants, à développer un nouveau crédit à long terme pour les investissements matériels et de recherche des entreprises, avec un taux d’intérêt d’autant plus faible que ces projets seraient porteurs d’emplois, d’innovation, de développement social et environnemental.
II ne s’agit pas, comme semble devoir s’y attacher le Gouvernement, de se contenter d’accorder la garantie de l’État aux projets de financement que les banques estimeraient les moins sûrs.
En effet, à quoi va donc servir la garantie de l’État ? À prendre en charge les crédits accordés aux entreprises en difficulté que les banques hésitent à financer, ou à ne s’intéresser qu’aux entreprises en bonne santé financière, ne changeant donc rien aux inégalités actuelles d’accès au crédit ?
Cet accès au crédit constitue aujourd’hui bien plus que le prétendu coût du travail : le principal obstacle au développement de l’appareil productif dans notre pays.
Parmi les autres solutions nationales à la crise, et toujours dans la perspective d’une relance de l’activité économique favorable à l’emploi, à la formation et aux salaires, nous devons également nous attacher à développer de nouveau l’épargne populaire et les financements échappant à la loi des marchés.
Ainsi, la construction massive de logements sociaux peut être favorisée par le relèvement du plafond du livret A et le financement des PME facilité par celui du livret de développement durable.
Or, dans un cadre fiscal où l’on multiplie les niches fiscales favorables à la spéculation financière, où l’on dépense l’argent public pour alléger l’impôt de solidarité sur la fortune ou l’impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés, nous sommes décidément loin du compte.
C’est donc clairement d’un autre projet de loi de finances que nous avons besoin. Rien, dans ce qui constitue pour le moment le texte de ce projet de budget pour 2009, ne correspond aux attentes et aux nécessités.
La dépense fiscale hypertrophiée que nous connaissons dans notre pays et qui se substitue de plus en plus à la dépense budgétaire directe ne peut constituer une réponse adaptée. Par nature, la dépense fiscale est aussi inégalitaire qu’est universelle et profondément juste la dépense budgétaire.
Quand nous engageons de la dépense publique directe, nous le faisons de manière équitable pour tous les citoyens, toutes les entreprises de notre pays, sur des critères objectifs.
Quand nous ouvrons le champ de la dépense fiscale, ce sont les initiés, pour l’essentiel, conseillés par quelques spécialistes, qui optimisent leur contribution aux finances publiques en réduisant de fait leur apport à la collectivité.
Ce projet de budget doit redonner la priorité à la dépense publique directe.
Discuter à l’infini d’un plafonnement des niches fiscales pour 200 millions d’euros – sur 90 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements retracés dans la mission budgétaire correspondante ! – et en créer de nouvelles ou en renforcer d’autres procède du pur affichage.
À la vérité, le code général des impôts et le budget sont victimes d’une intoxication à la dépense fiscale. On pourrait presque se demander ce qui n’est pas sujet à la moindre mesure fiscale dite incitative, tant les montants de recettes perdues comme l’assiette des dépenses y ouvrant droit n’ont fait que croître.
Nous commençons d’ailleurs à penser que, eu égard aux faibles capacités d’innovation laissées aux parlementaires pour modifier le projet de loi de finances, tout porte aujourd’hui à dénaturer profondément le débat budgétaire autour de discussions sur quelques dizaines de millions d’euros que l’on pourrait faire passer d’un chapitre à un autre.
Le projet de loi de finances pour 2009 n’échappe pas à cette règle, puisqu’une part importante des mesures qui le composent n’a qu’une portée financière extrêmement réduite, allant jusqu’à maintenir en place des dispositifs dont la fiabilité est pour le moins limitée.
Pour autant, la crise étant présente et forte, ce sont à de nouveaux sacrifices que l’on appelle la population de notre pays : pas question de baisser la TVA dans ce projet de loi de finances, pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages modestes ! En revanche, on assiste à la suppression inutile de l’imposition forfaitaire annuelle des sociétés.
Dans le même temps, on met les collectivités locales au régime sec, alors même que leur rôle est aujourd’hui essentiel pour agir de manière efficace contre la récession.
Les suppressions d’emplois publics sont du même ordre. Supprimer ces emplois, c’est prendre le risque de ne pas avoir à disposition, demain, les personnels en situation de répondre aux besoins.
Je profite de cette intervention pour saluer le puissant mouvement qui vient de marquer la communauté scolaire dans notre pays et qui illustre le rejet profond des suppressions de postes prévues dans l’enseignement par le présent projet de budget.
Aux coupes claires dans le budget de l’éducation s’ajoutent celles qui sont opérées sur le budget des transports et qui mettent en cause le développement des alternatives écologiques au transport routier.
Nous ne saurions oublier quelques tours de passe-passe : ainsi, la généralisation du RSA va permettre à l’État d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros, tandis que les charges que supportent les départements au titre du RMI ne sont toujours pas compensées.
De même, si elle est adoptée en l’état, et sans que soit ajouté le moindre centime à la dépense publique pour le logement, la loi Boutin, en rackettant les fonds du 1 %, va permettre au budget général d’économiser 700 millions d’euros sur le dos des accédants modestes à la propriété.
Il y a pourtant des dépenses qui augmentent dans ce projet de budget, mes chers collègues, et ce de manière bien plus importante que les dépenses budgétaires utiles à la nation et à la population : ces dépenses, ce sont les dépenses fiscales, qui vont dépasser les 90 milliards d’euros, ce sont les exonérations de cotisations sociales qui, bien que imparfaitement compensées à la sécurité sociale, privent l’État de près de 40 milliards d’euros de ressources, c’est encore le service de la dette publique.
En effet, si les agents du secteur public connaissent, depuis 2002, gel ou quasi-gel des traitements et restrictions sur le droit à mutation professionnelle, il y a au moins quelques personnes qui trouvent leur compte au budget de l’État : ce sont les rentiers, qui se nourrissent du service de la dette publique, les titres aujourd’hui émis étant tous indexés sur l’inflation et assurant donc le « pouvoir d’achat » des détenteurs de capitaux.
Quoi que vous en disiez, madame la ministre, le Gouvernement va augmenter les prélèvements obligatoires, surtout les plus injustes, parce qu’il ne pourra pas faire autrement. À nos yeux, de telles mesures ne devraient se concevoir qu’en fonction d’un rééquilibrage des prélèvements sur le travail et le capital, et d’une mise à contribution des plus aisés, des grandes fortunes et des grands groupes.
C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable et de profiter de la prise de conscience de la gravité de la crise économique et sociale pour, enfin, décider d’œuvrer à une profonde réforme de la fiscalité et à la remise en cause des choix budgétaires trop longtemps mis en œuvre et qui nous ont conduit au déficit et à l’explosion de la dette. Pour la justice fiscale et sociale, pour l’efficacité économique de la loi de finances, plus que jamais, une autre définition des politiques publiques s’avère indispensable.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC.
La commission des finances émet un avis défavorable sur cette motion.
Monsieur Vera, prendre l’initiative de présenter une telle motion à la veille de débats qui permettront d’approfondir l’ensemble des sujets que vous avez évoqués est pour le moins paradoxal.
Nous nous en sommes d’ailleurs déjà expliqués en commission des finances. Certains de mes collègues de la majorité vous ont même confié qu’ils auraient pu comprendre le dépôt d’une motion tendant au renvoi à la commission, car vous auriez alors signifié votre souhait d’approfondir des sujets qui, selon vous, n’auraient pas été correctement étudiés. Après tout, nous aurions volontiers accepté de siéger samedi, voire dimanche, pour répondre à ce souhait !
Mme Marie-France Beaufils s’esclaffe.
Interrompre, immédiatement après votre exposé, l’examen du projet de loi de finances serait à n’en point douter une décision extrêmement frustrante, que nous regretterions toutes et tous, et vous les premiers !
En effet, consultant la liasse des amendements déposés dont l'examen va nous occuper un certain temps, j’ai pu constater que nombre d’entre eux proviennent de votre groupe. Si, de mon point de vue, vos idées ne sont pas toujours acceptables, elles méritent tout de même d’être étudiées.
À mon sens, avoir fait tout ce travail et ne pas le mettre en œuvre, ce serait extrêmement paradoxal. Cela nous appauvrirait collectivement.
Par conséquent, mes chers collègues, pour éviter un appauvrissement collectif, particulièrement malvenu dans cette période de crise
Sourires
Mesdames, messieurs les sénateurs, je me rallie à l’analyse de M. le rapporteur général. Mieux vaut en effet, pour reprendre la célèbre formule de Guizot rappelée tout à l’heure par M. Aymeri de Montesquiou, nous enrichir de ce débat.
Au nom du Gouvernement, je vous invite donc à repousser la motion tendant à opposer la question préalable, afin que nous entrions le plus rapidement possible dans le cœur de ce débat pour lequel nous avons déjà beaucoup œuvré.
Monsieur le rapporteur général, nous n’avons pas déposé cette motion tendant à opposer la question préalable dans le but de priver la représentation nationale d’un débat, qui, j’en suis d’accord, est toujours utile.
Il s’agissait juste de montrer, à cette occasion, qu’il est grand temps de faire autrement. Tous les ans, je vous entends, droit dans vos bottes, …
…nous expliquer que la seule façon d’agir est de faire ce que vous préconisez.
Or, les années passent, le nombre de chômeurs augmente, la vie est de plus en plus dure pour les Françaises et les Français, et la crise, que nous pressentions et que nous avons dénoncée encore l’année dernière dans le cadre de la discussion budgétaire, est désormais bien réelle.
Dans un tel contexte économique et social, voter en l’état, ou presque, cette loi de finances, ce serait faire comme si n’avions rien vu des effets de la crise économique et financière actuelle.
Mes chers collègues, tel est le sens des revendications exprimées par la gauche en général et par le groupe CRC en particulier, tel est le sens de la motion présentée par mon collègue et ami Bernard Vera et que nous vous invitons à voter.
Je mets aux voix, par scrutin public, la motion n° I-150, tendant à opposer la question préalable, et dont l’adoption entraînerait le rejet du projet de loi de finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin a lieu.
Il est procédé au comptage des votes.
Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 46 :
Le Sénat n’a pas adopté.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, portant application de l’article 25 de la Constitution.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 105, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, après déclaration d’urgence, relatif à la commission prévue à l’article 25 de la Constitution et à l’élection des députés.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 106, distribué et renvoyé à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
M. le président du Sénat a reçu de M. Philippe Marini, rapporteur général un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
Le rapport sera imprimé sous le n° 99 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu un rapport déposé par M. Jean-Claude Etienne, premier vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, sur l’évaluation de l’application de la loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique, établi par MM. Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte, députés, au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le rapport sera imprimé sous le n° 107 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de MM. Yves Dauge, Louis Duvernois, Philippe Nachbar, Serge Lagauche, Ambroise Dupont, Jean-Claude Carle, Mmes Françoise Férat, Brigitte Gonthier-Maurin, MM. Michel Thiollière, David Assouline, Jean-Pierre Plancade, Jean-Léonce Dupont, Pierre Martin et Jean-Jacques Lozach un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 100 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de MM. Gérard César, Daniel Soulage, Jean-Marc Pastor, François Fortassin, Pierre Hérisson, Gérard Cornu, Mme Odette Terrade, MM. Jean Bizet, Charles Revet, Jean-François Le Grand, Francis Grignon, Roland Courteau, Claude Lise, Rémy Pointereau, Michel Houel, Daniel Raoul, Pierre André, Thierry Repentin et François Patriat un avis présenté au nom de la commission des affaires économiques sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 101 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. André Trillard, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Christian Cambon, André Vantomme, Didier Boulaud, Xavier Pintat, Daniel Reiner, André Dulait, Jean-Louis Carrère, André Trillard, Joseph Kergueris et Jean Faure un avis présenté au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 102 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de Mmes Janine Rozier, Anne-Marie Payet, MM. Dominique Leclerc, Alain Milon, Gilbert Barbier, Paul Blanc, Alain Gournac et Jean Marie Vanlerenberghe un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 103 et distribué.
M. le président du Sénat a reçu de M. Alain Anziani, Mme Jacqueline Gourault, MM. Jean René Lecerf, Yves Détraigne, Simon Sutour, Nicolas Alfonsi, Mme Éliane Assassi, MM. Christian Cointat, Jean-Claude Peyronnet, Bernard Saugey, Mme Catherine Troendle, MM. Jean-Patrick Courtois et François-Noël Buffet un avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale sur le projet de loi de finances pour 2009, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009).
L’avis sera imprimé sous le n° 104 et distribué.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, vendredi 21 novembre 2008, à quinze heures :
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l’Assemblée nationale (n° 98, 2008-2009). Examen des articles de la première partie - Conditions générales de l’équilibre financier (articles 1er à 34 et état A).
Rapport (n° 99, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le vendredi 21 novembre 2008, à zéro heure dix.