Mon explication de vote est faite au nom des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’issue de la discussion de ce projet de loi pour le développement économique des outre-mer, quelle appréciation peut-on porter sur ce texte ?
Que dire d’un texte qui, rédigé il y a plus d’un an, ne tient compte ni de la crise économique mondiale, ni de ses conséquences dans les outre-mer, ni des événements qui, ayant commencé il y a déjà plusieurs mois, ont lieu, encore en ce moment, dans des collectivités territoriales si particulières, des événements qui traduisent des inquiétudes, des craintes, des indignations, des révoltes et des revendications en matière d’emploi, de pouvoir d’achat, de logement, de formation, de transport, de communication ?
Que dire d’un texte que l’on nous a demandé de discuter de toute urgence, alors qu’il n’est même pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale ?
Que dire d’un texte qui n’apporte pas les réponses les plus urgentes, puisque celles-ci sont fournies, dans la précipitation, par des accords locaux ?
Que dire d’un texte dont tout le monde sait très bien qu’il va être remis en question par les états généraux de l’outre-mer, qui, dès le mois d’avril, sont censés mettre tous les problèmes « à plat », et apporter des réponses durables, à long terme, aux préoccupations de nos compatriotes ultramarins ?
Ce projet de loi est loin de satisfaire les sénateurs du groupe socialiste, apparentés et rattachés. En effet, il ne répond que très partiellement aux attentes de ceux à qui il est censé s’adresser.
Tout en créant des zones franches d’activités, et malgré quelques ajustements votés par cette assemblée, nous n’oublions pas qu’à l’origine de ce texte était le souci de faire des économies.
À l’origine du système de la dégressivité, le souci de faire des économies, avec, pour conséquence, le frein à l’embauche de cadres, dont les PME ont tant besoin pour se développer et être compétitives !
Que dire, également, de la réforme du régime de défiscalisation en matière de logement ? Même si le dispositif initial a été quelque peu corrigé pour tenir compte des besoins en logement intermédiaire, n’est-il pas légitime de craindre une baisse d’activité dans le secteur du bâtiment ? Les moyens budgétaires de l’État en faveur du logement social ne doivent-ils pas être augmentés ?
Que dire, aussi, de l’absence d’aide aux collectivités territoriales, alors que le rôle de celles-ci en matière d’investissement public est supérieur - près de 85 % - à celui des collectivités de métropole, sans parler du poids des départements pour ce qui est des dépenses sociales, indispensables pour faire face au malaise social ?
Et, en regardant plus loin, que dire du désengagement progressif de l’État, beaucoup plus net qu’en métropole depuis 2002 ?
Nous pensons que le Gouvernement ne doit pas casser l’élan dont les outre-mer savent faire preuve quand on leur permet de libérer leurs énergies. Et si l’on nous disait que nous comptons trop sur les effets des mécanismes de défiscalisation en tous genres, nous rétorquerions que nous utilisons les outils que nous pouvons utiliser.
Tout le monde sait qu’un développement endogène de nos régions viendra d’une exploitation rationnelle de nos ressources naturelles et humaines, de la rupture des blocages, de la cassure de monopoles d’un autre âge, et de l’ouverture de tous les outre-mer vers leurs contextes régionaux respectifs.
Le Président de la République nous a annoncé des « états généraux de l’outre-mer ». Nous en prenons acte. Nous considérons le dialogue qui s’est instauré pendant la discussion de ce projet de loi, certes nourri de quelques correctifs concernant la régulation des prix, l’emploi des cadres, la réhabilitation des logements, la santé, ou la taxation des jeux de hasard, comme le début des discussions de ces futurs états généraux. Mais sachez que nous serons très attentifs à tout ce qui sera dit et décidé pendant cette période, ainsi qu’aux perspectives qui se dessineront alors.
En conséquence, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au nom des membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, nous ne donnerons pas un blanc-seing au Gouvernement pour sa politique vis-à-vis des outre-mer, mais procéderons à un vote d’abstention sur ce projet de loi, gage de bonne volonté, mais aussi d’extrême vigilance.