Intervention de Georges Patient

Réunion du 12 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Article 20

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Les barrages dressés lors des émeutes de novembre 2008 en Guyane, les événements qui secouent depuis plusieurs semaines la Guadeloupe, la Martinique et désormais la Réunion ont tous pour origine, même si le malaise s’avère en fait plus profond, les problématiques liées à la vie chère.

Dans un tel contexte, la question du logement devient centrale dans la mesure où le budget consacré à ce poste représente souvent plus de 30 % des dépenses des ménages. Le loyer et les charges ont connu, ces dernières années, des hausses bien supérieures au coût de la vie proprement dit. C’est d’ailleurs la raison qui a incité le Gouvernement à modifier les caractéristiques de l’indice des loyers et à instaurer l’indice de référence des loyers, l’IRL, fondé non plus uniquement sur le coût de la construction mais, plus largement, sur les indices des coûts à la consommation.

En Guyane, ces augmentations ont atteint des taux records, avec un marché du logement, notamment dans la capitale, complètement orienté à la hausse dans un contexte de pénurie de logements. Dans certains cas, on a même vu apparaître un marché de la demande à la place du marché de l’offre : le logement offert au plus offrant. Tout cela s’est accompagné d’une flambée des coûts de construction et de production.

Nous voyons bien, aujourd’hui, que l’on a atteint un point de non-retour et que la question du logement et des loyers reste problématique, dépourvue de solutions tangibles à court terme.

J’ajoute, sans entrer dans la polémique des chiffres récents publiés par l’INSEE, que les jeunes de moins de vingt-cinq ans représentent plus de 60 % de la population totale. C’est une force, selon certains, mais aussi une bombe à retardement. En effet, gérer l’éducation, l’insertion professionnelle, l’accès à un logement et à l’emploi pour un très grand nombre ne sera pas chose aisée dans un tel contexte économique.

La question du logement sera très prochainement encore plus préoccupante. Des solutions nouvelles sont donc à inventer rapidement.

L’accession à la propriété est sans doute la première de ces solutions. Plus spécifiquement, l’accession sociale demeure, en Guyane, une réponse au logement du plus grand nombre. Elle se heurte cependant, depuis plusieurs années, à un certain archaïsme, à la disparition de ses mécanismes de financement – notamment le prêt du Crédit Foncier de France, délivré autrefois, ou le prêt complémentaire LAS – et à une lente dégradation du volume de terrains équipés à coût modéré.

La sur-bancarisation du système actuel a sans doute trouvé ses limites. Sans entrer dans la polémique, on peut dire que le fait d’accéder à tout prix à la propriété peut devenir un leurre si l’endettement est trop important.

En Guyane, au contraire, il existe une majorité de ménages non bancarisés qui aspirent à la propriété, plus par pure tradition ou mode de vie que par choix économique. C’est une force, et il est nécessaire de s’en servir. L’instauration d’une plus grande souplesse dans le mécanisme de financement du logement évolutif social, le LES, par exemple, au lieu du recours systématique au crédit, doit permettre la construction de logements de masse évolutifs respectant l’environnement, c’est-à-dire de logements durables.

Des moyens financiers également adéquats seront nécessaires. Aujourd’hui, les subventions représentent à peine 30 % du coût total, hors achat du terrain et viabilisation ; dans les années quatre-vingt-dix, elles atteignaient la moitié de ce coût. Deux champs d’investigation doivent donc être étudiés : la révision de la politique des prix et l’indexation des subventions sur les véritables coûts de la construction. L’étroitesse du marché guyanais et le quasi-monopole de certains groupes ne facilitent sans doute pas les choses en la matière.

La quasi-hégémonie de choix du logement locatif social a entraîné celui-ci dans une impasse. Le nombre de demandeurs de logements sociaux locatifs est à ce jour bien supérieur à l’ensemble du parc de logements existants. La courbe de la demande croît de manière exponentielle alors que la production stagne, et le phénomène ne cesse de se dégrader au vu de la croissance démographique.

La politique des loyers consistant à systématiser le loyer plafond ne rend plus le logement locatif attractif pour un ménage modeste. Cette politique est pourtant la seule alternative pour les bailleurs sociaux, puisque ceux-ci doivent également prendre en compte le financement de l’aménagement des terrains, les équipements publics et, bien souvent, l’assainissement collectif.

Pour toutes ces raisons, nous atteignons des prix de loyers certes autorisés par la loi, mais trop élevés pour la majorité des bénéficiaires. Des choix nouveaux en la matière sont possibles, notamment par l’intermédiaire de la création de zones d’aménagement concerté, les ZAC, comme c’est le cas à Saint-Laurent-du-Maroni ou à Macouria, dans le secteur de Soula. Il est urgent d’en programmer d’autres dès maintenant. Le maître mot en la matière serait « diversification » : il s’agit de permettre le financement d’opérations croisées public-privé et logement social-logement intermédiaire, avec les équipements en parallèle.

Quels dispositifs pouvons-nous envisager pour répondre à cette problématique ? D’abord, l’instauration d’un véritable plan du logement en Guyane, à l’instar de ce qui vient d’être lancé à la Réunion. Ensuite, le développement d’opérateurs sociaux, intermédiaires et associatifs soutenus par les pouvoirs publics afin d’impulser une nouvelle dimension visant à l’augmentation de l’offre de logements. Enfin, une grande diversification des produits liés au logement : accroître l’offre locative de logements à loyers maîtrisés dans le parc public, mais aussi dans le parc privé, lancer une politique d’accession à la propriété, notamment sociale et intermédiaire, et développer l’offre de solutions d’hébergement ou de logement spécifique pour les populations marginalisées ou en insertion.

Cela demande avant tout, outre des moyens humains et financiers importants, une volonté politique sans faille de faire de la question du logement plus qu’une priorité locale, un devoir à l’égard de la jeunesse.

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