Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis plus de vingt ans, la filière ovine européenne a plus que tout autre secteur servi de précurseur à la libéralisation des marchés : Organisation commune des marchés ovine favorisant une guerre économique intracommunautaire ouverte, remise en cause de la préférence communautaire et marché européen offert sur un plateau aux pays producteurs à bas prix, notamment la Nouvelle-Zélande, montants des aides compensatoires largement insuffisants pour pouvoir permettre de dégager un revenu correct de son travail, et j'en passe.
La crise de la filière ovine se trouve aujourd'hui encore aggravée et, avec elle, la situation de nos éleveurs.
La hausse des cours des matières premières et la baisse des prix à la vente amputent gravement les revenus, déjà particulièrement faibles, de cette profession.
Le revenu moyen, toutes primes comprises, des éleveurs ovins français est aujourd'hui le plus bas de tous les agriculteurs. Il est inférieur de moitié au revenu moyen de l'ensemble des exploitants. Ces dix dernières années, la France a perdu 20 000 éleveurs ovins et 1 million de brebis ; elle importe à ce jour 60 % de la viande ovine qu'elle consomme.
À cette situation économique difficile s'ajoute une évolution sanitaire très inquiétante, avec un nombre croissant de cas de fièvre catarrhale ovine recensés.
En 2007, une brochure diffusée par le gouvernement français faisait état, pour la France, de 5 645 foyers notifiés, constitués à 80 % par des foyers bovins, et de 8 438 cas confirmés.
Les conséquences économiques et sociales de cette crise sanitaire, qui aggrave encore les difficultés structurelles de la filière ovine, risquent d'être considérables.
Les éleveurs sont préoccupés par l'avenir du secteur ovin et de sa filière, notamment en ce qui concerne la remise en cause de la production dans des régions difficiles, à la suite de la politique de découplage des aides à la production initiée par la Commission européenne.
Face à cette situation, très grave pour l'élevage, il était nécessaire que les autorités françaises et européennes apportent des éclaircissements sur les actions tant curatives que préventives engagées et prévues.
La question très large de notre collègue Gérard Bailly mais également la multiplication des questions posées sur ce sujet et demeurant parfois sans réponse, aussi bien devant notre assemblée que devant le Parlement européen, témoignent de la mauvaise information des élus du peuple.
C'est pourquoi nous espérons que ce débat sera pour vous, monsieur le ministre, l'occasion d'apporter des réponses précises aux préoccupations de nos éleveurs.
Comme vous le savez, au mois de juillet 2007, la maladie de la langue bleue a touché de plein fouet les éleveurs bovins et ovins dans une zone géographique très étendue : l'Allemagne, les États du Benelux, la Suisse, une partie du Royaume-Uni, du Danemark, de la République tchèque, ainsi que la France.
Le vecteur de cette maladie en Europe a été identifié. Selon un communiqué de l'Organisation mondiale de la santé animale, il s'agit d'un diptère piqueur originaire des zones chaudes, de type culicoïde, qui s'est adapté au climat européen. Vingt-quatre sérotypes viraux différents sont répertoriés dans le monde, ils touchent les ruminants domestiques - ovins, bovins, caprins - mais aussi sauvages. La maladie gagne de nouveaux territoires.
En 2005, alors que la présence de la fièvre catarrhale se limitait, en France, à la seule région corse, le ministre de l'agriculture de l'époque, dans une réponse à une question écrite sur le sujet, rappelait qu'un plan de surveillance et de contrôle renforcé avait été mis en place depuis le mois d'avril 2005 dans les départements à risque du pourtour méditerranéen.
Force est de constater que les mesures prises à l'époque n'ont pas su ou pas pu freiner la progression de la maladie. Or, les conséquences sur l'élevage ne se limitent pas à la perte déjà grave des animaux malades. Les éleveurs ovins, bovins et caprins subissent aussi d'importantes pertes en raison des frais d'intervention des vétérinaires, sans parler des animaux mort-nés ou mal formés.
Aujourd'hui, il apparaît plus que jamais essentiel et urgent de renforcer la surveillance et l'échange d'informations, éléments clefs d'une démarche efficace de lutte contre la fièvre catarrhale ovine, comme le rappelle d'ailleurs le règlement communautaire du 27 octobre 2007.
En outre, selon l'avis du groupe scientifique sur la santé et le bien-être animal de l'Autorité européenne de sécurité des aliments concernant l'origine et l'occurrence de la fièvre catarrhale ovine, il est fondamental que des programmes de surveillance appropriés soient mis en place pour détecter le plus rapidement possible l'occurrence de la maladie. Ainsi, il serait bon que de tels programmes comportent un volet clinique, sérologique et entomologique qui soit appliqué de manière homogène dans tous les États membres. Qu'en est-il d'un tel dispositif de suivi et de surveillance en France ?
Nous nous interrogeons sur les moyens financiers et humains mis en oeuvre par la France afin de répondre aux exigences européennes, d'autant plus que le syndicat unique de la profession vétérinaire a exprimé ses craintes de voir son rôle de sentinelle, en lien avec les éleveurs, négligé par les autorités publiques, fait qui augmentera, prévient-il, le risque pour la santé publique.
En effet, rappelons que les exigences minimales relatives aux programmes de suivi de la fièvre catarrhale devant être appliquées dans les zones réglementées vont du suivi sérologique de plusieurs animaux sentinelles - ils doivent être testés au moins une fois par mois -, au suivi entomologique, qui consiste en la capture de vecteurs au moyen de pièges permanents et en leur envoi pour analyse aux laboratoires spécialisés.
Par ailleurs, les États doivent faire preuve de vigilance hors des zones réglementées afin d'assurer, en plus de la surveillance clinique passive, une surveillance sérologique et entomologique.
Les analyses susmentionnées ont un coût, et je voudrais obtenir des éclaircissements, monsieur le ministre, plus particulièrement sur le financement des analyses sanguines des animaux. On sait - mais vous ne manquerez pas de le confirmer - que les coûts des analyses pratiquées lors des mouvements d'animaux provenant des périmètres interdits sont pris en charge par l'État. Pouvez-vous nous dire si la Commission entend proposer un cofinancement des tests nécessaires pour prévenir le risque de dissémination de telles infections ?
En ce qui concerne le programme de vaccination, il semblerait que l'Union européenne finance intégralement l'acquisition de quelque 200 millions de doses de vaccins et la moitié des coûts de leur administration aux troupeaux. Le coût moyen d'une dose de vaccin est évalué à 0, 5 euro. Les achats des vaccins, s'élevant environ à 100 millions d'euros, seront prélevés sur un fonds vétérinaire européen.
Cette campagne de vaccination sur un an concernerait les toutes dernières souches de cette maladie. Les pays touchés du nord de l'Union européenne - Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Luxembourg, France et Royaume-Uni - seraient concernés en premier lieu par la vaccination, afin d'empêcher l'extension de l'épizootie.
En France, des procédures accélérées d'autorisation de commercialisation des vaccins ont permis les premières vaccinations le 5 mars dernier. Au regard des volumes de productions nécessaires, nous aimerions savoir si l'ensemble du cheptel européen sera vacciné avant le retour, vers le mois de mai, du moucheron vecteur de la maladie.
En ce qui concerne plus particulièrement notre pays, et afin de réduire dans les délais les plus brefs les pertes économiques subies par les éleveurs, le Gouvernement peut-il nous donner des informations précises sur l'ensemble du calendrier des vaccinations ?
Enfin, il est impératif de s'assurer de l'innocuité et de l'efficacité du ou des vaccins. Il semblerait, en effet, que des doutes demeurent quant à la durée exacte de la protection apportée contre l'infection virale. D'autres moyens de prévention et de lutte doivent être envisagés à plus long terme, se fondant sur une meilleure connaissance du virus et de ses vecteurs, ainsi que sur l'expérience acquise dans d'autres régions du monde.
Quant aux impacts commerciaux de la maladie, au moment où les éleveurs français se plaignent, à juste titre, des contraintes auxquelles ils sont assujettis, les pays de l'Union européenne ont décidé d'alléger les règles restreignant le mouvement des animaux vivant dans une zone contaminée par la maladie de la langue bleue. En effet, de nombreux éleveurs français dénoncent les restrictions apportées aux déplacements des animaux, notamment les exportations, principalement vers l'Italie et l'Espagne. La France exporte 100 000 broutards chaque année, pour environ 1 milliard d'euros.
En vertu du code de l'Organisation mondiale de la santé animale, il est interdit d'expédier dans des pays tiers des animaux testés négativement, certificat vétérinaire à l'appui, et originaires de la zone des 20 kilomètres, même si le pays tiers concerné donne son accord. Cet état de fait avait suscité une question écrite d'un parlementaire européen qui demandait quelles raisons motivaient, en vertu de l'article 5 de la décision 2005/393/CE, le maintien d'un accord obligatoire supplémentaire si les tests pratiqués sur la base des critères de l'Union européenne sur les animaux vivants étaient négatifs. Il se posait la question de savoir s'il n'était pas possible de voir dans cette disposition une violation de la libre circulation des marchandises.
Les experts vétérinaires de l'Union européenne ont donné leur accord à un amendement visant à assouplir les règles relatives aux déplacements des animaux.
Selon un communiqué de la Commission européenne, « le texte clarifie les conditions s'appliquant aux mouvements d'animaux à l'intérieur et vers l'extérieur de zones de restriction », où la maladie a été identifiée au niveau européen. Plus précisément, il autorise un léger assouplissement pour les déplacements d'animaux à certaines périodes saisonnières froides durant lesquelles l'insecte qui transmet la maladie est hors d'état de nuire.
Dans sa réponse à la question écrite du 25 janvier 2007 posée au Sénat, le Gouvernement affirmait qu'une avancée de portée générale avait été réalisée en comité spécialisé le 3 octobre 2007 : un nouveau règlement relatif aux mouvements d'animaux des zones réglementées en matière de fièvre catarrhale ovine a été voté. Dans ce nouveau texte, le principe de l'accord du pays de destination pour l'échange d'animaux provenant de zones réglementées a été supprimé. De plus, ont été mises en place des dérogations en vue de la sortie du territoire concerné si un abattage direct a lieu. Depuis le 1er décembre, les animaux de la zone de protection peuvent être abattus dans un abattoir de la zone.
Pourriez-vous confirmer, monsieur le ministre, ces informations ?
Enfin, comme je l'ai déjà indiqué au début de mon intervention et comme l'a rappelé notre collègue Gérard Bailly dans son rapport d'information, revenons à nos moutons.