Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 20 juin 2006 à 16h15
Protection de l'enfance — Discussion d'un projet de loi

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la plupart du temps, l'enfant est censé trouver au sein du cocon familial écoute, compréhension, amour et marques d'affection. Il est également censé s'y structurer pour affronter l'avenir. Malheureusement, la réalité est bien souvent différente. Nous avons parfois peine à croire que la famille, ce lien sacré, puisse aussi être un lieu propice à la violence.

Aujourd'hui, nous avons le devoir d'ouvrir les yeux et d'évoquer certaines situations qui existent en France. Il est inconcevable de constater encore dans notre pays, patrie des droits de l'homme, de trop nombreux cas d'enfants victimes de violences.

Les chiffres publiés pour l'année 2004 par l'ODAS sont alarmants. En une année, le nombre d'enfants maltraités a progressé de plus de 5 %, tandis que celui des enfants « en risque » a enregistré une augmentation de plus de 7 %. Les carences éducatives des parents apparaissent comme les principaux motifs de signalement.

Ce sombre constat requiert de nombreux commentaires et suscite des interrogations. Tout d'abord, il révèle une société où la violence se diffuse dans tous les liens sociaux et familiaux. Ensuite, la mise en danger des enfants résulte de causes multiples d'ordre social, économique et sociétal. Enfin, les carences éducatives des parents sont autant un indicateur qu'un facteur de mise en danger. Elles renvoient à des pertes de repères, à des déracinements souvent traumatisants et à des déculturations.

En raison de la crise économique, de l'isolement social, de la pénurie de logements, des mouvements migratoires, des difficultés d'insertion professionnelle et de la monoparentalité, les conditions de vie des familles se sont considérablement dégradées. Cette société, confrontée à des facteurs économiques difficiles, est en nette régression et devient le théâtre de faits divers tragiques, qui illustrent la perte de repères essentiels. Ces problèmes interpellent la société dans son ensemble et exigent de la part des pouvoirs publics des réponses globales de qualité.

Monsieur le ministre, même si ce projet de loi traduit de bonnes intentions, il reste insuffisant en termes de moyens. Les mesures proposées paraissent bien symboliques face à l'étendue du problème et au vaste chantier que constitue la protection de l'enfance.

Pour répondre aux besoins des enfants, l'État doit leur offrir un environnement protecteur afin de leur permettre de vivre en toute dignité et en toute sécurité. Si avec la décentralisation, l'État se désengage de son rôle d'opérateur ou d'organisateur, il se doit parallèlement d'affirmer avec force sa volonté et sa capacité d'être un incitateur et un garant.

Une politique efficace de protection de l'enfance doit être accompagnée de moyens significatifs. Aujourd'hui, on peut s'inquiéter s'agissant de l'effort financier mis en oeuvre par le Gouvernement. En effet, monsieur le ministre, comment allez-vous financer toutes ces mesures ? Ce projet de loi confirme le rôle pleinement joué par les conseils généraux. Où allez-vous trouver le financement pour les accompagner ? Comment allez-vous financer la création de postes, les acteurs de terrain déplorant déjà un manque cruel de personnel ?

Par ailleurs, on parle souvent de prévention et de maltraitance, mais il faut aussi mettre l'accent sur la continuité : l'accompagnement du mineur doit en effet se poursuivre, afin de lui permettre de se construire progressivement, jusqu'à l'âge adulte.

De plus, en matière de prévention, le texte devrait aller beaucoup plus loin en mettant en place une action éducative qui puisse aider les parents pendant la durée de la crise que traverse leur enfant. Il est également nécessaire de mettre en oeuvre une aide intensive, en adéquation avec les besoins réels de la famille, par exemple un passage à domicile deux ou trois fois par jour, en soirée, durant le week-end.

Quant à la formation, elle est prévue pour tous les professionnels oeuvrant dans le secteur de la protection de l'enfance. Il serait plus opportun de rendre obligatoire la formation continue en faveur de tous ces acteurs. Il est essentiel que les professionnels confirmés puissent avoir connaissance des situations individuelles, des établissements et des services ainsi que des dispositifs départementaux.

Je souhaiterais également intervenir sur l'importance du vocabulaire utilisé. En effet, des modifications de vocabulaire, dont on sait la valeur symbolique, devraient être envisagées.

Par exemple, le mot « placer » pourrait être remplacé par un mot plus respectueux des enfants et des adolescents qui sont séparés de leurs parents. Le mot « accueil » serait plus adapté. Il vaut mieux « accueillir » que « placer » un enfant.

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