Intervention de Nicolas About

Réunion du 12 décembre 2005 à 21h30
Loi de finances pour 2006 — Articles additionnels après l'article 73 bis

Photo de Nicolas AboutNicolas About :

En défendant cet amendement devant vous, j'ai en fait le sentiment d'être dans mon rôle de président de la commission des affaires sociales. Il s'agit en effet de briser un véritable tabou, celui de la réforme sans cesse reportée des régimes de retraite spéciaux.

Mes chers collègues, nous savons tous ici qu'il serait déraisonnable, voire dangereux pour l'avenir de notre pays de continuer à faire preuve d'immobilisme en la matière. Je ne veux pas croire qu'il puisse exister une sorte de consensus implicite entre les différentes parties prenantes pour ne jamais évoquer publiquement une question aussi dérangeante.

Je ne souscris pas à ce point de vue, non plus que mon groupe, UC-UDF, et je plaide pour une réelle volonté politique de réforme, pour une réforme juste, pour une réforme respectueuse des droits acquis, mais aussi pour une réforme équitable pour les générations futures. Est-il responsable, vis-à-vis de nos concitoyens, de se résoudre à l'inaction pour éviter des mouvements sociaux éventuels dans les grandes entreprises publiques ? Nous ne le croyons pas. Aujourd'hui, la preuve est faite que, même dans l'inaction, ces mouvements surviennent quand même.

Il est au contraire nécessaire de promouvoir la justice entre les assurés sociaux, une justice qui doit se conjuguer avec l'impératif de bonne gestion des comptes publics. Nous proposons donc une solution équitable, raisonnable et crédible : la mise en extinction progressive, pour l'avenir, et pour l'avenir seulement, de la branche vieillesse de tous ces régimes spéciaux. En conséquence, à partir du 1er janvier 2007, qu'il s'agisse des personnes qui seront embauchées par EDF ou GDF, par l'Opéra de Paris, qu'il s'agisse des marins ou de bien d'autres encore, tous seront directement affiliés au régime général.

Rien n'interdira à ces différents régimes spéciaux de mettre en place un complément de retraite sous la forme d'un système additionnel par capitalisation. Tel est d'ailleurs le cas dans de nombreuses entreprises du secteur privé. Mais ce « chapeau » serait alors financé sur la base des ressources propres des entreprises publiques, en toute transparence, et sans faire appel, comme c'est le cas aujourd'hui, à la solidarité nationale.

Enfin, j'insiste sur ce point, notre projet repose sur le respect des droits acquis pour les actuels salariés et retraités de ces régimes. Pour prendre une image, nous ne voulons pas d'un changement brutal ou d'une remise en question des situations acquises, mais simplement « fermer le robinet » des régimes spéciaux, et le faire vite, car la pratique montre qu'il faut soixante ans pour mettre totalement en extinction un régime de retraite.

En prenant l'initiative de cet amendement, nous réaffirmons aussi les positions que le groupe de l'UC-UDF avait été le seul à défendre, au cours des débats qui ont eu lieu à l'Assemblée nationale comme au Sénat, sur la réforme des retraites de 2003 et sur l'adossement au régime général des retraites des industries électriques et gazières, voté l'an dernier.

Mes chers collègues, nous pensons qu'il est urgent et indispensable que s'ouvre un débat sur l'avenir de ces régimes spéciaux. Le Parlement doit éclairer l'opinion publique en cette matière et notre groupe entend agir comme une force de proposition à cet effet.

Avant de conclure, je livrerai quelques données chiffrées : avec seulement 2 % des cotisants, les régimes spéciaux versent en volume plus de 6 % des retraites dans notre pays !

Les ressortissants des régimes spéciaux bénéficient d'une situation très supérieure à celle des assurés du secteur privé en raison, d'une part, de l'âge précoce de cessation d'activité, en raison, d'autre part, des modes de calcul favorables des retraites. Cette générosité, qui reflète des situations du passé, alors que la pénibilité des tâches a disparu - et c'est d'ailleurs heureux -, est massivement financée par la solidarité nationale. Nous l'avons constaté lors du vote des crédits de la mission budgétaire « Régimes sociaux et de retraite ».

Les sommes à financer au cours des prochaines années sont colossales : 103 milliards d'euros d'engagements de retraite pour la SNCF, 21 milliards d'euros pour la RATP, 9 milliards d'euros pour la Banque de France, 25 milliards d'euros pour les mines, 38 milliards d'euros pour les marins, 89 milliards d'euros pour les industries électriques et gazières.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l'UC-UDF considère que la mise en extinction des régimes spéciaux est nécessaire et inévitable. À défaut, nous nous exposons au risque de conflits de génération et à une « guerre des deux France », pour reprendre les termes d'un ouvrage récent de l'historien et économiste Jacques Marseille. Et cela, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, nous le refusons ! Alors, voyons la réalité en face et ayons le courage et la volonté d'affronter ce problème !

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