Cet article a effectivement été supprimé par l'Assemblée nationale à la demande du Gouvernement. Il prévoyait, suivant des modalités reprises dans le rapport, de rendre dégressives les exonérations de charges sociales en outre-mer.
En effet, à l'heure actuelle, ces exonérations fonctionnent comme des franchises. Si un salarié vient à dépasser le seuil de 1, 3 SMIC, par exemple, l'exonération reste acquise sur cette fraction de son salaire. Cette disposition est issue de l'article 1er de la loi de programme pour l'outre-mer.
Le Gouvernement a souligné qu'il ne serait pas opportun que l'État revienne sur sa parole. Effectivement, les dispositions de cette loi ont été adoptées pour quinze ans.
Le Gouvernement a également souligné que des évaluations étaient prévues pour 2006 et qu'il était nécessaire, avant de toucher au système, d'en mesurer au préalable l'impact. Je ne trouve rien à y redire, bien entendu, et c'est pour cette raison que la commission des finances, bien que le renoncement à cet article ait entraîné une dégradation du solde budgétaire, ne demande pas son rétablissement.
Pour autant, monsieur le ministre délégué, nous souhaitons apporter notre contribution au débat.
Comment peut-on analyser les conditions économiques en outre-mer aujourd'hui ? Deux éléments doivent être pris en compte. D'abord, il faut se situer du côté du marché du travail. Ensuite, il faut se situer du côté du marché des capitaux.
S'agissant du marché du travail, il faut évoquer la forte proportion de fonctionnaires bénéficiant de compléments de rémunération. Ce point a été relevé par notre collègue Henri Torre, rapporteur spécial des crédits de l'outre-mer, qui notait, dans son rapport pour 2005 : « On peut conclure qu'il existe une forme de pyramide des salaires : les fonctionnaires de l'État, puis les fonctionnaires des collectivités locales, enfin les agents du secteur privé. » Il apparaît donc que, si le niveau des prix y est certes plus élevé, il l'est moins que les compléments de rémunération.
On peut donc faire le constat que les compléments de rémunération, pris dans leur ensemble, contribuent à augmenter le niveau des prix et à rendre comparativement moins attractives les activités dans le secteur privé. Je sais que le président About, qui s'est souvent exprimé sur ce sujet, en est particulièrement conscient.
Ce contexte peut alors justifier des baisses de charges forfaitaires, comme c'est le cas actuellement. Dès lors, l'État interviendrait deux fois - je tiens à le souligner - : une première fois par le biais des compléments de rémunération, dont le montant total s'élève à environ 1 milliard d'euros ; une seconde fois par le biais des exonérations de charges, afin de tenir compte du différentiel du coût de la vie et de la moindre attractivité de ces fonctions, par opposition au secteur public de l'État.
Ainsi, mes chers collègues, on peut déduire de cette analyse théorique, de cette analyse économique, qu'il existe un phénomène d'entraînement des salaires du public vers ceux du privé, et que les exonérations de charges constituent une forme de réparation pour les entreprises du secteur marchand.
Situons-nous maintenant du côté du marché des capitaux. Afin de trouver un équilibre économique, le coût du capital doit être abaissé, ce qui est précisément l'objet de la défiscalisation. Nous retrouvons, monsieur le ministre délégué, la problématique des régimes fiscaux préférentiels concernant l'investissement en outre-mer. L'État intervient donc une troisième fois, pour un montant de 2, 5 milliards d'euros en 2006.
Je note donc que le présent article supprimé par l'Assemblée nationale s'inscrit dans une problématique plus large, qui est celle de l'ensemble des systèmes particuliers applicables en outre-mer et qui, si l'on suit l'analyse que je viens de vous présenter, conduit à une forme de cercle vicieux : l'État se trouve contraint d'équilibrer le marché du travail et celui des capitaux en supportant une charge particulièrement lourde, le tout pour une faible efficacité, puisque le taux de chômage est en outre-mer plus de deux fois supérieur à celui qui est constaté en métropole.
Compte tenu de ces éléments, il peut être judicieux, mes chers collègues, de ne pas rétablir cet article, qui pourrait emporter des conséquences importantes dans le secteur privé. Il n'en reste pas moins que je demande au ministre délégué au budget que l'évaluation qui sera remise au Parlement en 2006 prenne en compte l'ensemble des spécificités du marché du travail et de celui des capitaux en outre-mer et n'isole pas le secteur privé, alors même que la question mérite une analyse globale.
Il s'agit là d'un débat récurrent que nous avons presque tous les ans. Le dernier exemple en date est la proposition des commissions des finances et des affaires sociales relative aux retraités en outre-mer. Les évaluations que nous avons pu obtenir, tel le rapport de l'INSEE publié en 2004, n'ont semble-t-il pas permis de trancher définitivement et n'ont, malgré leurs conclusions, débouché sur aucune proposition.
Puisque aucune réforme n'a été menée à bien en outre-mer cette année, nous voulons que, dès l'année prochaine, nous puissions nous accorder sur les faits, à défaut de nous accorder sur les mesures.
En conséquence, monsieur le ministre délégué, j'attends de votre part un engagement ferme sur ce point.