Intervention de Serge Larcher

Réunion du 12 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Article 20

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le redéploiement de la défiscalisation vers le logement social opéré par le texte n’est rien moins qu’un véritable piège pour l’outre-mer.

C’est un pari pour le logement social si improbable qu’il est réservé à l’outre-mer ! Il n’existe en métropole aucun système de défiscalisation pour le logement social qui demeure financé exclusivement sur crédits budgétaires. Le dispositif le plus « social » est le « Borloo populaire », qui est en fait destiné au secteur intermédiaire.

La réforme Jégo vise simplement à pallier optiquement une pénurie budgétaire entérinée pour l’outre-mer par les pouvoirs publics. La réforme proposée n’est rien moins qu’un habillage élégant du désengagement de l’État.

Le logement social est un droit fondamental. Nulle part sur le territoire national il n’est sorti de la compétence de l’État, excepté en outre-mer ! C’est indigne !

Vouloir redéployer la défiscalisation du logement vers le logement social relève soit du pari hasardeux, soit de la volonté inavouée de « tuer » cette défiscalisation outre-mer.

Défiscaliser le logement social en lieu et place du logement libre ou intermédiaire diminuerait très fortement l’intérêt de l’investissement pour les investisseurs métropolitains : qui dit logement social dit plafonnement des loyers, donc baisse des revenus locatifs.

En réalité, l’orientation gouvernementale pour l’outre-mer ne vise nullement à accroître les avantages fiscaux liés à l’investissement locatif social ; c’est même tout le contraire. Sur la base des simulations de la fédération des sociétés d’économie mixte d’outre-mer, l’hypothèse d’une rentabilité négative d’un investissement locatif social outre-mer est, de loin, la plus propice à décourager les investisseurs, a fortiori dans un contexte de forte remontée des taux d’intérêt, notamment dans le secteur immobilier.

L’objectif annoncé par cette mesure est de relancer la politique du logement dans les départements d’outre-mer. Or qu’en est-il réellement ?

Le projet de loi Jégo supprime la quasi-totalité de la défiscalisation des logements libres ou intermédiaires, dont le cadre actuel est issu de la loi Girardin, et réserve le bénéfice de cette dépense fiscale aux seuls programmes immobiliers comprenant un certain pourcentage de logements sociaux donnés en location, sous une double condition de plafond concernant, d’une part, les loyers et, d’autre part, les ressources des locataires.

Ce recentrage de la défiscalisation en outre-mer répond en réalité à un objectif d’allégement des contraintes financières pour l’État.

Il ressort des travaux préparatoires du projet de loi Jégo que le vrai reproche fait à la défiscalisation du logement en outre-mer est son coût, jugé prohibitif pour les finances publiques.

Les critiques adressées au dispositif Girardin de défiscalisation du logement en outre-mer sont exactement les mêmes que celles qui ont visé, en métropole, le dispositif métropolitain Robien. Mais, en métropole, le dispositif Robien n’a été modifié qu’à la marge et non supprimé sans autre forme de procès, comme on se propose de le faire pour l’outre-mer au travers du projet de loi pour le développement économique de l’outre-mer.

L’affirmation selon laquelle la défiscalisation aurait détourné, dans les départements d’outre-mer, les opérateurs du bâtiment et des travaux publics des appels d’offre proposés par les maîtres d’ouvrage sociaux, occulte la véritable raison de cette situation, qui découle largement des délais de règlement excessifs de la filière du logement social en raison de la dette accumulée par l’État et de l’incapacité de ce dernier à honorer ses propres engagements vis-à-vis des bailleurs.

Les dispositions relatives à la défiscalisation du logement social sont inadaptées car, défiscalisés ou non, les investissements locatifs privilégient toujours, en outre-mer comme en métropole, des petites surfaces, qui peuvent à la fois être louées très cher au mètre carré et se vendre plus facilement, et ne répondent en rien aux contraintes économiques et opérationnelles des projets.

Nous savons tous que c’est la ligne budgétaire unique, la LBU, qui finance le logement social en outre-mer. Elle doit d’ailleurs demeurer le socle du financement du logement social. Quant au dispositif de défiscalisation proposé dans le projet de loi, il devrait permettre une production complémentaire de logements sociaux et intermédiaires, et en aucun cas se substituer à la ressource budgétaire.

En effet, le dispositif de défiscalisation est une ressource aléatoire par nature, car elle dépend de la dynamique des investisseurs, qu’il s’agisse de personnes morales ou physiques. Or, dans le contexte actuel de crise sociale des départements d’outre-mer, et de crise financière en général, personne ne peut être assuré de la mobilisation de cette ressource à court terme.

Le principe de mixité de financement LBU-défiscalisation demande donc à être clarifié afin de permettre une instruction efficace des dossiers.

Soulignons aussi que l’impact médiatique des événements qui ont touché la Guadeloupe, la Martinique, hier encore la Guyane, et aujourd’hui la Réunion se traduira par un fort reflux des projets d’investissement.

La possibilité de cumuler LBU et défiscalisation devra également être clarifiée.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion