Intervention de Didier Boulaud

Réunion du 1er avril 2008 à 16h00
Situation en afghanistan — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Didier BoulaudDidier Boulaud :

En étroite concertation avec les forces de la communauté internationale, mais sans soumission, sans alignement sur des politiques qui ont failli, nous devons reconsidérer l'action menée en Afghanistan. C'est toute la stratégie politique et militaire en Afghanistan qu'il faut revoir.

Quelle est la situation actuelle en Afghanistan après plus de six années de guerre ? Parce que c'est d'une guerre qu'il faut parler et non pas d'une opération de sécurité, comme je l'ai entendu encore ce matin ! Une information récente parue dans la presse internationale indique que « le président Hamid Karzaï va faire appel aux milices pour rétablir la sécurité en Afghanistan. L'armée nationale afghane ne compte en effet que 30 000 hommes, au lieu des 86 000 prévus fin 2007 ».

Quel aveu d'échec alors que ces milices avaient été officiellement démantelées en 2003 !

C'est l'impuissance de l'armée afghane à bloquer l'accroissement de la violence sur place et notamment les attentats contre les populations civiles. Le terrorisme taliban ne cesse d'augmenter depuis 2005.

Cette situation extrêmement complexe a un coût énorme en vies humaines, et aussi un coût économique. Ces engagements, civils et militaires, sont onéreux ; les États-Unis, qui s'escriment à garder, directement ou via l'OTAN, la maîtrise politique et stratégique du processus afghan, veulent, en revanche, partager le fardeau économique avec les alliés, avec la communauté internationale.

Il s'agit d'une guerre asymétrique, et, pour l'occasion, les stratégies militaires sont à revoir. Les meilleurs matériels du monde, les techniques les plus sophistiquées et les budgets colossaux sont face à des combattants décidés, fanatisés, certes, mais à l'armement plus rudimentaire, aux techniques parfois artisanales et, en tout état de cause, aux performances technologiques largement inferieures à celles qui sont déployées par les alliés.

On doit donc se poser des questions sur la manière de mener ce conflit, sur les conditions dans lesquelles il se déroule, ainsi que sur la confusion existant parfois, dans le sud et l'est de ce pays, entre les missions et les actions de la FIAS-OTAN et celles de la coalition « Liberté immuable ».

Quant à la drogue, aux plantations d'opium, à la production d'héroïne, elles règlent l'économie du pays : va-t-on les combattre avec des avions, des drones et des missiles ?

Et le Pakistan ? Il est, d'une part, l'allié majeur des États-Unis et, d'autre part, doté de la force nucléaire. Peut-on envisager d'apporter des réponses et des solutions aux problèmes dont il souffre sans aborder la complexe réalité pakistanaise ?

La résolution des problèmes de sécurité de l'Afghanistan nécessite en conséquence un engagement politique ouvert et franc avec les voisins géographiques de cet État, notamment l'Inde et le Pakistan.

Nous savons que la crédibilité de l'action de l'OTAN en Afghanistan dépend non seulement des capacités militaires, mais aussi des progrès rapides de la reconstruction économique et sociale.

La croissance de l'insurrection trahit un échec collectif à s'attaquer aux racines de la violence. Six ans après l'éviction du régime taliban, la communauté internationale peine à se mettre d'accord sur ce qu'il faut faire pour stabiliser le pays et à fixer un ensemble d'objectifs communs.

Les États-Unis, qui exigent un plus grand engagement de la part des alliés, doivent prendre conscience de ce que leurs actions unilatérales affaiblissent la volonté des autres.

À côté de la lutte contre le terrorisme, le développement social et économique ne serait-il pas la clé du début d'une solution ? La misère est le terreau où prolifère le terrorisme. L'amélioration de la gouvernance en Afghanistan, la meilleure coordination de l'ensemble des moyens mis en oeuvre par les institutions internationales et un plan global et efficace de lutte contre le narcotrafic sont des tâches auxquelles la communauté internationale ne peut pas se soustraire.

La France doit apporter sa contribution et favoriser, à l'occasion de sa présidence de l'Union européenne, la prise de conscience de cette dernière en ce sens.

En conclusion, monsieur le Premier ministre, faut-il combattre les talibans ? Oui !

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion