Intervention de Bernard Vera

Réunion du 20 novembre 2008 à 22h00
Loi de finances pour 2009 — Question préalable

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, notre opposition fondamentale au contenu de ce projet de loi de finances a été rappelée par les orateurs de mon groupe lors de la discussion générale.

Nous avons ainsi tenu à souligner à quel point les dispositions de ce texte ne permettaient pas d’apporter les réponses adéquates à la situation économique et sociale actuelle, porteuse de difficultés pour la grande majorité de nos compatriotes et, plus particulièrement, pour le monde du travail dans son ensemble, confronté à la menace de plans sociaux massifs et à la suppression de plusieurs centaines de milliers d’emplois dans un contexte globalement récessif.

Nous vivons aujourd’hui la crise d’un capitalisme mondialisé, dérégulé au fil du temps par de multiples décisions prises sur le plan international comme au niveau de chaque législation nationale, fruits de décisions politiques imposées aux peuples et aux salariés.

Cela a notamment conduit à l’accroissement de la rentabilité du capital au détriment du travail dans toutes les économies occidentales.

Comme l’ont montré les discussions sur les « plans de sauvetage » des marchés financiers, les tenants de ce système rêvent, une fois la crise surmontée, de recommencer comme avant, au risque d’entraîner les peuples dans la catastrophe.

À ce propos, les parlementaires du groupe CRC estiment pleinement justifié, à l’annonce des faibles prévisions de croissance pour notre pays – au mieux 0, 5 % pour 2009 – de ne pas avoir voté le plan de sauvetage des banques, accordant la garantie de l’État sans contrôle réel sur plus de 360 milliards d’euros de crédits bancaires.

En effet, engager la garantie de l’État sur des montants proches de 20 % des prêts bancaires accordés dans notre pays aux entreprises pour aboutir à la suppression de 200 000 ou 300 000 emplois nous amène à nous interroger sur l’efficacité de la dépense publique.

Nous devons revenir donc sur la crise économique, notamment financière, que connaît notre pays.

Le vécu de la crise financière, pour les habitants de notre pays, c’est la déperdition de la valeur de leur épargne, pour ceux qui ont placé leurs économies dans des produits à risque, c’est l’incapacité pour les ménages modestes à pouvoir obtenir un prêt immobilier, c’est le refus opposé au chef d’entreprise d’obtenir de sa banque la ligne de trésorerie qui lui permettrait de faire face à ses charges d’exploitation ou le prêt qui autoriserait tel ou tel investissement.

Les dernières données disponibles indiquent clairement un processus de contraction du crédit accordé aux entreprises, notamment aux PME. Ce sont d’ailleurs ces difficultés qui sont aujourd’hui à la source de plans sociaux dans certaines entreprises, parfois importantes.

Ainsi, il n’a pas été possible de trouver 20 millions d’euros pour sauver les 754 emplois de la Camif !

Dès à présent, la remontée du chômage et de la précarité annonce une grave détérioration de la situation sociale, les plans sociaux succèdent aux plans sociaux, des entreprises pourtant réputées sont mises en liquidation, faute de trésorerie, et les chômeurs viennent s’ajouter aux chômeurs existants.

La question première, pour notre pays, est celle de la politique du crédit, des relations entre banques et entreprises et, au-delà, de tous les financements.

Nous sommes clairement partisans de la constitution d’un véritable pôle public financier, prenant appui sur les établissements financiers actuellement investis de missions publiques, comme la Caisse des dépôts et consignations, et sur la nationalisation d’établissements de crédit aujourd’hui largement privatisés depuis 1986.

La nationalisation de ces établissements et l’ensemble du pôle financier public viseraient, sous le contrôle des élus, des salariés et des épargnants, à développer un nouveau crédit à long terme pour les investissements matériels et de recherche des entreprises, avec un taux d’intérêt d’autant plus faible que ces projets seraient porteurs d’emplois, d’innovation, de développement social et environnemental.

II ne s’agit pas, comme semble devoir s’y attacher le Gouvernement, de se contenter d’accorder la garantie de l’État aux projets de financement que les banques estimeraient les moins sûrs.

En effet, à quoi va donc servir la garantie de l’État ? À prendre en charge les crédits accordés aux entreprises en difficulté que les banques hésitent à financer, ou à ne s’intéresser qu’aux entreprises en bonne santé financière, ne changeant donc rien aux inégalités actuelles d’accès au crédit ?

Cet accès au crédit constitue aujourd’hui bien plus que le prétendu coût du travail : le principal obstacle au développement de l’appareil productif dans notre pays.

Parmi les autres solutions nationales à la crise, et toujours dans la perspective d’une relance de l’activité économique favorable à l’emploi, à la formation et aux salaires, nous devons également nous attacher à développer de nouveau l’épargne populaire et les financements échappant à la loi des marchés.

Ainsi, la construction massive de logements sociaux peut être favorisée par le relèvement du plafond du livret A et le financement des PME facilité par celui du livret de développement durable.

Or, dans un cadre fiscal où l’on multiplie les niches fiscales favorables à la spéculation financière, où l’on dépense l’argent public pour alléger l’impôt de solidarité sur la fortune ou l’impôt sur le revenu des contribuables les plus aisés, nous sommes décidément loin du compte.

C’est donc clairement d’un autre projet de loi de finances que nous avons besoin. Rien, dans ce qui constitue pour le moment le texte de ce projet de budget pour 2009, ne correspond aux attentes et aux nécessités.

La dépense fiscale hypertrophiée que nous connaissons dans notre pays et qui se substitue de plus en plus à la dépense budgétaire directe ne peut constituer une réponse adaptée. Par nature, la dépense fiscale est aussi inégalitaire qu’est universelle et profondément juste la dépense budgétaire.

Quand nous engageons de la dépense publique directe, nous le faisons de manière équitable pour tous les citoyens, toutes les entreprises de notre pays, sur des critères objectifs.

Quand nous ouvrons le champ de la dépense fiscale, ce sont les initiés, pour l’essentiel, conseillés par quelques spécialistes, qui optimisent leur contribution aux finances publiques en réduisant de fait leur apport à la collectivité.

Ce projet de budget doit redonner la priorité à la dépense publique directe.

Discuter à l’infini d’un plafonnement des niches fiscales pour 200 millions d’euros – sur 90 milliards d’euros de remboursements et dégrèvements retracés dans la mission budgétaire correspondante ! – et en créer de nouvelles ou en renforcer d’autres procède du pur affichage.

À la vérité, le code général des impôts et le budget sont victimes d’une intoxication à la dépense fiscale. On pourrait presque se demander ce qui n’est pas sujet à la moindre mesure fiscale dite incitative, tant les montants de recettes perdues comme l’assiette des dépenses y ouvrant droit n’ont fait que croître.

Nous commençons d’ailleurs à penser que, eu égard aux faibles capacités d’innovation laissées aux parlementaires pour modifier le projet de loi de finances, tout porte aujourd’hui à dénaturer profondément le débat budgétaire autour de discussions sur quelques dizaines de millions d’euros que l’on pourrait faire passer d’un chapitre à un autre.

Le projet de loi de finances pour 2009 n’échappe pas à cette règle, puisqu’une part importante des mesures qui le composent n’a qu’une portée financière extrêmement réduite, allant jusqu’à maintenir en place des dispositifs dont la fiabilité est pour le moins limitée.

Pour autant, la crise étant présente et forte, ce sont à de nouveaux sacrifices que l’on appelle la population de notre pays : pas question de baisser la TVA dans ce projet de loi de finances, pour rendre du pouvoir d’achat aux ménages modestes ! En revanche, on assiste à la suppression inutile de l’imposition forfaitaire annuelle des sociétés.

Dans le même temps, on met les collectivités locales au régime sec, alors même que leur rôle est aujourd’hui essentiel pour agir de manière efficace contre la récession.

Les suppressions d’emplois publics sont du même ordre. Supprimer ces emplois, c’est prendre le risque de ne pas avoir à disposition, demain, les personnels en situation de répondre aux besoins.

Je profite de cette intervention pour saluer le puissant mouvement qui vient de marquer la communauté scolaire dans notre pays et qui illustre le rejet profond des suppressions de postes prévues dans l’enseignement par le présent projet de budget.

Aux coupes claires dans le budget de l’éducation s’ajoutent celles qui sont opérées sur le budget des transports et qui mettent en cause le développement des alternatives écologiques au transport routier.

Nous ne saurions oublier quelques tours de passe-passe : ainsi, la généralisation du RSA va permettre à l’État d’économiser plusieurs centaines de millions d’euros, tandis que les charges que supportent les départements au titre du RMI ne sont toujours pas compensées.

De même, si elle est adoptée en l’état, et sans que soit ajouté le moindre centime à la dépense publique pour le logement, la loi Boutin, en rackettant les fonds du 1 %, va permettre au budget général d’économiser 700 millions d’euros sur le dos des accédants modestes à la propriété.

Il y a pourtant des dépenses qui augmentent dans ce projet de budget, mes chers collègues, et ce de manière bien plus importante que les dépenses budgétaires utiles à la nation et à la population : ces dépenses, ce sont les dépenses fiscales, qui vont dépasser les 90 milliards d’euros, ce sont les exonérations de cotisations sociales qui, bien que imparfaitement compensées à la sécurité sociale, privent l’État de près de 40 milliards d’euros de ressources, c’est encore le service de la dette publique.

En effet, si les agents du secteur public connaissent, depuis 2002, gel ou quasi-gel des traitements et restrictions sur le droit à mutation professionnelle, il y a au moins quelques personnes qui trouvent leur compte au budget de l’État : ce sont les rentiers, qui se nourrissent du service de la dette publique, les titres aujourd’hui émis étant tous indexés sur l’inflation et assurant donc le « pouvoir d’achat » des détenteurs de capitaux.

Quoi que vous en disiez, madame la ministre, le Gouvernement va augmenter les prélèvements obligatoires, surtout les plus injustes, parce qu’il ne pourra pas faire autrement. À nos yeux, de telles mesures ne devraient se concevoir qu’en fonction d’un rééquilibrage des prélèvements sur le travail et le capital, et d’une mise à contribution des plus aisés, des grandes fortunes et des grands groupes.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter cette motion tendant à opposer la question préalable et de profiter de la prise de conscience de la gravité de la crise économique et sociale pour, enfin, décider d’œuvrer à une profonde réforme de la fiscalité et à la remise en cause des choix budgétaires trop longtemps mis en œuvre et qui nous ont conduit au déficit et à l’explosion de la dette. Pour la justice fiscale et sociale, pour l’efficacité économique de la loi de finances, plus que jamais, une autre définition des politiques publiques s’avère indispensable.

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