Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 20 novembre 2008 à 22h00
Loi de finances pour 2009 — Discussion d'un projet de loi

Christine Lagarde, ministre :

Je répondrai rapidement aux interventions qui n’auraient pas déjà été habilement traitées par Éric Woerth.

Monsieur le rapporteur général, j’ai été particulièrement sensible à vos remarques sur la politique économique menée par la France.

Vous avez en particulier souligné que nous aurions tout intérêt à concentrer nos efforts de relance économique sur l’investissement, et je crois que vous avez raison. C’est précisément la politique que nous tentons de mener actuellement. Nous poursuivrons nos effort en ce sens et nous trouverons, j’en suis sûre, de nouveaux outils, je l’espère, dans un cadre européen.

Parmi les mesures que nous avons déjà adoptées en faveur de l’investissement, je rappellerai rapidement le crédit d’impôt recherche, le soutien aux pôles de compétitivité, qui vient d’être prolongé pour trois ans, l’exonération de la taxe professionnelle sur les nouveaux investissements réalisés depuis le 23 octobre dernier et le plan de soutien aux petites et moyennes entreprises.

À cet égard, je pense en particulier aux 17 milliards d'euros qui ont été mobilisés, dont 14, 3 milliards d'euros dégagés par les banques au bénéfice du financement des petites et moyennes entreprises, ainsi qu’aux 5 milliards d'euros qui ont été décentralisés auprès d’OSEO pour permettre à cette agence d’assurer à la fois des cofinancements et des garanties. Enfin, 5 milliards d'euros ont été mis à disposition des collectivités territoriales.

Certes, il ne s’agit pas là d’un soutien direct à l’investissement des petites et moyennes entreprises, mais ces sommes constituent une part importante de l’investissement global dans notre pays. Au total, 27 milliards d'euros se trouvent mis à disposition soit des petites et moyennes entreprises, soit des collectivités territoriales.

En outre, nous avons sollicité un effort de la Banque européenne d’investissement, à laquelle nous avons demandé d’accroître de 50 % les concours qu’elle consent aux petites et moyennes entreprises. Actuellement, nous sommes en discussion avec elle pour mettre en place un programme de financement encore plus abondant et qui, surtout, bénéficierait à davantage d’entreprises.

Nous souhaitons en particulier aider certains secteurs comme l’automobile. Celle-ci doit développer sa recherche et développement pour franchir une étape technologique difficile et qui vient s’ajouter à la crise conjoncturelle dans laquelle elle se trouve déjà plongée.

Vous avez évoqué des financements extrabudgétaires, en particulier à l’échelon européen. C’est effectivement une voie dans laquelle nous souhaitons avancer plus vite et aller plus loin avec la Commission européenne, et avec le concours la Banque européenne d’investissement.

Vous avez également souligné la nécessité qu’il y avait tout à la fois à encourager l’investissement et à veiller à la cohésion sociale. L’instauration du revenu de solidarité active, tel qu’il est actuellement prévu et avec le développement qu’il connaîtra au cours de l’année 2009, devrait constituer un moyen de répondre aux difficultés que rencontrent les personnes les plus éloignées du monde du travail.

J’ajoute que l’effort considérable que nous demandons à l’ensemble du personnel de Pôle emploi, en vue d’un accompagnement personnalisé et plus rapide des demandeurs d’emploi, devrait aussi contribuer à soutenir ces personnes.

Je voudrais répondre à vos commentaires concernant les structures en cours de création ou existant déjà et qui permettent de détenir des participations. Le Président de la République a lancé ce matin le Fonds stratégique d’investissement. Celui-ci ne me paraît pas correspondre exactement à la définition habituelle d’un fonds souverain, puisque, malheureusement, nous ne disposons pas d’excédents venant de notre balance des paiements ou d’une rente pétrolière à gérer.

Nous souhaitons simplement soutenir une politique économique fondée sur l’investissement, en utilisant à cet effet le levier public.

De ce point de vue, je rappellerai simplement la distinction effectuée ce matin par le Président de la République. Celui-ci a en effet présenté et soutenu un dispositif comprenant deux organismes.

Le premier, c’est le Fonds stratégique d’investissement, qui est destiné à intervenir, à travers des prises de participation minoritaires, dans le cadre de petites et moyennes entreprises évoluant sur des secteurs stratégiques ou pour sécuriser le capital d’entreprises, elles aussi stratégiques, susceptibles d’être menacées. Ce fonds aurait donc vocation à soutenir dans une passe difficile, à prendre des participations minoritaires dans des secteurs stratégiques, qu’elle que soit la taille de l’entreprise.

Je marque au passage qu’il s’agirait, dans ce cas, d’investissements à durée limitée. L’État ne serait pas nécessairement appelé à participer durablement au capital de ces entreprises. Mais l’objectif serait non pas la rentabilité à très court terme ou à court terme, mais la rentabilité à moyen terme, pour faciliter la transition en attendant une période moins difficile.

L’Agence des participations de l’État, que vous avez évoquée, constitue un second « véhicule » de l’investissement public dans le secteur privé, que celui-ci soit exposé ou non. Placée sous la direction et le contrôle exclusifs de l’État, cette agence aurait vocation à prendre en charge les participations majoritaires à caractère stratégique, pour des durées d’investissement plus longues.

Ce rappel me permet de souligner que l’existence de deux organismes ne me semble pas poser de problèmes particuliers, puisque le type de participation, les cibles visées, la durée d’investissement et l’attente de rentabilité ne sont pas les mêmes.

Monsieur le président Arthuis, vous avez évoqué l’exonération de taxe professionnelle en faisant la distinction entre, d’une part, l’exonération actuellement prévue, qui est ponctuelle et constitue – du moins je l’espère – une mesure forte de soutien à l’investissement, et, d’autre part, la réflexion de long terme que nous devons engager à la fois sur le financement des collectivités locales et sur cette taxe et les éléments entrant dans son assiette.

À cet égard, il faut avancer par étapes et une fois mise en place la mesure puissante et temporaire que j’évoquais, attendre aussi bien les conclusions des travaux de la commission Balladur sur les différents échelons territoriaux que les recommandations des deux chambres du Parlement. Après cela, nous pourrons aborder la question de la fiscalité locale et de la taxe professionnelle. Ce tempo me semble être le plus adapté.

Madame Bricq, je souhaite vous rappeler le cadre dans lequel s’inscrit l’action du Gouvernement. Vous avez évoqué les conclusions du G20 en abordant la question de la relance souhaitée par tous les pays qui le composent. Je veux simplement, à cet égard, attirer votre attention sur le fait que, au cours de cette réunion dont les membres totalisent environ 80 % du produit intérieur brut mondial, l’Union européenne s’est exprimée d’une même voix, et d’une voix forte, parce qu’elle était unie, grâce à la présidence française. En effet, le Président de la République a engagé toute son énergie et sa détermination pour conférer à l’Europe une véritable puissance de proposition.

Le principe de la relance ayant été accepté par le G20, il appartient à chaque membre, dans les périmètres géographiques les plus appropriés, de décider de la forme que prendront ces mesures de relance. Dans notre esprit, c’est d’abord à l’échelon européen que doivent se définir et s’articuler les éléments d’une relance.

C’est bien pourquoi, dès le Conseil européen des 15 et 16 octobre derniers, le Président de la République avait invité l’ensemble des vingt-six autres États membres de l’Union à s’engager dans la voie de la définition d’une relance de nature européenne.

À cette époque, il n’avait pas été suivi par ses partenaires. Cela ne l’a pas empêché d’agir de manière déterminée en faveur de la relance et d’obtenir un accord au G20. Reste maintenant à attendre que la Commission précise les éléments d’un plan de relance, dont nous espérons qu’il sera à la hauteur de la situation. Les résultats de ces travaux ne seront connus que le 26 novembre.

Nous dialoguons actuellement avec la Commission européenne. Les données que vous avez citées concernant le communiqué de M. Michael Glos ne sont que des éléments préliminaires et ne ressemblent absolument pas – du moins je l’espère – à ce que sera, le 26 novembre, la communication de la Commission.

Les 130 milliards d’euros auxquels vous faisiez référence ne constituent sans doute pas le montant total du plan de relance. Si c’était le cas, cela représenterait à peu près 1 % du produit intérieur brut de l’Union européenne. Nous verrons ce qu’il adviendra. Mais il est clair que c’est dans cette instance régionale européenne que nous devons, ensemble, réussir à décliner les éléments de ce plan de relance.

Par ailleurs, j’ai parfois un peu de mal à vous suivre, madame Bricq. En effet, vous estimez que nous mettons en œuvre des mesures de soutien à l’activité avec la loi du 21 août 2007 et, pourtant, vous nous reprochez de ne pas faire de relance.

Les mesures prises dans la loi de 2007 ont permis d’injecter 8 milliards d’euros dans l’économie française sous forme de pouvoir d’achat.

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