Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 11 décembre 2008 à 15h00
Application de l'article 25 de la constitution et élections des députés — Exception d'irrecevabilité

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Ainsi, après l’adoption de ce projet de loi organique, les parlementaires qui accepteront un poste au Gouvernement pourront retrouver leur siège mais, dès à présent, ceux qui ont accepté une telle mission avant l’entrée en vigueur de cette loi pourront également retrouver leur siège, de manière rétroactive.

J’ai tendance à penser que cette confusion, qui me semble entretenue volontairement, entre application immédiate et application rétroactive permet au Gouvernement de masquer la réalité de l’injustice qu’il nous demande aujourd’hui d’avaliser.

Il s’agit là d’une démarche qui n’est pas nouvelle de sa part : Mme la garde des sceaux avait déjà utilisé, lors de l’examen du projet de loi sur la rétention de sûreté, le même stratagème pour nous faire avaler ce qui n’était rien d’autre qu’une rétroactivité du dispositif. Le Conseil constitutionnel n’avait d’ailleurs pas manqué de sanctionner cette interprétation.

J’en reviens aux parlementaires victimes de ce retour automatique.

Ces personnes, qui jouissent aujourd'hui d’un droit acquis, en seront désormais dépossédées, non pas pour une raison d’intérêt général, mais simplement pour contenter ceux qu’ils ont remplacés.

Je le répète : il s’agit là d’une disposition injuste, et cette injustice est institutionnalisée.

Concernant le principe même du retour automatique des ministres, plusieurs commentaires s’imposent.

Il est censé éviter le recours à une élection partielle pour le remplacement définitif d’un parlementaire ayant accepté des fonctions ministérielles. En d’autres termes, ce dispositif prive les citoyens du choix de leurs représentants, en organisant un jeu de chaises musicales.

De plus, la possibilité offerte à un ministre de retrouver son siège sans repasser devant les électeurs est en complète contradiction avec le principe de solidarité gouvernementale. En effet, les ministres disposant d’un parachute permanent, impossible à remettre en cause, les mettant totalement à l’abri des aléas de la vie politique, il leur sera à tout moment loisible de se désolidariser de l’action gouvernementale.

Autrement dit, cette assurance de trouver une porte de sortie nuit à la cohésion gouvernementale. Mais elle constitue également un handicap sérieux à l’exercice du mandat parlementaire.

En effet, le parlementaire amené à remplacer temporairement un ministre ne peut s’engager dans son mandat avec la sérénité nécessaire. À tout moment, il peut perdre son siège : son sort est à la merci du bon vouloir du ministre – sinon de celui du Président de la République –, le ministre pouvant choisir ou non de reprendre son siège. À y réfléchir de plus près, il s’agit d’un cumul masqué de fonctions, l’une exécutive, l’autre législative, en violation du principe de séparation des pouvoirs.

Le deuxième motif d’irrecevabilité concerne le sort réservé aux parlementaires remplaçants.

M. Fauchon a d’ailleurs lui-même évoqué lors de la discussion générale les inquiétudes que cette question inspirait au groupe Union centriste.

Le dispositif ne prévoit rien pour le parlementaire sortant : aucun délai raisonnable pour se retourner ; aucune indemnité compensatoire spécifique ; aucun moyen d’action ; aucune porte de sortie pour ses salariés.

En outre, le délai d’un mois prévu pour le retour du ministre à son siège est trop bref. Pensez-vous qu’un mois suffise pour congédier ses salariés et s’assurer une reconversion ? Qui, dans ces conditions, pourra remplir sa mission avec sérénité ? Quel parlementaire acceptera de s’engager sérieusement compte tenu de cette précarité ?

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