En effet, et bien d’autres pays encore sont touchés !
Victimes hier de la violence et de la terreur des combats, victimes aujourd’hui et demain d’armes toujours présentes, cachées et meurtrières, alors même qu’il n’existe plus d’objectifs militaires avérés : voilà la terrible malédiction de ces populations civiles, à laquelle nous devons mettre fin.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens donc à remercier votre assemblée, et en particulier le président Josselin de Rohan, d’avoir accepté, en concertation avec le Gouvernement, d’inscrire si rapidement ce texte à son ordre du jour, en ce début de session extraordinaire, malgré un programme que je sais très chargé. Je rends également hommage à tous les parlementaires qui se sont engagés dans ce combat, notamment Joëlle Garriaud-Maylam et Jean-Pierre Plancade.
À ce jour, dix-sept États ont ratifié la convention. La France devrait être en mesure de le faire prochainement. Si tout va bien, j’espère pouvoir déposer notre instrument de ratification lors de l’assemblée générale des Nations unies qui s’ouvrira dans quelques jours à New York. Ce serait un très beau symbole !
Mesdames, messieurs les sénateurs, revenons rapidement sur la genèse de cette convention.
Souvenons-nous que les armes à sous-munitions sont des vestiges – si j’ose dire – de la guerre froide, c'est-à-dire d’un autre temps ! Elles étaient destinées à saturer les champs de bataille, notamment contre les regroupements de forces blindées. Représentez-vous leur portée : chaque munition devait couvrir l’équivalent d’un terrain de football, plusieurs dizaines d’explosifs étant placés à l’intérieur d’un même conteneur.
Nous avons changé d’époque. Aujourd’hui, vingt ans après la chute du mur de Berlin, que nous allons célébrer dans quelques semaines, la guerre a, on le sait, changé de nature. Les conflits prennent de nouvelles formes, qui relèvent le plus souvent bien davantage du terrorisme ou de la guérilla que de la guerre, comme nous l’avons encore vu, hélas ! aujourd’hui. Ces guerres asymétriques rendent caduc l’intérêt militaire du type d’armes dont nous parlons.
Ces armes restent pourtant tapies sur le terrain, dans de nombreux pays qui ont été ou sont encore le théâtre d’affrontements. Plus grave encore, elles demeurent dans les arsenaux de plus d’une trentaine de nations, qui détiennent 90 % du stock d’armes à sous-munitions. Parmi ces pays figurent, hélas ! les principales puissances militaires, qui persistent dans leur refus de les détruire.
Voilà plus de trente ans que l’ONU s’est lancée dans la bataille pour l’éradication de ces armes, au nom des principes fondamentaux de l’humanité, pour protéger les populations civiles dans les conflits armés. Dès le 10 octobre 1980 fut signée une première convention, dite CCAC, en vue d’interdire certaines armes classiques, notamment celles qui ont des effets traumatiques excessifs ou qui frappent sans discrimination. Le protocole V de cette convention, entré en vigueur vingt-six ans plus tard, en 2006, visait à éliminer les munitions non explosées, qui constituent l’une des caractéristiques principales des armes à sous-munitions.
C’est à la suite de l’entrée en vigueur de ce protocole, en novembre 2006, qu’un petit nombre de pays, que je veux saluer et nommer – la Norvège, l’Irlande, l’Autriche, le Saint-Siège, rejoints par la Nouvelle-Zélande, le Mexique et le Pérou –, se sont donné pour objectif d’aller plus loin en lançant un mouvement visant à l’interdiction définitive des armes à sous-munitions. Une quarantaine de pays, dont la France, les ont rapidement ralliés, pour aboutir d’abord à une déclaration, en février 2008 à Wellington, puis à une convention, en mai 2008 à Dublin.
Voilà comment ce petit groupe d’États pionniers, porté par l’élan d’une opinion publique mondiale choquée par les souffrances des civils dans les conflits récents, a, en moins de deux ans, réussi le tour de force de faire adopter cette convention par quatre-vingt-dix-huit pays. La France peut être fière d’avoir pris toute sa part dans cette nouvelle percée du droit international.
Mesdames, messieurs les sénateurs, quelle satisfaction que de constater que le droit international humanitaire et le désarmement, lorsqu’ils sont portés par une véritable volonté politique, peuvent avancer vite et loin pour aboutir à un texte dont la force est reconnue par tous les spécialistes.
Ce texte est fort, d’abord, par son ambition : il s’agit de rien de moins que de consacrer l’interdiction de l’emploi, de la mise au point, de la production, de l’acquisition, du stockage, de la conservation et du transfert des armes à sous-munitions définies comme telles.
Ce texte est fort, ensuite, en ce qu’il impose la destruction des stocks existants – armes et sous-munitions elles-mêmes – dans un délai de huit ans, qui ne peut être prolongé que par accord de la totalité de l’assemblée des États parties, et pour seulement huit années supplémentaires. Cela veut dire que, d’ici à seize ans au plus – espérons, évidemment, que ce sera bien plus tôt –, les quatre-vingt-dix-huit signataires auront normalement détruit leurs stocks.