Intervention de Éric Woerth

Réunion du 20 novembre 2008 à 22h00
Loi de finances pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Éric Woerth, ministre :

Pas tant que cela, monsieur le sénateur ! Nous ne pourrions aujourd'hui absorber cette augmentation. Laissez-moi vous dire que si nous nous étions engagés dans cette voie, notre débat d’aujourd'hui ne porterait pas sur l’évolution de nos finances, mais sur l’effondrement des services publics !

Nous devons effectivement réduire la dépense publique, mais pas en suivant une ligne de pente trop forte, sinon nous échouerons.

Pour absorber l’augmentation de la charge de la dette et des pensions, il aurait fallu trouver 7 ou 8 milliards d'euros supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2009, ce qui, compte tenu de la compression des dépenses que nous avions déjà réalisée, n’était pas possible. Pour vous donner quelques repères, même si vous n’en manquez pas, cette somme représente deux fois le budget de l’action extérieure de la France ! La réduction des dépenses constitue en tout cas pour nous une préoccupation constante.

Monsieur Angels, je pense, comme Christine Lagarde, que ce budget est parfaitement adapté à la situation. La preuve, c’est qu’il ne laisse pas indifférent et qu’il a suscité de nombreux débats ! Certains affirment qu’il n’est pas sincère, d’autres le jugent trop ou pas assez dépensier, d’autres encore s’inquiètent pour les collectivités territoriales. Qu’on l’approuve ou non, ce projet de loi de finances possède donc son identité propre, et j’en suis heureux.

Monsieur Maurey, les collectivités territoriales ne peuvent planer au-dessus du pays. L’État ne peut les mettre « hors crise », comme on mettrait des maisons hors d’eau. Malheureusement, elles aussi vont subir la crise, comme la France, l’Allemagne, les États-Unis, le Royaume-Uni et presque tous les pays du monde. L’État ne peut absorber pour elles les conséquences des difficultés économiques.

Nous devrons – moi y compris, en tant que maire – tenir compte de cette réalité et nous y préparer. C’est ce que l’État s’efforce de faire en définissant des règles, qui ensuite peuvent être discutées et acceptées, ou non, mais notre proposition a au moins le mérite d’être sur la table depuis le mois de juillet dernier.

Certes, nous intégrons le fonds de compensation pour la TVA, dont nous considérons qu’il constitue bien un remboursement, dans la progression des concours aux collectivités territoriales. Toutefois, ces derniers augmentent tout de même de 1, 1 milliard d'euros ! Au total, les dégrèvements et remboursements, qui sont retracés dans un chapitre spécifique du projet de loi de finances, s’accroissent tout de même de 3, 2 % par rapport à l’année dernière. Ce n’est pas ce que j’appellerai de l’austérité, ni une injustice faite aux collectivités territoriales !

Mesdames, messieurs les sénateurs, le « toujours plus » ne constitue pas une solution, et en tout cas il ne s’appliquera pas cette année, ni probablement dans les années qui viennent. En revanche, nous devons, à mon avis, être toujours plus justes et plus transparents. On peut approuver, ou non, nos orientations budgétaires, mais au moins celles-ci sont-elles présentées honnêtement.

Je voudrais indiquer à M. Lambert que nous réduisons le nombre de fonctionnaires, et qu’en même temps nous voulons que ceux-ci soient mieux rémunérés, que leurs responsabilités soit mieux identifiés, que leur métier soit plus valorisé.

L’effectif des administrations centrales a été réduit comme jamais. Le nombre de fonctionnaires a autant diminué en un an que pendant les cinq années précédentes, Alain Lambert est bien placé pour le savoir. Je crois donc qu’on ne peut nous faire de reproche à ce sujet.

J’observe d'ailleurs que l’administration des douanes contribue également à la réduction du nombre de fonctionnaires, ce qui n’était pas le cas quand elle se trouvait placée sous l’autorité de M. Lambert… L’effectif de ses agents s’est réduit de 50 %, contre 20 % à l’époque. Il est facile de critiquer l’action gouvernementale quand on est loin, mais c’est plus difficile quand on s’en occupe de près !

Monsieur Serge Larcher, je ne reviendrai pas sur la question du FCTVA. En tout cas, le présent projet de loi de finances n’est pas un budget de rigueur, et il ne frappe sûrement pas les plus faibles.

D'abord, un budget ne frappe personne, et ensuite, par principe, il ne s’attaque pas aux plus faibles, que nous essayons plutôt d’aider !

Mesdames, messieurs les sénateurs, quand vous votez le revenu de solidarité active, je n’ai pas le sentiment que vous frappez les plus faibles, mais plutôt que vous les aidez et les protégez. Franchement, un État où 50 % de la richesse publique est redistribuée ne s’attaque pas aux plus démunis ! Mais peut-être ne parliez-vous pas de la France ?

Sincèrement, je pense que nous n’avons pas à rougir de nos dépenses sociales, qu’il faut plutôt, probablement, mieux utiliser, réorganiser et rendre plus efficaces, et c’est ce que nous essayons de faire. L’État français sait ce que la solidarité nationale veut dire !

Enfin, monsieur Dassault, vous plaidez depuis longtemps et avec constance pour l’instauration d’un coefficient sur la valeur ajoutée. Toutefois, cette mesure a déjà été étudiée, je me permets de le rappeler, par le Conseil d’analyse économique et par le Conseil d’orientation pour l’emploi, qui l’ont trouvée quelque peu dangereuse.

Vous êtes un industriel et un homme politique, et vos idées bénéficient de la grande expérience qui est la vôtre. Je veux donc bien percer l’abcès et demander à mes services, dans les trois ou quatre mois qui viennent, de faire le point de façon précise et objective sur cette question.

En effet, ce débat ne doit pas traîner pendant des années : soit il s'agit d’une bonne idée et nous verrons comment la mettre en œuvre, soit ce n’est pas le cas et alors je suis sûr que nous en tomberons d'accord.

Enfin, en ce qui concerne les allégements généraux de charge, vous défendez une position qui, dans votre situation, est courageuse.

Aujourd'hui, l’État accorde quelque 23 milliards d'euros de réductions de charges sociales sur les salaires compris entre 1 SMIC et 1, 6 SMIC. Il s'agit de compensations versées pour les 35 heures et les heures supplémentaires, auxquelles il faut ajouter certains allégements ciblés de cotisations sociales.

Les réductions de charges sont donc très importantes, mais elles contribuent à alléger le coût du travail. Bien sûr, ces mesures coûtent cher, car elles représentent un manque à gagner en termes de cotisations sociales, mais elles bénéficient aux entreprises.

Vous me répondrez que celles-ci les payent in fine parce que ces sommes alimentent le déficit, qui est répercuté sur l’économie. Toutefois, ces allégements contribuent à améliorer la compétitivité du travail française dans une proportion qui n’est pas négligeable.

En ces temps de crise où toute décision peut avoir des effets très importants sur l’emploi – je m’exprime devant la ministre chargée de ce dossier –, il ne me semble pas opportun de nous lancer dans une expérimentation aussi hasardeuse.

Toutefois, il ne s'agit pas d’un sujet tabou. Nous appliquerons votre proposition dans les zones franches urbaines, en diminuant légèrement les allégements de charges et surtout en rendant plus cohérent ce dispositif.

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