En vérité, c’est davantage à la complémentarité des mandats que nous devons réfléchir.
Cette proposition de loi organique est partielle et partiale. Partielle en ce qu’elle n’aborde pas toutes les questions que soulève l’exercice du mandat parlementaire. Partiale en ce qu’elle se contente de fustiger, en utilisant un vocabulaire ad hoc, certes consacré en la matière, mais qui ne reflète absolument pas la réalité de la pratique.
Ainsi, au lieu de parler de l’« exercice » des mandats électifs et d’évoquer la question de la « complémentarité » éventuelle entre les mandats nationaux et locaux, on préfère utiliser le terme de « cumul », qui a une connotation bien plus négative : on teinte ainsi d’une grande véhémence ce que l’on dit être l’opinion de nos concitoyens à propos de ce « cumul ».
L’opinion serait, paraît-il, vent debout contre « ces cumulards patentés » qui dénatureraient la démocratie. Pourtant, selon un sondage BVA-Orange-L’Express du 21 mai 2008, cité dans un rapport du député Jacques Valax, une courte majorité seulement des Français – 44 % contre 42 % – préférerait que les parlementaires n’exercent qu’une seule fonction.
Par ailleurs, quand un peu plus de 70 % des Français disent vouloir un maire à temps complet, cela signifie-t-il qu’ils souhaitent que le maire de leur commune, non seulement ne cumule pas cette fonction avec celle d’un mandat parlementaire, mais cesse également toute activité professionnelle pour se consacrer exclusivement aux affaires de la commune ? Je crois qu’un tel chiffre traduit avant tout l’attachement de nos concitoyens à ce mandat de proximité et qu’il ne faut pas en tirer trop de conclusions au-delà.
Lorsque certains affirment qu’un maire parlementaire n’est en fait ni pleinement parlementaire ni pleinement maire et qu’une telle situation illustre la dictature de l’administration, je note le peu de respect dont il est ainsi fait preuve à l’égard des maires adjoints, des vice-présidents, des conseillers délégués de toutes les assemblées que nous présidons : tous, me semble-t-il, exercent à leur niveau, avec la conscience et la qualité que l’on sait, des fonctions exécutives au nom de la commune, de la même manière que le maire ou le président d’une assemblée départementale ou régionale.
La question est plus vaste et plus complexe que ne tend à nous le faire croire cette proposition de loi et elle doit probablement nous être présentée sous une forme plus neutre, plus paisible, plus ouverte.
J’aspire, pour ma part, à un vrai débat sur la question de la complémentarité des mandats et je donnerai deux exemples justifiant que l’on présente plutôt les choses de cette manière.
Le premier concerne les débats sur la réforme de la fiscalité locale. Je rappelle tout le travail que nous avons effectué ici, au Sénat, mais qui a aussi été accompli à l’Assemblée nationale. Aurait-il été de la même qualité si, dans les deux assemblées, des parlementaires rompus à l’exercice des responsabilités locales n’avaient apporté leur contribution essentielle ? Aurait-on eu le même débat, trouvé des solutions à des questions aussi importantes que celle du remplacement de la taxe professionnelle, par exemple ?