Séance en hémicycle du 28 octobre 2010 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • cumul
  • exécutive
  • local
  • orpheline
  • photo
  • photographe
  • photographie

La séance

Source

La séance est ouverte à neuf heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, la conférence des présidents, qui s’est réunie hier soir, mercredi 27 octobre 2010, a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

FIN DE LA SEMAINE SÉNATORIALE D’INITIATIVE

Jeudi 28 octobre 2010

De 9 heures à 13 heures :

1°) Désignation d’un membre de la délégation à la décentralisation et aux collectivités locales, en remplacement de M. Alain Lambert, dont le mandat sénatorial a cessé ;

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

2°) Proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste et apparentés (697, 2009-2010) ;

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

3°) Proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, présentée par Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Bel, Serge Lagauche, Mmes Françoise Cartron, Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (441, 2009-2010) ;

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

De 15 heures à 19 heures :

Ordre du jour réservé au groupe CRC-SPG :

4°) Proposition de résolution relative au développement du fret ferroviaire, présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Mireille Schurch, Isabelle Pasquet et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (612, 2009-2010) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

5°) Proposition de loi constitutionnelle visant à garantir l’indépendance du président de la République et des membres du Gouvernement vis-à-vis du pouvoir économique, présentée par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, Éliane Assassi et Josiane Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche (603 rectifié, 2009 2010) ;

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT

ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Mardi 2 novembre 2010

À 9 heures 30 :

1°) Dix-sept questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 788 de M. Gérard Bailly à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

- n° 920 de M. Aymeri de Montesquiou à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;

- n° 988 de Mme Virginie Klès à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;

- n° 990 de M. Ronan Kerdraon à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique transmise à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;

- n° 1003 de M. Philippe Madrelle à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

- n° 1013 de Mme Jacqueline Alquier à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

- n° 1014 de M. Yves Détraigne à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 1016 de M. Alain Fauconnier à M. le ministre de l’alimentation, de l’agriculture et de la pêche ;

- n° 1018 de M. Michel Magras à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

- n° 1019 de Mme Catherine Tasca à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 1022 de M. Gilbert Barbier à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

- n° 1023 de M. Raymond Couderc à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;

- n° 1024 de M. Jean-Pierre Sueur à M. le ministre de la culture et de la communication ;

- n° 1025 de M. Martial Bourquin à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;

- n° 1027 de M. Michel Houel à M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire ;

- n° 1036 de Mme Gélita Hoarau à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

- n° 1039 de M. Richard Yung à M. le ministre chargé de l’industrie ;

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 et le soir :

2°) Débat sur l’accession à la propriété (demande du groupe UMP) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

3°) Question orale avec débat n° 33 de M. Jean-Pierre Godefroy à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur la nécessaire réforme des dispositifs « amiante » (demande du groupe socialiste) ;

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 29 octobre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

4°) Débat sur les conclusions de la mission commune d’information sur le traitement des déchets (demande de la mission commune d’information créée à la suite du droit de tirage du groupe UC) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

5°) Débat sur la participation de la France au budget de l’Union européenne (débat anticipé sur la loi de finances à la demande de la commission des finances) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mercredi 3 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Débat sur les prélèvements obligatoires et l’endettement, et projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 (texte de la commission, n° 79, 2010-2011) (demande de la commission des finances et de la commission des affaires sociales) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

2°) Débat sur les effectifs de la fonction publique (débat anticipé sur la loi de finances à la demande de la commission des finances) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Jeudi 4 novembre 2010

À 9 heures 30 :

Ordre du jour fixé par le Sénat :

1°) Débat sur la politique de coopération et de développement de la France (demande de la commission des affaires étrangères) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

2°) Débat sur le rôle de l’État dans les politiques locales de sécurité (demande du groupe du RDSE) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

À 15 heures :

3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

Ordre du jour fixé par le Sénat :

4°) Suite de l’ordre du jour du matin ;

5°) Débat sur les effets sur la santé et l’environnement des champs électromagnétiques produits par les lignes à haute et très haute tension (demande de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques) ;

La conférence des présidents :

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

SEMAINE RÉSERVÉE PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT

Lundi 8 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 et le soir :

1°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Christophe-et-Niévès relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 14, 2010-2011) ;

2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Saint-Vincent-et-les-Grenadines relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 13, 2010-2011) ;

3°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de Sainte-Lucie relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 12, 2010-2011) ;

4°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Grenade relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 11, 2010-2011) ;

5°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement d’Antigua-et-Barbuda relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 33, 2010-2011) ;

6°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Vanuatu relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 15, 2010-2011) ;

7°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay relatif à l’échange de renseignements en matière fiscale (texte de la commission, n° 16, 2010-2011) ;

Pour les sept projets de loi ci-dessus, la conférence des présidents a décidé de recourir à la procédure simplifiée ;

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

8°) Sous réserve de sa transmission, projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011 (AN, n° 2854) ;

La commission des affaires sociales se réunira pour le rapport le mercredi 3 novembre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mardi 9 novembre 2010

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 964 de M. Claude Biwer à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 975 de Mme Marie-France Beaufils à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;

- n° 979 de Mme Catherine Procaccia à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;

- n° 992 de M. Bernard Fournier à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 1010 de M. René-Pierre Signé à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;

- n° 1012 de M. Roger Madec à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

- n° 1034 de Mme Patricia Schillinger à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes ;

- n° 1037 de M. Georges Patient à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

- n° 1044 de M. René Vestri à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

- n° 1046 de M. Jean Milhau à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

- n° 1047 de M. Jean Boyer à M. le ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire ;

- n° 1051 de M. Yannick Bodin à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

- n° 1052 de M. Jean-Jacques Hyest à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

- n° 1053 de Mme Catherine Morin-Desailly à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

- n° 1054 de M. Michel Boutant à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

- n° 1055 de M. Jean-Pierre Chevènement à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

- n° 1058 de M. Michel Teston à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 1078 de M. Christian Demuynck à M. le ministre de la jeunesse et des solidarités actives ;

À 14 heures 30 et le soir :

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

2°) Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Mercredi 10 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 14 heures 30 :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Vendredi 12 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Samedi 13 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

Éventuellement, dimanche 14 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Gouvernement :

Le matin et l’après-midi :

- Suite du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011.

SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE

DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT

ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES

Lundi 15 novembre 2010

Ordre du jour fixé par le Sénat :

À 14 heures 30 :

1°) Question orale européenne avec débat n° 7 de M. Pierre Fauchon à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes sur la politique d’élargissement de l’Union européenne (demande de la commission des affaires européennes) ;

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 12 novembre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

2°) Question orale avec débat n° 63 de Mme Catherine Morin-Desailly à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique sur l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes (demande du groupe Union centriste) ;

La conférence des présidents a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans le débat, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe ; les inscriptions de parole devront être faites au service de la séance, avant dix-sept heures, le vendredi 12 novembre 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Éventuellement, débat d’orientation sur la défense anti-missile dans le cadre de l’OTAN.

Mardi 16 novembre 2010

À 9 heures 30 :

1°) Dix-huit questions orales :

L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.

- n° 901 de Mme Anne-Marie Payet transmise à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme, des services et de la consommation ;

- n° 993 de M. Roland Courteau à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

- n° 998 de Mme Maryvonne Blondin à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;

- n° 1015 de M. Adrien Gouteyron à M. le secrétaire d’État chargé du logement et de l’urbanisme ;

- n° 1020 de M. Gérard Bailly à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;

- n° 1021 de M. Éric Doligé à M. le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ;

- n° 1030 de M. Robert Laufoaulu à Mme la ministre d’État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés ;

- n° 1032 de M. Michel Doublet à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

- n° 1038 de Mme Brigitte Gonthier Maurin à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

- n° 1040 de M. Thierry Foucaud à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 1042 de M. Robert Tropeano à M. le secrétaire d’État à la défense et aux anciens combattants ;

- n° 1045 de Mme Nathalie Goulet à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer, en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat ;

- n° 1049 de M. Pierre-Yves Collombat à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 1050 de M. Jacques Legendre à M. le ministre de l’éducation nationale, porte-parole du Gouvernement ;

- n° 1057 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la secrétaire d’État chargée des sports ;

- n° 1059 de Mme Nicole Bonnefoy à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l’État ;

- n° 1060 de M. Francis Grignon à Mme la ministre de la santé et des sports ;

- n° 1061 de Mme Nicole Bricq à M. le ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;

À 14 heures 30 :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

2°) Proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité, présentée par Mme Claire-Lise Campion et M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (492, 2009-2010) ;

De 17 heures à 17 heures 45 :

3°) Questions cribles thématiques sur « Outre-mer et Union européenne » ;

À 18 heures et le soir :

Ordre du jour réservé au groupe socialiste :

4°) Suite éventuelle de la proposition de loi relative à la modernisation du congé maternité en faveur de la protection de la santé des femmes et de l’égalité salariale et sur les conditions d’exercice de la parentalité ;

5°) Proposition de loi relative à l’aide active à mourir, présentée par M. Jean-Pierre Godefroy, Mmes Patricia Schillinger, Raymonde Le Texier, Annie Jarraud-Vergnolle et plusieurs de leurs collègues (659, 2009-2010) ;

Mercredi 17 novembre 2010

De 14 heures 30 à 18 heures 30 :

1°) Désignation des 25 membres de la mission commune d’information sur l’organisation territoriale du système scolaire et sur l’évaluation des expérimentations locales en matière d’éducation ;

Ordre du jour réservé au groupe Union centriste :

2°) Proposition de loi relative aux activités immobilières des établissements d’enseignement supérieur, aux structures interuniversitaires de coopération, et aux conditions de recrutement et d’emploi du personnel enseignant et universitaire, présentée par MM. Jean-Léonce Dupont et Philippe Adnot et plusieurs de leurs collègues (671, 2009-2010) ;

3°) Deuxième lecture de la proposition de loi, adoptée avec modifications par l’Assemblée nationale en deuxième lecture, relative aux recherches impliquant la personne humaine (426, 2009-2010) ;

À 18 heures 30, le soir et la nuit :

Ordre du jour réservé au groupe UMP :

4°) Proposition de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit communautaire, présentée par MM. Gérard Longuet, Jean Bizet et Jean-Paul Emorine (Procédure accélérée) (n° 693, 2009-2010) ;

Du jeudi 18 novembre au mardi 7 décembre 2010

- Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2011 (AN, n° 2824) ;

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances et à l’ordre du jour autre que celui qui résulte des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...

Ces propositions sont adoptées.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la désignation d’un membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, en remplacement de M. Alain Lambert, dont le mandat sénatorial a cessé.

Le groupe Union pour un mouvement populaire a désigné M. Charles Guené pour le remplacer.

En application des articles 110 et 8, alinéas 2 à 11, du règlement du Sénat, cette candidature a été affichée.

Elle sera ratifiée si la présidence ne reçoit pas d’opposition dans le délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi organique visant à interdire le cumul du mandat de parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale, présentée par M. Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste (proposition n° 697 [2009-2010], rapport n° 41) (demande du groupe socialiste).

Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet que nous abordons ce matin est, j’en ai bien conscience, un véritable serpent de mer ! J’ai également constaté que, depuis toujours, ce thème donne lieu à beaucoup d’hypocrisie ; le décalage entre ce qui est dit et ce qui est réalisé en est la preuve !

Je commencerai donc par une citation extraite d’un rapport remis en octobre 2007 au Président de la République, celui du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par l’ancien Premier ministre, M. Édouard Balladur.

« Le renforcement du Parlement par le biais d’attributions nouvelles et de méthodes de travail mieux adaptées aux exigences de la démocratie n’a de sens que si les membres du Parlement sont mis en mesure d’exercer pleinement la mission que le peuple leur a confiée. »

C’est en ces termes que le Comité de réflexion brossait le contexte et posait la problématique d’ensemble qui justifie aujourd’hui notre proposition de loi.

Mais le rapport dudit Comité allait beaucoup plus loin encore. Aussi me permettrez-vous d’en extraire d’autres citations.

« L’activité parlementaire de législation et de contrôle constitue, par elle-même, une activité à temps plein. Aussi le Comité est-il d’avis que le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne. Seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats. »

« Pourtant, même si une majorité des membres du Comité considère que le cumul d’un mandat parlementaire et de fonctions locales non exécutives doit encore demeurer possible, sa conviction unanime est que le cumul entre un mandat national et des fonctions exécutives locales, y compris à la tête d’un établissement public de coopération intercommunale, doit être proscrit et que notre pays doit, en toute hypothèse, s’engager sur la voie du mandat parlementaire unique ».

« Il recommande que l’acheminement vers ce mandat parlementaire unique, qui implique une refonte de diverses dispositions organiques du code électoral, s’accomplisse de manière progressive à la faveur de chacune des élections municipales, cantonales et régionales à venir, à l’issue desquelles les parlementaires élus lors de ces scrutins seraient tenus de choisir entre leur mandat national et leur mandat exécutif local. »

De même, en 2007, dans un rapport d’information sur l’émancipation de la démocratie locale, fait au nom de l’Observatoire de la décentralisation, un membre éminent de la majorité sénatoriale, M. Jean Puech, estimait lui aussi nécessaire de limiter le cumul. À la fois prudent et exigeant, il recommandait d’« éviter » – le terme est peut-être plus subtil ! – le cumul entre des fonctions exécutives locales et un mandat de parlementaire.

Notre proposition de loi n’a donc rien d’une proposition de circonstance. Elle s’inscrit dans une tendance de fond. Elle est conforme aux préconisations de l’immense majorité des constitutionnalistes. Elle est une première pierre à une modernisation plus complète de notre vie publique, à un nouveau souffle pour notre République et pour notre démocratie.

Nous le savons tous, le cumul des mandats est, en grande partie – on peut en effet trouver d’autres exemples –, une spécificité française.

Certes, les situations sont variables selon les pays. Pourtant, « seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats. ». Ce constat, dressé là encore par le Comité dit « Comité Balladur », est incontestable.

À l’Assemblée nationale, 259 députés exercent un mandat de maire, 19 sont présidents de conseil général et 6 sont présidents de conseil régional.

Ici, au Sénat, 114 d’entre nous sont également maires, 30 sont présidents de conseil général et 5 sont présidents de conseil régional.

Dans ce décompte, je n’inclus pas les fonctions de vice-président, d’adjoint, ni de président d’un établissement public de coopération intercommunale.

Mes chers collègues, le cumul des mandats est légal, c’est une évidence. Il est pratiqué sur toutes les travées de notre assemblée, au-delà des clivages politiques et des convictions de chacun, je vous en donne acte.

Notre objectif n’est donc en aucun cas de jeter l’opprobre sur tel ou tel. Notre volonté n’est pas de stigmatiser. De plus, ayons le courage de le dire aussi, des parlementaires « cumulards » peuvent être d’excellents parlementaires, et je le constate tous les jours.

Pour autant, la situation actuelle n’est pas satisfaisante et les inconvénients sont bien connus.

En premier lieu, le cumul des mandats heurte la plupart de nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Les Français demandent des élus à plein temps. Ils demandent que leurs représentants se consacrent à 100 % au mandat qu’ils leur ont confié.

En deuxième lieu, le cumul des mandats constitue une forme de blocage pour la vie politique française en raison des dégâts collatéraux qu’il crée : il freine l’émergence de nouvelles générations, il retarde l’arrivée de responsables politiques issus d’une plus grande diversité et il complique l’accession des femmes aux mandats électoraux.

Limiter le cumul, c’est, automatiquement, créer un appel d’air dont notre pays a bien besoin. C’est tirer les conclusions de cette belle méditation de Jacques Julliard : « Pour que la politique devienne quelque chose pour tous, il faut qu’elle cesse d’être tout pour quelques-uns ».

En troisième lieu, le cumul des mandats peut conduire à des conflits d’intérêts. Il s’agit d’un constat objectif et non de la mise en cause des femmes et des hommes.

Mais comment ne pas voir qu’un parlementaire qui exerce aussi des responsabilités exécutives locales – n’est-ce pas, monsieur le ministre ? §– peut parfois être tenté de défendre l’intérêt général local plus que l’intérêt général national ou se trouver confronté à des choix déchirants ?

En dernier lieu, le cumul des mandats nuit à la qualité du travail parlementaire.

Je n’irai pas jusqu’à dire, avec Guy Carcassonne, que le Parlement manque moins de pouvoirs que de parlementaires ayant le temps nécessaire pour s’en saisir. Mais il est certain que le temps est une ressource rare pour nous toutes et nous tous – on l’a bien vu ces jours derniers – et que, plus nous nous consacrons à des mandats locaux, moins nous avons le temps de nous consacrer à toute l’étendue de nos compétences de parlementaires. C’est vrai pour le travail législatif ; c’est vrai aussi pour les activités de contrôle du Parlement, celles-là mêmes qui sont appelées à se développer dans les années à venir – nous en parlons souvent –, comme c’est le cas dans toutes les grandes démocraties aujourd’hui.

De ce fait, le cumul des mandats aggrave le déséquilibre entre les pouvoirs, en affaiblissant encore un peu plus le pouvoir législatif, déjà fort encadré sous la ve République. Nos débats récents sur les retraites ont une nouvelle fois tristement illustré cette situation !

C’est pour répondre à tous ces inconvénients que le cumul des mandats a été progressivement encadré au cours des deux dernières décennies. À deux reprises, c’est la gauche qui a porté ces avancées.

Ce fut d’abord le cas avec la loi organique du 30 décembre 1985, qui a introduit dans le code électoral les premières limitations dans ce domaine. Faut-il rappeler la situation à cette époque ? Deux personnalités fortes sont souvent citées à cet égard : MM. Jean Lecanuet et André Chandernagor …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

… avaient la particularité d’illustrer d’une façon presque caricaturale le phénomène de cumul des mandats.

On pouvait donc être à la fois maire, président de conseil général, président de conseil régional, sénateur, parlementaire européen, président d’agglomération et président de commission au Sénat, comme ce fut le cas de l’un d’entre eux !

Aussi la loi du 30 décembre 1985 a-t-elle rendu incompatible un mandat parlementaire avec l’exercice de plus d’un des mandats suivants : représentant au Parlement européen, conseiller régional ou conseiller de l’assemblée de Corse, conseiller général, conseiller de Paris, maire d’une commune de plus de 20 000 habitants autre que Paris, adjoint au maire d’une commune de plus de 100 000 habitants autre que Paris.

La loi du 19 janvier 1995 a introduit des dispositions complémentaires. Puis la loi organique du 5 avril 2000, votée sur l’initiative du gouvernement de Lionel Jospin, a posé de nouvelles limites, même si, en raison de l’opposition du Sénat, les ambitions initiales de ce texte avaient dû être réduites.

Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, l’histoire du cumul des mandats est celle de son recul, lequel est en même temps un progrès pour notre démocratie ! C’est pourquoi nous vous proposons aujourd’hui de nouvelles avancées, car nous ne sommes pas encore au bout du chemin. À l’heure actuelle, un parlementaire peut encore cumuler jusqu’à trois fonctions exécutives locales, puisqu’il peut être maire d’une commune de moins de 3 500 habitants, président de conseil général ou régional et président d’un établissement public de coopération intercommunale.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l'espace rural et de l'aménagement du territoire

Non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Vous me reprendrez dans un instant, mes chers collègues.

Vous l’avez tous constaté, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui concrétise un engagement fort des socialistes. Nos collègues députés ont déposé un texte identique à l’Assemblée nationale. Notre conviction est simple : le non-cumul doit être organisé par une loi de la République, les mêmes règles devant s’appliquer indistinctement à tous les parlementaires, quelle que soit leur appartenance politique ! J’insiste tout particulièrement sur ce dernier point : c’est la loi de la République qui doit régler ce genre de questions, aucune autre démarche ou processus d’évolution n’étant valable à cet égard.

C’est bien pour insuffler un renouveau à notre vie politique que nous proposons aujourd’hui ce texte. Plus concrètement, il s’agit d’un texte simple – je me tourne vers mes collègues, qui ne manqueront pas de me faire de nombreuses remarques – et limpide. C’est d’ailleurs dans cette limpidité que réside, me semble-t-il, le gage de l’efficacité. Nous proposons – c’est l’objet de l’article 1er de la proposition de loi – d’interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec l’exercice de toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale.

Il s’agit bien « de toute fonction exécutive ». Par cette formule sont concernés les mandats de maire et d’adjoint au maire, de président et vice-président de conseil général et de conseil régional, de président et vice-président d’un établissement public de coopération intercommunale. Toutes ces fonctions entrent dans le champ d’application de notre proposition de loi.

Par souci de pragmatisme, nous prévoyons, comme le préconisait d’ailleurs le comité Balladur, que la loi s’appliquera, à compter de sa promulgation, à chaque parlementaire nouvellement élu. Son entrée en vigueur devra ainsi avoir lieu dès les prochains renouvellements des assemblées parlementaires. Le dispositif d’ensemble entrera donc en vigueur – je ne doute pas que notre proposition de loi sera adoptée –à l’issue du renouvellement intégral de l’Assemblée nationale, en 2012, et des renouvellements partiels du Sénat, en 2011, puis en 2014.

Dans notre esprit, cette proposition de loi est à la fois un aboutissement et un commencement. C’est un aboutissement, parce que le texte va très loin dans la limitation du cumul – nous en sommes conscients –, s’inscrivant ainsi dans le prolongement d’une évolution historique. Il permet toutefois de conserver un lien fort avec le terrain, le cumul avec un mandat local non exécutif demeurant autorisé. C’est également un commencement parce qu’il faudra aller plus loin.

Ce texte devra être prolongé par des dispositions destinées à moderniser notre vie publique, car il convient de ne pas isoler la question du cumul des mandats des questions liées à l’exercice des fonctions et mandats parlementaires et à notre vie publique.

En adoptant une telle perspective, on fait surgir un autre serpent de mer, qui concerne cette fois le statut de l’élu, notamment de l’élu local.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Je pense également au renforcement du Parlement, à la rénovation du bicamérisme, qui est une nécessité absolue, à l’amélioration de la qualité de nos textes de loi – M. le président de la commission et M. le rapporteur y seront sensibles – et à un vrai statut, qui n’existe pas aujourd’hui, de l’opposition parlementaire, pour que, y compris au Sénat, les groupes minoritaires puissent être respectés, se voient confier des responsabilités, bref soient davantage pris en compte.

Mes chers collègues, la Haute Assemblée a trop souvent été un lieu de blocage dans le processus de modernisation de notre vie publique. Ne tombons pas une nouvelle fois dans ce piège !

Monsieur le rapporteur, nous ne pouvons suivre votre démarche. Vous préconisez en effet le renvoi de notre texte en commission, en vous abritant derrière de faux arguments – toujours les mêmes ! –, dont l’unique objectif est de retarder l’heure des choix !

Soyons fidèles à Jean Jaurès – pour aller à l’essentiel, il faut faire appel à ceux qui avaient une vraie pensée et une vraie vision de la vie politique et du mandat parlementaire –, lequel estimait, dans son article pour La Dépêche de Toulouse du 28 décembre 1903 qu’« il y a un intérêt capital à ce que le Sénat soit en harmonie avec la démocratie ». §

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes saisis aujourd’hui d’une proposition de loi organique interdisant le cumul du mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale.

Ce texte a été déposé par le président du groupe socialiste, M. Jean-Pierre Bel, ainsi que par la totalité des membres de son groupe. Bien évidemment, il présente un intérêt réel.

Il convient de rappeler, comme vient d’ailleurs de le faire Jean-Pierre Bel, que le cumul des mandats a déjà fait l’objet, et ce de façon non négligeable, de travaux parlementaires. Je pense notamment à l’adoption de la loi organique du 30 décembre 1985, qui limite le cumul des mandats électoraux et des fonctions électives en se fondant sur deux principes : premièrement, « un mandat national et un mandat local » ; deuxièmement, « un homme, deux mandats ».

Ce premier texte a été complété par un deuxième, la loi organique du 25 février 1992, qui limite cette fois-ci le cumul des indemnités : le montant maximal dont peut désormais bénéficier un élu est fixé à une fois et demie celui de l’indemnité parlementaire.

Enfin, la dernière loi adoptée en la matière est celle du 5 avril 2000, qui interdit le cumul de certains mandats locaux, à l’exception de celui de conseiller municipal des communes de moins de 3 500 habitants. Il s’agissait aussi de lutter contre les « candidats locomotives », qui menaient les listes mais ne faisaient rien d’autre par la suite.

Toutefois, à l’occasion de l’examen de ce dernier texte, une divergence était apparue entre députés et sénateurs concernant le régime d’incompatibilité des élus locaux et des parlementaires. Le Sénat avait nécessairement eu gain de cause, y compris dans la décision du Conseil constitutionnel qui a suivi.

Enfin, plus récemment – Jean-Pierre Bel l’a évoqué –, le rapport du Comité Balladur a également mis l’accent sur le problème du cumul des mandats. Je souligne tout de même que ce Comité ne comprenait aucun sénateur. Le point de vue du Sénat n’a donc pas pu être pris en compte…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous avez raison, je l’admets. Mais, hormis Pierre Mauroy, il n’y avait personne !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je souligne également que le Comité ne s’est pas exprimé unanimement sur ce sujet, certains de ses membres n’ayant pas été présents lors du vote !

Plus récemment, à l’Institut d’études politiques de Paris, s’est tenue une réunion consacrée au cumul des mandats, avec la participation de MM. Balladur, Jospin et Rocard, ainsi que d’autres personnalités tout à fait importantes. Bien qu’aucune unanimité ne se soit dégagée à cette occasion, certaines propositions intéressantes ont été mentionnées, portant notamment sur l’adoption de règles différentes pour les sénateurs et les députés. Sur ce point, je vous renvoie, mes chers collègues, aux travaux du GÉVIPAR, le groupe d’études sur la vie et les institutions parlementaires,

Les arguments en faveur de la limitation du cumul des mandats ont été bien développés par M. Bel tout à l’heure : ils concernent la disponibilité des élus, l’ouverture de la vie politique, les attentes de l’opinion publique et l’exemple de l’étranger.

Je suis désolé de le dire, mais ces arguments peuvent se retourner contre la position défendue par leur auteur et finalement plaider en faveur du cumul des mandats.

Premièrement, concernant la disponibilité des élus, est-il démontré que les élus cumulant une fonction parlementaire et un mandat local sont moins présents au Parlement que ceux qui n’exercent aucun autre mandat ? Non !

On pourrait d’ailleurs, ici même, faire la démonstration du fait que certains parlementaires n’ayant pas de mandat local sont, en fin de compte, moins présents que d’autres parlementaires qui, eux, en ont un. Ce premier argument est donc loin d’être convaincant.

Deuxièmement, notre collègue a évoqué une ouverture de la vie politique. Par rapport à ce qui se passait sous la IIIe République, le déroulement de la carrière politique a changé. Autrefois, le « cursus » s’étalait sur toute la vie : il commençait avec la fonction de conseiller municipal, se poursuivait avec celle de conseiller d’arrondissement, de conseiller général, puis de député, pour s’achever avec celle de sénateur. Nous n’avons plus cette espèce de déroulement quasi logique de la vie politique, que la carrière du président René Coty, par exemple, illustre à merveille.

Malgré la disparition de ce modèle, avons-nous bénéficié d’une « ouverture » de la vie politique ? Je n’en suis guère convaincu ! N’avons-nous pas assisté au contraire à des transferts d’une fonction vers une autre ? Les mêmes personnes sont toujours là, mais leurs mandats sont différents !

Troisièmement, les attentes de l’opinion publique revêtent des aspects bien souvent contradictoires. En effet, les sortants sont plus facilement réélus que ceux qui se présentent pour la première fois, et l’on préfère avoir un sénateur-maire ou un député-maire plutôt qu’un maire de la commune où l’on réside qui ne soit pas parlementaire.

Cet élément est donc la preuve que ce n’est pas tout à fait exact.

J’ajouterai qu’un certain nombre de nos collègues qui, dans le passé, furent des sénateurs remarquables, très présents au sein de la Haute Assemblée et qui, entre autres choses, animaient une commission, mais n’étaient pas présents dans leurs collectivités locales, furent allègrement battus. D’autres sénateurs ou députés qui, au contraire, étaient constamment dans leur circonscription électorale sans jamais être à Paris furent réélus sans problème.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Voilà le comportement de nos concitoyens qui, en réalité, préfèrent réélire des personnes présentes dans leur circonscription.

Enfin, l’exemple récurrent de la situation à l’étranger est un faux exemple. Pour avoir étudié, au nom du Sénat, treize parlements parmi les plus représentatifs d’Europe, je peux affirmer que seulement deux interdisent le cumul des mandats : il s’agit du parlement grec – mais cela s’est accompagné de la multiplication par cinq de l’indemnité parlementaire des députés grecs –…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

… et du parlement polonais ; cependant, les sénateurs polonais se plaignent amèrement de devoir représenter les collectivités territoriales sans avoir aucun contact avec elles. Affirmer que la situation est différente à l’étranger par rapport à ce qui se passe en France est donc un mauvais argument, car c’est faux.

Il est vrai que, dans un certain nombre de pays étrangers, l’interdiction du cumul de fonctions exécutives existe. Mais il n’y a pas d’interdiction de cumul d’un mandat parlementaire et d’un mandat local. La plupart de nos voisins – le Royaume-Uni, l’Allemagne, les États scandinaves l’Italie, l’Espagne – sont dans cette situation. Il faut donc arrêter de parler de spécificité française ! Il existe des pratiques différentes, mais il n’y a pas de spécificité française dans le domaine du cumul des mandats.

De surcroît, certains exemples sont contre-productifs. C’est notamment le cas de l’exemple américain. En effet, les gouverneurs américains ne peuvent pas être sénateur ou membre de la chambre des représentants. En revanche, le premier objectif d’un gouverneur est de tout mettre en œuvre pour devenir sénateur : il fera ainsi tout son possible pour que le sénateur sortant soit battu, afin d’être élu à sa place.

Notre système risque par conséquent d’aboutir à la situation dans laquelle le parlementaire sera « scotché » au Parlement – c’est d’ailleurs la situation que nous avons connue ces derniers temps, il faut bien le dire –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

ne pouvant rien faire d’autre que de rester soudé à son siège de parlementaire et laissant ainsi la possibilité à un concurrent d’œuvrer au niveau local pour se faire élire à sa place lors de l’élection suivante ! Il y a donc une contre-indication à l’interdiction proposée dans certains cas.

Il existe par ailleurs une importante tradition française, que nous ne pouvons pas modifier brutalement.

Je souhaite rappeler que 739 parlementaires sur plus de 900, c’est-à-dire environ 7 sur 9, sont élus locaux. C’est donc le cas de l’immense majorité d’entre nous.

Pour reprendre l’exemple du Sénat cité par notre collègue Jean-Pierre Bel tout à l’heure, il y a parmi les sénateurs 5 présidents de conseil régional, 30 présidents de conseil général, 50 présidents d’EPCI et 114 maires. À l’Assemblée nationale, siègent 6 présidents de conseil régional, 19 présidents de conseil général, 117 présidents d’EPCI et 259 maires. Rien que pour les fonctions exécutives les plus élevées, 500 d’entre nous sont titulaires d’un mandat exécutif local, sans compter les adjoints au maire ou les vice-présidents d’EPCI. La règle est donc pour l’instant le cumul, pas l’inverse.

Il faut peut-être lutter contre cela, mais la proposition de notre collègue Jean-Pierre Bel et du groupe socialiste me pose un certain nombre de problèmes que je vais tenter de résoudre par le biais de la solution que je vous proposerai tout à l’heure.

Tout d’abord, une proposition de loi similaire a été déposée à l’Assemblée nationale et rejetée par elle la semaine dernière. Cela signifie que, si nous adoptions la même proposition de loi dans les mêmes conditions, le texte que nous adopterions aujourd’hui serait condamnée à un enterrement qui n’est même pas de première classe !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

En effet, l’Assemblée nationale n’examinera pas le texte puisqu’elle vient de le refuser.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le Sénat peut dire ce qu’il pense ! Il n’est pas le calque de l’Assemblée nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Il ne s’agirait donc que d’un coup d’épée dans l’eau, aussi important soit-il de dire que le Sénat a voté un texte sur le cumul des mandats.

Deuxièmement, la proposition de loi organique comporte des ambiguïtés bien réelles. La première porte sur la définition de la fonction exécutive. Qu’est-ce qu’une fonction exécutive ? Est-ce une fonction de maire, de président de conseil général, de président de conseil régional ou de président d’EPCI ? Les membres des commissions permanentes font-ils partie de la fonction exécutive ? Qu’en est-il des vice-présidents n’ayant pas de délégation ? Je suis vice-président d’un EPCI et n’ai aucune délégation, ma fonction est-elle exécutive ? Certainement pas ! Un adjoint au maire n’ayant pas de délégation a-t-il une fonction exécutive ? Ces questions ne sont pas réglées et mériteraient de l’être.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Le problème des incompatibilités ne peut pas être traité de façon aussi sectorielle, surtout pas à la veille d’une transformation assez profonde des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Le conseiller territorial méritera un examen particulier en ce qui concerne les incompatibilités.

Il n’est pas davantage possible de se pencher sur la question des établissements publics intercommunaux, tels que les communautés de communes ou les communautés d’agglomération, sans regarder de près le fonctionnement de ceux-ci et sans se rendre compte que les conséquences d’une telle loi risquent d’être extrêmement importantes. Lorsque, par exemple, le maire d’une communauté d’agglomération est également le maire de la grande ville se trouvant au centre de cette agglomération, il y a une logique. Si l’on interdit à l’avenir ce genre de cumul, la logique disparaît. Je ne donne alors pas cher, dans un certain nombre de cas, du bon fonctionnement des communautés d’agglomération ou des communautés de communes.

L’une des personnalités auditionnées par la commission a souligné que certaines communautés de communes ne fonctionnent que grâce à la présence d’un parlementaire à leur tête !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Autrement, ces communautés de communes n’arriveraient pas à fonctionner ou existeraient de manière complètement anecdotique.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Voilà bien un problème.

Dans le même sens, l’interdiction du cumul du mandat de parlementaire avec l’interdiction de toute fonction exécutive joue-t-elle pour les toutes petites communes ? Est-ce parce que l’on est maire d’une commune de 200 habitants que l’on ne peut pas être parlementaire ?

Enfin, comment pourra-t-on justifier le fait qu’un sénateur est représentant des collectivités territoriales si on lui interdit tout lien avec ces dernières ?

Par ailleurs, un certain nombre de préalables ne sont pas réglés.

D’une part, nous n’avons toujours aucune étude d’impact sur le cumul des mandats. J’aimerais en disposer, pour que nous puissions évaluer les conséquences réelles sur le terrain.

D’autre part, il faudra, dans l’hypothèse où cette loi passera un jour, que soit réalisée une analyse précise du statut du président de conseil général, du président de conseil régional, du président d’un grand EPCI ou du maire d’une grande ville.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Pour l’instant, le statut est insuffisant, et je rêve d’un statut comparable à celui du parlementaire, qui éviterait un certain nombre de cumuls de fonctions. En effet, dans l’état actuel des choses, certains parlementaires ne peuvent pas mener à bien leur tâche s’ils n’ont pas de mandat local.

D’autres éléments interviennent encore. Premièrement, un projet de loi organique, portant le numéro 62, a été déposé au mois d’octobre dernier. Il concerne notamment le problème du cumul pour les établissements publics de coopération intercommunale. Nous ne pouvons pas court-circuiter un projet de loi organique qui fera l’objet d’un examen dans un avenir proche.

Deuxièmement, nous allons être saisis, au cours de l’année à venir, de la recodification du code électoral. Nous aurons donc à examiner, d’une part, la loi organique gérant notamment les incompatibilités nous concernant et, d’autre part, la loi ordinaire ayant vocation à refondre le code électoral, lequel est devenu une monstruosité qu’il convient de revoir dans son ensemble. Nous aurons donc, là encore, un autre rendez-vous.

Plutôt que de procéder à un vote qui n’aurait pas de portée réelle, je vais vous proposer la solution suivante :…

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

… cette solution consiste à faire en sorte que la proposition de loi bénéficie d’un statut démontrant que nous ne souhaitons pas l’enterrer, que nous voulons travailler sur cette question mais dans un contexte plus vaste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Il existe des précédents qui prouvent que cela marche. La proposition de loi de Mme Bricq, qui a été réexaminée hier après avoir fait l’objet d’une refonte avec la proposition de loi venant de l’Assemblée nationale, démontre que, lorsque l’on renvoie un texte à la commission, on ne l’enterre pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Au contraire, cela permet de lui donner une vie nouvelle. Je préfère donc cette solution à celle qui consisterait à adopter une position qui serait immédiatement contredite par le vote de l’Assemblée nationale intervenu la semaine dernière.

Je propose donc, pour l’efficacité de la suite des opérations, que le texte proposé par le groupe socialiste soit renvoyé à la commission.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

C’est un enterrement de première classe, quand même !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre de l’espace rural et de l’aménagement du territoire

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la proposition de loi présentée par M. Bel, que nous étudions ce matin, est extrêmement intéressante, comme l’a dit son auteur lui-même.

Rires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Je souligne la position de M. Bel, car elle n’est pas celle de tous les membres de son groupe. Cela présente donc un vrai intérêt !

Comme toujours, j’ai lu avec intérêt, avant de venir, les travaux de la commission des lois du Sénat. Il est en effet toujours extrêmement intéressant, voire passionnant, d’examiner avant la séance la façon dont la discussion a été préparée. Le rapport de M. Gélard mais aussi la séance de travail de la commission sont particulièrement instructifs sur ce point.

La question du cumul est lancinante. Elle est souvent traitée avec hypocrisie, comme l’a dit à juste raison M. Bel, et au fil du temps, avec des textes traitant les choses de façon partielle, ce qui aboutit à des résultats parfois difficilement explicables.

Je voudrais poser une ou deux questions.

Tout d’abord, pourquoi la situation française est-elle si différente de celle que l’on peut trouver dans d’autres pays ? Il y a de nombreuses explications à cela. Je voudrais en apporter une ou deux à notre débat.

C’est d’abord lié à notre histoire et à une présence locale de l’État extrêmement forte.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Dans d’autres États européens, il y a une séparation à la fois beaucoup plus nette et beaucoup plus grande entre les institutions locales et les institutions nationales. Dans notre pays, la tradition est tout autre. Chaque fois qu’il est à craindre que l’État ne se retire de l’échelon local, les protestations sont véhémentes. On veut toujours plus d’État à l’échelon local ! L’État doit être présent, l’État doit rester !

Dans ce cadre, il est certain que, pour que l’efficacité soit totale, le cumul s’impose. Celui qui n’est qu’élu local a beaucoup moins de pouvoirs sur l’État local que le parlementaire. Cette culture me paraît présente dans nos gènes de façon importante.

Le cumul des mandats est également vécu – il faut bien le dire – comme un mode d’efficacité de la gestion locale.

Dans les médias, beaucoup demandent une réduction, voire une interdiction du cumul. On dit que l’opinion publique est favorable à la suppression du cumul.

Je note que, sur ce point, le doyen Georges Vedel, avec la finesse d’esprit qui était la sienne, dans un rapport qu’il avait rédigé voilà quelques années, s’était prononcé en faveur du mandat unique, tout en reconnaissant que celui-ci constituerait une rupture avec des pratiques anciennes et que l’opinion publique y était peut-être moins prête qu’elle-même ne le croyait.

La suppression du cumul des mandats et des fonctions ne pourrait être décidée qu’au terme d’un long processus de décentralisation, grâce auquel les compétences locales et nationales seraient plus distinctes. Pour tout un ensemble de raisons, tel n’est pas le cas aujourd’hui, notamment en matière financière.

Chaque année, les collectivités locales dépensent grosso modo 200 milliards d’euros, soit 180 milliards d’euros si l’on fait abstraction des doubles comptes. Sur cette somme, l’État apporte 99 milliards d’euros. Dès lors, on comprend bien que les élus locaux ont à cœur de peser autant qu’ils le peuvent sur la répartition de ces crédits.

Ce matin, mesdames, messieurs les sénateurs, en arrivant au Sénat, j’ai discuté avec plusieurs d’entre vous, et certains ont souhaité me faire part de tel ou tel problème les concernant : chaque fois, il était question des conséquences locales d’une décision nationale !

Les raisons pour lesquelles le cumul des mandats et des fonctions est inscrit aussi profondément dans nos gènes sont nombreuses. Si on entend l’interdire ou le limiter, il conviendra au préalable de savoir ce qui l’a expliqué ou justifié, même si, aujourd’hui, on cherche d’autres règles.

Comme l’a fait remarquer M. le rapporteur, force est de constater que le mode de scrutin qui plaît aux Français, celui qui est inscrit dans nos gènes et qui est en vigueur pratiquement depuis l’instauration de la République, c’est le scrutin uninominal majoritaire. Par quelque biais que l’on aborde cette question, ce mode de scrutin implique naturellement que les candidats qui se présentent à une élection bénéficient d’une certaine notoriété. Et quelle meilleure façon de se faire connaître que d’avoir démontré son expérience dans le passé !

Ce sont là un certain nombre de points clés de notre système républicain qui expliquent le cumul des mandats et de fonctions, et, jusqu’à présent, aucune loi n’a jamais interdit un tel cumul, le législateur se contentant de le limiter.

Certes, j’ai bien compris que la présente proposition de loi organique présentée par le groupe socialiste vise à interdire le cumul d’un mandat parlementaire avec toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale. Il n’en demeure pas moins que cette proposition soulève beaucoup de questions : Jean-Pierre Bel en a lui-même relevé quelques-unes, cependant que M. le rapporteur en relevait d’autres, tout aussi intéressantes. Il est certain que l’institution du conseiller territorial apportera une réponse à la question du cumul des mandats et des fonctions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat rit.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Je suis heureux que Mme Borvo Cohen-Seat participe enfin à ce débat !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Bien évidemment, le conseiller territorial ne pourra se consacrer qu’à cette seule tâche, car son mandat l’occupera à temps plein.

M. Yves Détraigne acquiesce.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

M. le rapporteur l’a rappelé, vous aurez l’occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, d’aborder cette question du cumul des mandats et des fonctions à travers différents textes que le Sénat sera prochainement appelé à examiner, notamment le projet de loi relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale. Pour ma part, je considère que seul un débat national permettra de trancher cette question, probablement à l’occasion d’une élection présidentielle. Il importe en effet que l’ensemble des citoyens puissent s’en saisir, tant cela touche aux gènes profonds de notre culture démocratique.

En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement ne peut que vous inviter à suivre la position que M. Peyronnet a adoptée en commission des lois et donc à faire preuve d’ouverture d’esprit en renvoyant ce texte devant la commission.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Monsieur le président, l’article 2 de la proposition de loi organique dispose que « la présente loi s’applique, à compter de sa promulgation, à chaque parlementaire nouvellement élu ».

Lors de l’examen de ce texte en commission, j’avais déclaré qu’il fallait ajouter les mots « ou réélu ». Or, cette modification n’ayant pas été apportée, les parlementaires pourront dès lors cumuler mandats et fonctions aussi longtemps qu’ils seront réélus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cela n’a pas d’importance puisque le texte va être renvoyé devant la commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

En effet, vous renvoyez le texte devant la commission !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Le Gouvernement peut déposer un amendement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, par ce texte, le groupe socialiste propose de rendre incompatible le mandat parlementaire avec l’exercice de toute fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale, y compris une petite commune de 50 ou de 100 habitants, pour tout parlementaire nouvellement élu, comme cela vient d’être rappelé.

Je salue l’esprit de sacrifice de nombreux éminents signataires de cette proposition de loi organique

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

, et je me demande, mes chers collègues, si un vote unanime du Sénat en faveur de ce texte ne serait pas une réponse appropriée.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cela étant, eu égard aux excellentes relations que les membres du RDSE entretiennent avec nombre de leurs collègues socialistes, je crois que le meilleur service que nous pouvons vous rendre, monsieur le président du groupe socialiste, est de ne pas voter ce texte et de décider unanimement de le renvoyer en commission.

Pourquoi ? Parce qu’il ne faut pas confondre cumul des mandats et accumulation des mandats, parce que le cumul d’un mandat exécutif local et d’un mandat parlementaire présente, dans l’organisation actuelle de notre République, un certain nombre d’atouts, en particulier à un moment où l’on reproche de plus en plus au législateur d’être trop soumis à la technocratie parisienne et d’être coupé des réalités de la vie quotidienne de nos concitoyens.

Comment mieux connaître la vie quotidienne de nos concitoyens, comment mieux comprendre les soucis qu’ils rencontrent en matière de logement, d’emploi, d’eau, de voirie, etc. sinon en exerçant un mandat local ? Nos concitoyens ne font-ils pas preuve de bon sens en envoyant siéger au Parlement des femmes et des hommes auxquels ils font confiance localement, plutôt que des apparatchiks…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

… désignés par des militants dont la représentativité réelle reste à démontrer ? D’ailleurs, l’opinion ne reproche-t-elle pas à d’importants responsables politiques leur absence d’expérience locale ?

J’ai encore en mémoire le discours extrêmement intéressant du sénateur-maire de Lyon, président de la communauté urbaine de Lyon, voilà quelques mois, lorsque je soutenais un amendement visant à rendre impossible le cumul du mandat de parlementaire avec celui de conseiller territorial. Vérité d’un jour n’est-elle plus celle du lendemain ?

Je pourrais tout aussi bien citer l’exemple d’autres éminents parlementaires, tel celui du député-maire de Bègles – n’est-ce pas, madame Boumediene-Thiery ? – qui, outre ses mandats, exerce aussi le métier d’avocat. On voit là la limite de l’exercice.

Ce texte est à mon avis excessif. Ses auteurs entendent manifestement répondre à des interpellations populaires, parfois populistes, relatives au travail des élus. Lorsque le Gouvernement, monsieur le ministre, pour faire passer la pilule de la réforme des collectivités territoriales, clouait au pilori les élus trop nombreux et trop coûteux ou, plus récemment, lorsqu’il utilisait indirectement la retraite des parlementaires pour détourner le débat, n’y avait-il pas là une certaine similitude ?

Mes collègues du RDSE et moi-même considérons qu’une majorité des élus de cette nation sont intègres, qu’une grande majorité d’entre eux se consacrent au service public et à l’intérêt général. Pour autant, nous ne prétendons pas que tout va bien, que des réformes profondes ne sont pas nécessaires ; nous disons simplement que cette manière d’agir n’est pas la bonne.

En outre, faut-il vraiment toujours imiter les exemples étrangers ? Nous nous glorifions de notre exception culturelle ; néanmoins, il ne serait pas inconvenant, parfois, de se glorifier d’autres exceptions et de ne pas toujours considérer que tout serait mieux en dehors de nos frontières, cependant que tout serait à revoir chez nous.

Oui, mes chers collègues, il convient de mettre fin à l’accumulation de certains mandats, exécutifs ou non, à la possibilité, j’en conviens, d’être maire, président d’établissement public de coopération intercommunale et parlementaire, à l’accumulation de présidences, que ce soit celle d’un service départemental d’incendie et de secours, d’un syndicat mixte, d’une société d’économie mixte et, bientôt, d’une société publique locale.

N’est-il pas temps, aujourd’hui, d’interdire aussi le cumul du mandat de parlementaire avec des mandats d’administrateur de grandes sociétés industrielles, avec l’exercice du métier d’avocat d’affaires, etc. ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Mais n’est-il pas temps aussi de soulever fermement et clairement le problème de l’absentéisme parlementaire, en relevant au préalable, comme l’a fait M. le rapporteur, qu’il n’y a pas nécessairement une corrélation évidente entre le cumul de mandats et l’absentéisme ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Certains de nos collègues exerçant un mandat exécutif local sont très présents dans notre hémicycle ; nous en connaissons d’autres qui, bien que n’exerçant aucun mandat exécutif local, brillent par leur absence.

Cette situation n’est pas tolérable et l’absentéisme chronique doit être sanctionné, comme le prévoit d’ailleurs, insuffisamment, le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

L’absentéisme systématique, quant à lui, doit clairement entraîner la déchéance du mandat.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Puisque ce texte se veut en harmonie avec ce qui serait une demande de l’opinion publique, pourquoi hésiter à aborder la question du renouvellement des mandats ? Est-il raisonnable de constater aujourd’hui qu’un tel assume pour la quatrième, voire la cinquième ou la sixième fois, le même mandat exécutif ? Et je ne parle pas des petites communes ! Est-ce de cette manière qu’on entend promouvoir les générations nouvelles ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Ne faut-il pas envisager d’interdire l’exercice de plus de deux ou de trois mandats consécutifs ?

Mes chers collègues, s’agissant de l’accumulation des fonctions et des mandats, de l’absentéisme, du renouvellement des mandats, voilà des pistes pour de profondes réformes qui n’attendent qu’une chose : que le législateur veuille bien les adopter.

Votre proposition de loi organique ne répondant pas à notre ambition, monsieur Bel, vous comprendrez que nous ne puissions la voter en l’état, ce que nous regrettons unanimement du fond du cœur.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pourquoi le cumul des mandats et des fonctions est-il si répandu en France ? Parce que le pouvoir, tant politique qu’économique, est extrêmement concentré, entre les mains d’un petit nombre. On a encore pu le mesurer hier, ici même, lors de l’examen de la proposition de loi relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle.

Lors du débat parlementaire sur la réforme constitutionnelle de juillet 2008, mon groupe avait souhaité inscrire dans la Constitution le principe de la limitation ou de l’interdiction du cumul des mandats électoraux. Vous avez alors rejeté notre amendement. Pourtant, il ne contredisait pas, au contraire, la proposition émise par le comité Balladur, laquelle correspond d’ailleurs à la proposition de loi de nos collègues du groupe socialiste.

Mais il faut bien constater que la réforme constitutionnelle a tourné le dos aussi bien à une « revalorisation de la fonction parlementaire », pour employer les termes du comité, qu’aux aspirations démocratiques de nos concitoyens.

Je soutiendrai la présente proposition de loi parce qu’elle s’inscrit dans l’exigence de démocratisation de la vie politique.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, et vous aussi, monsieur Mézard, que cette proposition de loi n’a pas lieu d’être adoptée aujourd’hui par notre assemblée, soutenant qu’elle doit être renvoyée en commission.

Permettez-moi de réfuter tout d’abord un certain nombre de vos arguments.

Vous faites état d’un lien nécessaire avec la réforme des collectivités territoriales. Mais précisément, cette réforme, si elle est votée et appliquée, avec la création des conseillers territoriaux, mettra en œuvre un cumul des fonctions départementales et régionales, ce qui est totalement inédit !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Au demeurant, nombreux sont les élus qui s’y opposent.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous évoquez l’état ambivalent de l’opinion publique sur la question des cumuls de mandats et, plus globalement, dans son rapport aux élus : on perçoit chez eux à la fois de la confiance, voire de l’attachement à l’égard des élus de proximité, et de la défiance à l’égard de la « classe politique » ou des professionnels de la politique. À mon grand regret, je dois constater que, de ce point de vue, les parlementaires sont parmi les plus mal « lotis » puisque beaucoup de nos concitoyens ne les tiennent pas en très haute estime.

Permettez-moi de déplorer ici les propos du Président de la République – propos renouvelés, en Eure-et-Loir, jeudi dernier – sur l’importance qu’il y aurait à diminuer le nombre des élus. M. Sarkozy estime apparemment que les pouvoirs ne sont pas assez concentrés sur quelques élus : il veut donc encore réduire le nombre de ces derniers ! Pour tenter de justifier sa réforme, n’a-t-il pas affirmé, contre toute vérité, qu’ils coûtaient trop cher ? Ce faisant, il délégitime l’action des élus et nourrit la défiance de nos concitoyens.

Vous évoquez, monsieur le rapporteur, un texte incomplet, partiel. Certes, il est incomplet si l’on considère, comme je le fais, qu’il faut aller plus loin et revoir dans leur globalité le mode d’élection des parlementaires – et d’ailleurs pas seulement celui-là – ainsi que les conditions attachées à leur mandat.

Le cumul des mandats concerne tous les partis politiques, sans exception. Il est la résultante d’un système électoral qui, par ailleurs, dessert le pluralisme. L’absence de proportionnelle à plusieurs élections ou encore celle d’un statut de l’élu incitent les partis politiques à resserrer leurs candidatures autour de candidats déjà « installés », si j’ose dire. Il est difficile d’y échapper !

Le cumul des mandats est, plus largement, la résultante d’un système institutionnel qui a pour objectif de maintenir le pouvoir dans les mains de ceux qui l’ont déjà. Il est urgent de partager ce pouvoir avec nos concitoyens si nous ne voulons pas voir perdurer la grave crise de la représentation politique que nous connaissons actuellement.

Car, aujourd’hui, se creuse un fossé entre nos concitoyens et ceux qui sont censés les représenter. Il y a crise parce que les décideurs économiques et politiques ne répondent pas aux attentes populaires. L’actualité en témoigne avec la réforme des retraites.

Comment nos concitoyens ne se sentiraient-ils pas mal représentés, pour le moins, quand, dans sa composition, le Parlement n’est absolument pas représentatif de la société telle qu’elle est. J’ai déjà eu l’occasion d’indiquer ici que cette déformation systématique est un des problèmes majeurs de notre démocratie. Il n’y a au Parlement ni ouvriers, ni représentants des minorités visibles, ni jeunes. Les parlementaires sont de plus en plus vieux ! La moyenne d’âge, en tout cas à l’Assemblée nationale, n’a fait que croître depuis la Libération.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Il s’agit bien d’une question de fond, à laquelle vous refusez de répondre : celle d’une véritable démocratisation des institutions. C’est là tout l’enjeu d’une éventuelle interdiction du cumul des mandats. Et il en va de même pour le renouvellement des mandats.

Cette démocratisation implique d’affirmer la primauté de la citoyenneté sur l’expertise, la « déprofessionnalisation » et la « dénotabilisation » de la « fonction » politique. Elle suppose, par conséquent, la participation d’un nombre beaucoup plus grand de citoyens aux campagnes pour l’obtention des mandats électifs.

À cet égard, plusieurs mesures s’imposent : le scrutin proportionnel et un statut de l’élu, la citoyenneté de résidence, et, concernant les mandats, leur limitation en nombre et en durée, pour permettre une rotation plus fréquente et donc plus démocratique de l’exercice des responsabilités électives.

Vous évoquez encore, monsieur le rapporteur, le risque d’une « professionnalisation » des fonctions d’élu si les cumuls de mandats étaient prohibés. Vous dites que cela ferait la part belle aux « apparatchiks » et craignez que les parlementaires ne soient coupés des réalités de la vie locale. Ce serait effectivement dommageable.

Mais pourquoi le fait d’exercer successivement deux mandats, une fonction exécutive locale et, ensuite, un mandat parlementaire, au lieu de cumuler les deux, serait-il moins fructueux ? Ne risque-t-on pas, en cumulant ces missions, de les remplir avec moins d’efficacité ?

Il est décisif que soient créées les conditions d’un rapport régulier entre les parlementaires et les électeurs. Pourquoi ne pas prévoir dans la loi l’obligation, pour les parlementaires, de venir présenter les projets de loi dans leur circonscription et d’en débattre avec les citoyens ? Pourquoi ne pas instaurer, entre autres, des conseils de circonscription ? Et ce ne sont là que quelques idées parmi beaucoup d’autres.

Il est de la responsabilité du législateur que nous sommes d’inventer des formes nouvelles d’immersion dans la vie locale, ayant en outre l’avantage d’associer la population aux choix qui la concernent.

Vous le voyez, mon soutien à cette proposition de loi n’est pas une simple question de principe. Il se fonde sur une conviction profonde : l’urgence d’une démocratisation de la vie politique dans tous ses aspects.

Par conséquent, nous voterons contre la motion tendant au renvoi en commission.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi organique que nous examinons soulève une question dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle est marquée par l’ambivalence.

D’un côté, nombre d’élus qui prônent une réglementation plus stricte des cumuls de mandats sont souvent eux-mêmes en situation de cumul. D’un autre côté, les électeurs, dont on ne cesse de nous dire qu’ils ne veulent plus d’élus cumulards, n’hésitent pas, à chaque rendez-vous électoral, à donner la préférence à des candidats qui exercent déjà des fonctions électives, et qu’ils vont donc placer consciemment en situation de cumul.

Oserai-je dire que se trouve, parmi les cosignataires de cette proposition de loi, un collègue qui a débuté sa campagne pour les élections sénatoriales en adressant un courrier à tous les maires de son département pour leur annoncer que, s’il était élu sénateur, il resterait président du conseil général. Eh bien, cela ne l’a pas empêché d’être élu…

D’ailleurs, si j’ai bonne mémoire, il me semble que la presse s’est largement fait l’écho, au mois de mai dernier, d’un débat entre le responsable d’un grand parti politique et les parlementaires de son groupe : ce responsable voulait imposer la règle du non-cumul des mandats pour les prochaines élections sénatoriales, et les sénateurs d’expliquer – mais comment le leur reprocher ? – que, s’ils avaient été élus à la Haute Assemblée, c’était dans bien des cas parce qu’ils exerçaient des responsabilités exécutives locales.

Je ne dis pas cela pour montrer du doigt tel ou tel de nos collègues, parce que je suis de toute façon convaincu que, si le débat était né dans un autre parti politique, les réactions auraient été les mêmes. Pour moi, il s’agit de souligner que le problème est beaucoup plus complexe que ne pourrait le laisser penser cette proposition de loi, qui se contente de deux articles constitués chacun d’une seule phrase.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

À mon sens, dès lors que le rôle constitutionnel du Sénat est de représenter les collectivités territoriales de la République, il est indispensable que les sénateurs puissent – j’insiste sur le fait qu’il ne s’agit que d’une possibilité – cumuler leur mandat de parlementaire avec un mandat local.

Vous penserez peut-être, en m’entendant dire cela, que j’ai mal lu la proposition de loi. Non, je l’ai soigneusement étudiée et je sais qu’elle interdit le cumul d’un mandat de parlementaire, non pas avec un mandat d’élu local, mais seulement avec l’exercice d’une fonction exécutive locale. Toutefois, je suis de ceux qui considèrent que l’on connaît mieux la réalité d’une collectivité territoriale, qu’on mesure mieux la complexité des questions qu’elle a à régler, ainsi que les contraintes auxquelles est confrontée l’action locale, lorsqu’on est maire, particulièrement maire d’une petite commune, que lorsqu’on est simple conseiller municipal.

Je crois même que le maire d’une petite commune de quelques centaines d’habitants connaît parfois mieux les réalités de la gestion communale et les attentes de sa population qu’un maire d’une grande ville ou qu’un président d’une grande agglomération, tout simplement parce que le maire d’une petite commune est directement au contact de ses concitoyens, des administrations et entreprises avec lesquelles travaille sa commune, qu’il connaît personnellement les procédures à suivre pour mener les dossiers à bien, alors que l’exécutif d’une grande collectivité est souvent entouré d’un cabinet et de services qui l’isolent de ces réalités et qu’il traite surtout les aspects politiques de son mandat local.

Je pense, par ailleurs, que le principal intérêt du débat au Parlement – et sa justification –, c’est de permettre la confrontation entre une expérience réelle du terrain et une approche souvent très juridique – et parfois, disons-le, assez théorique – des questions.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mon cher collègue, il va bientôt vous falloir songer à conclure !

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Je ne dis pas cela pour critiquer les collaborateurs de M. le ministre, car je suis moi-même issu de la même école que nombre d’entre eux. Mais je considère que les parlementaires savent d’autant mieux ce qu’on peut mettre ou non dans une loi, ce qu’on peut faire ou non sur le terrain qu’ils exercent des responsabilités d’élus locaux. Rien ne peut remplacer l’expérience du terrain, particulièrement au Sénat.

Pour autant, je ne considère pas que tout va très bien et qu’il n’y a rien à changer aux règles existantes en matière de cumul. Je pense simplement qu’on ne peut pas limiter la question du cumul à celle du cumul entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale.

Certaines responsabilités, dont on ne parle pratiquement jamais dans cette réflexion sur le cumul des mandats, sont pourtant aussi prenantes, sinon plus, pour un élu que la responsabilité d’un exécutif local, surtout si c’est celui d’une petite commune. Je pense notamment que l’on peut se trouver dans une situation proche du conflit d’intérêts – notre collègue Jacques Mézard y a fait allusion – de par les fonctions professionnelles ou les responsabilités non électives que l’on a le droit d’exercer tout en étant parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Détraigne

Cela pose certainement, au regard de la démocratie, plus de problèmes que le cumul d’un mandat d’élu local avec celui de parlementaire.

Par ailleurs, si l’on veut interdire à tout responsable d’un exécutif local qui a dû abandonner ses activités professionnelles pour exercer son mandat d’être en même temps parlementaire, il faudra se poser de nouveau la question du statut de l’élu, à moins que l’on ne souhaite voir plus d’agents de la fonction publique et de retraités qu’aujourd’hui exercer les fonctions de maire.

Force est donc de constater que le problème est sensiblement plus complexe et plus large que ne le donne à penser cette proposition de loi organique.

Le groupe de l’Union centriste, dans sa grande majorité, votera la motion de renvoi en commission proposée par M. le rapporteur, tout en souhaitant que ce renvoi ne soit pas synonyme d’enterrement de la question.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que la loi permet actuellement le cumul d’un mandat parlementaire avec un seul mandat local, exécutif ou délibératif, mais également, comme l’a indiqué notre président de groupe lors de la présentation de sa proposition de loi, un troisième mandat pour les communes de moins de 3 500 habitants, la proposition de loi que nous avons l’honneur d’examiner aujourd’hui vient mettre un terme à une situation qui n’est plus soutenable.

Elle l’est d’autant moins que le droit en vigueur limite le cumul des seuls mandats électifs sans avoir pris en compte le développement de l’intercommunalité.

Si les avancées significatives en matière de limitation du cumul des mandats et fonctions ont toujours été le fait des socialistes – je pense notamment à la loi organique du 30 avril 1985 et à la loi du 5 avril 2000 –, il convient aujourd'hui, comme nous y invitent les sages recommandations du comité Balladur, de franchir sans esprit partisan un nouveau pas dans ce domaine.

Ce nouveau pas, nous avons le devoir de le faire ensemble, de manière consensuelle et dès maintenant, sans renvoyer une fois de plus l’examen de la question du cumul des mandats aux calendes grecques, en disant que ce texte est certes bon, mais qu’il faut aller plus loin, qu’il faut aussi prendre en compte les offices d’HLM, les SDIS... Tout cela pour, au bout du compte, ne rien faire du tout !

Oui, il faut agir maintenant, car cette réforme est souhaitée, comme nous le rappellent toutes les enquêtes d’opinion, par une majorité des citoyens électeurs de notre pays, des électeurs qui, parce qu’ils n’ont pas d’alternative, sont indirectement responsables de ce cumul.

Pour en revenir à la proposition de loi organique elle-même, je dirai que celle-ci vient parachever les avancées sur la limitation du cumul des mandats et fonctions en affirmant le principe d’une interdiction totale de cumul du mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale : de ce fait, le mandat parlementaire deviendrait quasiment unique !

Je concède que la défense d’une telle proposition de loi organique devant une assemblée dont 73 % des membres cumulent un mandat parlementaire avec un mandat politique local, exécutif le plus souvent, ne constitue pas a priori un exercice aisé.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Mais oui !

Cependant, c’est avec une certaine fierté que j’interviens aujourd’hui au nom de mon groupe politique pour défendre cette proposition. Les arguments que je vais exposer en faveur de ce texte, loin d’être des poncifs, sont difficilement contestables tant ils relèvent du bon sens, et nous savons tous que le bon sens est l’une des vertus de la Haute Assemblée.

Cela dit, nul ne doit ici se sentir stigmatisé ou jugé : il n’est pas question du passé, mais de l’avenir.

Cette proposition d’interdiction du cumul du mandat parlementaire avec l’exercice d’une fonction exécutive locale va dans le sens de l’Histoire. Vouloir lutter contre cette idée progressiste est un combat d’arrière-garde !

Pour illustrer mon propos, je rappellerai que, voilà vingt-cinq ans, il n’était pas rare de voir un élu cumuler les mandats de sénateur, de président de conseil général, de président de conseil régional, de président d’une agglomération et de député européen. Aujourd’hui, cela paraît inimaginable ! Mais il a fallu passer par la loi pour aboutir à ce résultat.

En prenant l’initiative de réformer lui-même le régime de l’une des incompatibilités applicables à ses membres, sans attendre que la réforme lui soit imposée par l’exécutif ou par référendum, le Parlement a l’occasion de se trouver renforcé et d’être à même de mener d’autres réformes d’envergure, ayant trait notamment aux incompatibilités avec certaines professions ou au statut de l’élu.

Le sujet des incompatibilités professionnelles a déjà été évoqué, mais il reste des situations très choquantes aujourd’hui.

Quant au statut de l’élu, nous sommes unanimes à l’appeler de nos vœux, et les élus locaux savent nous faire comprendre combien ils y sont attachés lorsque nous les rencontrons dans nos départements respectifs. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réforme complète du statut de l’élu et, dans cette optique, la limitation du cumul des mandats n’est qu’une première étape.

Notre organisation institutionnelle a servi d’exemple à bien des pays soucieux de bâtir des démocraties fortes et vivantes. Or il nous faut constater que nous sommes aujourd’hui à la remorque des grandes démocraties qui se sont jadis inspirées du modèle français.

Nos institutions, en maintenant le cumul des mandats, sont désormais dépassées et elles contribuent à entretenir une certaine atonie de notre démocratie. Il est de notre devoir de leur redonner un nouveau souffle !

Limiter le cumul des mandats est la première étape indispensable pour que cesse la désaffection des citoyens envers la chose publique.

Les Français aspirent de plus en plus à être représentés par des élus qui leur ressemblent, c’est-à-dire qu’ils souhaitent voir siéger davantage de femmes, de jeunes, de salariés du privé, de fonctionnaires des catégories B et C, d’ouvriers et d’agriculteurs.

Voilà le défi que nous avons aujourd’hui à relever !

Le pouvoir doit être partagé, les mandats électifs et les fonctions aussi.

Parce que le vote d’une telle loi permettrait d’ouvrir justement l’exercice des responsabilités à un nouveau public, il aurait pour conséquence immédiate de revaloriser l’ensemble des mandats électifs.

Ce serait la fin des élus pressés, fatigués, surmenés, qui, au lieu de faire, font souvent faire par leurs collaborateurs ou leur administration, si bien que, in fine, le pouvoir leur échappe au profit de la technostructure, et vous savez bien, mes chers collègues, que tout cela est une réalité. §

Car le défaut majeur de nos institutions est de ne jamais anticiper les conséquences collatérales des lois et règlements qui sont chaque jour promulgués.

Le développement de la décentralisation, au cours des trente dernières années, en est l’illustration la plus criante.

En effet, les transferts de compétences accumulés ont transformé l’exercice d’une fonction exécutive locale en une fonction qui exige, compte tenu des responsabilités, de la complexité de l’environnement juridique et des budgets en jeu, d’être exercée à plein temps. Sans compter que le régime actuel de limitation des cumuls n’a pas pris en compte le développement des structures intercommunales.

Les arguments des défenseurs du cumul sont connus : ils invoquent notamment l’importance du lien direct que les parlementaires doivent avoir avec un territoire donné, lien faute duquel ils seraient coupés des réalités du terrain.

La vérité est que le cumul des mandats permet, voire facilite la réélection et assure une certaine longévité politique, ainsi qu’une certaine sécurité financière. Mais peu nombreux sont ceux qui l’admettent.

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Comme le souligne très justement Guy Carcassonne, « si le cumul n’est pas interdit, il devient politiquement obligatoire ».

Il faut rompre ce cercle vicieux !

Je peux d’ailleurs, au regard de ma propre expérience, aussi modeste soit-elle, rassurer certains, ici ou ailleurs : le mandat unique n’est pas un obstacle à la réélection !

Vouloir séparer strictement le mandat parlementaire de toute fonction exécutive locale est, je le crois, un retour à la lettre de notre Constitution : le parlementaire légifère et contrôle l’action du Gouvernement ; il est à ce titre le garant de l’intérêt général. Or, trop souvent, les intérêts particuliers prennent le dessus, la tentation étant grande et bien légitime d’agir d’abord pour sa ville, son agglomération, son département, sa région, et ensuite, ensuite seulement, pour l’intérêt général.

Les gouvernements successifs, quelle que soit leur étiquette politique, s’accommodent d’ailleurs merveilleusement du cumul des mandats. Avoir des parlementaires à temps partiel est en quelque sorte une situation idéale. Les parlementaires votent « à flux tendu » des textes dans l’urgence, contrôlent peu et n’évaluent pas du tout !

Si bien que les outils mis en place dans ce domaine par la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 pour revaloriser le rôle du Parlement ne sont pas appliqués de manière effective ou ne le sont que très peu, comme l’illustre encore aujourd’hui le fait que la partie droite de cet hémicycle soit singulièrement dépeuplée…

Debut de section - PermalienPhoto de Simon Sutour

Mais triste !

Pour conclure, je regrette que M. le rapporteur ait déposé une motion de renvoi en commission de la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui.

Si nous sommes partiellement d’accord avec lui sur la nécessité d’associer à la limitation du cumul des mandats d’autres réformes de même nature, je pense que, symboliquement, adopter cette proposition de loi dès aujourd’hui serait un élément déclencheur qui nous permettrait à très court terme de travailler et de légiférer sur la définition d’un véritable statut de l’élu. C’est ce que je vous invite à faire, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le cumul de mandats et son corollaire direct, l’absentéisme parlementaire, sont deux particularités bien françaises : deux particularités affligeantes qui nuisent au bon fonctionnement de la démocratie.

Toutefois, pour un parlementaire, le problème est moins le cumul de mandats en général que le cumul de très lourdes fonctions exécutives locales qui sont déjà, par nature, des activités à plein temps.

La charge de travail pour un mandat de simple conseiller municipal ou de simple conseiller général est très ponctuelle. Elle n’a absolument rien à voir avec l’activité de maire ou de président de conseil général. C’est pourquoi la limitation des cumuls doit avant tout cibler les fonctions exécutives au sein des collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Les fonctions de maire de grande ville, de président de conseil régional ou de président de communauté d’agglomération sont des activités à plein-temps. Un mandat parlementaire est aussi une activité à plein-temps et nul ne peut assumer correctement deux activités à temps complet.

Bien entendu, ce constat s’applique aussi au cas des ministres, d’autant que, lorsqu’on est ministre, on devrait être le ministre de toute la France, et pas seulement le porte-parole des intérêts particuliers de telle ville, de tel département ou de telle région.

Certes, de nombreux responsables politiques se déclarent hostiles au cumul abusif. Toutefois, dans les faits, rien ne se concrétise. Les déclarations de principe relèvent trop souvent de l’hypocrisie.

Quant aux réelles bonnes intentions de certains, elles se heurtent à l’obstruction de ceux qui usent et abusent du système. Le Premier ministre Édouard Balladur a très bien résumé la situation en indiquant, dans Le Figaro du 7 mai 2010 : « Il n’y a pas d’enthousiasme dans la classe politique, ni à droite ni à gauche, pour prohiber le cumul. Si l’on veut progresser, il ne faut pas se référer à la bonne volonté. Il faut que la loi intervienne. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Balladur a raison. La loi doit réaffirmer le principe fondamental de la disponibilité des parlementaires pour se consacrer pleinement à leurs missions.

Cela passe par l’interdiction de cumuler un mandat parlementaire avec une fonction exécutive au sein d’une collectivité territoriale. La même logique de disponibilité à plein-temps devrait conduire aussi à exclure le cumul d’un mandat parlementaire avec une activité professionnelle. Par le passé, j’ai d’ailleurs déjà déposé deux propositions de loi en ce sens, l’une à l’Assemblée nationale, le 14 juin 1997, l’autre au Sénat, le 16 octobre 2007.

En conclusion, je réaffirme donc ici, en toute logique, mon soutien sans réserve à une réforme qui interdirait les cumuls abusifs de mandats.

M. Jean-Pierre Bel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous voici de nouveau saisis d’une vraie question à laquelle le groupe socialiste apporte une mauvaise réponse.

C’est une vraie question parce que les fonctions électives que nous exerçons les uns et les autres sont de plus en plus chronophages. Cela vaut pour le mandat parlementaire, mais aussi pour les mandats exécutifs locaux.

C’est une vraie question parce que les fonctions électives exigent de plus en plus de professionnalisme. Dans ces fonctions, comme ailleurs, c’est la compétence professionnelle qui fait la différence. Si ce professionnalisme fait défaut, c’est alors l’administration qui commande, et la démocratie s’en trouve altérée.

C’est une vraie question, enfin, parce que nos fonctions sont de plus en plus exigeantes. Nos concitoyens exigent de nous de plus en plus de proximité, de disponibilité et d’immédiateté.

Cela étant, la réponse que le groupe socialiste nous propose n’est pas une bonne réponse.

La question du cumul des mandats ne concerne pas seulement les parlementaires ; elle concerne également les élus locaux.

En tant que sénatrice et maire d’une commune de près de 20 000 habitants, mais aussi ancienne députée, je puis vous assurer que l’intérêt général que je défends au Parlement pour l’ensemble des Français et l’intérêt général que je défends au service de mes concitoyens municipaux ne sont pas antagonistes. Bien au contraire, cette double fonction enrichit l’intérêt général au sens propre.

Je pense que, si j’étais seulement parlementaire, le risque serait grand que je me transforme en technicien du droit.

Au-delà du cumul, on oublie de dire que la France compte plus de 550 000 élus locaux, un chiffre considérable, sans équivalent dans les pays voisins. C’est un facteur puissant de cohésion sociale.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

C’est sans doute pour cela que vous voulez en diminuer le nombre !

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

En vérité, c’est davantage à la complémentarité des mandats que nous devons réfléchir.

Cette proposition de loi organique est partielle et partiale. Partielle en ce qu’elle n’aborde pas toutes les questions que soulève l’exercice du mandat parlementaire. Partiale en ce qu’elle se contente de fustiger, en utilisant un vocabulaire ad hoc, certes consacré en la matière, mais qui ne reflète absolument pas la réalité de la pratique.

Ainsi, au lieu de parler de l’« exercice » des mandats électifs et d’évoquer la question de la « complémentarité » éventuelle entre les mandats nationaux et locaux, on préfère utiliser le terme de « cumul », qui a une connotation bien plus négative : on teinte ainsi d’une grande véhémence ce que l’on dit être l’opinion de nos concitoyens à propos de ce « cumul ».

L’opinion serait, paraît-il, vent debout contre « ces cumulards patentés » qui dénatureraient la démocratie. Pourtant, selon un sondage BVA-Orange-L’Express du 21 mai 2008, cité dans un rapport du député Jacques Valax, une courte majorité seulement des Français – 44 % contre 42 % – préférerait que les parlementaires n’exercent qu’une seule fonction.

Par ailleurs, quand un peu plus de 70 % des Français disent vouloir un maire à temps complet, cela signifie-t-il qu’ils souhaitent que le maire de leur commune, non seulement ne cumule pas cette fonction avec celle d’un mandat parlementaire, mais cesse également toute activité professionnelle pour se consacrer exclusivement aux affaires de la commune ? Je crois qu’un tel chiffre traduit avant tout l’attachement de nos concitoyens à ce mandat de proximité et qu’il ne faut pas en tirer trop de conclusions au-delà.

Lorsque certains affirment qu’un maire parlementaire n’est en fait ni pleinement parlementaire ni pleinement maire et qu’une telle situation illustre la dictature de l’administration, je note le peu de respect dont il est ainsi fait preuve à l’égard des maires adjoints, des vice-présidents, des conseillers délégués de toutes les assemblées que nous présidons : tous, me semble-t-il, exercent à leur niveau, avec la conscience et la qualité que l’on sait, des fonctions exécutives au nom de la commune, de la même manière que le maire ou le président d’une assemblée départementale ou régionale.

La question est plus vaste et plus complexe que ne tend à nous le faire croire cette proposition de loi et elle doit probablement nous être présentée sous une forme plus neutre, plus paisible, plus ouverte.

J’aspire, pour ma part, à un vrai débat sur la question de la complémentarité des mandats et je donnerai deux exemples justifiant que l’on présente plutôt les choses de cette manière.

Le premier concerne les débats sur la réforme de la fiscalité locale. Je rappelle tout le travail que nous avons effectué ici, au Sénat, mais qui a aussi été accompli à l’Assemblée nationale. Aurait-il été de la même qualité si, dans les deux assemblées, des parlementaires rompus à l’exercice des responsabilités locales n’avaient apporté leur contribution essentielle ? Aurait-on eu le même débat, trouvé des solutions à des questions aussi importantes que celle du remplacement de la taxe professionnelle, par exemple ?

Mme Nathalie Goulet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Hélène Des Esgaulx

Second exemple : lors de l’examen du projet de loi de réforme des collectivités territoriales, aurions-nous été si aptes à défendre nos points de vue respectifs, quels qu’ils soient, si nombre d’entre nous n’avaient pas exercé des responsabilités dans plusieurs instances locales, étant de ce fait à même de juger de l’opportunité de la réforme, de la pertinence de son contenu et des modifications à lui apporter ?

Ne vous y trompez pas : l’opinion publique a d’autres préoccupations que celle de vous voir mettre fin à ce que vous appelez le « cumul », au motif que cela permettrait à nos deux assemblées de mieux travailler !

Et ne mentons pas à nos concitoyens en affirmant que, si les députés et les sénateurs n’exercent pas d’autre mandat, ils siégeront continuellement au sein de leur assemblée.

Disons en revanche que, moins liés au terrain, moins issus de la réalité de notre démocratie vivante, de cette République de proximité à laquelle nous sommes tant attachés, ils seront probablement plus dépendants des partis politiques qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Je ne veux pas, quant à moi, revenir à un gouvernement de la France par les partis : je préfère laisser les électeurs choisir leurs représentants.

Bien sûr, je suis favorable à une poursuite de la réflexion, les décisions à prendre ayant vocation à compléter le dispositif de limitation de l’exercice de plusieurs mandats. Si nous voulions le faire ensemble, sans démagogie et avec pragmatisme, nous pourrions y arriver, c’est sûr.

Le cumul de fonctions électives n’est nullement un cercle vicieux. Au contraire, il s’agit plutôt d’un cercle vertueux. Le fait de passer régulièrement devant une partie du corps électoral nous impose d’ailleurs d’avoir des objectifs et des règles clairs.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe UMP se rallie à la proposition de notre excellent rapporteur Patrice Gélard de renvoyer en commission cette proposition de loi organique. Ainsi, celle-ci aura au moins le mérite de nous amener à réfléchir de manière plus approfondie à cette question.

Quant au statut de l’élu évoqué par certains, en ce qui me concerne, je suis très favorable à l’idée d’une charte des droits et des devoirs des élus.

Mme Nathalie Goulet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette proposition de loi organique pose une vraie question. Gardons-nous d’y apporter une fausse réponse !

Affirmer que le cumul des mandats porterait préjudice à la présence dans les hémicycles de l’Assemblée nationale et du Sénat, c’est un peu tromper tout le monde, car il serait sans doute plus utile, me semble-t-il, de réfléchir à l’amélioration de notre façon de travailler…

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… et au temps que l’on pourrait gagner en rendant le travail plus efficace, et parfois aussi plus intéressant.

Il est également nécessaire d’en appeler à la responsabilité individuelle des uns et des autres dans l’exercice de nos mandats, notamment le mandat parlementaire.

Faut-il couper le lien entre le niveau national et le niveau local ? Bien sûr, cela relève d’un raisonnement que l’on peut entendre, mais ce serait tout de même amoindrir la richesse du débat et l’intérêt que nous avons, les uns et les autres, élus locaux, à contribuer à la rédaction de la loi en toute connaissance de cause.

Marie-Hélène Des Esgaulx vient de le dire, nous avons, sur toutes les travées de cet hémicycle, forts de notre expérience locale et de notre connaissance du terrain, pu contribuer à l’élaboration des différents textes. C’est une richesse et les deux mandats se nourrissent mutuellement. De ce point de vue, le fait d’exercer à la fois un mandat local et un mandat national constitue aussi, me semble-t-il, une chance tout à fait exceptionnelle.

Enfin, comment ne pas se rallier à l’argument de M. le ministre évoquant un lien historique très fort entre le rôle de l’État et celui de nos collectivités territoriales sur le terrain, et donc la nécessité de maintenir ce contact permanent ?

Pour autant, cela ne signifie pas qu’il ne faut rien faire, car, avec l’évolution des collectivités locales, dont les élus doivent assumer des responsabilités de plus en plus importantes et aussi, il faut le dire, de plus en plus intéressantes – car il ne s’agit plus seulement de couper des rubans lors d’inaugurations –, il convient de tenir compte du fait que nos fonctions correspondent désormais à de vrais postes de décision.

Dans cette optique, il est certain que le cumul des fonctions est un vrai sujet, qui mérite qu’on y travaille.

Nombre d’entre nous, au titre de nos mandats, sommes présidents d’intercommunalité, de sociétés d’économie mixte, d’organismes de toute nature, et ce sont des fonctions chronophages. Il faut « faire le ménage », permettez-moi cette expression, sans doute un peu triviale à la tribune de la Haute Assemblée…

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

… mais, manifestement, c’est à cette tâche que nous devons atteler. On ne peut pas cumuler les fonctions dans tous ces organismes sans nuire à l’exercice même de son propre mandat ; c’est l’un des points que je tenais à souligner.

Je conclurai en disant qu’il paraît à l’évidence opportun, compte tenu à la fois de la complexité des problèmes en jeu et de la nécessité d’aller plus loin sans enterrer le dossier, de renvoyer ce texte en commission, ce qui permettra à tout le monde de pouvoir l’étudier dans le détail.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Mes chers collègues, j’attire votre attention sur le fait que la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation travaille sur cette thématique et qu’elle formulera, dans le cadre des débats ouverts à la commission des lois, un certain nombre de préconisations.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le beau sujet que voilà pour le sénateur « hors-sol » que je suis puisque je n’ai pas d’autre mandat : je suis seulement sénateur !

Je remercie le président Bel d’avoir déposé ce texte audacieux à l’heure où des présidents de région, et non des moindres, sont en situation très favorable pour les élections sénatoriales de septembre prochain : je pense notamment à la Basse-Normandie. §Voilà donc un texte courageux !

Nos concitoyens sont de plus en plus sensibles à cette question et notre Haute Assemblée serait vraiment inspirée de voter un texte sur ce sujet, montrant ainsi son désir, au-delà des clivages politiques – bien qu’une partie de l’hémicycle soit passablement désertée ce matin –, de moderniser notre vie publique

En réalité, nos concitoyens et électeurs sont finalement un peu responsables de la situation, car c’est bien l’électeur qui dépose dans l’urne un bulletin correspondant à un candidat dont il ne peut ignorer qu’il exerce déjà telle ou telle fonction importante et, qui plus est, visible. Cette réflexion peut d’ailleurs s’appliquer à d’autres sujets, comme la question de l’âge des élus : quand il dépose un bulletin dans l’urne, l’électeur connaît l’âge du candidat pour lequel il vote et il sait qu’il sera éventuellement élu encore pour un certain nombre d’années.

Chaque électeur peut alors devancer la loi en refusant d’apporter son vote à un élu déjà doté.

J’ajoute que, comme aime à le répéter notre collègue Dominique Braye, « pour cumuler, encore faut-il être capable d’être élu ! »

Cela dit, une réforme est nécessaire. Le problème est réel puisque sept parlementaires sur neuf cumulent les mandats.

Mais comment réformer quand on est juge et partie ?

Monsieur le ministre, vous en avez fait l’expérience récemment avec les dispositions visant à la suppression de la clause de compétence générale dans le projet de loi de réforme des collectivités territoriales, les représentants de chaque exécutif prêchant évidemment pour leur paroisse…

Je pense néanmoins qu’il faut pouvoir conserver un lien avec le terrain. De ce point de vue, le cumul avec un mandat de maire est acceptable. Mais il y a aussi les EPCI et les pays, qui ont de véritables exécutifs.

J’ai en mémoire de nombreuses interventions, dont celle du président Bernard Frimat, lors de la réforme constitutionnelle, ou celle de M. Karoutchi, alors secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui avait répondu, à propos d’amendements visant à une interdiction plus stricte d’un cumul des mandats, qu’ils trouveraient leur place dans un texte sur le statut de l’élu, ce véritable serpent de mer, cette Arlésienne législative §puisque, jusqu’à présent, nous n’avons pas vu poindre le moindre texte à ce sujet !

J’ai aussi en mémoire l’intervention de M. Badinter nous exposant avec force le problème du cumul d’un poste ministériel avec une fonction d’élu local et, a fortiori, d’exécutif local.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Et j’aime ce moment intense de notre vie politique où les ministres en exercice partent en campagne, emmenant dans leur sillon une partie de leur cabinet, …

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

… douce période durant laquelle les administratifs, et eux seuls, font tourner les cabinets !

Comment comptez-vous, dans ces circonstances, redonner confiance aux électeurs quant à la capacité des élus ou des candidats d’être eux-mêmes en charge des dossiers ?

Pour toutes ces raisons, et surtout pour permettre de laisser éclore de nouveaux talents, d’éviter des verrouillages et des cooptations, il faut absolument que nous tranchions cette question ici, au Sénat.

Il faut enfin mettre un terme à des hypocrisies du type Poutine et Medvedev : « Je suis frappé par une interdiction légale, je deviens donc premier vice-président ou adjoint aux finances et je garde, de fait, la maîtrise sur l’exécutif que je suis supposé avoir quitté. »

M. Jean-Pierre Bel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Nathalie Goulet

Il faut sanctionner très lourdement, me semble-t-il, les trahisons électorales que nous connaissons tous, les uns et les autres, à savoir des candidats tête de liste qui, une fois élus, ne siègent pas dans les assemblées pour l’exécutif desquelles ils briguaient les suffrages de leurs concitoyens. Je vise tout particulièrement ceux qui, faute d’avoir pu conquérir la présidence d’un conseil régional, renoncent simplement à y siéger : comme si un siège de conseiller régional d’opposition était sans valeur !

Ces pratiques sont totalement indignes, et il faudra y mettre un terme rapidement.

Cela étant, je tiens à rappeler que l’immense majorité des élus de nos 36 000 communes sont des bénévoles totalement dévoués au service de leurs concitoyens.

J’espère que l’enterrement qui s’annonce préludera à une résurrection – c’est, en tout cas, ce que semblait dire M. le rapporteur. Cette question est extrêmement importante et il faudra bien la régler avant ou après la mise en place de la réforme des collectivités territoriales, car l’arrivée du conseiller territorial rendra encore plus opaque la mission des élus aux yeux des électeurs.

Monsieur le rapporteur, je compte beaucoup sur le travail du Sénat pour faire évoluer ce dossier du cumul des mandats.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens en tout premier lieu à remercier les auteurs de cette proposition de loi organique, qui nous offre l’occasion de débattre d’un sujet fondamental pour nous, les écologistes.

En effet, le véritable enjeu de cette proposition de loi contre le cumul des mandats est de rompre avec des traditions qui rongent la crédibilité des politiques, je dirai même : avec des tolérances qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui.

Depuis longtemps, les écologistes pensent que le cumul des mandats, comme on le dit souvent en Europe, est un grand mal français, qui nuit gravement à notre démocratie et met en danger nos institutions, car elles deviennent de moins en moins représentatives.

Par ailleurs, il a un effet désastreux sur le travail parlementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Il nourrit l’absentéisme, il donne l’impression que le seul objectif des politiques devient la chasse aux mandats et il donne alors une image du travail parlementaire qui ne nous honore pas !

Il est, je le pense sincèrement, un souffle au cœur démocratique, qui handicape sérieusement la vie politique française et son accessibilité par toutes et tous. Il est la source d’une défiance de la part de nos concitoyens : tout en contribuant à une professionnalisation aiguë du mandat électif, il crée un fossé de plus en plus large, éloignant les citoyens de leurs représentants.

De plus, le cumul des mandats est, dans le temps comme dans l’espace, un frein au renouvellement parlementaire ; il fait donc obstacle à la parité et à la diversité de nos assemblées.

Ceux qui sont parlementaires depuis plus de vingt ans, voire trente ans, des hommes en général, refusent de laisser leur place, notamment aux femmes ou aux jeunes.

Par là même, le cumul nuit gravement au renouvellement de la classe dirigeante.

Ne se reconnaissant plus dans leurs élus, ni dans les candidats qui sont toujours les mêmes, les citoyens finissent par déserter les élections !

Comment ne pas se plaindre de l’abstention croissante des citoyens ? En réalité, ils ne se désintéressent pas de la politique, au contraire ! La raison de leur désaffection est qu’ils ne croient plus en leurs élus !

Parce que l’abstention constitue un danger pour nos démocraties, il est urgent de faire le ménage ! Ne pensez pas, monsieur Buffet, que le ménage soit trivial ; les femmes sont habituées à le faire ! §

Permettez-moi, mes chers collègues, de vous livrer à présent trois réflexions sur la question du cumul des mandats.

Premièrement, le respect que nous devons inspirer aux citoyens et l’importance que nous portons à notre fonction et à la qualité de nos travaux passe, j’en suis convaincue, par une limitation du nombre des mandats.

On ne peut être maire d’une grande ville, engagé au quotidien sur le terrain auprès de ses administrés, et, dans le même temps, s’estimer être un parlementaire impliqué dans les travaux de la séance publique dans l’hémicycle pour tenter de répondre aux attentes des citoyens, à moins d’avoir le don d’ubiquité ! Cessons d’être hypocrites, les parlementaires ont conscience qu’ils ne peuvent pas être partout.

Soyons sérieux, acceptons la réalité : nous devons arrêter de cumuler plusieurs mandats exécutifs locaux avec un mandat de parlementaire national, car nous savons que nous ne pouvons exercer pleinement toutes les responsabilités liées à ces mandats ! Sauf à donner l’impression aux citoyens que nous ne cumulons qu’une chose : les indemnités, et c’est regrettable !

M. Yvon Collin s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

En procédant ainsi, on suscite l’antiparlementarisme et le populisme, terreau des extrémistes qui mettent à mal nos démocraties.

Le cumul des mandats dans le temps comme dans l’espace est une incitation à l’absentéisme parlementaire, dont se plaignent souvent nos concitoyens. Il est vrai que les médias ne nous font pas de cadeaux…

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

À ce sujet, notre assemblée favorise en quelque sorte cet absentéisme : avec nos modes de scrutin, même les sièges vides peuvent voter ! Aucune sanction financière ne dissuade ceux qui manqueraient d’exercer leur mandat. Et si cette sanction est prévue, elle n’est malheureusement pas appliquée ! Notre règlement intérieur devrait pallier ce problème.

Ces artifices masquent difficilement la triste réalité. D’ailleurs, la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation s’est récemment saisie de cette question : nos collègues Dominique Voynet et François-Noël Buffet, qui savent de quoi ils parlent, publieront un rapport sur le sujet le 14 décembre prochain, rapport qui devait d’ailleurs, initialement, être remis le 26 octobre dernier, à la veille de l’examen de la présente proposition de loi organique. Je regrette qu’il n’ait pas été publié à la date prévue, car son contenu aurait pu nourrir le débat qui s’ouvre aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, selon nous, il est fondamental de limiter, de manière stricte, le cumul des mandats exécutifs. J’entends bien ceux et celles qui nous mettent en garde contre une « déconnexion éventuelle d’avec la réalité locale ». Mais, personnellement, je pense que l’on n’a pas besoin d’un mandat pour continuer à s’engager et à militer localement au quotidien, notamment dans des associations de proximité.

Avec ce texte, s’il est adopté, nous distinguerons nettement les fonctions exécutives locales et la fonction législative et, ce faisant, nous renforcerons les pouvoirs du Parlement.

De plus, un mandat de parlementaire national et un mandat local non exécutif me semblent largement suffisants, pour l’intérêt tant général que familial.

Deuxièmement, qu’on le reconnaisse ou non, le cumul de deux mandats pose le problème du conflit d’intérêts !

On ne peut pas représenter le peuple, et donc incarner l’intérêt général, et, en même temps, être élu d’un territoire dont on représente les intérêts spécifiques à l’échelon national.

Là encore, mettons fin à l’hypocrisie : est-il concevable de voter dans l’une des assemblées, en tant que parlementaire, le budget des collectivités territoriales, et d’en être le premier bénéficiaire en qualité d’élu local ? On ne peut être juge et partie ! Il faut savoir faire un choix entre des intérêts catégoriels et l’intérêt général.

Enfin, troisièmement, j’insisterai sur un élément, qui ne figure pas dans la proposition de loi organique que nous examinons aujourd'hui, mais qui devra s’imposer à un moment donné : pour être complet, le non-cumul entre la fonction exécutive et la fonction législative ne saurait omettre le non-cumul « dans le temps », en le limitant, par exemple, à deux ou trois mandats au maximum dans la même fonction.

Nous sommes convaincus qu’il s’agit là de la meilleure manière, avec le non-cumul des mandats dans « l’espace », de mettre en œuvre une meilleure représentation de la société dans nos institutions. Il est temps de permettre un renouvellement du personnel politique, sans quoi il n’y a pas de réelle représentativité de nos assemblées.

Le non-cumul des mandats électifs successifs dans le temps permettra de renouveler l’offre politique, en même temps qu’il contribuera à faire émerger des hommes et des femmes issus de toutes les diversités.

Pour être crédibles, nos assemblées doivent être à l’image de nos cours d’école. Tous nos concitoyens doivent se retrouver en nous ; c’est la seule manière d’acquérir leur confiance, de leur donner l’envie d’aller voter et d’être pleinement citoyens !

Notre législation a toujours été timide concernant le cumul des mandats. Il est donc urgent, aujourd’hui, d’affirmer avec force et vigueur l’impérieuse nécessité pour un parlementaire de consacrer son temps à la fonction législative, sans pour autant se déconnecter de la réalité locale.

C'est la raison pour laquelle les sénateurs et sénatrices Verts soutiennent ce texte et voteront en faveur de son adoption.

Mais nous sommes certains que, dans leur majorité, nos collègues parlementaires n’auront pas forcément le courage de renoncer à certains de leurs mandats. Il est essentiel de mener une réflexion sur ce statut qui, il faut le dire, est aujourd'hui trop rattaché à certains avantages.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant au renvoi à la commission

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je suis saisi par M. Gélard, au nom de la commission des lois, d’une motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu’il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, la proposition de loi organique n° 697 (2009-2010) visant à interdire le cumul entre un mandat parlementaire et l’exercice d’une fonction exécutive locale.

J’indique d’ores et déjà que je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai déjà expliqué, lors de la présentation de mon rapport, les raisons pour lesquelles je souhaite que cette proposition de loi organique fasse l’objet d’un renvoi à la commission.

Je dois dire qu’après avoir entendu au cours de la discussion générale les propositions formulées par les uns et les autres visant à améliorer le fonctionnement de nos institutions démocratiques, le renvoi à la commission s’impose encore plus. Il nous faut en effet approfondir notre réflexion sur les questions annexes qui ont été soulevées.

Madame Boumediene-Thiery, l’une des causes essentielles de l’absentéisme des parlementaires réside non pas dans le cumul des mandats, mais dans l’organisation de nos travaux parlementaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Il suffit de regarder ce qui se passe à l’étranger pour voir que le Parlement français est le seul à travailler autant et aussi mal !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La faute au Gouvernement ! Au Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Il ne m’appartient pas d’en juger, mes chers collègues, mais il faut que l’on se regarde dans le miroir !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Quel est le pays où l’exécutif fait autant de lois ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Je vous en prie, mes chers collègues, laissez-moi terminer !

En outre, contrairement à ce qu’a dit M. Sueur, un renvoi à la commission n’équivaut pas à un enterrement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre-Yves Collombat

Notre collègue est un spécialiste de l’enterrement !

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

La preuve en est que la proposition de loi relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants avait été renvoyée préalablement en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Autre texte ayant fait l’objet d’un renvoi à la commission, la proposition de loi de Mme Bricq relative aux règles de cumul et d’incompatibilité des mandats sociaux dans les sociétés anonymes et à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

De même, la proposition de loi organique portant application de l’article 68 de la Constitution avait été renvoyée en commission avec l’engagement du président de la commission des lois de la reprendre si le Gouvernement ne déposait pas, dans un délai raisonnable, un texte allant en ce sens.

Tous ces exemples démontrent que le renvoi à la commission est, au contraire, un moyen de relancer la discussion sur un texte intéressant et important, en y adjoignant toute une série d’éléments qui n’ont pas été pris en considération dans la proposition de loi initiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Vous vous engagez donc à présenter un nouveau texte ?

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Gélard

Enfin, mes chers collègues, je vous rends service en défendant une motion tendant au renvoi à la commission. En effet, il n’était pas admissible que tous les parlementaires actuellement en exercice soient exclus du champ d’application de cette proposition de loi organique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mais vous pouviez l’améliorer ! Vous avez le droit d’amendement !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Jean-Pierre Bel, contre la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

En présentant cette proposition de loi organique, j’ai développé un certain nombre d’arguments. En retour, j’ai bien entendu les objections qui m’ont été opposées, notamment par le rapporteur, M. Gélard.

Si vous le permettez, j’aimerais tout d’abord revenir sur la déconnexion, évoquée tout à l'heure par certains, entre le mandat de parlementaire et la réalité du terrain, s’agissant notamment de la connaissance des collectivités locales et territoriales.

Je suis actuellement titulaire d’un mandat unique – nous sommes un certain nombre à être dans ce cas.

J’ai été maire d’une commune de 83 habitants pendant près de vingt ans, puis maire d’une commune plus importante, la troisième de mon département. Comme l’a souligné notre collègue Yves Détraigne, c’est une fonction élective très absorbante dans la mesure où elle oblige le maire à prendre connaissance de tous ses aspects.

J’ai également été conseiller général, conseiller régional, et j’ai participé à des campagnes électorales européennes.

Aujourd'hui, je suis responsable de l’association des élus de mon département, une instance qui existe dans la plupart des départements et qui correspond à une évolution du statut de l’association des maires, tout parlementaire pouvant y siéger à part entière.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

À ce titre, il m’arrive très fréquemment, voire hebdomadairement, de réunir des maires pour évoquer, certes, l’évolution législative, mais aussi des situations concrètes.

Croyez-vous, mes chers collègues, que je me sente déconnecté des sujets que nous abordons dans cet hémicycle ? Pas du tout ! Par conséquent, à mon sens, il est tout à fait possible de n’exercer qu’un seul mandat et de rester très proche des réalités de terrain.

Monsieur le rapporteur, j’en viens maintenant à votre motion tendant au renvoi à la commission.

Un renvoi à la commission signifie que le sujet doit être débattu, approfondi. Or, si je ne me trompe, le débat relatif au statut de l’élu remonte à plusieurs décennies.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

Au début des années quatre-vingt déjà, les premiers rapports sur le sujet ont été élaborés, notamment le rapport Debarge, qui ont permis à chacun de s’exprimer sur les mandats des élus politiques.

Par ailleurs, n’avons-nous pas eu, en 2000, un débat assez vif ici même, au sein de cette assemblée ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Bel

En outre, dans les lois qui ont précédé celle de 2000, nous avons abordé la question du cumul des mandats. Le gouvernement de Lionel Jospin avait même proposé de mettre en place un régime d’incompatibilité entre un mandat parlementaire et une fonction exécutive locale.

Tout cela s’est passé voilà dix ans, monsieur le rapporteur ! Et tout au long de ces dix ans, nous avons eu aussi d’autres rendez-vous sur le sujet.

Or vous nous dites aujourd’hui que nous avons insuffisamment creusé la question !

Lorsque vous défendez les projets de loi, vous avez une façon manichéenne de vous adresser à nous. Vous nous reprochez de toujours vouloir attendre, d’être des immobilistes, alors que vous seriez, vous, les défenseurs de la réforme ! Mais dès que nous émettons des propositions pour aller plus loin et faire avancer les choses, vous faites en permanence tout pour les retarder. Lors de l’examen de la loi portant réforme des retraites, vous nous avez accusés de faire de l’obstruction avant même que nous n’ayons dit un mot ! Cet argument, vous le répétez sans cesse : il y a, d’un côté, ceux qui cherchent à gagner du temps et pour lesquels la réforme importe peu, et, de l’autre, ceux qui seraient, au contraire, les moteurs du progrès dans ce domaine.

Monsieur le rapporteur, je vous retourne le même argument. Pourquoi ces atermoiements ? Pourquoi cette hypocrisie sur le sujet, phénomène général que vous-même avez reconnu ? Pourquoi remettre à demain ce que nous pouvons traiter dès aujourd’hui ?

Je crois que les Français sont parfaitement mûrs pour faire avancer les choses, bien que leurs propos puissent parfois sembler contradictoires. Il est vraiment temps de leur donner un signe limpide, clair, transparent et simple en rendant aux parlementaires la possibilité d’exercer pleinement leur mandat.

Si vous ne voulez pas traiter dès aujourd’hui cette question qui est au cœur de la vie démocratique, elle sera reprise très rapidement, notamment par ceux que nous représentons.

J’invite donc l’ensemble de nos collègues, très nombreux dans cette enceinte ce matin, à ne pas voter cette motion tendant au renvoi à la commission.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Le ministre qui va répondre est aussi président d’un conseil général ! Voilà le type même du conflit d’intérêts !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Monsieur le sénateur, vous devez savoir ce qu’il en est. Depuis que vous êtes élu, vous avez eu le temps de voir tous les conflits d’intérêts possibles et imaginables et je pense qu’au sein de votre groupe, un certain nombre de sénateurs sont aussi dans cette situation !

Au cours de ce débat, des arguments intéressants ont été avancés, qu’il ne faut pas balayer d’un revers de la main.

Le renvoi à la commission répond à deux objectifs.

Premièrement, le texte qui nous est soumis souffre lui-même d’un certain nombre d’imperfections, ne serait-ce que d’ordre technique.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Justement, le renvoi à la commission est là pour cela !

Parler d’hypocrisie, c’est vrai, …

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

… mais réserver l’interdiction du cumul aux futurs élus et ne pas l’appliquer à ceux qui sont en poste est aussi une forme d’hypocrisie assez forte !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cela peut être réglé en huit jours ! Le Gouvernement peut encore déposer des amendements !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Monsieur le sénateur, il est dommage que vous n’ayez pas réglé ce point avant. En tout état de cause, le renvoi à la commission vous permettra justement de le faire.

Deuxièmement, le renvoi à la commission sera aussi l’occasion de préciser la notion d’exécutif et d’aborder le cas, qui existe également, du cumul des fonctions exécutives.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Je rappelle que deux projets de loi sur ces sujets sont déposés sur le bureau du Sénat et devraient venir prochainement en discussion au sein de votre assemblée : le projet de loi n° 61, relatif à l’élection des conseillers territoriaux et au renforcement de la démocratie locale, et le projet de loi n° 62, relatif à l’élection des membres des conseils des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale.

Par ailleurs, un projet de loi organique relatif à l’élection des députés, portant notamment sur le régime des incompatibilités de ces derniers, a été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Nous pourrons donc, à l’occasion de l’examen de ces trois textes, revoir les questions que nous évoquons.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Diversion ! Pour la réforme des retraites, deux mois ont suffi !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Je souhaite, pour ma part, que la commission des lois ait une vue d’ensemble complète, afin de présenter un rapport sur tous les problèmes abordés au travers de la présente proposition de loi, ainsi que des textes que je viens de mentionner.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est favorable à la motion tendant au renvoi à la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant au renvoi à la commission.

J’ai été saisi, je le rappelle, d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Voici le résultat du scrutin n° 91 :

Le Sénat a adopté.

En conséquence, le renvoi à la commission est ordonné.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Le Sénat est encore censuré ! Il l’est tous les jours ! Nous devenons une chambre dérangeante !

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à M. Philippe Adnot, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Je souhaite faire ce rappel au règlement, car je considère que M. le ministre a introduit un élément nouveau dont nous n’avions pas connaissance et qu’il aurait mieux valu, pour voter, que nous ayons la confirmation ou non de ce qu’il nous a dit.

En effet, il a dit tout à l'heure que le conseiller territorial ne pourrait pas être également parlementaire. On apprend ainsi que le maire d’une grande ville ou le président d’une agglomération pourra être parlementaire dans le contexte actuel, mais que les présidents de régions ou de conseils généraux, puisqu’ils deviendront conseillers territoriaux, ne pourront pas être parlementaires.

C’est un élément qui, de mon point de vue, aurait mérité d’être explicité avant que nous ne votions, parce qu’il change un peu les choses.

Je me permets d’ajouter, monsieur le président, bien que les explications de vote ne soient pas admises, qu’étant pour ma part résolument contre cette proposition de loi organique, j’étais défavorable au renvoi du texte à la commission, car il aurait fallu rejeter le texte dès aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Vous êtes pour le cumul ! Vous êtes franc !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Adnot

Non, mon cher collègue, il ne s’agit pas de cela. Selon moi, le mandat local est parfaitement complémentaire du mandat national. Cette complémentarité permet d’enrichir la démocratie.

En tout état de cause, j’aimerais que M. le ministre nous donne confirmation ou non de l’élément nouveau qu’il a introduit tout à l’heure, et que la lecture du compte rendu de nos débats montrera.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Monsieur le sénateur, c’est bien volontiers que je vous apporte la précision que vous demandez, bien que vous connaissiez déjà la réponse.

Pour avoir été très présent lors du débat sur le texte de réforme des collectivités territoriales, vous devez vous souvenir en effet que les ministres, notamment M. Marleix, ont rappelé à plusieurs reprises que le mandat de conseiller territorial était un seul mandat, et non plusieurs mandats. Cela donne donc juridiquement toute possibilité au conseiller territorial, que vous serez certainement, d’être candidat et réélu sénateur !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Je suis heureux que M. Assouline émette un « ah » avant que je n’achève mes propos !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Ce n’est pas un « ah » d’approbation !

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

J’ai simplement voulu dire que le temps du conseiller territorial ne serait pas le même que celui du conseiller général et que le conseiller territorial devrait aussi se consacrer à son mandat.

Debut de section - Permalien
Michel Mercier, ministre

Il peut y avoir ainsi de nouvelles façons d’aborder la question du cumul.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Acte vous est donné, monsieur Adnot, de votre rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, je rappelle que le groupe Union pour un mouvement populaire a présenté la candidature de M. Charles Guené pour remplacer M. Alain Lambert, dont le mandat sénatorial a cessé, au sein de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

La présidence n’a reçu aucune opposition.

En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Charles Guené membre de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative aux œuvres visuelles orphelines et modifiant le code de la propriété intellectuelle, présentée par Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jean-Pierre Bel et Serge Lagauche, Mmes Françoise Cartron et Catherine Tasca et les membres du groupe socialiste (proposition n° 441 [2009-2010), rapport n° 52) (demande du groupe socialiste).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Blandin, auteur de la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Sénat n’est pas insensible aux droits du créateur et de la photographie. Il s’est d’ailleurs exprimé il y a quelques semaines sur la réalisation des photos d’identité dans les mairies et son impact dommageable pour les artisans photographes installés dans nos villes, profession en proie à de nombreuses difficultés. Ce sujet avait été abordé en commission des finances sur l’initiative de Mme Michèle André et de M. Philippe Marini.

Le choix du Sénat de donner à voir de grands tirages sur les grilles du jardin du Luxembourg, contribue à la diffusion et à la démocratisation de la photographie auprès du grand public. L’exposition de Yann Arthus-Bertrand a été vue par plus de deux millions de visiteurs.

Le métier de photoreporter fait rêver beaucoup de jeunes et ces ambitions font souvent la fierté des parents. L’empathie des Français pour Stéphane Taponier et Hervé Ghesquière, auxquels nous pensons, serait la même pour des preneurs d’images, car nous avons besoin de leurs photographies et de leurs reportages. Ils sont nos yeux sur le monde. Nous leur devons solidarité.

L’engouement pour cette profession dans ses multiples facettes ne doit pas faire oublier les grandes difficultés auxquelles elle est confrontée.

Pour des raisons d’économies, de nombreux titres de presse n’ont plus de service propre sur l’image. Des collectifs ont disparu, comme l’Œil Public. Des agences se sont trouvées en redressement judiciaire, notamment Rapho, Gamma, Explorer.

Des photothèques complètes ont été rachetées, au risque que la gestion des œuvres ne se fasse pas dans le respect des droits d’auteur.

Le passage au numérique a certes éliminé la pellicule, le développement, le tirage, la matière chimique associée à ce procédé. Cependant, le nouveau matériel requis est particulièrement coûteux : 3 000 euros pour un boîtier, 1 500 euros pour un objectif, 2 000 euros pour un grand angle et 5 000 euros pour un bon téléobjectif. Or, comme les ordinateurs, ce matériel évolue à un rythme rapide et devient vite obsolète.

N’oublions pas non plus l’acquisition d’une multitude de logiciels à plus de 1 000 euros et leurs versions successives. L’archivage des données numériques exige en effet de grandes capacités de mémoire, qu’il faut doubler, puisqu’il est recommandé de garantir leur intégrité en les changeant de support tous les ans.

L’investissement de départ a donc été multiplié par trois sans que les commandes de reportage ou les prix de l’utilisation d’une image aient évolué, au contraire ! De plus, le métier a changé : de preneur de vue, le photographe est également devenu informaticien, tireur et chromiste à domicile.

Dans ce contexte, l’objet de cette proposition de loi est très modeste : mettre un terme aux pratiques opportunistes, cyniques ou simplement négligentes de certains éditeurs.

Quand une photographie est publiée, le droit moral de l’auteur se traduit par la mention de son nom ; son droit patrimonial se traduit par une rémunération. En outre, la cession n’est pas définitive, l’usage en est précisé.

La mention « DR », droits réservés, recouvre pour partie le cas des œuvres dont l’éditeur ne connaît pas l’auteur.

Or, de plus en plus fréquemment, des photographies sont exploitées gratuitement, sous prétexte que les auteurs ou leurs ayants droit sont inconnus ou non identifiables. Loin de s’évertuer à chercher la signature possible, nombre de services utilisent cette facilité, par économie de temps et parfois de moyens. La commodité se transmet d’iconographes mal formés en stagiaires mal avertis dans le dialogue raccourci d’une grande banalité : « C’est qui le photographe ? Ne perds pas de temps, écris DR ! ».

Les exemples sont nombreux. Je pense à cette célèbre photographie, de Marc Riboud, d’une jeune fille tenant une fleur près de son visage face aux baïonnettes, récemment publiée dans un quotidien français, abusivement flanquée de la mention « DR ». Mais je pense également aux professionnels qui n’ont pas la même reconnaissance que Riboud ou Cartier-Bresson. Leurs reportages, leurs images sont leur création et leur source de revenu. C’est souvent le métier qu’ils ont choisi et dont ils veulent vivre. Ils se font spolier et priver de la rémunération due pour l’exploitation de leurs images, bien davantage que les auteurs de l’écrit. Il s’institue une concurrence fatale entre leurs œuvres vendues et leurs œuvres détournées et utilisées sans leur aval, donc gratuites.

Cette situation n’est pas anecdotique. Le suivi par l’Union des photographes professionnels pendant plusieurs semaines d’un célèbre hebdomadaire, pourtant réputé pour son goût de la culture, a abouti à un décompte moyen de 60 photographies avec la mention « DR » et 53 sans mention, sur 176 clichés au total. L’esprit du code de la propriété intellectuelle n’est plus respecté qu’à 38 % !

La proposition de loi que nous vous invitons à adopter vise à combler les lacunes de la législation actuelle. Nous parlons en effet ici d’un droit inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, qui dispose dans son article 27 que « Chacun a droit à la protection des intérêts moraux et matériels découlant de toute production scientifique, littéraire ou artistique dont il est l’auteur ».

Dans l’état du droit, le fait de ne pas identifier l’auteur d’une photographie ne justifie absolument pas l’utilisation de la mention « droits réservés ». En effet, l’article L. 122–9 du code de la propriété intellectuelle prévoit seulement la possibilité de saisir un juge et de lui demander l’autorisation d’utiliser l’œuvre.

La mention « droits réservés » est devenue un moyen répandu de contourner la loi. Utilisée sans excès, elle aurait pu être protectrice des professionnels. Telle n’est pas la réalité.

Compter sur une procédure judiciaire qui ne permet pas une identification efficace des auteurs ou des ayants droit n’est pas tenable. En outre, le juge ne l’acceptera que si la demande est justifiée par un motif légitime. Par ailleurs, il exigera le versement d’une redevance au titre des droits d’auteur à une société de gestion collective des droits d’auteur.

La justice est encombrée. Elle est là pour régler les litiges, non pour faire de la gestion.

Face à la mention « DR », solution de facilité au mépris des droits attachés à l’œuvre, nous vous proposons un texte de clarification des principes par la définition et la promotion d’un dispositif simple de perception. Il est urgent de mettre fin au pillage !

L’article 1er de cette proposition de loi tend à inscrire au sein du code de la propriété intellectuelle une véritable définition de l’œuvre orpheline. Face au vide juridique actuel, il devient urgent de clarifier la situation afin que les auteurs ou leurs ayants droit puissent faire valoir les droits qui s’y attachent.

L’article 2 met en place de nouvelles dispositions pour l’exploitation des droits attachés à une œuvre visuelle orpheline.

Ainsi, il est prévu de confier la gestion de l’exploitation d’une œuvre visuelle orpheline à une société d’auteurs. Ce sera au ministère de la culture de l’agréer. Au demeurant, point n’est besoin de créer une nouvelle structure.

Cette société devra être en mesure de faire constater les utilisations illicites selon des règles qu’elle appliquera et de faire payer les usages abusifs. Elle se bornera aux œuvres visuelles orphelines, sinon elle deviendrait coresponsable de contrefaçon au préjudice des auteurs qui n’auraient pas été recherchés et elle risquerait de perdre son agrément.

La gestion collective obligatoire apporte une véritable sécurité : elle permet de valoriser l’usage des photographies orphelines et évite une collecte individuelle par les titulaires des droits de la rémunération due. Il est en effet impossible à un photographe indépendant, en plus de ses reportages et de ses sélections, de feuilleter régulièrement la presse quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle, ainsi que les livres, pour voir si l’un de ses clichés n’y figurerait pas, sans son autorisation.

Dès que les auteurs ou leurs ayants droit auront été identifiés, la société de gestion collective leur reversera les sommes récoltées. Un délai de prescription de dix ans laissera le temps aux auteurs de réclamer la part due pour la rémunération de leur œuvre. Ce délai peut être débattu. À défaut de trouver l’auteur, cette manne permettra le financement d’actions de formation ou d’aides à la création. Je pense que le commencement souhaitable serait de qualifier sa plateforme d’information, permettant de consulter les œuvres en attente.

En cas de découverte de l’auteur, il est prévu une procédure de réversion, qui mettra fin à l’obligation de gestion collective. Ce mécanisme apportera une nouvelle sécurité juridique non seulement à l’auteur, mais également à l’éditeur.

Cette proposition de loi a reçu le soutien d’un grand nombre de photographes professionnels comme Jane Evelyn Atwood, Sebastiao Salgado, William Klein ou Reza.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous pressons à leurs expositions à la Bibliothèque nationale, au Centre Pompidou, à la Villette. Ces manifestations sont soutenues par des fonds publics. La cohérence veut que l’on entende leur demande unanime.

Toute la profession s’est investie sur le sujet. La pétition a reçu 14 000 signatures, dont 5 000 de professionnels.

Certes, une directive, que le rapporteur nous annonce pour le 23 novembre, va arriver. Toutefois, on le sait, elle ne changera pas grand-chose pour l’avenir proche. Elle ne sera pas transposée avant plusieurs années, notamment parce qu’elle portera sur d’autres secteurs de la création tels que l’écrit et l’audiovisuel. De plus, l’instauration d’une gestion collective obligatoire suppose que soit pris en compte l’état des régimes juridiques applicables dans les États membres.

Souvenez-vous de la directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information. Publiée en 2001, elle n’a été transposée qu’en 2006 avec la loi relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, dite loi DADVSI. Ce type de délai serait une catastrophe pour la photographie.

Sur d’autres sujets, bien plus graves, le président n’a-t-il pas répondu à la commission que point n’était besoin de transposer, puisque notre législation était déjà en cohérence avec les lignes de la directive ?

Depuis Beaumarchais, la France a toujours été en avance sur la définition et la protection des droits d’auteur, moraux ou patrimoniaux. Par effet bénéfique collatéral, l’attention du Sénat portée à la bibliothèque Richelieu ou à l’INA, l’Institut national de l’audiovisuel, a permis la conservation de tirages prestigieux. Nous devons, pièce par pièce, poursuivre dans cette voie qui honore la diversité culturelle.

Mes chers collègues, nous nous sommes opposés sur la loi DADVSI, et même sur la loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet, dite loi HADOPI. Nous voulions tous protéger les auteurs, les uns à tout prix – vous en étiez monsieur le président de la commission et monsieur le rapporteur –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

… les autres, dont j’étais, pensant que l’on prenait des risques au regard des libertés individuelles ou de la fluidité de la culture.

Même dans cette tourmente, la commission des affaires culturelles avait, à l’époque, émis un avis favorable sur mon amendement visant à supprimer un cavalier douteux dans la loi DADVSI, amendement par lequel je proposais que les images dont le sujet central n’est pas celui de l’article ne donnent plus lieu à droit d’auteur. Il y avait eu unanimité pour défendre les photographes !

Cette fois-ci, un nouveau consensus, plus large, est possible.

Nous avons reçu des alertes fondées : bibliothèques et archives. Les décrets pourront veiller à la bonne exécution de leur mission d’intérêt public.

Nous avons également reçu des alertes reposant sur des malentendus : jeunes internautes convaincus que le dispositif allait les empêcher de céder des photographies à leurs sites amis. Rassurons-les, une image identifiée par son auteur, et dont l’auteur manifeste sa volonté de ne pas être rémunéré, ne relèvera pas de l’œuvre orpheline : elle sera de père ou de mère connu, et même de père ou de mère généreux. Ni les échanges familiaux ni la coproduction bénévole, laquelle enrichit le bien commun comme cela se fait dans l’écrit pour la pédagogie des mathématiques, ne sont menacés par ce texte. Ces espaces font lien et sont protégés.

La photographie, pour sa part, a réussi ce qui est encore une difficulté pour le théâtre ou pour la danse : elle a créé un continuum entre amateurs, spectateurs, praticiens et création professionnelle. Le numérique en a été l’outil facilitateur. C’est à nous de garder cette fluidité féconde, tout en protégeant la profession, au plus grand intérêt de la qualité, du travail dans la durée, de l’information et de l’art.

Nous achevons à peine l’examen du texte portant réforme des retraites. L’hémicycle est désormais un peu plus clairsemé. Nous sommes maintenant dans une semaine d’initiative sénatoriale, qui permet de débattre sereinement de sujets aussi divers que variés. J’espère de tout cœur que ce texte recevra un avis favorable, particulièrement de votre part, monsieur le ministre, dont l’intérêt pour les arts et l’image est connu.

Le temps nous étant compté, je m’arrête ici afin que le vote puisse avoir lieu avant treize heures, sinon l’examen de ce texte sera reporté sine die !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur l’initiative de notre collègue Marie-Christine Blandin et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, nous examinons aujourd’hui une proposition de loi relative aux œuvres visuelles dites « orphelines ».

Avant de vous présenter la position de la commission de la culture, je veux saluer la détermination de Mme Blandin, qui nous a permis de prendre conscience de la situation des photographes professionnels et des enjeux du secteur de la photographie, notamment au regard des règles du droit de la propriété littéraire et artistique.

L’œuvre orpheline, qui n’est pas définie dans le code de la propriété intellectuelle, est une œuvre dont on ne retrouve pas l’auteur ou l’ayant droit qui, par définition, ne peut donner son consentement. Elle n’est donc, en théorie, pas exploitable. Mais la réalité peut être bien différente, notamment dans le secteur de la photographie.

C’est d’ailleurs pour réagir au constat de pratiques abusives au regard du droit de la propriété intellectuelle dans ce secteur qu’est née la volonté de déposer la présente proposition de loi. Tous les professionnels du secteur de la presse partagent ce constat : la situation est celle d’une banalisation inacceptable du recours à la mention « droits réservés » ou « DR » en lieu et place du nom de l’auteur de la photographie.

La commission de la culture ne peut que souscrire à cette analyse. Elle souhaite affirmer sa volonté de traiter ce sujet avec sérieux et détermination. Évidemment, comme le soulignait Mme Blandin, la photographie a toute sa place dans la culture et il ne serait pas acceptable d’en négliger les enjeux. Cependant, si nous partageons le constat dressé par les auteurs de cette proposition de loi, nous sommes plus que réservés sur les solutions qu’ils proposent. Nous pensons surtout qu’il est trop tôt pour se prononcer sur les contours politiques du système qui sera choisi pour traiter le cas des œuvres orphelines.

Une fois le constat dressé, le premier réflexe est d’envisager le préjudice moral et patrimonial subi par les photographes dont on utilise les œuvres. La mention « DR », que certains appellent non sans humour « droit à rien », prive le photographe non seulement du droit au respect de son nom et de son œuvre, mais aussi d’une juste rémunération de l’exploitation de son œuvre, c’est-à-dire de son droit patrimonial.

Cependant, les « droits réservés » recouvrent en fait des situations bien différentes qui n’ont pas nécessairement les mêmes conséquences sur les droits patrimoniaux des photographes. Les « droits réservés » concernent aussi bien des photographies de célébrités dites people, pour lesquelles photographes comme agences requièrent l’anonymat ; des photographies institutionnelles ou promotionnelles mises gracieusement à disposition dans les dossiers de presse, dont les auteurs sont en général rémunérés soit forfaitairement soit en qualité de salariés ; des photographies gratuites ou à très bas prix circulant sur Internet ; enfin, bien évidemment, des œuvres dont on n’a pas retrouvé le ou les ayants droit, c'est-à-dire des œuvres orphelines. Mais, d’après les personnes que nous avons auditionnées, ces dernières ne représenteraient que 3 % à 20 % des « DR ».

Ainsi, toute législation sur les œuvres orphelines vise un objectif qui dépasse la lutte contre la dérive de l’usage des « droits réservés », même si elle peut avoir un « effet vertueux », comme le souligne un récent rapport de l’inspection générale des affaires culturelles sur le photojournalisme.

D’ailleurs, la réflexion sur le traitement des œuvres orphelines est née avec l’émergence d’un débat bien plus large : celui de la numérisation du patrimoine écrit qui concerne la France mais aussi l’Union européenne, dont Europeana incarne la naissance du projet de bibliothèque numérique. Cela explique la mobilisation de la Commission européenne sur le sujet des œuvres orphelines, car le patrimoine comprend bien évidemment des œuvres dont on ne connaît pas les ayants droit et dont la numérisation et l’exploitation sont aujourd’hui bloquées.

Nous sommes face à un dilemme juridique entre, d’un côté, la valorisation du patrimoine, une meilleure accessibilité de la culture au plus grand nombre et, de l’autre, la prudence qu’impose toute dérogation au droit de la propriété intellectuelle. C’est parce qu’il s’agit de concilier deux objectifs a priori antagonistes que l’exercice est délicat. D’ailleurs, la Commission européenne, après une réflexion lancée en 2006, a travaillé à l’élaboration d’un projet de directive dont la présentation est imminente. Les grandes orientations européennes en la matière seront alors dévoilées, et nous connaîtrons la logique qui permettra d’autoriser l’exploitation des œuvres orphelines sur la base d’un système de reconnaissance mutuelle entre les États membres de l’Union européenne.

Parallèlement à cette mobilisation européenne, la commission des œuvres orphelines du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA, a rendu un avis en mars 2008. Son rapport met en évidence les points de vigilance à garder à l’esprit, propose une définition des œuvres orphelines et suggère une réforme législative pour recourir à la gestion collective obligatoire.

Finalement, la philosophie de ces travaux semble avoir guidé les auteurs de la présente proposition de loi. Cependant, il existe des différences notables dans la définition des œuvres orphelines, mais aussi dans l’approche sectorielle. Toutes les réflexions menées sur le sujet, à l’échelon tant national qu’européen, abordent conjointement les secteurs de l’écrit et de l’image fixe. C’est à la fois une approche pragmatique mais aussi une conception culturelle du livre, envisagé alors comme un tout, les images et le texte se complétant mutuellement.

Compte tenu des enjeux de numérisation du patrimoine écrit national, il semble étrange de n’envisager de légiférer que sur les seules œuvres visuelles. En pareil cas, l’exploitation des images contenues dans des ouvrages orphelins serait bloquée, ou alors cela pourrait donner des idées d’utilisation qui rompraient avec la logique de l’unité de l’œuvre écrite.

Notre commission a choisi de ne pas élargir le champ de cette proposition de loi au secteur de l’écrit, car elle pense, comme tous les acteurs entendus sur le sujet, que cela serait prématuré, de nombreux débats n’ayant pas encore été tranchés.

D’ailleurs, les questions soulevées par le système de gestion collective proposé à l’article 2 du présent texte semblent également loin d’avoir trouvé une réponse. Sans entrer dans le détail, permettez-moi tout de même d’évoquer plusieurs difficultés soulignées lors des auditions.

Concernant les délais d’autorisation d’exploitation, ne devrait-on pas fixer des durées maximales d’autorisation d’exploitation des œuvres orphelines, à définir en fonction des secteurs ou des utilisations en contrepartie du système dérogatoire proposé ?

De tels délais ne seraient-ils pas une garantie plus satisfaisante pour les ayants droit qui se manifesteraient, plutôt que la caducité des autorisations en cours proposée dans le texte ?

Comment éviter une confusion des rôles des sociétés de gestion collective qui, d’après la rédaction proposée, pourraient être juge et partie et avoir tendance à favoriser la reconnaissance du plus grand nombre d’œuvres orphelines possible afin d’en gérer les droits patrimoniaux ?

Comment s’assurer, enfin, que les barèmes établis ne favorisent pas une concurrence déloyale au profit des œuvres orphelines ?

Là encore, il semble prématuré de vouloir répondre à ces questions dans les délais qui nous sont impartis pour cette première lecture.

Je pourrais résumer mon propos et la position de la commission de la culture en trois points.

Premièrement, les « droits réservés » constituent un vrai sujet qu’il convient de traiter. Nous sommes désormais tous à l’œuvre pour trouver des solutions à ce problème, qui est d’ailleurs devenu l’un des thèmes abordés par les professionnels du secteur de la presse et par le ministère de la culture depuis le dernier festival Visa pour l’image, de Perpignan.

Deuxièmement, la proposition de loi semble aller bien au-delà de la problématique des « droits réservés », sans pour autant aller jusqu’au bout de la logique d’une législation sur les œuvres orphelines. Il serait hasardeux de légiférer sur les œuvres visuelles sans avoir tranché certaines questions qui concernent également le secteur de l’écrit.

Troisièmement, dans ces conditions, la commission de la culture a jugé préférable de ne pas adopter aujourd’hui l’ensemble de la proposition de loi, en particulier les articles 2 et 3 instaurant un système de gestion collective. Elle proposera néanmoins un amendement à l’article 1er visant à donner une définition plus fine des œuvres orphelines et à créer le cadre approprié de définition des critères permettant de l’appliquer.

Nous aurons ainsi jeté ensemble, avec les auteurs de cette proposition de loi, les bases d’une loi qui marquera très certainement une étape décisive dans l’élaboration du droit de la propriété intellectuelle. Nous serons évidemment attentifs aux travaux qui permettront d’enrichir ce texte au cours de la navette parlementaire et qui offriront l’occasion aux différents acteurs, à savoir les auteurs, les éditeurs, les pouvoirs publics, de trancher les nombreuses questions ainsi soulevées.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication

Monsieur le président, monsieur le président de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication Jacques Legendre, madame la sénatrice Marie-Christine Blandin, monsieur le rapporteur Jean-François Humbert, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un sujet d’engagement majeur du ministère de la culture et de la communication qui nous réunit aujourd’hui au Sénat autour de cette proposition de loi.

L’intérêt supérieur du journalisme, dans lequel j’inscris naturellement les photojournalistes, justifie une approche globale et mûrement réfléchie sur toutes les questions liées à l’économie du photojournalisme.

Je me suis exprimé à diverses reprises sur le sujet, à Arles à l’occasion des Rencontres internationales de la photographie, à Perpignan à l’occasion du festival Visa pour l’image, et j’ai déjà dessiné les grandes orientations d’une politique volontariste dans ce domaine depuis plus d’un an. Madame la sénatrice Marie-Christine Blandin, vous avez eu la bienveillance d’évoquer mon implication personnelle dans le domaine de la photographie ; je pense en particulier au travail que j’avais réalisé sur l’agence Rapho.

Vous le savez, la France a une longue tradition dans le domaine de la photographie. Sans remonter à l’invention de la photographie par Louis Daguerre et Nicéphore Niépce au début du XIXe siècle, force est de constater que les plus grandes agences de presse photographiques ont été françaises et que nous conservons encore dans ce domaine un savoir-faire et une notoriété internationale considérables.

Le photojournalisme gagne ses lettres de noblesse avec la naissance de grands magazines d’informations dont Match en 1938 ou Vu en 1928. La décennie suivante, leurs équivalents voient le jour aux États-Unis avec Life et Look. Ces magazines innovent dans la manière de raconter les faits en décidant de recourir à la photographie pour montrer, témoigner toujours, accuser parfois. Cette forme de journalisme moderne commence à prendre de l’ampleur lors de la guerre d’Espagne et ne fera que se développer à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

En 1947, l’agence Magnum est créée aux États-Unis : un de ses fondateurs, aux côtés de Robert Capa et de David Seymour, est un Français, Henri Cartier-Bresson.

À partir des années soixante, Paris devient un carrefour incontournable pour les photographes de presse du monde entier. L’agence Gamma est créée en 1966 par Raymond Depardon et le très regretté Gilles Caron.

En 1973, l’ancien directeur de Gamma, Hubert Henrotte, crée l’agence Sygma.

Ce sont les Trente glorieuses de la photographie, l’époque où les magazines publient des grands reportages sur les conflits nés de la décolonisation ou de la bipolarisation du monde, sur les sujets de société, à l’image de l’œuvre de Sebastiao Salgado sur l’homme et le travail. Les photographes laissent alors leurs négatifs et leurs planches-contacts en dépôt dans les agences. Celles-ci se chargent de leur commercialisation, puis de la rémunération de leurs auteurs.

Progressivement, la structure des agences photos évolue, car de nombreux photographes optent pour le statut de salariés et acceptent que des sujets leur soient imposés. Leur nombre se multiplie et de petites agences spécialisées apparaissent.

Mais aujourd’hui, les effets de la crise que traverse le secteur affectent aussi les grands magazines de photos, ce qui les conduit à faire des choix économiques qui ne sont pas toujours favorables aux photojournalistes et à leurs lecteurs. Une idée, très contestable, circule : la photo ne fait plus vendre un journal. Le changement de devise du journal Paris Match illustre particulièrement ce propos et résume l’évolution de sa politique éditoriale. En 2006, il abandonne sa devise historique « le poids des mots, le choc des photos » au profit de la devise « la vie est une histoire vraie ». Un signe des temps !

Il m’a paru opportun de faire ce bref rappel historique pour vous dire combien je suis attentif à la situation actuelle du photojournalisme. Dans mon parcours professionnel, dans les documentaires que j’ai réalisés, j’ai moi-même travaillé étroitement avec plusieurs grands noms de la photographie française et internationale. Cette profession représente selon moi un enjeu majeur pour la liberté d’expression, le pluralisme démocratique, la diversité des opinions et le droit à l’information. Elle est aussi un atout pour la vitalité éditoriale de la presse française.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, la situation actuelle s’est considérablement dégradée. À l’instar du reste de la presse, et pour des raisons sans doute différentes, le photojournalisme traverse une crise grave et inquiétante.

Les agences de presse photos rencontrent des difficultés chroniques, comme l’illustrent des exemples récents : après la fermeture de l’agence l’Œil public et la liquidation du groupe Eyedea, puis sa reprise partielle par M. François Lochon, ancien directeur de Gamma, l’agence Sygma, l’une des agences de photojournalisme les plus importantes, rachetée en 1999 par le groupe Corbis, a été placée en liquidation judiciaire au mois de mai dernier.

Aujourd’hui, le marché mondial de la photo est guidé par une nouvelle génération d’agences qui pratiquent une politique tarifaire prédatrice, face à laquelle les agences et les photographes français peinent à lutter. Par ailleurs, on constate que, dans les rédactions, la force de l’écrit l’emporte souvent sur celle de l’image, alors même que cette dernière a une véritable valeur éditoriale.

Plusieurs raisons expliquent ces difficultés spécifiques du métier de photojournaliste : difficultés économiques et sociales liées à la crise que traverse la presse, émergence de nouvelles concurrences, explosion d’une offre portée par la photo amateur. Cette évolution provoque une profonde déstabilisation des équilibres d’une profession déjà fragilisée.

En effet, la démocratisation numérique facilite le partage des images. Elle rend plus aisée leur circulation et leur mise à disposition d’acquéreurs potentiels par une diffusion sur Internet. Cette technologie permet aux professionnels, mais aussi aux amateurs, de présenter leurs photos sur des réseaux mondiaux. Des sites se sont créés pour collecter ces photos et les proposer à la vente.

La concurrence de sites en ligne qui proposent à très bas prix les photos – Citizenside ou Fotolia, par exemple – crée une tension sur le marché et introduit l’idée erronée que la photo a peu de valeur et que toutes les photos se valent, celles du professionnel comme celles de l’amateur. Face à la multiplication des supports d’information, dans une société soumise à un bombardement incessant d’images, les magazines semblent aujourd’hui préférer l’instantané, qui illustre ponctuellement un événement ou une personnalité médiatique, plutôt que la photographie élaborée avec patience, précision et, souvent, avec un engagement personnel considérable, que l’on mesure malheureusement mal.

En d’autres termes, la photographie risque de devenir un objet anonyme, intrinsèquement lié à notre quotidien, en quelque sorte banalisé. Elle a perdu sa dimension créative : la rencontre d’un œil et d’un fait, celle qui fait dire à Roland Barthes que ce qu’elle « reproduit à l’infini n’a lieu qu’une fois ».

Face à cette nouvelle réalité, le recours à la mention « droits réservés » est porteur de risques considérables pour la profession. Sa banalisation ajoute encore aux difficultés que je viens de rappeler.

L’usage incontrôlé par certaines publications de presse de la mention « droits réservés » en lieu et place du crédit photo pose aujourd’hui problème. Si les libertés prises avec le code de la propriété intellectuelle ont été acceptées par les photojournalistes lorsqu’ils n’étaient pas confrontés à des difficultés économiques, tel n’est plus le cas aujourd’hui. Cette situation n’est ni satisfaisante d’un point de vue juridique ni souhaitable d’un point de vue économique, moral. Elle est ressentie comme une dépossession, comme un déni de la qualité du travail fourni.

Soyons précis : une photo qui comporte la mention « droits réservés », ou « DR », recoupe différentes utilisations. Elle n’est pas toujours synonyme de photo dite « orpheline », c’est-à-dire d’une photo dont les titulaires des droits n’ont pu être identifiés. Le rapport que j’ai moi-même diligenté auprès de l’Inspection générale des affaires culturelles a mis en évidence la diversité des usages en matière de droits réservés.

Dans de nombreux cas, il s’agit en réalité de photos données aux magazines par des entreprises présentant leurs nouveaux produits, par des chaînes de télévision souhaitant illustrer les programmes qu’elles diffusent, par des offices du tourisme faisant la promotion d’une région. Ces photos sont la plupart du temps extraites de dossiers de presse. Elles ne sont pas orphelines : leur auteur a vraisemblablement été rémunéré, mais il n’est pas fait mention de son nom dans le crédit.

Certains photographes, je pense notamment aux paparazzi, ne souhaitent pas que leur nom soit indiqué sous une photo de personnalité. On peut le comprendre. Dans la plupart des cas, ils n’ont pas respecté le droit à l’image en sollicitant un accord avant toute prise de vue photographique.

Il convient d’ajouter les photos d’amateurs diffusées sur Internet sans restriction d’exploitation ou d’usage, sans indication du nom de l’auteur.

Enfin, je citerai les rédactions de journaux qui, pour des impératifs de bouclage du titre, ne prennent pas toujours le temps de vérifier le nom du photographe et pensent se couvrir en ajoutant la mention « DR » à côté de la photographie.

Cette situation de flou juridique et d’incertitude ne peut que rejaillir sur les photojournalistes et sur les conditions d’exercice de leur métier. Régler la question des « droits réservés » ne peut se faire sans l’adoption d’un code de bonne conduite, ainsi que l’a rappelé dans le récent rapport que j’ai déjà mentionné l’Inspection générale des affaires culturelles. Mais la question des « œuvres orphelines » dépasse très largement celle des droits réservés. C’est une priorité à laquelle il convient d’apporter une solution, mais cela ne peut se faire au détriment de la qualité et de la cohérence de la loi. Il importe surtout de promouvoir une approche transversale de la création et de la protection des auteurs à l’ère de la numérisation de masse.

C’est pourquoi il est légitime que la représentation nationale se saisisse d’un sujet qui engage si fortement la liberté et la qualité de l’information dans notre pays.

Je tiens ici à remercier les parlementaires qui ont pris l’initiative de déposer cette proposition de loi. Je vous confirme mon plein accord et mon assentiment afin que nous élaborions un texte qui permette une exploitation licite des œuvres orphelines, qui en organise la gestion collective et qui garantisse la transparence et la publicité dans la reconnaissance du caractère orphelin des œuvres concernées.

Cependant, je regrette que cette proposition de loi ne résolve pas encore toute la question posée par les photos publiées sous mention « DR ». Comme je viens de le rappeler, les origines de son utilisation sont multiples. S’il est judicieux de légiférer sur des images fixes de presse effectivement orphelines, il est aussi souhaitable de renvoyer à un code de bonne conduite les autres cas de photos comportant la mention « DR » afin d’en bannir l’utilisation abusive. Ce code aurait aussi l’avantage de susciter une prise de conscience salutaire.

Cette proposition de loi pose par ailleurs de très sérieuses questions quant à son champ d’application, qui doit être apprécié au regard du cadre constitutionnel français, du contexte juridique international et dans un souci de cohérence avec la doctrine française d’œuvre orpheline.

En outre, ce texte me semble arriver trop tôt dans le calendrier, car un projet de directive sur les œuvres orphelines est en cours d’élaboration par les services de la Commission européenne. Je souhaite soutenir une initiative législative – la loi française doit évoluer –, mais nous ne pouvons pas prendre le risque de voter un texte qui ne serait pas compatible avec une norme européenne. Le projet de la Commission doit être prochainement soumis au Conseil. Il devrait être connu à la fin du mois de novembre, si le calendrier annoncé est respecté.

Comme je m’y suis engagé à différentes reprises au cours de l’été, j’ai demandé à mes services d’élaborer un projet de texte qui sera soumis à la concertation, en lien avec les partenaires sociaux et, plus généralement, toutes les parties intéressées par le sujet. Cette concertation devrait s’engager tout prochainement.

Cette concertation sur tous les aspects de la question des droits réservés doit s’inscrire de manière cohérente au sein du code de la propriété intellectuelle et, comme l’avait suggéré le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, couvrir de manière homogène l’image fixe, particulièrement la photographie, mais aussi les œuvres de l’écrit, également soumises à des perspectives d’exploitation nouvelles du fait des avancées en matière de numérisation. Enfin, tout en renforçant les droits des auteurs, il s’agit d’apporter une sécurité juridique aux divers utilisateurs, notamment aux éditeurs, quels que soient les supports en jeu.

Je remercie donc vivement la commission pour le travail remarquable qui a été accompli et pour les propositions qu’elle a formulées. Si votre assemblée les confirme, la proposition de loi poursuivra son parcours au sein du Parlement, confirmant notre volonté partagée : trouver un cadre législatif durable, équilibré et efficace.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, mon ministère est pleinement engagé en faveur de la protection des droits et de la création dans le domaine de la photographie.

Je profite de cette occasion pour souligner combien l’avenir du photojournalisme dépend du redressement économique global de tous les acteurs, ainsi que du financement équilibré du travail des photojournalistes, étant entendu que le photojournalisme et le photoreportage recouvrent des notions complémentaires, mais pas identiques. Il est essentiel d’y réfléchir et d’effectuer toutes les concertations nécessaires pour mettre en œuvre les meilleures solutions.

Une action globale est nécessaire. Je prendrai pour exemple nos dernières initiatives prises dans le cadre des investissements d’avenir : c’est un outil que je souhaite mettre à contribution au service de la photographie et du photojournalisme. Sur le modèle de ce qui a été entrepris dans le domaine du cinéma ou du livre, je travaille actuellement à un projet de numérisation des fonds d’agences photographiques françaises. C’est un enjeu d’ordre économique, culturel et stratégique : il s’agit d’apporter aux détenteurs de ces fonds les moyens de valoriser une richesse patrimoniale, de la diffuser au travers de nouveaux supports et de développer ainsi une nouvelle économie numérique.

J’ai déjà eu l’occasion de l’affirmer : la photographie est une œuvre, dès lors qu’elle est originale, c’est-à-dire qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur. Elle a donc une valeur.

À ce titre, il est légitime que cet auteur soit reconnu comme tel et qu’il puisse être rémunéré pour son activité. Sans cela, comment imaginer que le photojournalisme poursuive sa mission de témoignage et de mémoire pour les prochaines générations ? Milan Kundera le dit clairement dans L’Immortalité : « La mémoire ne filme pas, la mémoire photographie ». Le photojournalisme est un formidable réservoir de contenus, d’histoires vécues, qui ne cesse de s’enrichir : montrer, faire rêver, provoquer parfois, éveiller nos consciences toujours. C’est là son rôle, c’est là sa spécificité. Pour répondre aux enjeux d’une mondialisation parfois mal régulée, je suis persuadé qu’un lien fort doit exister entre information et culture. Cela suppose la diversité des approches, l’ouverture au monde, la liberté de voir et, bien évidemment, de faire voir.

Applaudissements

Debut de section - PermalienPhoto de Ivan Renar

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la photographie, dans sa riche diversité, rencontre un engouement public qui ne se dément pas. Sur le marché de l’art, certains clichés atteignent des prix faramineux. Et pourtant nous assistons paradoxalement à une paupérisation des photographes professionnels qui ne fait que s’accentuer d’année en année, comme en témoigne la mise à mal de nombre d’agences ou de collectifs de photographes, dont beaucoup ont dû mettre la clé sous la porte malgré leur notoriété internationale.

C’est pourquoi cette proposition de loi, même si elle ne résout pas tout, est vraiment indispensable pour que le métier de photographe ne disparaisse pas, tant il est malmené aujourd’hui en raison notamment de la baisse des revenus liée à la spoliation des droits d’auteur.

Alors que notre société ne peut pas se passer de l’image, devenue omniprésente, comment accepter que l’on puisse bafouer les droits de ceux qui la produisent ? Comme pour la musique, la « culture de la gratuité » est une véritable calamité pour la photo. Et cette proposition de loi vise bien à stopper l’usage massif des images prises en ligne et exploitées sans l’accord de leur auteur ou des ayants droit.

Quelle que soit la nature de leurs activités, en effet très diversifiées, les photographes sont soumis aux pressions de tous les utilisateurs d’images, qu’ils soient privés ou institutionnels. Il est malheureusement devenu banal que des photos soient publiées à l’insu des photographes, bafouant ainsi le droit de la propriété littéraire et artistique. Bien trop de diffuseurs et d’éditeurs préfèrent passer outre l’étape de l’identification de l’auteur, ignorant ainsi à bon compte le respect du droit d’auteur, qui est – on ne le répétera jamais assez – un droit à la fois patrimonial et moral.

C’est pourquoi notre groupe est favorable à l’ensemble des dispositions de la présente proposition de loi, qui constitue une avancée considérable. Il est en effet nécessaire de prévoir sans tarder un dispositif permettant de rendre licites l’exploitation des œuvres visuelles orphelines et, par voie de conséquence, la gestion collective obligatoire des droits attachés à celles-ci.

Cette proposition de loi est un premier jalon, ce qui ne nous empêchera pas de légiférer, peut-être dans un deuxième temps, sur les œuvres orphelines écrites. Celles-ci aussi ont besoin d’un cadre légal et de la création d’une instance publique de gestion de leurs droits, comme je l’ai ardemment prôné lors du débat sur la numérisation des livres. Mais l’urgence aujourd’hui est bien d’avancer sur les images fixes, compte tenu des abus constatés, qui sont lourds de conséquence.

Ces dernières années, la photo, comme l’ensemble des disciplines artistiques, a été bouleversée par le développement du numérique et d’Internet. Mais indépendamment de ces facteurs technologiques, les violations du droit ont largement contribué à la précarisation des photographes professionnels. D’où l’importance de prévenir cette pratique de la mention DR, qui, comme le formule si bien le président de l’Union des photographes professionnels – cela a été rappelé –, est devenue synonyme de « droit à rien ».

Les rémunérations des photographes ont fortement chuté. La crise profonde que traversent les médias, et la presse en particulier, pousse à la remise en cause de la réutilisation des images. Il n’est pas acceptable que de plus en plus de diffuseurs imposent des contrats prédateurs aux auteurs. La logique aujourd’hui devenue dominante est celle de la cession totale des droits d’auteur au bénéfice du commanditaire. C’est un glissement vers le copyright nord-américain qui dénie notre code de la propriété intellectuelle. Les photographes sont de plus en plus contraints de renoncer à leurs droits d’auteur, dès lors que leur travail a été rétribué. C’est ainsi que nombre de photos publicitaires, promotionnelles, etc. deviennent orphelines, en trompe l’œil, en quelque sorte.

Et que dire de l’apparition de photothèques proposant des images « libres de droits », alors même que cette notion n’est pas légale en France ? Elles ont bien vocation à être traitées sous le régime juridique des œuvres orphelines.

Par ailleurs, il est particulièrement inquiétant que la quasi-totalité de la mémoire et du patrimoine visuels du monde soit devenue la propriété d’une poignée de multinationales. Monsieur le ministre, ces « banques d’images » portent bien leur nom : elles s’accaparent un maximum de droits d’exploitation des œuvres, concentrant ainsi le patrimoine iconographique mondial. Ce qu’elles achètent, ce n’est pas tant le support matériel que le monopole exclusif d’exploiter la mémoire collective de l’humanité !

De plus, les différents acteurs de l’édition ont trop tendance à se fournir en photos gratuites ou presque, au travers des services de presse, des agences de communication ou directement sur Internet via les plateformes d’échanges, ou encore en passant par des fonds « microstocks », qui proposent des photos à moins de 1 euro.

C’est pourquoi je me réjouis de la mobilisation des nombreux photographes qui ont travaillé sur la « charte de la photographie équitable », véritable vade-mecum éthique pour tous les usagers. C’est un outil pertinent, mais qui ne suffit pas, d’où toute l’importance d’adopter cette proposition de loi dans son intégralité.

Celle-ci est une première étape qui devrait améliorer les relations entre éditeurs et auteurs, avec des solutions équitables pour sortir de la tendance actuelle du tout gratuit.

Quand on parle d’œuvres visuelles, cela inclut également les œuvres graphiques ou d’illustration, le dessin, la reproduction d’œuvres d’art, notamment.

Il faudra, me semble-t-il, réfléchir à un dispositif permettant que les sommes collectées au titre de « l’auteur inconnu » ou « introuvable » puissent bénéficier prioritairement aux auteurs d’images fixes. Une partie des sommes collectées pourrait également être affectée à l’amélioration des outils d’identification des auteurs et de reconnaissance des images fixes.

En tout état de cause, une législation sur les œuvres orphelines est non seulement une priorité, mais aussi une urgence. On ne peut pas se permettre de remettre à plus tard un dispositif sous prétexte qu’un projet de directive européenne est en cours. On sait qu’il faudra plusieurs années pour transposer cette directive. Pendant ce temps, combien de photographes déjà fortement fragilisés vont disparaître ?

D’autant que cette loi est aussi attendue par les conservateurs d’archives et de bibliothèques, qui ont besoin de sécurité juridique à l’égard des œuvres orphelines dans le cadre de la numérisation de leurs fonds. Ils conviennent qu’il est tout à fait possible de concilier les droits des créateurs avec l’exigence d’un accès élargi du public à la culture.

En outre, les cas de censure et, par voie de conséquence, d’autocensure ne font que se multiplier, comme en témoignent, d’une part, les procès intentés à l’occasion de certaines expositions d’art visuel ou, d’autre part, les mesures « préventives » pour éviter d’éventuels recours devant la justice.

Pour parler franchement, je m’inquiète du fait que cette proposition de loi se trouvera en quelque sorte détricotée, seul l’article 1er étant sauvegardé, même si un article additionnel a été accepté tout à l’heure par notre commission.

Pour ma part, je reste convaincu que la non-adoption de certaines dispositions pourtant fondamentales revient à tarir la production d’images photographiques. En effet, il est essentiel d’aller au-delà de la définition de l’œuvre orpheline, car, sans avancée législative supplémentaire, nombre de photographes renonceront à leur métier, faute de pouvoir en vivre. Il nous revient de faire respecter leurs droits, auxquels s’attachent l’ensemble des articles de cette proposition de loi, même s’ils sont perfectibles.

S’ils n’apportent pas toutes les solutions à l’ensemble des difficultés évoquées, les articles 2 et 3 auront un impact certain et de réels effets vertueux, car ils contribuent à revaloriser un patrimoine aujourd’hui trop souvent vilipendé.

Vous comprendrez donc ma réserve devant un texte qui a été, pour une part, vidé de sa substance. Mais je n’ai pas voulu amender cette proposition de loi pour respect envers ses auteurs, auxquels je tiens à laisser tous leurs droits… §

Monsieur le ministre, j’ai bien noté votre engagement résolu pour faire de la photographie et aussi de la numérisation des œuvres de l’esprit des chantiers majeurs. D’ailleurs, le tee-shirt vous va très bien ! §

Ce n’est qu’un début ; continuons le débat ! Le chantier est ouvert. J’espère qu’un jour viendra où les orphelinats visuels seront fermés !

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Pignard

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lors de la réunion de la commission le 20 octobre, plusieurs intervenants ont déploré que l’étude de cette proposition de loi ait été perturbée par des débats d’une tout autre nature nous ayant contraints à des horaires démentiels.

Ainsi, pour ma part, délégué par mon groupe pour assurer en séance les permanences de fin de semaine, je n’étais pas à Paris ce mercredi et je n’ai pas pu assister aux travaux de notre commission. Je n’en ai pas moins lu attentivement le texte proposé et les arguments développés par le rapporteur, et ils m’ont convaincu.

En les reprenant à mon compte, j’ai bien le sentiment d’enfoncer une porte ouverte et de ne rien vous apprendre. Mais si répétition il y a, elle ne prolongera que de quelques minutes ce débat. On sera loin des cent quarante-cinq heures du débat sur la réforme des retraites, dont nous sortons épuisés, mais vivants !

S’agissant de la proposition de loi qui nous est soumise, comme vous tous, je me félicite de cette initiative, qui honore leurs auteurs et répond, fût-ce partiellement, aux attentes des professionnels.

Néanmoins, il faut se garder de deux écueils à propos des œuvres orphelines, l’angélisme et la précipitation.

D’abord, gardons-nous d’un certain angélisme. On s’apitoie généralement sur un orphelin... Mais le fait de s’apitoyer sur lui ne doit pas masquer la diversité des situations et leurs complexités : il y a de vrais orphelins, des demi-orphelins et parfois même des faux orphelins.

La proposition de loi donne une définition : « L’œuvre orpheline est une œuvre dont le ou les titulaires des droits ne peuvent pas être déterminés, localisés ou joints, en dépit de recherches appropriées. »

Trois éléments caractérisent cette définition.

Il s’agit, d’abord, de l’existence d’un ou de plusieurs titulaires de droits. Cette précision est importante, car une œuvre peut être collective ou composite. Dans ce cas, il peut être possible de ne localiser qu’une partie des auteurs, ce qui rend l’œuvre partiellement orpheline.

Il s’agit, ensuite, de l’impossibilité de déterminer, de localiser ou de joindre ces titulaires.

Il s’agit, enfin, de la preuve que des recherches diligentes ont été effectuées.

Sans anticiper sur l’examen de l’amendement, je précise que je partage totalement l’avis selon lequel la phrase retenue est floue. En revanche, l’expression « avérées et sérieuses », recommandée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, semble adaptée.

En clair, pour nous garder de l’angélisme, disons clairement qui est orphelin, qui ne l’est qu’à moitié et qui ne l’est pas du tout.

Le texte de la proposition de loi ne traitant pas ce sujet, ce serait aux sociétés de gestion collective de l’apprécier. Il apparaît donc nécessaire qu’une instance paritaire représentative des auteurs et des utilisateurs soit chargée de définir les critères.

Ensuite, gardons-nous d’une certaine précipitation. La rédaction des articles 2 et 3 soulève plusieurs difficultés. Tout d’abord, leur champ d’application couvre non seulement les photographies, comme pourrait le laisser supposer l’exposé des motifs, mais aussi un ensemble d’œuvres protégées.

Plusieurs remarques peuvent être formulées :

D’abord, outre le fait que la proposition de loi aurait pu mentionner la notion d’image fixe, l’étendue du champ paraît large au regard du caractère dérogatoire du dispositif proposé. Par ailleurs, il n’a pas été constaté de phénomène d’orphelinat, par exemple pour des œuvres relevant de l’architecture ou de la peinture.

Des questions telles que le reversement des droits en cascade, qui pourraient se révéler nécessaires, n’ont pas été tranchées.

Ensuite, la commission estime qu’il serait prudent d’appréhender toutes les questions relatives aux œuvres orphelines pour les secteurs de l’écrit et de l’image fixe, mais qu’il serait évidemment prématuré d’englober dès à présent le secteur de l’écrit.

Par ailleurs, le fonctionnement des sociétés de perception et de répartition des droits, les SPRD, paraît aussi confus et dangereux. Elles seraient à la fois juge et partie. Rien ne précise dans quelles conditions seraient délivrées les autorisations d’exploitation.

Enfin, faut-il trancher aujourd’hui, alors qu’une directive européenne est annoncée pour la fin du mois prochain ? J’entends bien le scepticisme de certains sur l’efficience de cette date, mais si la directive est effectivement publiée le 23 novembre, comme l’assure notre rapporteur et comme le laisse entendre le ministre, il serait peu sage de vouloir anticiper et de nous précipiter.

L’article 2 est intimement lié à l’article 3. Dès lors, si l’un est supprimé, l’autre tombera automatiquement.

Néanmoins, sur le fond, je rejoins la commission lorsqu’elle suggère que les sommes collectées au titre de l’exploitation des œuvres orphelines soient affectées à l’amélioration des conditions de recherche des ayants droit.

Cela étant, monsieur le ministre, je ne suis pas tout à fait insensible au souhait exprimé par certains qu’une partie de ces sommes aille aussi au soutien au spectacle vivant, à la création, la diffusion ou la formation. Alors que la crise nous touche tous, y compris les artistes, ce serait pour les consommateurs une brise légère qui leur apporterait un peu d’air frais.

Mes chers collègues, vous l’avez bien compris, le groupe de l’Union centriste suivra la commission dans ses préconisations.

À l’instar de Mme Blandin, je n’épuiserai pas le temps de parole qui m’était imparti, puisque l’essentiel de ce que je voulais dire a déjà été exprimé. Ainsi, je ne retarderai pas le moment du vote. Surtout, cela permettra à David Assouline de se coucher un peu plus tôt ce soir, lui qui se plaignait en commission du fait que la longueur de certaines séances publiques nocturnes avait quelque peu perturbé l’examen par la commission de la présente proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail accompli par notre collègue Marie-Christine Blandin, qui a eu l’initiative de cette proposition de loi, en étroite collaboration avec les organisations professionnelles.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le ministre, la présente proposition de loi porte sur un sujet majeur.

À mon sens, notre travail sera doublement utile. D’une part, cela aidera à préserver le métier de photographe, qui est aujourd’hui menacé par les pratiques de certains éditeurs. D’autre part, et d’une manière plus générale, nous montrons ainsi que le Parlement est soucieux de protéger le droit d’auteur dans tous les arts.

En effet, en matière d’utilisation des photographies, qu’il s’agisse d’édition ou de presse, nous sommes insensiblement passés du stade du droit à celui de l’usage. Le droit, c’est celui qu’a chaque photographe d’être justement rémunéré pour son travail. L’usage, c’est la multiplication des mentions « droits réservés » au coin des images publiées.

Que signifie la mention « droits réservés », souvent réduite à un simple sigle « DR » ? Elle signifie que l’auteur de l’image est inconnu et qu’en conséquence les droits afférents à l’utilisation de cette image ne lui seront pas versés. On comprend l’origine de cet usage. On comprend moins son extension à un nombre croissant d’images dont les auteurs sont vivants et connus. Ou plutôt, on ne comprend que trop bien : ce simple « DR » exonère l’éditeur d’avertir l’auteur de la reproduction de son œuvre et de le rémunérer en conséquence. Deux types de droits sont alors bafoués : le droit moral, c’est-à-dire la maîtrise par l’auteur de la cession de son œuvre, et les droits patrimoniaux attachés à cette œuvre.

Pourtant, en principe, notre droit protège correctement les droits des auteurs d’œuvres visuelles, comme de toutes les œuvres de l’esprit. Au frontispice du code de la propriété intellectuelle figure un principe simple et extrêmement protecteur : l’article L. 111–1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre jouit sur cette œuvre d’un droit de propriété « du seul fait de sa création ».

Pourquoi n’est-ce plus le cas des photographies ? À l’origine, la mention « DR » était utilisée pour signifier que l’auteur n’avait pu être retrouvé. Elle permet aux diffuseurs d’éviter la procédure juridictionnelle très lourde d’autorisation d’utilisation d’une œuvre. En réalité, cette pratique pourrait être protectrice pour les photographes si elle n’était devenue systématique.

Aujourd’hui, il est extrêmement simple d’orner une image publiée de la mention « DR » alors même que l’auteur n’a pas été recherché ou, pis, qu’il est connu, mais que l’éditeur décide de ne pas le rémunérer.

Le phénomène des œuvres orphelines touche tous les secteurs de la création artistique, mais son impact est très contrasté. Ainsi, dans son rapport sur les œuvres orphelines rendu le 19 mars 2008, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique a recommandé un traitement différencié selon les secteurs. En effet, les secteurs de l’écrit et de l’image fixe sont bien plus massivement touchés que l’audiovisuel ou la musique. Une étude réalisée en juin dernier par le Syndicat national des auteurs et diffuseurs d’images a montré que 90 % des images actuellement publiées dans la presse le sont sans mention de leur auteur. Ce constat est également présent dans les conclusions des états généraux de la presse. Cette tendance a été aggravée ces dernières années avec la disparition des responsables de l’image dans les structures des sociétés d’éditeurs.

Les photographes sont donc désormais privés d’interlocuteurs directs chez les diffuseurs et les pratiques des éditeurs ont évolué vers une recherche de photographies à bas coût. Bien sûr, ce phénomène tend à croître encore avec la diffusion d’innombrables images sur Internet. Une lettre ouverte des photographes indépendants aux parlementaires fait mention d’une chute des droits d’auteur dont la valeur aurait été divisée par cinq entre 2005 et 2010.

La systématisation de la mention « DR », c’est-à-dire la spoliation répétée des droits des photographes doit être mise en relation avec la crise que connaît actuellement cette profession. En janvier dernier, monsieur le ministre, vous avez commandé à l’Inspection générale des affaires culturelles, l’IGAC, un rapport sur la situation économique et sociale de la profession des photojournalistes. L’état des lieux est accablant : en dix ans, 52 % des entreprises de photographie ont disparu. Toutes les composantes de la profession ont été affectées par la baisse significative du prix des photos ces dernières années.

Alors que notre droit est en principe protecteur, pourquoi est-il aujourd’hui insuffisant ? D’une part, les procédures juridictionnelles permettant de recouvrer les droits afférents aux œuvres indûment utilisées sont lourdes et coûteuses. D’autre part, les sociétés de perception et de répartition des droits ne sont habilitées à agir que pour défendre un auteur identifié.

Dans tout autre domaine, ce détournement du droit aurait un nom : le piratage. Aujourd’hui, nous devons l’admettre, les photographes sont confrontés à un phénomène de piratage massif et l’équilibre économique de leur profession est gravement menacé.

Avec ce texte, nous proposons simplement de mettre fin à cette aberration juridique et de mieux protéger les droits patrimoniaux des photographes. Un artiste, comme tout travailleur, mérite rémunération pour le travail accompli. Ce constat, très simple, est à la base du droit de la propriété artistique dans notre pays. C’est aussi ce principe que nous avons suivi pour protéger les œuvres menacées par le piratage. Ce que nous avons fait hier pour le disque, nous devons le faire aujourd’hui pour la photographie.

Marie-Christine Blandin a décrit le dispositif qu’elle propose pour répondre au défi juridique que constituent les œuvres orphelines.

Il s’agit, d’abord, de définir les œuvres orphelines.

Il s’agit, ensuite, de déterminer leur mode de rémunération. Nous proposons, en accord avec les recommandations émises par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique dans son avis de 2008, que la délivrance des autorisations de reproduction ou de représentation d’une œuvre orpheline soit organisée par une société de perception et de répartition des droits d’auteur. Ces sociétés de gestion collective seraient agréées, à cet effet, par le ministère de la culture afin de fixer par un accord interprofessionnel spécifique le barème et les modalités de versement de la rémunération due pour l’exploitation d’une œuvre orpheline.

Nous estimons, en effet, qu’un régime de gestion collective obligatoire serait la solution la plus appropriée pour la rémunération des œuvres orphelines. Il sera ainsi possible aux éventuels ayants droit de faire valoir les droits qui s’y attachent au titre du droit d’auteur ou, en l’absence d’ayants droit notoires, de procéder à une gestion conservatoire des droits s’attachant à ces œuvres.

Enfin, une procédure de réversion est prévue en cas de découverte, postérieure à sa publication ou représentation, des auteurs d’une œuvre. Si l’auteur ne peut être découvert, notre projet prévoit, à l’issue d’une période de dix ans, que les droits soient affectés aux aides à la création artistique, comme c’est déjà le cas en droit commun de la propriété littéraire et artistique pour les sommes non perçues au titre de la reproduction d’autres types d’œuvres à l’issue de ce même délai.

Ce dispositif est équilibré et permettrait une réelle protection des auteurs de photographies. Pourtant, monsieur le rapporteur, vous venez de nous faire part de vos réticences, d’ailleurs partagées par certains membres de la commission de la culture. Néanmoins, en tant que rapporteur d’une proposition de loi présentée par l’opposition, vous n’avez pas demandé le rejet de ce texte, ce dont nous vous savons gré.

Le texte que vous nous proposez, s’il représente une avancée dans certains domaines, reste encore bien trop timoré. Nous devons dépasser ces réticences et proposer un système ambitieux, permettant la juste rémunération de tous les acteurs de ce secteur.

Vous avez évoqué un problème de calendrier.

Tout d’abord, monsieur le rapporteur, vous estimez, comme nous, que le problème de la pratique abusive des « droits réservés » constitue un réel défi, notamment pour le secteur de la photographie déjà en crise.

Mais vous ajoutez aussitôt que nous sommes sans doute allés trop vite en déposant ce texte spécifique aux œuvres visuelles. Cet argument de calendrier est, selon nous, peu convaincant. Tous les acteurs s’accordent à demander une modification rapide de la législation. Déjà, en 2008, le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique estimait que l’état du droit ne permettait pas de résoudre le problème, et qu’une réforme législative était nécessaire et urgente.

Vous faites également valoir, monsieur le rapporteur, qu’une directive serait en préparation à Bruxelles et qu’il serait absurde d’anticiper sur son contenu.

Effectivement, l’élaboration d’un texte semble en cours. Mais il serait illusoire de croire que cette future directive viendra très vite combler les lacunes de notre droit. Comme pour toutes les autres directives, ce texte ne sera probablement pas applicable en droit français avant plusieurs années.

Outre le temps d’élaboration et d’adoption de la directive, la France disposera de dix-huit mois pour la transposition en droit interne : on connaît les lenteurs de l’administration en la matière. Ainsi, la directive sur les droits d’auteur et droits voisins dans la société de l’information, publiée le 22 mai 2001, n’a été transposée qu’en 2006. Au rythme actuel de dégradation des conditions de rémunération des photographes, nous risquons donc de ne disposer d’une législation appropriée que lorsque la profession aura été définitivement sinistrée.

Monsieur le ministre, vous aviez annoncé que la réforme de la législation sur les œuvres orphelines devait être menée à l’hiver 2010. C’est ce que nous vous proposons avec ce texte.

Il a également été affirmé que ce texte entrait en contradiction avec le droit communautaire.

La future directive sera d’autant plus longue à élaborer qu’elle ne traitera de la question des œuvres visuelles orphelines que de façon annexe. Elle sera, en effet, consacrée à l’ensemble des secteurs de la création.

Par ailleurs, monsieur le rapporteur, vous estimez qu’il reviendra à cette future directive de régler le problème. Pourtant, rien n’empêche de trouver des solutions nationales dans l’attente d’une hypothétique modification du droit communautaire.

En fonction des usages nationaux, chaque pays peut trouver une solution satisfaisante dans le respect des règles communautaires, notamment de la directive de 2001, sans qu’il soit besoin de modifier la législation communautaire existante.

En effet, rien ne prouve que le dispositif que nous proposons pour gérer le problème des œuvres orphelines ne serait pas compatible avec les exigences communautaires. L’état de la réflexion sur un éventuel futur régime pour les œuvres orphelines étant très différent d’un pays membre à l’autre, il est sans doute nécessaire de laisser chaque pays mener une réflexion propre et élaborer ses solutions.

Ce texte serait une atteinte au droit moral, selon vous.

J’ai pu lire que le dispositif présenté par la proposition de loi reflétait une certaine confusion des genres et risquait de porter sur l’exercice du droit moral. Il n’en est rien. Dans le système que nous proposons, les sociétés de perception et de répartition des droits d’auteur ne seront concernées que par l’aspect patrimonial du droit d’auteur. Elles n’ont jamais été habilitées à représenter le droit moral, qui est un droit inaliénable du créateur.

Le texte constituerait aussi un obstacle à la numérisation des fonds documentaires.

Certains acteurs, notamment issus du monde des archives ou des bibliothèques, craignent que cette proposition de loi ne constitue un obstacle pour les futurs programmes de numérisation du patrimoine écrit et visuel. Les exceptions ou les barèmes aménagés ont toujours accompagné les textes concernant la reproduction. Ce fut même le cas dans la loi DADVSI pour peu qu’il s’agisse d’intérêt public.

Un financement, pour quoi faire ? Telle est la question que certains ont posée.

À propos de l’utilisation de ces financements, vous dénoncez dans votre rapport, monsieur le rapporteur, l’idée de reverser ces fonds aux aides à la création. Là encore, vous parlez de confusion des genres. Certains acteurs du secteur de la photographie et des représentants des auteurs d’œuvres visuelles ont pourtant montré de l’enthousiasme pour cette initiative. Il s’agirait, en outre, d’une utilisation conforme au droit commun de la propriété littéraire et artistique tel que défini par le code de la propriété intellectuelle.

Globalement, les amendements que vous avez déposés sur le texte initial tendent à vider ce dernier de sa substance. Vous prétendez, monsieur le rapporteur, ne pas remettre en cause le principe d’une gestion collective. C’est pourtant ce qui vous a conduit à réduire notre proposition à une simple définition des œuvres orphelines et à exclure tout système contraignant de rémunération des auteurs.

Les sociétés de gestion collective sont les seules entités aujourd’hui à même d’assurer la gestion des licences d’autorisation de diffusion des œuvres orphelines : elles ont l’expérience pour trouver les solutions à ce problème difficile. Notre proposition de loi prévoyait la désignation, par un arrêté ministériel, d’une société civile de perception et de répartition des droits d’auteur compétente pour la gestion des droits afférents aux œuvres orphelines.

Au final, que subsiste-t-il du texte que nous avions proposé ? Il en reste une définition, celle des œuvres orphelines.

Vous avez choisi, monsieur le rapporteur, d’adopter la définition donnée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique dans son rapport de 2008. Nous n’y voyons pas d’objection, cette définition étant complète et adaptée. Néanmoins, elle n’est assortie d’aucun régime permettant de la mettre en œuvre.

Je regrette sincèrement que la commission de la culture n’ait pas souhaité instituer un système obligatoire de gestion collective. Cette proposition de loi était une bonne occasion de répondre enfin aux demandes légitimes de toute une profession.

Nous vous proposerons au cours de la discussion d’examiner deux amendements qui permettent d’offrir des garanties supplémentaires aux professionnels.

Toutefois, nous considérons que ce texte, même amendé, constitue une étape importante vers une gestion collective des œuvres orphelines, ainsi qu’un signal positif pour la sauvegarde du métier de photographe. Nous le soutiendrons donc.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite de l’initiative du groupe socialiste sur la question des œuvres visuelles orphelines, question qui se pose depuis longtemps, mais qui prend une résonance particulière dans le contexte de la révolution numérique que nous connaissons depuis quelques années.

Plus généralement, cela fait maintenant quelque temps que la Haute Assemblée, notamment par l’intermédiaire de la commission de la culture, s’attache de manière constante à prendre en compte les évolutions de ce contexte et à traiter les questions nouvelles ou simplement renouvelées, parfois induites par la numérisation.

La question du droit d’auteur est l’une de celles qui entrent précisément dans cette catégorie, car au fond le débat se résume à une question : comment assurer concrètement le respect du droit d’auteur à l’heure du numérique, c'est-à-dire à l’heure où beaucoup d’œuvres sont mises en ligne gratuitement dans des délais extrêmement brefs ?

Nous avions déjà largement abordé cette question, il y a peu de temps, à l’occasion du débat sur le téléchargement de musique sur internet et sur la mise en place de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet, ou HADOPI. Nous l’abordons aujourd’hui à propos des œuvres visuelles orphelines et je m’en réjouis, parce que, peu à peu, en nous attelant à chacun de ses différents aspects, nous progressons dans notre logique de sécurisation du respect des droits d’auteur dans un contexte renouvelé.

Vous l’aurez sans doute compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe RDSE est a priori favorable à la proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui, et qui fait suite à l’avis rendu en 2008 par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le CSPLA. Il semble en effet nécessaire – et donc opportun, mais aussi bienvenu – de tenter de pallier la carence législative existant en matière de droits d’auteur attachés aux œuvres visuelles orphelines.

Notre intervention est d’autant plus urgente que cette carence ouvre de fait la voie à des contrefaçons massives non sanctionnées et que les pratiques abusives dans ce secteur sont désormais légion. Les photographes, qui seront les principales personnes concernées par ce texte, placent d’ailleurs beaucoup d’espoir dans cette proposition de loi, à laquelle ils ont manifesté un vif soutien.

Comme l’a rappelé notre collègue Jean-François Humbert dans son rapport, les enjeux liés à cette question sont grands, sur les plans tant économique que juridique et culturel. Arrêtons-nous un instant sur l’aspect économique : les œuvres visuelles orphelines représentent de 3 % à 20 % des photographies portant la mention « droits réservés ». Or, le manque à gagner dû à l’absence de rémunération de ces photographies est estimé, d’après une étude du Syndicat national des auteurs et diffuseurs d’images portant sur huit titres de presse, à 350 000 euros par mois. Une telle somme, vous en conviendrez, est loin d’être négligeable, surtout quand on connaît les difficultés structurelles de ce secteur, aggravées par la crise – M. le ministre et M. le rapporteur l’ont d’ailleurs rappelé.

Si la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui apparaît donc, pour les raisons évoquées précédemment, nécessaire, elle n’en souffre pas moins de limites importantes. Ces limites ont été soulignées par M. le rapporteur et par la commission, mais il me semble important de les évoquer à nouveau.

Je m’attarderai particulièrement sur deux d’entre elles, en commençant par la plus « technique », qui concerne les sociétés de gestion collective que cette proposition de loi envisage de créer. Ces sociétés suscitent de nombreuses interrogations : autant je ne partage pas entièrement l’avis du rapporteur quand il déplore la logique consistant à reverser à l’aide à la création les sommes perçues par les sociétés de gestion, mais non réclamées par les ayants droit au terme d’un délai de dix ans, autant je fais mien, en revanche, son scepticisme quant au rôle de ces sociétés et à leur capacité, voire à leur volonté, d’entamer en pratique « une recherche diligente » des auteurs des œuvres orphelines.

Venons-en maintenant à la deuxième limite et donc au procès en « insuffisance » fait à cette proposition de loi. Il est en effet dommage, comme plusieurs de nos collègues l’ont souligné à diverses reprises, de n’avoir pas saisi l’occasion offerte par ce texte pour légiférer plus largement sur la question des œuvres orphelines, même non visuelles.

Il eût été en effet judicieux de ne pas dissocier la question des œuvres orphelines écrites afin de s’attaquer à l’ensemble du problème du respect effectif du droit d’auteur à l’ère du numérique. Une telle approche aurait surtout permis de ne pas occulter une partie de la question et de priver ainsi ce texte d’une partie de son pouvoir opérant. En effet, qu’adviendra-t-il des œuvres visuelles orphelines insérées au sein d’une œuvre écrite, car nous savons qu’elles sont nombreuses et qu’il ne s’agit donc pas d’une hypothèse d’école ? Pas plus qu’aujourd’hui, elles ne pourront être rémunérées par les droits d’auteur !

Faut-il pour autant, en prenant prétexte des insuffisances de ce texte et des limites que je viens d’évoquer, renoncer à voter en faveur de cette proposition de loi ? Je n’en suis pas certain, d’autant moins qu’il me semble hasardeux d’attendre, avant de nous prononcer plus avant, la publication d’une proposition de directive européenne déjà maintes fois annoncée, sans que cette annonce soit jamais réellement suivie d’effet !

De la même manière, faut-il renoncer à voter en faveur de cette proposition de loi sous le prétexte qu’on pourrait mieux faire ou faire plus ? Mais si nous nous en tenions à ce raisonnement, nous ne pourrions jamais avancer ! Bien sûr que des améliorations sont toujours envisageables, mais il est bien connu que « le mieux est l’ennemi du bien ». Vouloir mieux faire risque, dans le cas présent, de nous condamner finalement à ne rien faire.

Il nous semble a priori plus sage de soutenir un texte qui ne constitue certes qu’une première étape, mais qui a le mérite d’exister et de proposer des solutions qui vont dans le bon sens – quitte, bien entendu, à ce que ce texte soit amélioré au cours de la navette parlementaire ou que ses principes soient étendus par la suite, dans le cadre d’une autre proposition de loi, à un secteur plus large que celui des œuvres visuelles numériques.

Monsieur le ministre, nous savons tous combien vous êtes attaché à la défense des intérêts des créateurs, trop souvent privés du fruit de leur travail. Nous vous félicitons et vous remercions de votre engagement au service de ces témoins de notre présent, garants de notre mémoire, ainsi que de votre soutien à cette proposition de loi. En ce qui concerne le groupe RDSE, il soutiendra cette proposition de loi de manière unanime.

M. Jacques Mézard applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous assistons bien à une dérive de la mention « droits réservés », ou « DR », qui constitue une facilité de gestion éditoriale pour les diffuseurs.

De nombreux photographes m’ont contactée, expliquant qu’il est en effet plus facile pour les diffuseurs d’attendre que l’auteur se manifeste, après publication, que d’engager des recherches pour le retrouver ou même de le contacter, alors qu’il est connu. Les « droits réservés » deviennent ainsi un contenu éditorial gratuit, ce qui a de graves conséquences pour les photographes : cette pratique les prive de la rémunération due pour l’exploitation de leurs images ; elle institue une concurrence déloyale à l’égard des photographes identifiables, du fait de la gratuité de ces usages illégaux. L’enjeu est très loin d’être négligeable, tant la pratique se répand et il est sûrement nécessaire de légiférer.

Un récent rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles, l’IGAC, intitulé « Photojournalistes : constat et propositions », cite ainsi l’exemple d’un célèbre hebdomadaire de télévision à vocation culturelle qui, sur ses quatre numéros d’octobre 2009, a publié 1 081 photographies, dont 678 avec la mention « DR ».

En raison des difficultés économiques rencontrées par la presse, et grâce au développement d’internet, les rédactions recherchent des photographies gratuites. Pour certains titres, il s’agit d’une démarche volontaire d’économie. Or, les conditions d’exercice du métier de photojournaliste deviennent difficiles. Les auditions ont mis en évidence la précarisation des photographes en général. Dans ce contexte, la question des droits d’auteur des journalistes appelle une vigilance particulière.

Le Gouvernement s’est saisi de la question. C’est à sa demande que l’IGAC a rendu son rapport à la fin du mois d’août, à l’occasion du 22e festival international du photojournalisme, à Perpignan, vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Ce rapport dresse un diagnostic précis de la situation, présente des pistes pour améliorer les conditions d’exercice du métier et recommande, notamment, une approche législative.

Je me réjouis donc que cette proposition de loi de notre collègue Marie-Christine Blandin permette d’ouvrir un chantier législatif souhaité par le Gouvernement, afin d’assurer une meilleure protection de la profession.

Le groupe UMP souscrit à cette démarche. Mais, si nous rejoignons la philosophie qui sous-tend la proposition de loi, nous émettrons les mêmes réserves que la commission dans ses conclusions : les explications de notre rapporteur, dont je salue l’excellent travail, m’ont convaincue.

Tout d’abord, il est illogique de ne légiférer que sur les seules œuvres visuelles, alors que la problématique concerne également le secteur de l’écrit.

Ensuite, il est prématuré de vouloir régler le problème : la Commission européenne devrait se prononcer à la fin du mois de novembre sur le sujet des œuvres orphelines dans leur ensemble, qu’il s’agisse d’images ou d’écrits ; attendons par conséquent ses conclusions ! Il faut en effet considérer la question à l’échelon européen, au regard des enjeux liés à la numérisation des fonds des bibliothèques européennes.

Enfin, notre rapporteur a relevé plusieurs difficultés que poserait la proposition de loi dans sa rédaction actuelle.

En premier lieu, dans la définition des œuvres orphelines. Sur ce point, il a proposé une nouvelle rédaction à l’article 1er, qui convient à tous, je pense.

En second lieu, au travers de ses articles 2 et 3, la proposition de loi crée un système de gestion collective des droits, mais les caractéristiques de celui-ci soulèvent des problèmes juridiques. Sans entrer dans le détail, il est évident qu’une réflexion plus approfondie sur ce sujet est nécessaire.

Aussi, je rappelle le souhait émis par M. le ministre lors du festival de Perpignan : ouvrir sans délai une concertation autour du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. La contribution du Conseil nous assurera que la solution proposée n’entraîne pas d’effets pervers ou ne puisse être contournée au préjudice des photographes. Je crois donc qu’il est prudent d’attendre, d’une part, les résultats de cette concertation et, d’autre part, la directive européenne.

Néanmoins, je me réjouis que l’adoption de l’article 1er de cette proposition de loi donne à ce texte une impulsion qui, en fin de compte, après la réflexion permise par la navette parlementaire, constituera, j’en suis certaine, une avancée considérable pour les photographes.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP. – M. Jean-Jacques Pignard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Après l’article L. 113-9 du Code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 113-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-10. – L’œuvre orpheline est une œuvre dont le ou les titulaires des droits ne peuvent pas être déterminés, localisés ou joints, en dépit de recherches appropriées. »

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L’amendement n° 1, présenté par M. Humbert, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

I. – Après l’article L. 113-9 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article L. 113-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 113-10. - L’œuvre orpheline est une œuvre protégée et divulguée, dont les titulaires de droits ne peuvent être identifiés ou retrouvés, malgré des recherches avérées et sérieuses. »

II. - Une instance paritaire représentative des auteurs et des utilisateurs est chargée de définir les critères permettant de déterminer si une œuvre est orpheline au sens de l’alinéa précédent. Un décret en Conseil d’État précise la composition et le fonctionnement de cette instance.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

Cet amendement, présenté au nom de la commission de la culture, tend à remplacer la définition de l’œuvre visuelle orpheline donnée dans le texte initial de la proposition de loi par celle qui figure dans le rapport du CSPLA, en intégrant, en particulier, la notion de « recherche avérée et sérieuse », qui la complète utilement.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

L’objet de cet amendement est double : il tend, d’une part, à introduire dans le code de la propriété intellectuelle une définition de l’œuvre orpheline et, d’autre part, à créer une instance paritaire chargée de définir de manière impartiale les critères qui permettront d’évaluer le caractère orphelin de l’œuvre.

Le Gouvernement est favorable à l’idée d’introduire dans la loi une définition générale de l’œuvre orpheline, et en particulier à la rédaction présentée, qui reprend la rédaction proposée par le Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique. Ce dernier a, par ailleurs, envisagé le recours à une commission paritaire afin de définir les critères permettant de déterminer si une œuvre est orpheline pour le secteur de l’écrit et de l’image.

L’avis du Gouvernement est donc favorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre groupe votera cet amendement qui reprend la définition de l’œuvre orpheline issue des travaux du CSPLA.

Même amputée de ses articles 2 et 3, comme le propose la commission de la culture, cette proposition de loi constitue un acte fondamental pour clarifier le sort des œuvres photographiques réputées orphelines et, à ce titre, elle mérite d’être soutenue, dès aujourd’hui, sur toutes les travées de cet hémicycle.

Vous avez évoqué, monsieur le ministre, la parution prochaine d’une directive européenne : si tel est le cas, cette directive permettra de cadrer nos initiatives législatives. Mais l’éventualité de cette parution ne doit pas différer notre prise de responsabilité sur un sujet essentiel pour la création et l’information.

Vous avez aussi évoqué, monsieur le ministre, la nécessité d’approfondir notre réflexion. Vous connaissez le déroulement du travail parlementaire : il prend le temps de la navette, et ce temps devrait utilement contribuer à l’approfondissement du débat et permettre de préciser, en concertation avec les parties intéressées, les points de droit qui restent en discussion.

Dès aujourd’hui, nous avons besoin de l’article 1er de cette proposition de loi. L’enjeu requiert une action rapide, car la profession de photographe est en danger et les usages abusifs qui se sont installés chez certains, nombreux, utilisateurs ne font qu’alimenter une vision libérale niant le droit d’auteur. Le développement de la numérisation et du monde des échanges sur internet nous crée une obligation urgente d’agir.

Ce texte représente, dès son article 1er, une modeste première étape, mais il crée le socle indispensable d’une future politique volontaire.

L’amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

L’article 1er est donc ainsi rédigé.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 2, présenté par Mmes Blandin, Cartron et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 122-2-2 du code de la propriété intellectuelle, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 122 -2 -3. - La reproduction d'une œuvre visuelle, définie au 9° de l'article L. 112-2 sans mention du nom des titulaires des droits fait l'objet d'une déclaration auprès de l'une des sociétés mentionnées à l'article L. 321-1. La déclaration précise les motifs de l'absence de mention des titulaires des droits. »

La parole est à Mme Françoise Cartron.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Cartron

Afin d'enrayer la pratique abusive des « DR », il convient d'assurer une publicité à la reproduction de photos ne mentionnant pas le nom de l'auteur ou de ses ayants droit, en portant obligation aux personnes qui reproduisent ainsi ces œuvres d'effectuer une déclaration de non-identification de leur auteur, ou de ses ayants droit, auprès d'une société de perception et de répartition des droits.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

L’idée qui sous-tend cette proposition est intéressante, car elle établit un lien direct entre le sujet des droits réservés et le texte de la proposition de loi. Mais le système de la déclaration n’est efficace qu’à la condition qu’il puisse déboucher sur un contrôle a posteriori. Or, d’après le présent amendement, la déclaration serait envoyée à n’importe quelle société de gestion déjà agréée, ce qui soulèverait un certain nombre de difficultés.

Aussi, la commission de la culture a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Cher Ivan Renar, le plaisir ne sera effectivement pas total, et j’en suis désolé.

L’objet de cet amendement est de limiter l’usage de la mention « droits réservés », notamment dans les publications de presse, en lieu et place du crédit photo. S’il paraît normal de limiter cet usage, qui ne respecte pas, d’ailleurs, les dispositions du code de la propriété intellectuelle, le Gouvernement n’adhère pas tout à fait à la méthode proposée.

En effet, les sociétés de gestion collective de droits d’auteur ne doivent pas avoir à connaître de tous les cas d’apposition de la mention « droits réservés », mais seulement de ceux qui concernent des œuvres réputées orphelines, après des recherches avérées et sérieuses.

En outre, l’amendement ne prévoit pas ce que les sociétés de gestion collective feraient de l’information. Certaines organisations professionnelles d’éditeurs de presse semblent s’engager dans une démarche de bonnes pratiques, afin de réduire cet usage. Ces bonnes pratiques pourraient notamment conduire les éditeurs à bannir l’usage de la mention « droits réservés » et à s’engager à indiquer systématiquement leurs sources, qu’il s’agisse de la photo issue d’un dossier de presse, en indiquant le nom de l’entreprise donatrice, de photos provenant d’un site internet, ou d’une photo de paparazzi. Dans ce dernier cas, l’anonymat est le plus souvent demandé. Mais une mention spécifique dédiée à cet usage pourrait être apposée.

L’avis du Gouvernement est donc défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par Mmes Blandin, Cartron et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2011, le Gouvernement transmet au Parlement un rapport étudiant les modalités de gestion des droits attachés aux œuvres orphelines visées à l'article L. 113-10 du code de la propriété intellectuelle, par une société mentionnée à l'article L. 321-1 du même code, agréée à cet effet par le ministre en charge de la culture. Ce rapport fait l'objet d'un débat dans les commissions en charge de la culture de chacune des assemblées parlementaires.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Cet amendement tend à compléter la disposition insérant dans le code de la propriété intellectuelle une définition de l’œuvre orpheline. Pour l’instant, le texte prévoit une sorte de sanctuarisation de ces œuvres orphelines mais non leur protection ni, surtout, celle de leurs auteurs.

Notre rapporteur a, jusqu’à présent, mis en avant la prudence, mais nous mettons en balance l’urgence qu’il y a à arrêter la spoliation. C’est pourquoi il nous semble logique que la gestion des œuvres soit confiée à une société ad hoc. Mais compte tenu du caractère particulier de l’œuvre visuelle orpheline, il est évident qu’il faut prévoir un agrément spécifique du ministre.

Nous avons compris vos intentions de ne pas mettre en œuvre immédiatement le dispositif, sans y avoir d’abord réfléchi afin de l’améliorer.

C’est pourquoi cet amendement prévoit un rapport qui permettra la consultation de toutes les parties concernées, qui nous éclairera sur le bien-fondé de la gestion collective, sur la procédure la plus adaptée, sur les personnes habilitées à effectuer de telles recherches, sur les modalités de gestion des droits perçus sur ces œuvres et sur la procédure à suivre, en cas de découverte de l’auteur de l’œuvre exploitée.

Bien entendu, si la navette permettait d’aller plus loin, nous ne serions plus dans la préconisation d’un rapport, mais dans la mise en œuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Humbert

M. Jean-François Humbert, rapporteur. Pour faire plaisir à Ivan Renar et à Marie-Christine Blandin

Sourires.

Mme Catherine Tasca applaudit.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

M. Frédéric Mitterrand, ministre. Comme il est effectivement exclu de limiter le plaisir de M. Renar et de Mme Blandin

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

L’objet de cet amendement est de réfléchir au meilleur dispositif pour assurer la gestion des offres orphelines. À cet effet, il est proposé de rédiger un rapport.

S’il paraît intéressant d’étudier le meilleur moyen d’autoriser l’exploitation des œuvres, notamment des images fixes, il convient bien évidemment de garantir les droits de leurs auteurs et donc de leur permettre, lorsqu’ils seront éventuellement identifiés, de percevoir une rémunération au titre de l’exploitation de leur œuvre.

La seule remarque peut porter sur le fait que des sociétés d’autres États membres de l’Union européenne ayant un objet similaire aux sociétés françaises de perception et de répartition des droits doivent pouvoir prester en France.

Le rapport ne devra par conséquent pas exclure les sociétés d’autres États membres de l’Union, et il paraît peu compatible avec le droit communautaire de les soumettre, pour exercer leur activité sur le territoire national, à un régime d’agrément spécifique.

Cette légère restriction mise à part, le Gouvernement, je le répète, est favorable à cet amendement.

L'amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je constate que cet amendement a été adopté à l’unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est donc inséré dans la proposition de loi, après l'article 1er.

La parole est à M. le président de la commission de la culture.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a aujourd’hui un constat partagé par l’ensemble des membres de notre commission : l’initiative de Mme Blandin et de ses collègues est utile, et le problème des droits des photographes doit trouver une solution.

Je n’ai pas voulu parler plus tôt parce que nous voulions tous être sûrs de pouvoir, dans les délais, adopter ce texte. Je pense que nous allons le faire en adoptant l’article 1er. Nous ne pourrons pas voter en l’état les articles 2 et 3.

Ainsi, le texte réduit à son article 1er, modifié par les deux amendements acceptés, va être transmis à l’Assemblée nationale. Nous espérons que celle-ci se saisira dans des délais raisonnables de cette proposition de loi, et nous ferons le maximum pour qu’il en soit ainsi. Nous pensons que ce délai permettra aussi d’être complètement informés de ce qui se prépare à la Commission européenne, de manière que le texte parlementaire soit compatible, dans l’esprit, avec ce qu’elle présentera.

Le ministre a réaffirmé clairement sa volonté de progresser sur cette question, tout comme le Sénat, qui souhaite voir ce problème complètement traité. Nous pensons que nos collègues de l’Assemblée nationale partageront cette volonté.

La photo est un art, qui doit permettre à ceux qui le pratiquent de vivre de leur travail. Notre position à leur égard est identique à celle que nous avons affirmée dans d’autres débats envers d’autres acteurs de la vie culturelle. Aujourd’hui, nous sommes au point de départ d’une proposition de loi dont les droits sans doute ne seront pas réservés

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Legendre

, qui portera un nom et une volonté collective, celle du Sénat, de voir rapidement avancer cette question.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Après le titre Ier du livre III de la première partie du code de la propriété intellectuelle, il est inséré une division ainsi rédigée :

« Titre 1 er bis

« Dispositions relatives à l’œuvre visuelle orpheline

« Chapitre I er

« Exploitation des droits attachés à une œuvre virtuelle orpheline

« Art. L. 311 - 9. – La gestion de l’exploitation d’une œuvre visuelle visée aux 7°, 8° 9°, 10°, 11° et 12° de l’article L. 112-2 réputée orpheline est assurée par une société mentionnée au titre II du livre III, ayant reçu un agrément, à cet effet, du ministre chargé de la culture. Cette société peut ester en justice pour exercer les intérêts statutaires dont elle a la charge.

« Toute exploitation des droits d’une œuvre visuelle orpheline est soumise à la conclusion d’un contrat entre une société mentionnée au titre II du livre III et la personne souhaitant obtenir la cession de l’exploitation de ces droits. La personne souhaitant obtenir le droit de reproduction ou de représentation d’une œuvre visuelle orpheline apporte la preuve des recherches effectuées en vue de déterminer, localiser et joindre le ou les titulaires des droits de cette œuvre.

« Art. L. 311-10. – La cession d’exploitation des droits d’une œuvre visuelle orpheline ne peut être accordée à titre exclusif.

« Art. L. 311-11. – Les titulaires des droits d’une œuvre visuelle orpheline perçoivent une rémunération au titre de l’exploitation de leurs œuvres.

« Art. L. 311-12. – Le barème et les modalités de versement de la rémunération due pour l’exploitation d’une œuvre visuelle orpheline sont fixés par accords spécifiques entre les sociétés mentionnées au titre II du livre III bénéficiant de l’agrément prévu à l’article L. 311-9 et les organisations représentatives des usagers des œuvres orphelines, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Ces accords spécifiques peuvent être étendus à l’ensemble du secteur d’activité par arrêté du ministre chargé de la culture. Leur durée est de cinq ans.

« À défaut d’accord conclu dans un délai de six mois à compter de la date d’entrée en vigueur de la loi n° … du …, le barème et les modalités de versement de la rémunération versée pour l’exploitation d’une œuvre orpheline sont fixés par une commission présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire dont la composition, arrêtée par le ministre chargé de la culture, comprend, outre le président qui a voix prépondérante, un membre du Conseil d’État, une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé de la culture et, en nombre égal, des membres désignés par les sociétés mentionnées au titre II du livre III, ayant reçu un agrément du ministre chargé de la culture pour assurer la gestion des œuvres orphelines et de représentants des utilisateurs des œuvres orphelines.

« Le barème et les modalités de versement de la rémunération fixés conformément au premier et deuxième alinéa font l’objet d’une publication au Journal Officiel.

« Art. L. 311-13. – La rémunération perçue au titre de la cession des droits d’exploitation d’une œuvre visuelle orpheline est conservée par la société qui a conclu le contrat d’exploitation des droits, conformément à l’article L. 311-9. À l’issue du délai figurant au troisième alinéa de l’article L. 321-1, si l’œuvre est toujours réputée orpheline, le montant de la rémunération est utilisé dans les conditions prévues par le 2° de l’article L. 321-9.

« Art. L. 311-14. – La représentation, la reproduction d’une œuvre visuelle orpheline fait l’objet d’une publicité mentionnant le nom de la société qui assure l’exploitation de ces droits en vertu du contrat conclu par celle-ci avec la personne qui assure la représentation ou la reproduction de l’œuvre et qui verse la rémunération attachée à ces droits.

« Chapitre II

« Manifestation de l’auteur ou des ayants droit de l’œuvre visuelle réputée orpheline

« Art. L. 311-15. – Une œuvre visuelle cesse d’être orpheline si le ou les titulaires des droits se manifestent auprès de la société mentionnée à l’article L. 319-9, chargée de la gestion de l’exploitation de cette œuvre.

« La société notifie aux personnes avec qui elle a conclu un contrat de cession de droits, le changement intervenu dans la qualification de l’œuvre, en application du premier alinéa. La notification rend caduque l’autorisation d’exploitation de l’œuvre, selon des modalités et délais fixés par décret en Conseil d’État. »

L'article 2 n’est pas adopté.

Au troisième alinéa () de l’article L. 321-9 du code de la propriété intellectuelle, les mots : « et L. 311-1 » sont remplacés par les mots : «, L. 311-1 et L. 311-11 ».

L'article 3 n’est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Blandin

Je voudrais remercier tous les participants, à commencer par le rapporteur pour l’écoute dont il a fait preuve, le président de la commission, qui a joué un rôle de facilitateur, et le ministre pour son avis favorable.

Nous sommes dans une démarche d’initiative sénatoriale. Chacun a adopté un comportement pragmatique, constructif. Nous nous sommes un peu fait hara-kiri, puisque nous voulions aller plus loin. Nous avons confiance dans la navette. J’espère que cet esprit perdurera au cours des lectures dans les deux assemblées.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste. – M. le président de la commission de la culture applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Je constate que ce texte a été adopté à l’unanimité des présents.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Frédéric Mitterrand, ministre

Je tiens tout d’abord à remercier Mme Marie-Christine Blandin pour le travail considérable qui a été effectué, ainsi que M. le rapporteur et M. le président de la commission.

Je voudrais aussi les persuader de mon total engagement à poursuivre le processus législatif ainsi légitimement inauguré par le Sénat. Je dis bien « total engagement », car dans toutes les activités professionnelles que j’ai exercées avant d’être nommé ministre de la culture et de la communication, j’ai été extrêmement proche des questions qui ont été évoquées. Je suis absolument persuadé que nous réfléchissons tous dans le même sens, à savoir la protection du photojournalisme et du photoreportage, qui sont effectivement des domaines essentiels, à la fois de la création artistique, de l’information et de la culture en général mises à la disposition de nos concitoyennes et de nos concitoyens. Donc, ne doutez pas de ma résolution.

Le temps qui s’ouvre devant nous sera le plus court possible, mais il sera aussi le plus riche possible grâce à une large concertation. Celle-ci a déjà été ouverte lors du travail que vous-même, madame Blandin, ainsi que la commission et son rapporteur avez effectué, mais aussi à l’occasion des nombreuses visites que j’ai faites lors des grandes manifestations photographiques et au cours de toutes mes rencontres avec les photographes. §

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.