Intervention de Élisabeth Lamure

Réunion du 1er mars 2005 à 16h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Discussion d'une proposition de loi

Photo de Élisabeth LamureÉlisabeth Lamure, rapporteur pour avis :

C'est donc dans un cadre conventionnel rénové par la loi du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social que pourraient s'inscrire les nouveaux assouplissements envisagés dans la présente proposition de loi. Il y est en effet suggéré de développer plus avant les pistes ouvertes par la loi Fillon du 17 janvier 2003 concernant la gestion du compte épargne-temps, le CET, le développement du temps choisi ainsi que les dispositions temporaires propres aux entreprises de vingt salariés au plus.

M. le rapporteur ayant détaillé le dispositif des trois articles du texte, je me bornerai à indiquer quelles réflexions ceux-ci ont suscité au sein de la commission des affaires économiques et à vous faire connaître sa position.

A l'article 1er, qui vise à favoriser le développement du CET, en en simplifiant le mécanisme et en assouplissant ses conditions d'alimentation et de liquidation, trois types de questions peuvent se poser.

En premier lieu, la faculté nouvellement offerte au salarié d'imputer sur son CET des heures de repos compensateur obligatoire est-elle susceptible d'affecter sa santé ? La réponse est négative, puisque aucune des dispositions du socle législatif fixant la durée hebdomadaire maximale du travail, organisant le travail de nuit et imposant des durées minimales de repos quotidien et hebdomadaire n'est remise en cause. Je tiens à insister sur ce point : aucune de ces garanties prévues par le code du travail pour protéger la santé des travailleurs n'est modifiée. Dès lors, étant donné que la réforme du CET s'inscrit dans ce cadre protecteur, toute argumentation articulée autour de la problématique de la santé n'est qu'un faux procès.

En deuxième lieu, les nouvelles possibilités d'abondement du CET vont-elles permettre à l'employeur d'échapper aux mécanismes de majoration des heures supplémentaires ? Vos propos, monsieur le ministre, tant à l'Assemblée nationale que dans votre intervention ici même aujourd'hui sont très clairs : la rémunération, les majorations, l'évolution de la monétarisation des droits ou encore l'assujettissement aux cotisations sociales sont strictement conformes aux dispositions légales ou aux règles conventionnelles applicables à l'entreprise. Donc, là encore, inutile de crier à l'anathème ! §

Enfin, s'agissant des garanties protégeant les droits acquis du compte, vous avez également explicité comment s'effectuerait le provisionnement par l'entreprise ou la prise en charge par l'AGS, l'association pour la garantie des salaires, en cas de défaillance, voire, au-delà d'un certain plafond, par un tiers garantissant, selon un mécanisme d'assurance.

Compte tenu de tous ces éléments, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable sur l'article 1er. Elle est en effet convaincue que la modernisation du CET, qui offre aux salariés de nouvelles libertés dans la gestion de leur temps et de leurs revenus professionnels tout au long de leur vie active, devrait favoriser un nouvel essor de ce dispositif.

L'article 2 de la proposition de loi institue le régime du temps choisi permettant aux salariés, en accord avec le chef d'entreprise, de travailler plus s'ils souhaitent augmenter leur rémunération.

L'un des effets pervers du mécanisme légal d'organisation du temps de travail dans l'entreprise est qu'il empêche les salariés qui le souhaitent individuellement de travailler plus pour augmenter leurs revenus. La modération salariale ayant accompagné le processus progressif de mise en oeuvre des 35 heures a ainsi contraint un certain nombre de travailleurs à subir la stagnation de leur pouvoir d'achat sans disposer de la faculté d'accroître leur rémunération par une augmentation de la durée de leur travail.

A l'inverse, nombre de petites entreprises sont souvent conduites à refuser tout simplement des commandes. En effet, elles sont trop petites pour disposer d'un volant de main- d'oeuvre permettant de jouer, par le jeu du contingent légal ou conventionnel des heures supplémentaires, avec les aléas de cette activité ; par ailleurs, l'accroissement ponctuel de la demande ne justifie pas l'embauche d'un nouveau salarié.

L'on ne peut que déplorer cette situation paradoxale dans laquelle la loi interdit d'accroître temporairement la durée du travail quand bien même le salarié et le chef d'entreprise le souhaiteraient et y auraient tous deux intérêt.

De même, il convient de prendre en compte la situation de diverses catégories de cadres qui ne peuvent concilier l'organisation de leur travail et les impératifs de résultats auxquels ils sont soumis qu'en renonçant, sans contrepartie, à certains de leurs droits.

Je ne reviendrai pas sur le dispositif de cet article, qu'a excellemment présenté M. Louis Souvet. Je m'étonne seulement que cette faculté nouvelle offerte aux salariés d'arbitrer entre leur temps de loisir et leur pouvoir d'achat rencontre tant d'oppositions de principe.

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