Dès le début de ce débat, il est apparu que nous étions tous d’accord pour considérer que chacune de nos interventions n’avait d’autre objet que de permettre au Conseil constitutionnel d’apprécier la constitutionnalité de ce projet de loi. À cette fin, je souhaite apporter quelques arguments complémentaires concernant l’article 2.
Il convient en premier lieu de rappeler que le principe de proportionnalité entre la représentation à l’Assemblée nationale et la réalité démographique est susceptible de connaître des dérogations pour des motifs d’intérêt général, à condition, toutefois, qu’une telle dérogation à cette « règle fondamentale » n’intervienne que « dans une mesure limitée ».
La jurisprudence du Conseil constitutionnel admet ainsi que chaque département puisse, quelle que soit sa population, élire deux députés à l’Assemblée nationale, afin « d’assurer un lien étroit entre l’élu d’une circonscription et l’électeur. »
Toutefois, les inégalités de représentation qui résultent de ce dispositif dérogatoire ne doivent pas conduire à accroître « sensiblement » les inégalités de représentation « au sein d’un même département ». Il faut rappeler ici que Saint-Barthélemy et Saint-Martin ne sont ni un département ni un archipel.
Ces règles générales doivent en outre être appréciées au regard d’un certain nombre de précédents.
Le Conseil constitutionnel a déjà admis la représentation par un siège de député à l’Assemblée nationale de collectivités d’outre-mer faiblement peuplées : les îles de Wallis et Futuna, peuplées aujourd’hui de 15 000 habitants, n’en comptaient que 8 000 à la date de leur accession au statut de territoire d’outre-mer ; Saint-Pierre-et-Miquelon est représenté à l’Assemblée nationale, ainsi que Mayotte.
La loi organique du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer a créé deux nouveaux sièges de député pour les deux nouvelles collectivités de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin. Le Conseil constitutionnel n’a pas condamné cette création, ce qu’il aurait pu faire, en théorie, en se fondant sur la faible population de Saint-Barthélemy ; il l’a simplement différée dans l’attente d’un remodelage général des circonscriptions législatives, ce sur quoi nous débattons aujourd’hui.
La jurisprudence du Conseil constitutionnel n’admet les écarts de représentation que « dans une mesure limitée ». Or les trois sièges des trois « petites » collectivités représentent au total 0, 51 % des 577 sièges de députés. Le président Jean-Jacques Hyest l’a rappelé tout à l’heure en prenant le cas de Saint-Barthélemy.
À l’occasion de la réforme de la composition du Sénat, le Conseil constitutionnel a expressément admis le maintien, au profit de la Creuse et de Paris, d’inégalités démographiques à caractère exceptionnel et portant sur un nombre limité de sièges – 4 sur 346 : « en conservant aux départements de la Creuse et de Paris leur représentation antérieure, le législateur a apporté une dérogation au mode de calcul qu’il avait lui-même retenu ; que, toutefois, pour regrettable qu’elle soit, cette dérogation, qui intéresse quatre sièges, ne porte pas au principe d’égalité devant le suffrage une atteinte telle qu’elle entacherait d’inconstitutionnalité la loi déférée ». Or la proportion de 4 sur 346, soit 1, 15 %, est bien supérieure à celle de 3 sur 577, soit 0, 51 %.
Aussi, si l’on extrapole, fusionner les circonscriptions de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin reviendrait à accepter le principe de circonscriptions « interdépartementales ». Cette évolution devrait alors conduire, en métropole, à la création de circonscriptions englobant deux départements – ou un département et une partie d’un autre – faiblement peuplés.
Mes chers collègues, je m’apprête à présenter un deuxième amendement s’inscrivant dans la suite logique de ma démarche initiale consistant à rétablir dans la loi le principe selon lequel toute collectivité est représentée par au moins un député.
J’ai écouté les avis des uns et des autres. Monsieur le rapporteur, votre message a été très clair et très précis. Monsieur le président de la commission, j’ai apprécié la force de votre engagement. Monsieur le secrétaire d'État, je comprends que, à ce stade de l’examen de ce projet de loi, il vous soit difficile d’apporter des réponses plus concrètes à mes interrogations. Néanmoins, votre propos témoigne, me semble-t-il, d’un engagement du Gouvernement, lequel a été réitéré par plusieurs ministres ces derniers temps. Dans ces conditions, il est fort probable que je retire l’amendement que j’ai déposé.