Intervention de Yves Jégo

Réunion du 12 mars 2009 à 15h00
Développement économique de l'outre-mer — Article 26

Yves Jégo, secrétaire d'État :

J’ai entendu bien des propos qui ne correspondent pas à la réalité de nos intentions.

Tout d'abord, les membres de la Haute Assemblée doivent garder à l’esprit que notre objectif n’est pas de réaliser des économies, mais, tout au contraire, de regrouper les crédits disparates qui sont relatifs à la continuité territoriale, afin de disposer de l’enveloppe financière la plus large possible. Ainsi pourrons-nous, notamment, engager avec les compagnies aériennes des négociations qui soient les plus fructueuses possibles.

La méthode choisie par le Gouvernement consiste à proposer un partenariat aux collectivités locales, parce que nous tenons à décliner la continuité territoriale en fonction des territoires.

La continuité territoriale, c’est le lien entre chaque territoire et la métropole, qui relève à l’évidence de la responsabilité de l’État, mais c’est aussi, par extension, les dessertes entre les différents territoires d’outre-mer et à l’intérieur de chacun d’eux, qu’elles soient aériennes ou maritimes, qu’elles permettent le transport des personnes ou celui des marchandises.

Dans ce cadre, nous proposons de créer des groupements d’intérêt public, par territoire ou par zone géographique cohérente, afin d’associer les moyens de l’État, c'est-à-dire la politique nationale de continuité territoriale, à ceux qui seraient dégagés par les collectivités locales désireuses d’insister sur telle ou telle partie du dispositif. Vous voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous voulons être cohérents sur ce sujet.

En outre, nous avons une visée sociale, ce qui nous ramène au débat qui fait aujourd'hui l’actualité dans les territoires d’outre-mer.

J’ai annoncé l’achat d’un certain nombre de billets d’avion à un prix très bas ; je souhaite d'ailleurs que les compagnies aériennes avec lesquelles nous négocions nous accordent le tarif le plus avantageux. Ces billets seront réservés à ceux qui résident dans les territoires d’outre-mer, sous conditions de ressources évidemment, et facturés à un prix tournant autour de deux centimes d’euros le kilomètre, hors taxes d’aéroport, prix qui est bien sûr l’un des moins élevés possible.

Nous voulons aussi que les outils auxquels nous tenons beaucoup, comme le passeport-mobilité pour les étudiants, soient gérés avec le même souci de cohérence, car si nous avons une visée sociale, nous entendons aussi éviter les abus.

Mesdames, messieurs les sénateurs, plusieurs d’entre vous ont cité tout à l’heure un rapport de la Cour des comptes qui pointait un certain nombre de dérives ; il nous faut en tirer toutes les conséquences.

Ainsi, en ce qui concerne le passeport-mobilité, j’ai du mal à comprendre qu’un étudiant qui décide de partir du jour pour le lendemain puisse bénéficier de ce dispositif, ce qui oblige souvent l’État à lui acheter un billet plein tarif, considérablement élevé.

Nous voulons donc rationaliser ce système et entamer des négociations avec les compagnies aériennes, mais aussi ouvrir dans certains territoires le dispositif aux lycéens, qui n’en bénéficiaient pas jusqu’alors, ce qui était le cas à Wallis-et-Futuna, monsieur Laufoaulu !

En outre, comme l’a promis le Président de la République pour la Guyane, mais cet engagement vaut également pour les autres territoires d’outre-mer, nous voulons que la continuité territoriale garantisse le lien entre les différents territoires, par exemple entre la Guyane et les Antilles, entre Wallis-et-Futuna et la Nouvelle-Calédonie ou entre Mayotte et la Réunion. L’action du Gouvernement outre-mer est guidée par une logique de desserte et de mobilité au sens large du terme.

Enfin, nous souhaitons utiliser la continuité territoriale comme un levier. Le Gouvernement a conscience que cette question est une sorte de « tarte à la crème » que les responsables politiques se lancent au visage depuis des années, et que les progrès réalisés en la matière ont été faibles.

Comme vous l’avez souligné, Madame Payet, nous avons déjà commencé à changer les obligations de service public et nous avons passé une convention avec les compagnies aériennes. Il s'agit d’une politique des petits pas, certes, mais à force elle finira bien par se traduire par des progrès mesurables.

De même, nous avons engagé une démarche auprès des compagnies low cost. À ce propos, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit votre sensibilité politique, ne prenez pas pour argent comptant les propos du président du MEDEF ! Ce n’est pas parce que celui-ci a affirmé à un journal que les compagnies low cost ne desserviraient pas l’outre-mer que nous devons faire notre miel de cette déclaration aussi surprenante qu’infondée !

Nous avons bien l’intention de démarcher les grandes compagnies low cost du monde entier pour les inciter à desservir ces territoires. Je ne prétends pas que cette démarche réussira à 100 %, mais je crois qu’elle doit être tentée.

En effet, c’est la concurrence qui fera baisser les prix. Tant que perdureront des situations monopolistiques, comme c’est le cas en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna, où une seule compagnie se trouve présente, les tarifs seront exorbitants, insupportables et inacceptables pour nos compatriotes.

Nous entendons favoriser la concurrence, comme le Président de la République l’a souligné lors de son voyage en Guyane voilà un an. Nous avons d'ailleurs défiscalisé le premier avion d’Air Caraïbes : pour la première fois depuis de nombreuses années, deux compagnies se trouvent en concurrence sur la liaison Paris-Cayenne, et nous avons constaté que les prix avaient baissé, en moyenne.

La politique de continuité territoriale et les crédits qui lui sont affectés doivent donc servir de levier pour changer les pratiques des compagnies aériennes vis-à-vis de l’outre-mer, car certaines situations ne semblent pas en phase avec l’esprit de concurrence et la baisse des prix que nous souhaitons promouvoir.

L’appel d’offre que le Gouvernement lancera pour acheter plusieurs dizaines de milliers de billets d’avion qui, comme je le soulignais tout à l'heure, feront l’objet de tarifs sociaux, incitera peut-être de nouvelles compagnies à desservir les territoires d’outre-mer, ou les Antilles à imposer des liaisons vers Roissy, qui sont si précieuses pour le tourisme et que les professionnels de ce secteur réclament avec tant de force !

Il offre en tout cas l’occasion de définir une stratégie globale de la continuité territoriale, qui utiliserait pleinement les moyens disponibles, en les regroupant, qui reposerait sur des partenariats et qui n’oublierait aucune des modalités d’application de cette politique.

Nous devrons d'ailleurs travailler sur des cartographies, secteur par secteur, afin de nous fixer des objectifs et de mesurer les progrès que nous avons accomplis.

À travers cet amendement, qui vise à réécrire entièrement l’article, nous exprimons donc, tout d'abord, notre volonté de tenir compte de vos interventions, mesdames, messieurs les sénateurs.

Cet amendement est donc sous-tendu par la volonté très forte, très affirmée, de déterminer une stratégie de continuité territoriale, servie par des outils puissants, et d’apporter enfin à nos compatriotes d’outre-mer des conditions de desserte dignes du xxie siècle, ce à des prix accessibles et dans des conditions qui, du point de vue social, n’ont encore jamais été en vigueur jusqu’à présent. J’ai, en effet, vu trop souvent des membres d’une même famille ne pas pouvoir se rapprocher les uns des autres pour la simple raison que les prix des billets d’avion étaient inabordables.

C’est aussi pourquoi le Gouvernement tient à réformer les congés bonifiés : il veut, non pas diminuer les avantages dont bénéficient ceux de nos compatriotes qui sont fonctionnaires, mais éviter que, chaque année, au début du mois de juillet, qui marque le début des congés bonifiés, et à la fin du mois d’août, au moment des retours, 15 000, 20 000 ou 30 000 familles n’engorgent les aéroports.

Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, ce qui arrive quand il y a 30 000 demandes simultanées pour une même destination et à des dates fixes : certaines tranches horaires passent en zones rouges, les prix s’envolent jusqu’à devenir totalement inabordables et, au final, les sommes dépensés viennent grossir encore les profits des compagnies aériennes, ce qui – vous l’avouerez – n’était pas l’objet initial.

C’est donc bien une stratégie répondant à une vision d’ensemble, à une approche globale de la situation, que le Gouvernement met en œuvre : cet amendement – si vous l’adoptez – permettra de définir l’organisation partenariale grâce à laquelle, dans les années qui viennent, de réels progrès pourront être accomplis, et ainsi ceux de nos compatriotes qui n’ont jamais eu la chance et le bonheur de visiter les territoires d’outre-mer pourront le faire dans de meilleures conditions.

Les compagnies low cost ont très bien fonctionné, voilà vingt-cinq ans, pour l’Afrique du Nord. Je ne vois pas pourquoi il ne pourrait en être de même, dans les prochaines années, pour l’outre-mer ? Vous le voyez, c’est un système « gagnant-gagnant » que nous vous proposons !

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