Intervention de Josiane Mathon-Poinat

Réunion du 1er avril 2008 à 21h45
Contrats de partenariat — Exception d'irrecevabilité

Photo de Josiane Mathon-PoinatJosiane Mathon-Poinat :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les contrats de partenariat sont apparus dans le paysage de la commande publique avec l'ordonnance du 17 juin 2004.

Je ne remonterai pas le cours de l'histoire avec vous, madame la ministre, ni d'ailleurs le cours du temps. Je rappellerai simplement que les ébauches de partenariats public-privé avaient été instaurées en 2002 par deux lois, respectivement la loi d'orientation et de programmation pour la justice et la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure. Ces textes permettaient déjà à l'administration de signer de tels contrats dans le but de construire ou de rénover des prisons et des gendarmeries.

Néanmoins, c'est avec la loi du 2 juillet 2003 habilitant le Gouvernement à simplifier le droit que le Gouvernement a officialisé les contrats de partenariat et décidé de généraliser cet outil nouveau de la commande publique.

Seulement voilà, un obstacle, et non des moindres, est venu briser l'élan gouvernemental : le Conseil constitutionnel, saisi de la loi d'habilitation, a certes validé le principe des contrats de partenariat, mais il en a en revanche refusé la généralisation prévue à l'époque.

Le Conseil constitutionnel a en effet considéré que les contrats de partenariat étaient non pas des outils juridiques équivalents aux marchés publics, aux délégations de service public ou aux concessions, mais des dérogations. Il a ainsi estimé que « la généralisation de telles dérogations au droit commun de la commande publique ou de la domanialité publique serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité devant la commande publique, à la protection des propriétés publiques et au bon usage des deniers publics ».

À ce titre, les contrats de partenariats doivent être réservés, toujours selon le Conseil constitutionnel, « à des situations répondant à des motifs d'intérêt général tels que l'urgence qui s'attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d'un équipement ou d'un service déterminé. »

La décision du Conseil constitutionnel est ainsi venue quelque peu bouleverser les plans du Gouvernement qui, sans y renoncer, a tout de même dû intégrer dans l'ordonnance de 2004 les réserves d'interprétation du Conseil.

Le recours aux contrats de partenariat n'est donc possible que pour les projets qui relèvent de l'urgence et pour ceux dont la complexité le justifie.

Mais, malgré un régime fiscal intéressant, les partenariats public-privé n'ont pas connu l'essor escompté. Vingt-deux contrats de partenariat ont été signés par les collectivités territoriales et leurs établissements publics, et sept par l'État.

Ainsi, dans une lettre adressée au Premier ministre au mois d'octobre dernier, le Président de la République a exprimé sa volonté de redynamiser et de relancer les partenariats public-privé.

Madame la ministre, en présentant le projet de loi en conseil des ministres, vous avez indiqué que celui-ci visait à « faire du contrat de partenariat un instrument qui trouve pleinement sa place dans la commande publique, et non plus un simple outil d'exception ». Vous l'avez d'ailleurs répété ici-même.

À première vue, cette seule affirmation semble contraire à la décision du Conseil constitutionnel du 26 juin 2003. Jugeant les réserves d'interprétation des sages trop rigides et trop restrictives, le Gouvernement a décidé de développer le recours aux partenariats public-privé.

Votre volonté de contourner la décision du Conseil constitutionnel est à peine masquée. Elle nous est d'ailleurs confirmée par la lecture du projet de loi, dans lequel deux nouveaux cas d'ouverture de contrats de partenariat apparaissent.

Premièrement, le projet de loi prévoit le recours à ces contrats lorsque l'intérêt économique et financier est démontré à l'issue d'une évaluation des différents modes d'action dont la personne publique dispose pour répondre à ses besoins. En d'autres termes, si le bilan est manifestement avantageux au regard des autres outils de commande publique, le recours aux contrats de partenariats devient possible.

Deuxièmement, ce texte envisage également le recours aux partenariats public-privé jusqu'au 31 décembre 2012 pour les secteurs de l'action publique présentant un besoin immédiat en investissements.

En clair, dès qu'une décision du Conseil constitutionnel est gênante, il faut la contourner !

Madame la ministre, avec ce projet de loi, vous ne respectez ni la lettre ni l'esprit de la décision du Conseil constitutionnel. D'ailleurs, vous ne vous en cachez même pas, puisque vous avez clairement l'intention d'ôter aux contrats de partenariat leur statut d'exception et de les banaliser.

Examinons d'un peu plus près le contenu du projet de loi.

La première nouvelle voie de recours présentée par le texte concerne le bilan positif entre les coûts et les avantages par rapport aux autres outils de la commande publique.

Un tel choix est étrange, car l'évaluation préalable prévue aux articles 2 et 14 de l'ordonnance du 17 juin 2004 est déjà destinée à exposer les motifs, notamment économiques et financiers, ayant conduit la personne publique ou la collectivité territoriale à retenir le projet envisagé après une analyse comparative en termes de coût global, de performance et de partage des risques.

Cette évaluation préalable constitue déjà une sorte de bilan entre les coûts et les avantages. C'est la loi. Il s'agit d'une une étape préliminaire qui ne sort pas du cadre défini par le Conseil constitutionnel. De toute façon, les projets faisant l'objet d'une telle évaluation doivent être complexes ou présenter un caractère d'urgence.

Et votre objectif est précisément de rendre les contrats de partenariat systématiquement plus avantageux que tous les autres outils de la commande publique. C'est d'ailleurs le seul intérêt pour vous. Il s'agit essentiellement de faire apparaître les marchés publics et les autres outils de la commande publique comme ceux qui sont toujours les plus onéreux.

La deuxième nouvelle voie de recours aux contrats de partenariat est, quant à elle, sectorielle. Jusqu'à la fin de l'année 2012, elle est réservée à certains secteurs réputés présenter un caractère d'urgence, tels que l'enseignement supérieur et la recherche, la justice ou la santé publique.

Mais lorsque de tels besoins urgents existent - et, en l'occurrence, c'est effectivement le cas ! -, l'ordonnance de 2004 prévoit déjà la possibilité de recourir aux contrats de partenariat. Alors, quel besoin serait plus impérieux ?

Une fois de plus, pour comprendre la finalité d'une telle mesure, il faut lire entre les lignes. L'article 2 énumère certes avec précision les secteurs dans lesquels les projets seront réputés présenter un caractère d'urgence, mais il ouvre un champ plus vaste encore. En effet, les besoins sont grands en matière de rénovation urbaine et d'amélioration des conditions d'étude et de vie étudiante, d'accessibilité des personnes handicapées ou d'efficacité énergétique des bâtiments publics.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion