Intervention de Bernard Kouchner

Réunion du 1er avril 2008 à 16h00
Situation en afghanistan — Débat sur une déclaration du gouvernement

Bernard Kouchner, ministre :

Je vous ai fait rire, c'était mon souhait !

En renforçant notre participation, comme nous l'ont demandé non pas seulement les Américains - serait-ce une honte ? - mais tout particulièrement les Canadiens, les Néerlandais ainsi que vingt pays européens, et ce même si notre effort n'est pas à la hauteur de celui que consentent un certain nombre de nos amis, nous essaierons - c'est notre souhait et c'est le sens de la lettre adressée par le Président de la République à ses partenaires - de ne pas nous consacrer seulement à la guerre, mais de promouvoir surtout la paix et le développement. Nous pensons, en effet, que c'est la seule voie pour qu'un certain nombre de nos suggestions puissent être acceptées.

L'afghanisation, cela signifie donner plus de responsabilités aux Afghans, et ce dans chacun des projets. Il ne s'agit donc pas uniquement pour nous de renforcer notre formation auprès des militaires - ils sont non pas 30 000 mais 50 000 - et des 35 000 policiers qui en ont, surtout les seconds, bien besoin.

Notre souhait est de faire en sorte que, dans chacun des projets de développement présentés par les organisations non gouvernementales et les agences des Nations unies, nous puissions impliquer les Afghans qui pourront alors assumer toutes leurs responsabilités.

Tel est le sens de la démarche de la France, et si nos partenaires ne partagent pas cet objectif, nous n'aurons pas alors à choisir entre rien du tout et l'augmentation des effectifs : notre réponse sera purement et simplement négative. À cet égard, je vous prie de suivre attentivement ce qui se passera demain à Bucarest : dans le déroulement des débats et, peut-être, dans ses conclusions, rien ne ressemblera à un alignement sur les Américains. Certes, le fait de s'aligner sur eux quand ils ont raison n'est pas un péché, mais, étant donné que nous souhaitons prendre la direction que j'ai indiquée concernant l'Afghanisation, vous verrez que nous serons très déterminés.

Qu'est-ce que cela signifie ? Cela veut dire, d'abord, établir une coordination à laquelle nous aspirons, ainsi que cela figure dans la lettre du Président de la République.

En effet, il est à noter qu'une telle coordination n'existe pas, ou, en tout cas, n'est pas suffisante, entre les trois grandes instances que sont l'opération Enduring Freedom, l'ISAF, et les agences civiles des Nations unies. Nous nous efforcerons donc de la renforcer, come il est de notre devoir de le faire.

C'est d'ailleurs dans cette attente, et sur la suggestion de la France, que M. Henry Hyde a été nommé représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, afin de coordonner les missions des Nations unies, même s'il n'aura malheureusement pas les moyens de coordonner l'ensemble. Cela était tout à fait indispensable, et Henry Hyde fera, je le crois, un bon travail.

Certains orateurs ont évoqué la situation de l'agriculture en Afghanistan. Je rappellerai, à cet égard, que 2 % de l'aide publique sont consacrés à l'agriculture, ce qui, il est vrai, est grandement insuffisant. Mais pour que les paysans afghans, qui représentent la majorité de la population, puissent bénéficier de cette aide, il faut de la sécurité. De même, pour construire les lignes électriques, très beau projet s'il en est, il faut de la sécurité !

Certes, l'insécurité est cantonnée à une portion réduite du territoire, mais c'est surtout là que vivent les Afghans ! Or, le territoire de ce pays est immense et presque vide, et il n'est pas intéressant d'y construire uniquement des lignes électriques.

Ne croyez pas que nous obéissions à un réflexe en quelque sorte militariste - et quand je dis militariste, il ne s'agit pas du tout d'un terme péjoratif ! -, pour le seul plaisir d'envoyer 1 000 hommes supplémentaires en Afghanistan ! Ce chiffre reste, d'ailleurs, à confirmer. En effet, je vous rappelle, madame Demessine, que, avant-hier, à Buckingham, aucun chiffre n'a été prononcé ni aucune décision prise devant le Parlement anglais.

Nous avons répété, comme l'avait dit le Président de la République devant la conférence des ambassadeurs, que nous augmenterions notre effort si les conditions stipulées dans la lettre adressée aux chefs d'État étaient remplies. Cela me paraît non seulement raisonnable, mais absolument nécessaire.

Je crois avoir répondu, même si ce fut trop rapidement, à vos remarques tout à fait pertinentes.

Ce n'est pas la guerre que nous souhaitons, ce n'est pas pour un éternel combat que nous nous sommes engagés. Il est toujours plus facile d'envoyer des troupes dans un pays que de les en retirer.

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