Où en sommes-nous, sept ans après ?
Les talibans sont de retour dans l'Est et dans le Sud, les troupes de l'OTAN s'épuisent à les poursuivre dans les montagnes, la culture de l'opium est plus florissante que jamais et l'État afghan est corrompu jusqu'au plus haut niveau.
À l'évidence, la stratégie essentiellement militaire mise en oeuvre est totalement inadaptée, voire contre-productive. Elle contribue à accroître les tensions et mène tout droit à l'enlisement, car elle n'offre aucune perspective de règlement politique et diplomatique de la situation.
Je prétends même que, comme en Irak, cette stratégie, en raison des frustrations et des réactions qu'elle suscite auprès des populations, est le terreau sur lequel prospèrent tous ceux qui jouent la politique du pire et spéculent sur l'impuissance de la communauté internationale.
Cet échec militaire annoncé met aussi en évidence un profond déséquilibre entre le niveau des dépenses militaires et celui de l'aide à la reconstruction et au développement. Les chiffres en témoignent : les États-Unis dépensent 100 millions de dollars par jour pour la guerre, quand le total de l'aide internationale à la reconstruction est, lui, estimé à 7 millions de dollars par jour.
Cet état de fait ne peut que nous inciter à douter de la pertinence de la stratégie des forces de l'OTAN et à nous interroger sur les objectifs qu'elles veulent réellement atteindre dans ce pays.
Le récent rapport d'une agence regroupant la centaine d'ONG qui travaillent sur place révèle aussi l'ampleur des promesses non tenues en matière d'aide internationale, laquelle est gaspillée, inefficace et mal coordonnée. Sur les 25 milliards de dollars promis, seuls 15 milliards de dollars ont été effectivement versés.
Notre pays a lui-même une grande part de responsabilité dans cette situation et n'est pas exempt de reproches.
Nous allons accueillir une nouvelle conférence des donateurs à la mi-juin, mais le montant de notre aide à la reconstruction arrive loin derrière celui de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne, de l'Espagne, des Pays-Bas, du Danemark, de la Suède ou bien encore de la Finlande.
Nous nous apprêtons à renforcer notre dispositif militaire, mais le Président de la République ne semble pas pour autant décidé à augmenter notre aide bilatérale.
Un tel déséquilibre est à comparer avec les 100 millions à 200 millions d'euros supplémentaires nécessaires à cette intervention qui pèseront sur le budget des opérations extérieures, lequel avoisine déjà un milliard d'euros après le lancement de la mission EUFOR au Tchad. À cet égard, monsieur le Premier ministre, on peut légitimement s'inquiéter de la façon dont vous financerez ces surcoûts. Quels crédits militaires en feront les frais ?
Enfin, nous n'avons pris en charge aucune des vingt-six équipes provinciales de reconstruction, les EPR, ces équipes « civilo-militaires » qui atténuent quelque peu les ravages causés par le conflit.
Pour quelles raisons inavouables annoncer maintenant la décision d'envoyer combattre quelque mille soldats français supplémentaires, vraisemblablement dans une province sous commandement américain et dangereusement exposée, alors que la stratégie menée conduit à l'enlisement militaire, que l'ensemble de nos alliés ne sont pas tous d'accord sur la stratégie à suivre et que la France n'a, pour l'instant, obtenu aucune garantie sur une éventuelle modification de cette stratégie ?
Certes, monsieur le Premier ministre, vous avez précisé hier que le Président de la République avait l'intention, demain à Bucarest, de poser trois conditions à l'envoi de nos renforts. Je reste tout de même convaincue que le fait d'annoncer une décision, car c'est bien ce qui s'est passé devant le Parlement anglais, ...