Pour autant, il reste beaucoup de chemin à parcourir pour obtenir une normalisation de la situation.
Le retour à la sécurité sur le territoire implique la poursuite, voire le renforcement de l'engagement militaire dans la mesure où des bandes armées, souvent encouragées de l'extérieur, veulent imposer par la violence leur loi. Tant que l'armée afghane ne sera pas en mesure d'assumer seule la tâche du maintien de l'ordre, la présence des forces de la coalition sera indispensable.
Nous le savons, la paix ne peut être acquise par le seul recours aux armes et la réduction des problèmes afghans à leurs seules composantes militaires. C'est la raison qui a conduit le Président de la République à annoncer quatre préalables au renforcement de nos effectifs.
Le premier est l'affirmation d'une commune détermination de tous les alliés à rester engagés dans la durée : il semble désormais qu'un consensus existe sur ce point.
Le deuxième préalable est la mise en oeuvre d'une politique globale et coordonnée qui permettrait à l'effort militaire de s'inscrire dans une perspective de développement sous l'égide du nouveau représentant spécial des Nations unies, M. Kai Eide, qui sera chargé de coordonner les tâches de l'ONU, de l'OTAN et de l'Union européenne. La nomination de M. Eide et le soutien qu'il a reçu du gouvernement afghan permettent un certain optimisme.
Le troisième préalable est la perspective claire de transfert progressif des responsabilités aux Afghans à tous les niveaux et dans tous les projets : cette « afghanisation », qui suppose une implication plus forte des autorités et des structures locales à tous les niveaux, devrait permettre aux alliés de se concentrer sur les zones les plus difficiles, à commencer par le Sud.
Enfin, le quatrième préalable est l'adoption d'une stratégie politique partagée pour l'Afghanistan qui traite également de la question des relations avec ses voisins et avec l'ensemble de la région. En effet, la sécurité passe également par le soutien de la politique de réconciliation nationale du président Karzaï et par une politique de voisinage active.
En particulier, un très important effort diplomatique doit être effectué pour réduire les tensions et les antagonismes entre l'Afghanistan et le Pakistan. De ce point de vue, la constitution du nouveau gouvernement pakistanais devrait permettre d'espérer une ouverture et un rapprochement. Auparavant, le Pakistan doit renoncer aussi à sa politique ambiguë qui consiste à la fois à lutter contre certaines tribus islamistes et à ménager le sanctuaire dans lequel se sont réfugiés les responsables d'Al-Qaïda.
Je constate que le projet de déclaration publique des chefs d'État et de gouvernement sur la stratégie politico-militaire de l'Alliance en Afghanistan, qui doit être adoptée à Bucarest prochainement, reprend, dans les titres de ses différentes parties, les quatre critères proposés par le Président de la République française.
À ceux qui nous annoncent un nouveau Vietnam, qui s'opposent, non sans véhémence, à l'envoi d'un contingent français en Afghanistan ou qui préconisent - sans trop oser le dire - le retrait de toutes les forces alliées de ce pays, nous demandons s'ils ont réfléchi aux conséquences d'un retour au pouvoir des talibans en Afghanistan.
Se souviennent-ils de l'oppression que les talibans ont fait régner dans ce pays, qu'il s'agisse, comme vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le Premier ministre, de la défense faite aux habitants d'entendre de la musique, d'assister à la projection de films, de lire des ouvrages profanes, de professer des opinions politiques hétérodoxes, de jouir des libertés publiques élémentaires ?
Nous avons encore en mémoire le spectacle de ces femmes lapidées dans le principal stade de Kaboul parce qu'elles étaient soupçonnées d'adultère.
Trois d'entre nous - Didier Boulaud, Gisèle Gautier et moi-même - ont constaté le vandalisme culturel qui avait donné lieu à la destruction des admirables bouddhas de Bamiyan. Nous avons en mémoire aussi l'affreuse régression économique, culturelle et sociale, sans précédent, imposée au peuple afghan.
Ceux qui réclament le retrait sont-ils disposés à laisser les sinistres et sanglants assassins d'Al-Qaïda retrouver les repaires où ils préparaient leurs attentats ?
Sont-ils insensibles au sacrifice de ceux qui, tel l'héroïque Massoud, ont libéré leur peuple, avec un acharnement et un courage dignes de tous les éloges, de l'envahisseur soviétique puis des tyrans talibans ?
Parce que nous voulons que les Afghans demeurent libres, eux qui, au cours des siècles, n'ont jamais été domptés, parce qu'un Afghanistan indépendant et pacifié est indispensable à l'équilibre de l'Asie, nous approuvons la présence des troupes françaises aux côtés de nos alliés et nous souhaitons que tout soit mis en oeuvre pour trouver une solution politique durable à un conflit qui n'a que trop longtemps duré.