Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 1er mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Suite de la discussion d'une proposition de loi

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis mai 2002, on observe en France 40 000 destructions d'emplois, 180 000 chômeurs de plus et 250 000 RMIstes de plus, des prélèvements supplémentaires, l'absence de négociation dans les entreprises, des suppressions de postes dans la fonction publique. Le nombre d'inscriptions à l'ANPE a augmenté de 8, 5 % en 2004 ; le chômage s'est accru de 22 % chez les jeunes et il atteint parfois 40 % dans les quartiers sensibles ; le chômage de longue durée s'est également aggravé. Une fois de plus, ce sont les populations les plus fragiles qui paient le plus lourd tribut et qui subissent de plein fouet la politique du Gouvernement. La précarité s'accroît : 75 % des offres concernent des emplois précaires.

L'aggravation du chômage et de la précarité a provoqué une baisse du pouvoir d'achat. Quel triste constat !

Cependant, la crise ne concerne pas tout le monde : l'année 2004 a été un grand cru pour les entreprises et pour les actionnaires, qui ont connu des bénéfices records. Il y a donc une société à deux vitesses : d'un côté, des actionnaires qui touchent le gros lot et, de l'autre, des travailleurs en voie de paupérisation, dont les acquis sont régulièrement mis en cause. On ne peut que s'indigner face à l'explosion des profits et des dividendes des entreprises ne générant ni emploi ni hausse du pouvoir d'achat.

Le texte qui est aujourd'hui soumis au Sénat réussit à remettre en cause la durée hebdomadaire du travail, la progression des salaires, les congés payés et la politique de l'emploi. Ces régressions sociales sont inacceptables et lourdes de conséquences pour les salariés.

Avec des heures supplémentaires majorées de seulement 10 % dans les entreprises de vingt salariés au plus, contre 25 % et 50 % aujourd'hui, les salariés devront travailler plus et ils gagneront moins en termes de taux horaire.

En 2005, les Français vont travailler plus sans augmentation de salaire. En effet, le contingent d'heures supplémentaires est désormais fixé à 220 heures par an et par salarié, contre 130 heures en 2002 et 180 heures en 2003 et en 2004 ; les employeurs peuvent donc imposer 40 heures par semaine.

Les jours de congés stockés sur les comptes épargne-temps que les salariés ne prennent pas pourront faire l'objet d'une rémunération ; les employeurs pourront imposer aux salariés de travailler davantage sans nécessairement appliquer le taux de rémunération prévu pour les heures supplémentaires. En d'autres termes, c'est au tarif normal que l'on paiera les heures supplémentaires placées sur le compte épargne-temps. En outre, avec la « journée de solidarité », c'est-à-dire la suppression d'un jour férié, les Français vont travailler un jour supplémentaire sans être rémunérés.

Une fois de plus, le Gouvernement montre qu'il ne souhaite pas entreprendre une politique d'embauche, car, en favorisant les heures supplémentaires, il fait le choix du chômage plutôt que celui des embauches. De plus, il accentue les inégalités entre les salariés des grandes et des petites entreprises.

Je rappelle que, selon un sondage IFOP réalisé les 27 et 28 janvier 2005, 77 % des salariés souhaitent conserver leur temps de travail ; seuls 18 % préfèrent le voir augmenter. Aujourd'hui, les salariés ont compris qu'ils risquaient de n'avoir ni les 35 heures ni les salaires, alors que tout augmente, en particulier en matière de santé et de logement.

Le Gouvernement ne respecte pas le contrat passé lors de la réforme du dialogue social, qui engage à négocier tout changement, puisque le texte encourage la négociation de gré à gré entre l'employeur et le salarié.

Il ne faut pas oublier que, très souvent, dans les entreprises, les salariés n'ont pas les moyens de faire entendre leur voix. Dans la plupart des cas, les employeurs n'acceptent pas que les salariés décident de leur temps de travail. En fait, la réforme vise à permettre aux entreprises de contourner les organisations syndicales pour mieux contraindre les salariés. Ce sont ces salariés qu'il faut protéger contre la précarité. En France, comme dans tous les pays industrialisés, ce sont les employeurs qui décident des heures supplémentaires à effectuer, et non les salariés. En cas de refus, les salariés s'exposent à un licenciement. Cette réforme ne pourra donc pas permettre aux salariés de choisir de travailler plus pour gagner plus.

J'en viens aux effets positifs du dispositif relatif aux 35 heures.

Les 35 heures ont permis une évolution considérable de l'organisation du travail - réorganiser, redistribuer et rationaliser les missions - et favorisé le dialogue social dans l'entreprise. En effet, selon le ministère du travail, « les lois Aubry ont provoqué un accroissement très sensible du nombre des accords d'entreprise et d'établissement ».

La réforme des 35 heures a-t-elle créé des emplois ?

Selon EUROSTAT, le taux de création d'emploi entre 1999 et 2001 a été de 50 % plus élevé en France que dans les autres pays européens. Ainsi, le Commissariat général du Plan estime que 200 000 emplois ont été créés en 2000 uniquement grâce aux 35 heures. L'INSEE en dénombre 300 000 à la fin de l'année 2001 et la DARES précise que 50 000 emplois supplémentaires ont été créés lors du premier semestre de l'année 2002.

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