Et combien coûtera exactement le renforcement de notre présence en Afghanistan ? Le ministre de la défense avait chiffré entre 150 millions et 200 millions d'euros en année pleine les surcoûts liés aux 2 200 soldats déjà présents en Afghanistan.
Et les 1 000 hommes supplémentaires ? Sur le même ratio, on peut estimer ce coût à environ 70 millions d'euros.
Reste le troisième grand enjeu : l'enjeu géostratégique.
Est-il opportun, d'un point de vue strictement stratégique, d'envoyer 1 000 hommes supplémentaires en Afghanistan ? La réponse pourrait ne pas être positive si l'on considère que, aujourd'hui, le déséquilibre du déploiement de nos forces dans le monde ne nous garantit peut-être pas de pouvoir faire face à des menaces d'urgence. L'envoi de troupes supplémentaires en Afghanistan posera des problèmes techniques, des problèmes très concrets : où trouverons-nous les hommes pour faire face à nos engagements ?
Cette question, nos états-majors se la posent avec d'autant plus d'acuité que cet envoi pourrait ne pas être compatible avec les engagements que nous avons pris par ailleurs avec nos alliés, afin de pouvoir répondre en urgence à toute menace, selon les critères de Petersberg.
Alors, posons toujours la même question, cette fois sous l'angle géostratégique : pourquoi ces 1 000 hommes ? Cela ne correspond pas à une demande de nos partenaires. Nous l'avons vu, les Canadiens avaient besoin de renforts, mais dans le Sud et non dans l'Est. Cela ne semble pas être non plus une demande de nos états-majors sur le terrain.
Les autres pays de la coalition ne modifient pas leurs engagements. Alors, pourquoi la France le fait-elle ainsi, unilatéralement ?
Seules des considérations géostratégiques plus globales peuvent l'expliquer.
Le renforcement des positions françaises en Afghanistan pourrait n'être qu'un des éléments du repositionnement de la France sur la scène internationale. Pour parler clairement, ce pourrait être l'un des éléments du glissement de la France vers l'atlantisme.
Le choix de déployer des troupes supplémentaires dans l'est du pays n'est pas indifférent au fait qu'elles y seront moins exposées que dans le sud. Certes, mais, surtout, le choix de l'est afghan conforte le rapprochement franco-américain. En effet, c'est de là qu'est menée la guerre contre les positions frontalières d'Al-Qaïda.
Dès lors, ces 1 000 hommes supplémentaires en Afghanistan ne constituent-ils pas un élément du glissement atlantiste de notre pays ? Il est permis de le croire.
Dans ces conditions, se pose la question de la pertinence de ce glissement. Ne risque-t-il pas d'entraver très fortement la politique européenne de sécurité et de défense, sachant que les signaux envoyés par la France en direction de la Grande-Bretagne et des États-Unis peuvent ne pas toujours être compris par notre partenaire privilégié au sein de l'Union, l'Allemagne ?
Cette inflexion n'exprime-t-elle pas de vives inquiétudes quant à la stabilité de l'ordre géopolitique international ? Jusqu'où ira le glissement atlantiste de la France ? La vision géostratégique que le général de Gaulle avait su imposer est-elle en train d'être remplacée par de nouveaux engagements auprès de nos alliés ?
Cela fait tout de même beaucoup de questions - et quelles questions ! - qui sont sans réponse !