Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 1er avril 2008 à 16h00
Situation en afghanistan — Débat sur une déclaration du gouvernement

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

...a suscité de très nombreuses réactions et une vive émotion dans notre pays.

Un récent sondage indique que 68 % de nos compatriotes désapprouvent une telle décision.

Face à cette situation, Nicolas Sarkozy et votre gouvernement ont été contraints d'accepter, à la demande de l'ensemble des groupes parlementaires, ce débat devant la représentation nationale.

Cette annonce, désinvolte à l'égard du Parlement et du peuple français, est choquante sur la forme et plus encore sur le fond.

En cédant ainsi de façon complaisante aux pressantes sollicitations des États-Unis, elle porte atteinte à la dignité et à l'autonomie de décision de notre pays.

En outre, en dehors du fait qu'elle ait été annoncée à l'étranger, avant même que le Parlement en soit informé, les raisons qui la motivent et les conséquences qu'elle entraînera n'ont pas été clairement exposées par le Président de la République.

Ainsi, une fois de plus, le pays et ses représentants apprennent par la presse qu'une nouvelle phase de notre engagement dans un pays lointain est en cours, sans aucune précision sur le cadre général, les missions et le calendrier de l'opération.

C'est manifestement un revirement de la part de celui qui, candidat à l'élection présidentielle, affirmait : « La présence à long terme des troupes françaises à cet endroit du monde ne me semble pas décisive. » Il avait, d'ailleurs, promis de poursuivre la politique de désengagement progressif initiée par son prédécesseur...

Non ! les Françaises et les Français n'admettent plus aujourd'hui que des décisions concernant de façon si symbolique la nation tout entière soient prises sans que leurs représentants aient été au moins informés et consultés. Puisque nos troupes vont, une nouvelle fois, être dangereusement exposées dans un conflit incertain et ambigu, qui risque d'avoir des conséquences sur la sécurité même de notre territoire, il n'était pas acceptable que nous ne débattions pas de l'opportunité de cette intervention.

En acceptant ce débat, monsieur le Premier ministre, messieurs les ministres, c'est bien ce que vous avez été obligés de reconnaître. Mais ayez maintenant le courage d'accepter un vote parlementaire, à l'instar de ce qui se pratique dans les autres grandes démocraties et comme l'avait fait François Mitterrand lors de la première guerre du Golfe, contrairement, d'ailleurs, à ce que vous avez prétendu dimanche. En effet, pourquoi débattre si la décision est irrévocable ?

Chacun sera alors face à ses responsabilités, car, en Afghanistan, c'est bien aussi d'une guerre qu'il s'agit, dans laquelle quatorze de nos soldats ont déjà perdu la vie.

Je m'interroge sur les raisons d'envoyer là-bas des troupes supplémentaires, car je doute que cela permette de répondre aux problèmes posés.

En définitive, pour quelles raisons sommes-nous en Afghanistan ?

Il faut se rappeler que cette opération trouve son origine dans les attentats du 11 septembre 2001 à New York et dans la décision unilatérale de l'administration Bush de lutter contre quelques groupes combattants dans les montagnes afghanes.

Les États-Unis ont d'abord constitué une coalition à géométrie variable pour renverser le régime des talibans à Kaboul. L'Alliance atlantique n'a été sollicitée qu'après, pour prendre le commandement de la Force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, mise en place avec la bénédiction des Nations unies après la chute des talibans.

C'est dans ce contexte que nous avons rapidement rallié la FIAS, mais sans avoir été associés à la définition des objectifs, qui étaient de lutter contre le terrorisme et de reconstruire un État en faillite.

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