Intervention de Michel Moreigne

Réunion du 26 mars 2008 à 15h00
Contrôle comptable du revenu minimum d'insertion — Renvoi à la commission d'une proposition de loi

Photo de Michel MoreigneMichel Moreigne :

Madame la présidente, monsieur le haut-commissaire, mes chers collègues, l'examen de cette proposition de loi me donne l'occasion de rappeler que c'est Michel Rocard qui a créé le RMI, en 1988. Vingt ans plus tard, 1 158 000 personnes en bénéficient encore.

C'est le volet « allocation » qui nous occupe aujourd'hui. Il est intéressant de réfléchir, comme l'a fait Michel Mercier, à sa mise en oeuvre.

Sous l'intitulé « Renforcer le contrôle comptable du revenu minimum d'insertion », il s'agit - si j'ai bien compris ! - de redéfinir les relations existant entre les partenaires du RMI, les conseils généraux, d'une part, et les organismes payeurs que sont les caisses d'allocations familiales et de la mutualité sociale agricole, d'autre part.

Plus de quatre ans après la loi de décentralisation du RMI, ce texte a pour objet de « permettre aux départements d'exercer pleinement leur rôle, en ce qui concerne les dépenses liées au RMI ».

Depuis la décentralisation du RMI, les dépenses liées à sa gestion ont explosé, grevant lourdement les budgets des conseils généraux, sans laisser à ces derniers une grande marge de manoeuvre.

Cependant, si la proposition de loi peut permettre aux conseils généraux de mieux contrôler leurs dépenses, en revanche, elle n'apporte aucune amélioration en matière de gouvernance de ce dispositif. Ce texte ne répond donc que partiellement aux problèmes posés.

Qu'en est-il du problème du contrôle comptable du RMI ? Il est temps de renforcer le rôle des départements dans la gestion du RMI. Mais, est-ce possible ?

À cette fin, Michel Mercier a identifié deux problèmes : d'une part, l'impossibilité pour les départements « d'avoir connaissance de la réalité de la dépense mise à leur charge », et, d'autre part, l'impossibilité pour eux de « pouvoir procéder au contrôle que tout payeur public doit exercer avant de mettre en liquidation une dette ».

Face à ce constat, il est suggéré de répondre, en premier lieu, par un renforcement de l'information du département, et, en second lieu, par une meilleure gestion des indus.

Ainsi, il est proposé, dans l'article 1er, d'abord, d'obliger les organismes payeurs à fournir aux départements, à l'occasion de chaque demande de règlement, tous documents justificatifs du versement du RMI. Ils devront à ce titre préciser les bénéficiaires, les prestations, l'objet de la prestation ainsi que son montant.

Cette disposition permettrait aux conseils généraux d'exercer un contrôle a priori sur les dépenses de RMI et d'obtenir une information au minimum mensuelle sur le nombre de bénéficiaires, puisque le département doit verser mensuellement des acomptes aux organismes payeurs.

Il y est proposé, ensuite, de rendre obligatoire la conclusion d'une convention entre les conseils généraux et les organismes payeurs.

Actuellement, les conseils généraux sont libres de conclure une telle convention, et il semble bien qu'en pratique de nombreux départements ont eu recours à cette possibilité, ce qui est le signe d'un dialogue positif entre ces institutions.

Un décret prévoit, entre autres, que doivent figurer dans ces conventions la liste des compétences que délègue le département à l'organisme payeur ainsi que les modalités financières et de transmission des informations.

L'article 2 de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à rendre obligatoire la signature d'une telle convention dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, et précise également les dispositions qui devront y figurer.

Celles-ci reprennent pour l'essentiel les clauses du décret actuel, à l'exception d'une seule, qui constitue l'objet essentiel de cette proposition de loi : la gestion des indus.

Cette dernière semble, en effet, poser quelques problèmes et peser ainsi sur les relations entre les conseils généraux et les organismes payeurs. L'indu, qui a été défini tout à l'heure brillamment par. Michel Mercier, est effectivement la somme perçue par l'allocataire alors que sa situation ne devrait pas lui permettre d'en bénéficier. Cette somme devient donc -théoriquement - une créance pour la collectivité à l'égard du bénéficiaire.

Selon une étude de la CNAF, en 2005, le coût des indus s'élèverait à 336 millions d'euros, soit plus de 5 % du montant total des allocations versées.

Toujours selon la même étude, les trois quarts de ces indus relèveraient de l'allocataire, essentiellement du fait d'une déclaration tardive, erronée ou même d'un défaut de déclaration. La responsabilité des CAF ne serait, quant à elle, engagée que dans environ 10 % des cas.

S'il semble que, dans un premier temps, les départements n'en aient pas fait une priorité, le recouvrement des indus pèse aujourd'hui sur le budget de certains conseils généraux et, dans un double souci de solidarité envers les plus défavorisés et d'efficacité du système, il apparaît nécessaire de leur donner les moyens de résoudre ce problème.

Actuellement, les départements ne peuvent recouvrir les indus en dessous d'un seuil fixé par décret à 77 euros. Il est suggéré, dans la proposition de loi, de résoudre cette difficulté en renforçant les relations existantes entre la CAF, la MSA et les conseils généraux.

La question de savoir sur qui pèsera la charge financière de ces indus, s'agissant particulièrement de la part gérée par les organismes payeurs, autrement dit lorsque l'allocataire bénéficie toujours du RMI, est ici entièrement posée. La convention pourrait permettre d'y répondre et ainsi d'en limiter le poids pour les conseils généraux.

Néanmoins, le problème des indus ne peut - et ne doit pas - être uniquement imputé aux allocataires. En effet, la multiplicité des procédures informatiques, qui diffèrent d'un partenaire à l'autre, peut entraver le recoupement efficace des informations entre les gestionnaires du RMI et favorise, par conséquent, une telle situation.

C'est la raison pour laquelle des améliorations, au-delà de celles qui sont proposées dans le texte de. Michel Mercier, devraient être apportées.

Les liaisons entre les systèmes d'information des organismes payeurs et ceux des départements doivent être renforcées, afin, notamment, de permettre aux conseils généraux d'avoir une connaissance statistique des indus ainsi que de leurs motifs.

La mise en place de divers groupes de travail, ces derniers temps, a permis - chacun me l'accordera - des avancées importantes.

Bien évidemment, il ne s'agit en aucune manière de procéder à une véritable « chasse aux indus », à une « chasse aux sorcières » ; il s'agit, au contraire, de renforcer, par une gestion plus efficace du RMI, la solidarité sociale au profit de nos concitoyens qui en ont le plus besoin. Telle est la préoccupation que j'ai cru déceler dans les propos de notre collègue Michel Mercier.

Enfin, l'article 3 vise à favoriser une meilleure gestion de ce dispositif en obligeant les organismes payeurs à transmettre tous les mois aux départements les résultats de la confrontation de leurs statistiques avec celles des ASSEDIC et des services fiscaux.

J'insiste sur ce point : la proposition de loi ne tend ici qu'à rendre obligatoire une faculté offerte par la loi, en instaurant un échange d'informations selon une fréquence mensuelle.

Est-ce la seule et la bonne solution ? Dans son rapport publié en 2007, l'Inspection générale des affaires sociales précisait que « si des échanges existent, notamment entre la CAF et différentes institutions (ASSEDIC, CNAM, CNASEA, administration fiscale), leur fréquence est au mieux mensuelle ».

Par ailleurs, les auteurs du rapport préviennent également que « la périodicité mensuelle de cette actualisation est considérée par les départements comme insuffisante pour assurer un suivi optimal des bénéficiaires ».

Je conclurai sur le texte de la proposition de loi qui nous est soumise en affirmant qu'il est aujourd'hui indispensable que les conseils généraux puissent renforcer leur rôle dans la gestion du RMI. Cette nouvelle donne ne pourra se faire sans un repositionnement de l'ensemble de ses partenaires, dont les CAF et la MSA, ce dans un contexte de contrainte budgétaire incontestable pour ces partenaires.

Quid de la gouvernance et du financement de l'action sociale, compte tenu de la réforme prévisible des minima sociaux, monsieur le haut-commissaire ?

Si mes collègues du groupe socialiste et moi-même, nous ne désapprouvons pas les dispositions proposées, il nous semble néanmoins que, dans le texte présenté par Michel Mercier, ne sont pas abordés les problèmes, pour nous essentiels, liés à la décentralisation du RMI en 2003.

Ainsi, n'y sont envisagé ni la gouvernance du RMI, ni le problème récurrent, mais néanmoins crucial, de son financement.

Or la réforme des minima sociaux, annoncée et prévue pour l'automne prochain, avec la généralisation du RSA, imposerait une remise à plat totale du système de gestion et du financement de l'action sociale.

S'agissant de son financement, le RMI, qui, je le rappelle, était initialement financé et géré par l'État, a été entièrement transféré aux conseils généraux par la loi du 18 décembre 2003 votée dans le cadre de l'acte II de la décentralisation.

C'est ici que les choses ne s'améliorent pas et même - oserais-je dire - qu'elles se gâtent ! Vous le savez, mes chers collègues, les conditions de ce transfert sont fortement désavantageuses pour les conseils généraux.

En effet, chacun ici s'en souvient, bien évidemment, la loi de décembre 2003 précise : « Les charges résultant, pour les départements, des transfert et création de compétences réalisés par la présente loi, sont compensées par l'attribution de ressources constituées d'une partie du produit d'un impôt perçu par l'État ».

Cette attribution a été précisée dans la loi de finances pour 2004, qui prévoit la compensation du transfert du RMI par l'attribution aux départements d'une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Cette compensation a été ajustée au vu des comptes administratifs des départements pour l'année 2004.

Ainsi, le montant définitif de la compensation a été arrêté et approuvé par la Commission consultative d'évaluation des normes, le 9 novembre 2005, à un niveau légèrement supérieur à 4, 8 milliards d'euros. Mes chers collègues, tous ces rappels peuvent vous paraître quelque peu fastidieux, mais ils sont à mon sens tout à fait nécessaires.

Or, concomitamment à la dégradation de la situation économique du pays, le nombre des bénéficiaires du RMI a fortement augmenté, entraînant par conséquent une explosion des dépenses. Les contributions des conseils généraux ont été de plus en plus importantes, avec un pic, constaté en 2006, à plus de 6, 1 milliards d'euros.

Alors, face à la contestation des départements, le gouvernement de l'époque a été dans l'obligation d'assumer ses responsabilités et a proposé d'abonder le fonds de mobilisation départementale pour l'insertion à hauteur de 500 millions d'euros par an pendant une durée de trois ans, de 2006 à 2008. Néanmoins, ce geste, appréciable et d'ailleurs apprécié, s'avère toujours insuffisant pour couvrir la totalité des dépenses liées au RMI.

Monsieur le haut-commissaire, la majoration de ce fonds arrivant à son terme au 31 décembre prochain, qu'en sera-t-il du financement du RMI pour l'année 2009 ?

À ce jour, le déficit cumulé mis à la charge des conseils généraux est évalué à plus de 2, 5 milliards d'euros par l'Assemblée des départements de France. Sans doute avez-vous les mêmes chiffres, monsieur le haut-commissaire ?

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