Intervention de Louis Souvet

Réunion du 1er mars 2005 à 16h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Louis SouvetLouis Souvet, rapporteur :

La commission des affaires sociales a poursuivi cette démarche en auditionnant l'ensemble des organisations syndicales et patronales représentatives.

J'ajoute que le texte renvoie à la négociation collective le soin de mettre en oeuvre les mesures proposées, traduisant ainsi la confiance de notre majorité dans le rôle des partenaires sociaux. Il s'inscrit ainsi dans le prolongement de la réforme adoptée au début de l'année 2003, sur l'initiative de François Fillon, qui autorisait les partenaires sociaux à déterminer librement le volume du contingent d'heures supplémentaires et la rémunération de ces dernières.

Je comprends que l'opposition puisse être particulièrement mobilisée contre ce texte, dans la mesure où celui-ci touche à l'une des réformes emblématiques de la législature précédente.

Cependant, il me semble que les conséquences de ce texte ont été surestimées. En effet, de nombreux dirigeants de grandes entreprises ont indiqué publiquement qu'ils étaient satisfaits des accords en vigueur dans leur entreprise en matière d'aménagement et de réduction du temps de travail et qu'ils n'envisageaient pas de les remettre en cause après l'adoption du présent texte. Leur position est compréhensible : le passage aux 35 heures a été coûteux en temps, en argent et en énergie ; des compromis satisfaisants ont été trouvés, d'ailleurs parfois difficiles à exprimer, et les entrepreneurs souhaitent aujourd'hui se consacrer pleinement à leur activité plutôt que rouvrir le dossier de la négociation du temps de travail.

J'en arrive maintenant à la présentation des trois articles du texte : le premier rénove et simplifie les règles régissant le compte épargne-temps, le deuxième crée un nouveau régime d'heures choisies et le troisième prévoit des dispositions transitoires pour les entreprises employant moins de vingt et un salariés.

Créé en 1994, le compte épargne-temps est un dispositif qui permet aux salariés d'accumuler des droits à congés rémunérés ou de se constituer une épargne. Bien qu'il soit a priori intéressant pour les salariés de bénéficier d'un instrument leur permettant de gérer leur temps de travail avec plus de souplesse, le compte épargne-temps peine à se développer en raison de sa complexité. Actuellement, les modalités d'alimentation de ce compte doivent respecter au moins six seuils différents, et son utilisation est soumise à de strictes conditions de délai.

La proposition de loi vise à supprimer ces restrictions, à simplifier considérablement les règles de fonctionnement du dispositif et à faciliter la monétisation, c'est-à-dire la transformation en argent de droits inscrits sur le compte épargne-temps. Un salarié pourra aisément affecter des jours de congé, des jours de RTT ou des repos compensateurs sur son compte et obtenir en contrepartie un complément de rémunération. Il pourra également épargner les droits accumulés en les transférant sur un plan d'épargne d'entreprise, un plan d'épargne pour la retraite collectif ou un plan d'épargne retraite d'entreprise.

D'un point de vue comptable, les droits affectés par les salariés sur le compte épargne-temps sont provisionnés par les entreprises et inscrits à leur passif. Pour éviter d'alourdir excessivement ce passif, il est prévu que les droits accumulés seront liquidés dès lors qu'ils dépasseront un certain montant défini par décret. Si l'entreprise fait faillite, les droits acquis seront garantis par l'AGS, l'Association pour la garantie des salaires.

J'en viens maintenant à l'article 2, qui vise à introduire dans notre droit du travail un nouveau régime d'heures choisies : il s'agit de permettre aux salariés qui le désirent de travailler, en accord avec leur employeur, au-delà de leur contingent d'heures supplémentaires, le contingent légal - je le rappelle pour mémoire - étant fixé à 220 heures par an.

La mise en oeuvre des heures choisies est subordonnée à la conclusion d'un accord de branche, de groupe, d'entreprise ou d'établissement prévoyant notamment la modalité de rémunération de ces heures. Ces dernières ne pourront, en tout état de cause, être rémunérées à un taux inférieur à celui qui est applicable aux heures supplémentaires effectuées dans l'entreprise. L'accord pourra éventuellement prévoir, de surcroît, un repos compensateur.

L'article 2 traite également du cas des cadres ayant conclu une convention de forfait individuelle en heures sur une base annuelle ou une convention de forfait en jours. Ces cadres étant soumis à des modalités particulières de décompte de leur temps de travail, il est nécessaire d'adapter à leur intention le régime juridique des heures choisies afin qu'eux aussi puissent, sur la base du volontariat, travailler plus pour gagner plus.

Enfin, l'article 3 concerne les entreprises de moins de vingt et un salariés. Il proroge jusqu'à la fin de l'année 2008 des règles dérogatoires qui devaient en principe arriver à échéance à la fin de l'année 2005.

Le taux de majoration des heures supplémentaires restera ainsi à seulement 10 % dans ces entreprises, contre 25 % dans les entreprises de plus de vingt salariés.

Les heures supplémentaires s'imputeront toujours sur le contingent au-delà de la 36e heure, alors qu'elles s'y imputent au-delà de la 35e heure dans les plus grandes entreprises.

Ces mesures dérogatoires, qui étaient déjà prévues dans la deuxième loi Aubry du 19 janvier 2000, ont pour objet d'aider les petites entreprises à s'adapter plus facilement aux 35 heures en ménageant à leur intention des périodes de transition plus longues.

Ce dispositif a été légèrement retouché en première lecture puisque l'Assemblée nationale a adopté, sur l'initiative du Gouvernement, un amendement modifiant son champ d'application.

Pour des raisons historiques, ces dérogations concernaient jusqu'à présent les entreprises qui comptaient au plus vingt salariés au 1er janvier 2000. De ce fait, les entreprises qui, depuis cette date, ont dépassé le seuil de vingt salariés - parce qu'elles ont grandi, parce qu'elles ont fait de bonnes affaires et parce qu'elles se sont fortifiées - continuent, sans justification objective, d'en bénéficier. De la même manière, la question se pose du traitement à accorder aux petites entreprises créées après le 1er janvier 2000.

Dans un souci de clarification, l'Assemblée nationale a donc décidé que ces règles dérogatoires s'appliqueraient désormais aux entreprises comptant vingt salariés au plus à la date de promulgation de la présente loi. On estime qu'environ 6 000 entreprises - on a dit 10 000 à l'origine, mais il semble que ce soit 6 000 -, dont l'effectif dépasse à présent les vingt salariés, perdront le bénéfice de ces dérogations.

L'article 3 organise par ailleurs un système transitoire de renonciation par les salariés de ces entreprises à une partie des jours de repos issus de la réduction du temps de travail en échange d'une majoration de leur rémunération. Ce régime s'applique dans les entreprises de moins de vingt et un salariés tant qu'elles ne se sont pas dotées d'un compte épargne-temps et, au plus tard, jusqu'au 31 décembre 2008.

Le travail réalisé à l'Assemblée nationale a permis d'améliorer la rédaction du texte et d'apporter des précisions utiles concernant notamment le régime des cadres soumis à des conventions de forfait. Pour ces motifs, la commission des affaires sociales ne vous présentera que trois amendements à cette proposition de loi, mes chers collègues.

Le premier a pour objectif d'empêcher que la cinquième semaine de congés payés puisse être échangée contre un complément de rémunération.

Nous avons en effet considéré que la législation relative aux congés payés relève d'une logique de protection de la santé et de la sécurité au travail à préserver.

Nous n'avons pas, de plus, voulu toucher à cet acquis social important.

Le deuxième amendement est de nature fiscale. Il vise à compléter le dispositif d'encouragement à l'épargne-retraite, adopté par l'Assemblée nationale au profit des plans d'épargne retraite d'entreprise ou des régimes de retraite supplémentaire d'entreprise.

Le troisième amendement, enfin, tend à indiquer clairement que le recours aux heures choisies ne saurait conduire un salarié à dépasser la durée maximale journalière du travail, qui est fixée à dix heures.

Sous réserve de l'adoption de ces quelques amendements, la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi qui lui paraît de nature à desserrer les contraintes qui pèsent sur les salariés comme sur les entreprises de notre pays.

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