Intervention de Gélita Hoarau

Réunion du 12 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Article 26

Photo de Gélita HoarauGélita Hoarau :

Cela fait plus de vingt-cinq ans que la question de la continuité territoriale est posée.

En 1984, dans le cadre de la préparation des contrats de plan État-régions, le bureau du conseil régional de la Réunion proposait unanime de discuter de six priorités. Avant l’eau, l’énergie, le logement, les grands travaux d’intérêt général et la parité sociale, il proposait la compensation du « handicap de la distance » et demandait que « soit arrêté le montant d’une dotation versée annuellement par l’État » et « la création de compagnies de transport sous forme de société d’économie mixte ».

La crise, puis la disparition d’Air Lib, qui avait elle-même succédé peu de temps auparavant à AOM, ont fait de la desserte aérienne de l’outre-mer une question sensible en 2002 et, ainsi, de la mise en œuvre de la « continuité territoriale » un point fort de la campagne présidentielle. Cela a abouti au dispositif décidé par la loi Girardin de 2003, comprenant le passeport-mobilité, la dotation de continuité territoriale et l’extension au domaine aérien, pour la seule couverture de l’outre-mer, des dispositions liées à la défiscalisation et aux exonérations de charges.

Ce nouveau système a mis du temps pour se mettre en place et a connu quelques défaillances. Toutes ne sont pas imputables aux collectivités territoriales.

Dans son rapport, la commission des finances a cité des extraits du rapport de la Cour des comptes de 2008 qui pointe du doigt certains manquements de l’État : le fait de laisser les collectivités fixer sans directives les critères d’attribution ; l’absence d’un système d’évaluation fiable et cohérent, l’État « se bornant à recevoir des collectivités d’outre-mer des bilans eux-mêmes lacunaires et tardifs » ; des retards dans le versement des crédits mettant plusieurs CROUS dans des situations financières difficiles.

Le Gouvernement a décidé de tout remettre en cause et a obtenu auprès de Bruxelles une modification des obligations de service public dans la perspective de faire venir outre-mer des compagnies à bas prix.

Il a signé des conventions avec des compagnies aériennes. Il travaille à la modification du système des congés bonifiés. Enfin, il veut réformer le passeport-mobilité et le dispositif de continuité territoriale.

Il faut dire les choses telles qu’elles sont : la plupart de ces démarches n’ont pas donné de résultats. Récemment, le président du MEDEF-Réunion indiquait que la venue de compagnies charters tenait du pari impossible à tenir. La presse réunionnaise discutait, il y a quelques jours, de l’efficacité des conventions signées il y a peu.

On peut se demander si le Gouvernement a bien les moyens de maîtriser aujourd’hui toutes les données du problème. Ainsi est-il obligé, pour avoir une idée de l’évaluation des tarifs réellement pratiqués, d’introduire dans la loi un dispositif imposant en quelque sorte aux compagnies aériennes de fournir les données utiles sur la structure des coûts et les tarifs réels.

Or n`était-ce pas, en partie, la mission de l’Observatoire des tarifs et du trafic sur les liaisons entre Paris et les départements d’outre-mer, créé à la fin de 2004 par les services de la direction générale de l’aviation civile ? Si celle-ci n’a pas réussi, que pourra faire de plus le Gouvernement ?

Le Gouvernement devrait donc faire le point sur chacune des initiatives qu’il a prises dans le domaine et dire quels dispositifs fonctionnent et quels autres ne fonctionnent pas.

La réforme des deux dispositifs du passeport-mobilité et de la continuité territoriale va conduire à des situations dangereuses.

S’agissant des nouvelles règles régissant le passeport-mobilité, tout le volet formation inclus dans l’actuel dispositif disparaît, limitant ainsi les perspectives de formation et d’insertion professionnelles. Par ailleurs, le bénéfice du passeport pour les étudiants est considérablement réduit.

Compte tenu du contexte et, notamment, d’une impossibilité, pour diverses raisons, d’étendre l’offre de formations technologiques, professionnelles et universitaires, la Réunion a, en cohérence avec les schémas nationaux et européens et de façon volontariste, externalisé une partie de ses formations. Une telle orientation suppose un maintien, sinon une intensification, des efforts de tous les partenaires. Le projet de loi n’y tend pourtant pas, la volonté de rationaliser la dépense publique visant essentiellement à réduire au maximum la contribution de l’État.

En reprenant la gestion du dispositif, l’État confirme bien que la continuité territoriale est de sa responsabilité. Il devra donc en garantir l’efficacité et en assurer intégralement le financement dans des conditions identiques à celles qui prévalent en Corse, où il consacre plus de 600 euros par habitant à la continuité territoriale contre un peu plus de 11 euros dans les départements d’outre-mer.

La continuité territoriale ne peut cependant se résumer à la seule dimension du déplacement des hommes même s’il s’agit d’un aspect essentiel.

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