Intervention de Michel Mercier

Réunion du 28 octobre 2010 à 9h00
Cumul du mandat de parlementaire et fonction exécutive locale — Renvoi à la commission d'une proposition de loi organique

Michel Mercier, ministre :

Dans d’autres États européens, il y a une séparation à la fois beaucoup plus nette et beaucoup plus grande entre les institutions locales et les institutions nationales. Dans notre pays, la tradition est tout autre. Chaque fois qu’il est à craindre que l’État ne se retire de l’échelon local, les protestations sont véhémentes. On veut toujours plus d’État à l’échelon local ! L’État doit être présent, l’État doit rester !

Dans ce cadre, il est certain que, pour que l’efficacité soit totale, le cumul s’impose. Celui qui n’est qu’élu local a beaucoup moins de pouvoirs sur l’État local que le parlementaire. Cette culture me paraît présente dans nos gènes de façon importante.

Le cumul des mandats est également vécu – il faut bien le dire – comme un mode d’efficacité de la gestion locale.

Dans les médias, beaucoup demandent une réduction, voire une interdiction du cumul. On dit que l’opinion publique est favorable à la suppression du cumul.

Je note que, sur ce point, le doyen Georges Vedel, avec la finesse d’esprit qui était la sienne, dans un rapport qu’il avait rédigé voilà quelques années, s’était prononcé en faveur du mandat unique, tout en reconnaissant que celui-ci constituerait une rupture avec des pratiques anciennes et que l’opinion publique y était peut-être moins prête qu’elle-même ne le croyait.

La suppression du cumul des mandats et des fonctions ne pourrait être décidée qu’au terme d’un long processus de décentralisation, grâce auquel les compétences locales et nationales seraient plus distinctes. Pour tout un ensemble de raisons, tel n’est pas le cas aujourd’hui, notamment en matière financière.

Chaque année, les collectivités locales dépensent grosso modo 200 milliards d’euros, soit 180 milliards d’euros si l’on fait abstraction des doubles comptes. Sur cette somme, l’État apporte 99 milliards d’euros. Dès lors, on comprend bien que les élus locaux ont à cœur de peser autant qu’ils le peuvent sur la répartition de ces crédits.

Ce matin, mesdames, messieurs les sénateurs, en arrivant au Sénat, j’ai discuté avec plusieurs d’entre vous, et certains ont souhaité me faire part de tel ou tel problème les concernant : chaque fois, il était question des conséquences locales d’une décision nationale !

Les raisons pour lesquelles le cumul des mandats et des fonctions est inscrit aussi profondément dans nos gènes sont nombreuses. Si on entend l’interdire ou le limiter, il conviendra au préalable de savoir ce qui l’a expliqué ou justifié, même si, aujourd’hui, on cherche d’autres règles.

Comme l’a fait remarquer M. le rapporteur, force est de constater que le mode de scrutin qui plaît aux Français, celui qui est inscrit dans nos gènes et qui est en vigueur pratiquement depuis l’instauration de la République, c’est le scrutin uninominal majoritaire. Par quelque biais que l’on aborde cette question, ce mode de scrutin implique naturellement que les candidats qui se présentent à une élection bénéficient d’une certaine notoriété. Et quelle meilleure façon de se faire connaître que d’avoir démontré son expérience dans le passé !

Ce sont là un certain nombre de points clés de notre système républicain qui expliquent le cumul des mandats et de fonctions, et, jusqu’à présent, aucune loi n’a jamais interdit un tel cumul, le législateur se contentant de le limiter.

Certes, j’ai bien compris que la présente proposition de loi organique présentée par le groupe socialiste vise à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale. Il n’en demeure pas moins que cette proposition soulève beaucoup de questions : Jean-Pierre Bel en a lui-même relevé quelques-unes, cependant que M. le rapporteur en relevait d’autres, tout aussi intéressantes. Il est certain que l’institution du conseiller territorial apportera une réponse à la question du cumul des mandats et des fonctions.

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