Dans ces conditions, deux hypothèses sont à envisager : soit nous votons contre cet amendement parce que, bien que nous soyons favorables à l’idée, le contexte ne s’y prête pas ; soit, après cette discussion, ses auteurs le retirent. Je souhaiterais que nous parvenions à un consensus en faveur du retrait, car il ne serait pas bon que nos collègues subissent un vote négatif.
J’ai été désigné par l’intergroupe parlementaire pour siéger à la commission sur les produits pétroliers – elle s’est réunie lundi, en présence de M. le secrétaire d’État et des représentants des quatre départements d’outre-mer. Cette réunion m’inspire plusieurs réflexions.
En premier lieu, les compagnies pétrolières sont, plus que des citadelles, quasiment des États dans l’État. Nous ne pourrons pas fonder le dialogue avec elles sur des illusions – mes illusions se sont totalement évanouies, mais mes convictions sont renforcées. Nous devrons nous armer d’arguments pour que, soit par l’application du droit européen de la concurrence, soit par une législation qui reste à forger – il y faudra du temps, monsieur le secrétaire d’État, et l’année 2009 n’y suffira pas, à mon avis –, nous parvenions à mettre en place un dispositif de vérité et de transparence des prix dans ce secteur.
En second lieu, les données, telles qu’elles nous ont été présentées, sont complexes et diverses : il existe non pas une série de données mais plusieurs. Prenons l’exemple de l’approvisionnement : pourquoi la SARA s’approvisionne-t-elle en pétrole brut acheté à Rotterdam, alors que la région compte de nombreux producteurs de pétrole ? Voilà une question à éclaircir, que le rapport des experts que nous avons entendus n’aborde pas : ils ont simplement justifié cette source d’approvisionnement par le fait que le pétrole vendu sur le marché de Rotterdam était conforme aux normes européennes. C’est une blague ! Le pétrole brut, lorsqu’il jaillit, n’est pas aux normes européennes ou aux normes mondiales ! Il va donc falloir clarifier cette question, car nous ne pourrons plus nous satisfaire de justifications aussi fantaisistes.
Il faut également prendre en compte d’autres paramètres, la raffinerie, les procédures d’achat, les marges, le trading, etc. Si nous prenons donc le temps, mes chers collègues, de créer les conditions d’un consensus général et de nous rassembler au-delà des clivages politiques – nos forces ne suffiront peut-être pas forcément à la tâche – nous parviendrons peut-être à établir la transparence et la vérité dans ce dossier. Ce n’est qu’ensuite que nous pourrons définir le remède pour imposer un prix compatible avec les normes du marché et les souhaits de la population.
Je serais gêné de voter contre cet amendement, car cela signifierait que je ne suis pas d’accord avec ses auteurs, mais, si je vote pour, j’apporte de l’eau au moulin de ces compagnies qui nous exploitent !
Nous devrions donc trouver aujourd’hui un consensus pour dire au Gouvernement : banco ! Puisqu’il nous propose de relever un défi, qu’il nous communique les données, comme l’a dit Lucette Michaux-Chevry, pour que nous nous fassions une opinion sur cette question complexe. Quand nous aurons tout remis à plat, nous pourrons nous armer législativement et réglementairement pour remettre de l’ordre dans ce dossier dont la valeur symbolique est considérable. La « profitation » existe, notamment dans ce domaine : si nous voulons y mettre fin, nous devons nous donner les moyens d’une réflexion approfondie !