Intervention de Odette Terrade

Réunion du 12 mars 2009 à 9h30
Développement économique de l'outre-mer — Article 17

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

L’article 17 de ce projet de loi prévoit d’ouvrir aux sociétés anonymes d’habitation à loyer modéré et aux sociétés anonymes coopératives d’habitation à loyer modéré la possibilité d’accéder au capital des sociétés immobilières ayant pour objet la construction de logement social ou intermédiaire, dans le but de leur permettre de bénéficier des exonérations fiscales auxquelles elles ne pouvaient accéder jusqu’à présent du fait de leur statut.

De l’avis du rapporteur de la commission des finances, les mesures de défiscalisation telles que les dispositions de la loi Girardin n’ont pas eu un impact favorable sur l’accès au logement des habitants des départements d’outre-mer. Elles ont favorisé la construction de logements haut de gamme, alors que 80 % de la population des départements d’outre-mer se trouvent à un niveau de ressources relevant du logement social.

L’ouverture de cette possibilité aux SAHLM serait donc un moyen de contrer les effets pervers des défiscalisations qui ont été constatés.

Pourquoi orienter les SAHLM vers l’investissement dans le logement privé plutôt que de supprimer des dispositions fiscales inefficaces qui profitent seulement à quelques propriétaires ? Quels sont, en outre, les possibles effets pervers d’une réorientation des fonds des SAHLM vers le logement privé ?

Mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur les dispositions de la loi dite « de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion », qui a été présentée au Parlement voilà quelques mois par Mme Boutin et que nous avons votée.

Ce texte abaisse les plafonds d’accès au logement social tout en lançant une chasse aux « profiteurs » qui vivraient dans le logement social et dépasseraient les plafonds de ressources, mais dont on sait qu’ils n’ont pas, pour autant, les moyens de se loger dans le privé.

Comme nous l’avons souligné lors de la discussion de ce projet de loi, il s'agit d’un moyen détourné de réduire le nombre de nos concitoyens qui peuvent prétendre accéder au logement social, sans pour autant répondre au manque criant de logements en France.

Nous avons également dénoncé la volonté affichée par Mme Boutin d’intégrer au logement social l’accession à la propriété, une mesure qui permet, de fait, de revenir sur l’article 55 de la loi SRU, c'est-à-dire la loi relative à la solidarité et renouvellement urbains.

Le présent texte s’inscrit donc dans la logique qui sous-tendait la loi dite « de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion » : réduire l’investissement des pouvoirs publics dans le logement social et le réorienter vers le logement privé, en faisant confiance à la « régulation » du marché, selon le bon vieux principe de l’offre et de la demande, afin que les problèmes du logement soient résorbés. Pour notre part, nous n’y croyons pas !

Il y a, tout de même, une différence notable ici : la volonté de faire bénéficier de défiscalisations les opérateurs de logement social.

En effet, nous étions intervenus lors de la discussion de la loi Boutin pour que les SAHLM, au même titre que les propriétaires privés, puissent accéder aux dispositifs de défiscalisation favorisant les normes dites à « haute qualité écologique », afin que ces dernières soient également applicables aux opérateurs de logement social. Malheureusement, une telle mesure n’a pas été considérée utile.

La logique suivie est simple : la réorientation des fonds du logement social vers le privé est acceptable, les cadeaux fiscaux et « incitatifs », sans garantie de contrepartie sociale, sont permis pour le logement privé, mais l’investissement financier direct de l’État dans le logement social est exclu !

La commission des finances reconnaît elle-même que la mise en œuvre du nouveau dispositif prévu par l’article 20 de ce texte, que nous examinerons tout à l'heure, soulève des difficultés :

« [Dans] la mise en œuvre du nouveau dispositif, [les organismes] ne disposent pour le moment d’aucun savoir-faire.

« Par ailleurs, de nombreux organismes de logement social sont dans des situations financières difficiles, ce qui pourrait constituer un obstacle à l’application du dispositif prévu par le présent article. »

Quant à nous, nous nous interrogeons sur l’effet réel de ce dispositif et sur les bénéfices que les SAHLM pourraient en tirer. Utiliseront-elles ce régime, étant donné les contraintes de gestion qu’il impliquera ?

La seule motivation de ces sociétés sera certainement la disparition des financements de l’État, qui, en les privant des moyens de financer des projets immobiliers de logement social, les obligera à prendre des parts dans les SCI et à se limiter à ce rôle !

Elles deviendraient alors une nouvelle source de financement pour le logement privé, et voilà tout. Mais qu’adviendra-t-il si la SCI décide d’augmenter ses loyers et de sortir du cadre du logement social ?

Je veux rappeler quel est aujourd'hui l’état financier des SAHLM dans les départements d’outre-mer. Dans cette perspective, je présenterai seulement la situation de la SAHLM de Guyane, évoquée dans le rapport pour avis de la commission des affaires économiques, qu’a rédigé notre collègue Daniel Marsin.

La SAHLM de Guyane est propriétaire d’environ 4 000 logements. Un premier plan de redressement a été mis en place au début des années quatre-vingt-dix. En 2004, le « 1% logement » est intervenu, via un pacte d’actionnaires qui a été rompu peu après. En 2008, un nouveau plan de redressement a été mis en œuvre, sous l’égide de la Caisse de garantie du logement locatif social, la CGLLS, et de l’Union d’économie sociale pour le logement, l’UESL, qui visait à accorder une aide de 85 millions d’euros sous forme de subventions et de prêts.

Dans la conclusion de leur encadré consacré à la situation de la SAHLM de Guyane, les auteurs du rapport précité affirment que :

« La SAHLM de Guyane vit donc sous la menace d’une saisine du tribunal de commerce par le commissaire aux comptes.

« La fédération des SAHLM devrait demander au ministère du logement la désignation d’un “administrateur provisoire”. Cette situation pèse sur les locataires, aucune rénovation d’immeubles ne pouvant avoir lieu. »

Dans ces conditions, et à la lumière de cet exemple, ne vaudrait-il pas mieux attribuer aux SAHLM les moyens de fonctionnement et les personnels nécessaires, plutôt que de leur confier de nouvelles missions sans pouvoir garantir qu’elles les assumeront ?

Je crains, pour ma part, que l’impact d’une telle mesure sur le logement social dans les départements d’outre-mer ne soit très limité.

Enfin, en ce qui concerne les mesures de réquisition des logements vacants prévues par l’ordonnance n° 45-2394 du 11 octobre 1945, le groupe CRC-SPG défend la mise en œuvre de ces dispositions et leur extension aux départements d’outre-mer, où elles ne s’appliquaient pas, mettant fin ainsi à une exception historique.

Nous ne pouvons donc que saluer cette disposition, même si, pour l’heure, elle ne concerne qu’un petit nombre de logements, hélas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion