Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, depuis l'ordonnance du 17 juin 2004 sur les contrats de partenariat, seuls vingt-neuf contrats ont été attribués - vingt-deux par les collectivités territoriales, sept par l'État -, représentant un montant de 3, 3 milliards d'euros. Il convient d'ajouter que cent trente-cinq autres contrats sont aujourd'hui en cours de négociations, pour 7, 5 milliards d'euros.
Pourquoi ces contrats de partenariat ne connaissent-ils pas le développement escompté, alors qu'ils présentent, par leur approche globale qui va de la conception à l'exploitation, un gage de réelle efficacité ? Celle-ci repose à la fois sur une expertise préalable complète et sur une maîtrise globale de la chaîne de réalisation. De plus, elle est le gage d'économies financières dans le montage des projets, par la mise en oeuvre de process innovants et optimisés.
Ces contrats de partenariat favorisent également l'étalement de la dépense dans le temps et, sans aucun doute, une réelle maîtrise des coûts.
Toutefois, monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, au-delà de ces principes, je suis intéressé par ce nouveau type de contrat parce que le projet de partenariat mené actuellement par Voies navigables de France - la construction du canal Seine-Nord Europe - traverse le département de la Somme sur près de la moitié de son parcours.
Ce projet est estimé à 4 milliards d'euros. Je rappelle à cette occasion que j'avais déposé un amendement lors de l'examen du projet de loi relatif à la sécurité et au développement des transports, afin de permettre à Voies navigables de France de recourir au contrat de partenariat. Cet amendement a été adopté et permet à Voies navigables de France de financer le développement des infrastructures de transport fluvial, alors que, auparavant, cette possibilité était limitée à l'entretien des écluses et des barrages à gestion manuelle.
Le canal Seine-Nord Europe à grand gabarit est le maillon central du projet de liaison fluviale Seine-Escaut. Il est inscrit au rang des trente projets prioritaires européens en matière de transports. Ce canal reliera, à terme, les bassins de la Seine et de l'Oise au réseau fluvial nord-européen.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'ai souhaité prendre cet exemple pour illustrer l'importance des contrats de partenariat pour ce type de projets, dont l'envergure participera à l'équipement de la France, à son développement durable ainsi qu'à sa croissance.
Le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui, madame la ministre, participe à ce même objectif. Pour autant, il ne doit pas oublier le cadre fixé par le Conseil constitutionnel, qui précise que ce type de contrat, qui déroge au droit commun de la commande publique, doit rester exceptionnel.
En effet, je viens de le souligner, il suscite aujourd'hui un très faible engouement. Je passerai rapidement sur les raisons de ce déficit, le rapporteur, les rapporteurs pour avis et les différents orateurs qui m'ont précédé les ayant déjà excellemment rappelées. Toutefois, au nombre de ces causes se trouvent notamment un problème de concurrence avec les autres types de partenariat public-privé, des critères d'ouverture très contraignants, un régime juridique désavantageux, un régime fiscal peu attractif et, sans aucun doute, un réel frein administratif lié bien souvent à une mauvaise connaissance de ce montage et peut-être à un excès de prudence des services de l'État.
Quelles sont les solutions que prévoit ce projet de loi pour relancer ce partenariat public-privé ? Elles portent à la fois sur l'élargissement du champ d'application de ce contrat de partenariat et sur la clarification de son régime juridique et fiscal.
D'une part, l'élargissement du champ d'application concerne la possibilité d'utiliser les partenariats public-privé quand les conclusions de l'évaluation préalable présentent un bilan avantageux. Il est vrai que nous pouvons néanmoins nous interroger sur la constitutionnalité d'un tel ajout, dans la mesure où ce cas d'ouverture peut être éloigné du principe d'intérêt général, qui est une condition indispensable du Conseil constitutionnel pour déroger au droit commun de la commande publique.
D'autre part, le projet de loi ajoute de nouvelles voies d'accès sectorielles. Il s'agit notamment de l'enseignement supérieur, de la recherche, des infrastructures de transport s'inscrivant dans un projet de développement durable - je viens de l'évoquer -, la rénovation urbaine, l'amélioration de l'accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite.
Une modification de l'ordonnance en ce sens était d'ailleurs très attendue. Elle permet de tenir compte de l'une des critiques les plus fréquentes, à savoir le champ d'application trop restreint d'un tel contrat.
S'agissant des voies d'accès sectorielles, elles permettent de recourir au contrat de partenariat avec beaucoup plus de facilité, puisqu'elles dispensent le maître d'ouvrage d'en justifier l'utilisation. Permettez-moi toutefois, madame la ministre, d'émettre une réserve sur l'échéance de 2012, qui sera sans aucun doute un frein majeur à la mise en oeuvre de ces projets.
Le projet de loi prévoit également de clarifier le régime juridique des contrats de partenariat et d'améliorer leur régime fiscal.
L'ensemble de ces propositions va incontestablement, là aussi, dans le sens d'une plus grande attractivité de ces contrats.
Le rapporteur saisi au fond et les deux rapporteurs saisis pour avis proposent différentes modifications. Je souhaite à cette occasion relever l'intérêt du travail qu'ils ont effectué, chacun apportant un éclairage complémentaire dans l'analyse globale de ce texte. Je pense, en particulier, à la proposition de notre collègue Charles Guené, rapporteur pour avis de la commission des finances, qui insiste sur la nécessité de faire de la consolidation des engagements financiers liés aux partenariats public-privé dans la dette publique le principe et la déconsolidation l'exception. Ainsi prendrons-nous en compte l'impact financier et comptable réel, ce qui permettra d'éviter toute fuite en avant et un accroissement excessif de l'endettement des collectivités et de l'État.
Plus généralement, nous souscrivons à l'ensemble des propositions émises, qu'elles émanent du Gouvernement ou des rapporteurs. Mais nous savons aussi, madame la ministre, que ce nouvel outil de commande publique doit trouver rapidement son rythme de croisière : 2012, c'est demain ! Il doit, pour cela, être accompagné dans sa mise en oeuvre par un réel service après-vente.
C'est pourquoi nous demandons qu'un cadre méthodologique de référence soit rapidement déterminé et mis à disposition des décideurs publics. Il devra non seulement comporter des formations spécialisées à destination des agents publics, notamment des maîtres d'ouvrages publics, mais aussi s'appuyer sur un réseau de retour d'expérience. En outre, il sera indispensable de mettre en oeuvre des outils adaptés pour l'évaluation préalable. Ce sera difficile.
Ce point constitue, en effet, la phase la plus délicate et la plus compliquée, en particulier pour les collectivités territoriales, qui ne disposent pas des services et des compétences suffisantes pour procéder à une évaluation pertinente susceptible de conditionner le recours au contrat de partenariat. Or, il faut le rappeler, les collectivités territoriales représentent 73 % de l'investissement public et sont donc des acteurs incontournables de la croissance.
Enfin, comme le proposait le rapporteur, Laurent Béteille, il serait très certainement utile de créer un code de la commande publique. Cela permettrait non seulement d'avoir une meilleure lisibilité du droit en la matière, mais aussi de distinguer plus clairement les différents types de partenariats publics-privés et la réglementation qui s'y rattachent pour chacun d'eux.
C'est pourquoi il est impératif, madame la ministre, d'accorder une attention particulière à l'organisation d'un réseau d'information et de soutien logistique à la mise en oeuvre des contrats de partenariat. Depuis le mois de décembre 2007, un programme de formation spécifique a été mis en place, ce dont nous nous réjouissons. Cependant, nous devons encore redoubler d'efforts si nous voulons rendre intelligible et accessible le droit de la commande publique et, surtout, si nous voulons que le contrat de partenariat représente une part significative de cette dernière.
Enfin, et je conclurai sur ce point, il me semble important de privilégier ce mode de partenariat comme outil d'accompagnement d'un programme d'équipement d'intérêt national, qui n'oublie pas le développement local.
En effet, si la globalisation des marchés permet une meilleure gestion et une meilleure efficacité dans la conduite des projets, elle ne doit pas se faire au détriment des entreprises locales.