Intervention de Alain Milon

Réunion du 20 juin 2006 à 21h45
Protection de l'enfance — Discussion d'un projet de loi

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, paradoxe de nos sociétés modernes, alors que l'enfant est au coeur de toutes les attentions, de toutes les préoccupations, enfant roi au sein de la famille, cible favorite des publicitaires, il nous faut pourtant, en dépit de ce tableau a priori idyllique, aujourd'hui légiférer pour renforcer sa protection.

Voilà posée, me semble-t-il, toute la problématique. Quelle est la place de l'enfant dans nos sociétés ? Quel rôle lui confère-t-on ?

Alors que, longtemps, les étapes de la vie paraissaient clairement définies - enfance, adolescence, âge adulte et vieillesse -, aujourd'hui, les limites deviennent plus incertaines, plus floues. De la petite enfance l'on passe presque d'emblée à la préadolescence. Cela pourrait sembler anecdotique, si, derrière cette difficulté à identifier, ne se posait, en fait, tout le problème de nos rapports ambigus avec l'enfant et les rapports non moins ambigus de celui-ci avec la société.

Cette mutation des mentalités et des perceptions nous oblige à renforcer le dispositif de protection de l'enfant dans notre droit positif.

L'enfant est une personne à part entière ; son intégration au sein de la famille, de l'école, de la société, est reconnue. Il est détenteur de droits. Il jouit d'une protection.

C'est le sens des différentes déclarations qui lui sont consacrées, notamment la Déclaration des droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1959 par l'Assemblée générale des Nations unies, texte dont s'est inspirée la convention internationale relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, ratifiée par la France en 1990, ainsi que des différentes mesures nationales qui ont pu être adoptées.

Malgré ce dispositif, environ 270 000 enfants sont, dans notre pays, déclarés en danger. Y a-t-il, pour autant, une augmentation du nombre des enfants en danger ou plutôt une meilleure prise de conscience de ceux qui les signalent ?

Maltraitance, bien évidemment, mais pas uniquement : l'exclusion liée à des situations socio-économiques précaires, l'isolement résultant de différends familiaux, l'enfant otage de séparations difficiles, sont autant de situations qui mettent celui-ci en danger.

En effet, le danger revêt des formes bien différentes : la violence physique - dont on a beaucoup parlé cet après-midi -, la violence morale, la violence sociétale ou la violence par désintérêt.

Pour se construire, l'enfant a besoin d'amour, les orateurs qui m'ont précédé l'ont tous souligné. Mais il a aussi besoin de stabilité, de repères et de limites. Sans cet encadrement structurant, son épanouissement intellectuel, affectif et social risque, tôt ou tard, d'être compromis.

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans cette démarche de prise en compte globale.

Le renforcement de la prévention est une étape essentielle dans la mesure où, en favorisant l'échange entre la famille et les services qui entourent l'enfant, la prévention permet une intervention plus rapide, plus efficace, plus protectrice des intérêts de l'enfant.

Il reste, sans doute, à définir le moment de la prise en charge préventive. Ainsi, il convient de permettre l'intervention dès la grossesse. Un accompagnement social, dès le début, pour une femme en difficulté, pourrait éviter une dégradation future. En effet, l'enfant et sa famille sont indissociables, et protéger l'enfant suppose une prise en compte en amont des difficultés latentes ou déclarées.

Le silence est trop souvent nuisible, car il contribue à l'enlisement des situations. Rompre cette loi du secret et du silence pour entendre la détresse de l'enfant est fondamental.

Entendre et observer sont les deux maîtres mots pour agir à temps. Le partage de l'information n'est en aucune façon une violation de la vie privée d'autrui ni une atteinte à la confidentialité requise pour l'exercice de certaines professions. C'est l'unique moyen d'appréhender les signaux de fragilité émis par un enfant.

En affirmant que la prévention fait partie des missions de la protection de l'enfance, ce projet de loi a le mérite de clarifier les compétences de chacun.

Complément « naturel », si j'ose dire, à cette exigence de prévention, l'organisation du signalement est son corollaire indispensable et s'inscrit dans la même approche d'évaluation de la situation dans sa globalité. Un interlocuteur unique, une décision collégiale, telle est la philosophie de ce volet.

Enfin, se pose la question des modes de prise en charge, point crucial s'il en est.

L'enfant doit-il, peut-il rester dans sa famille ?

L'enfant doit-il, peut-il être placé dans une famille d'accueil ou dans un établissement ?

En France, nous sommes très attachés au maintien du lien familial, du lien biologique.

Si le maintien dans la famille doit être privilégié, il ne doit pas, pour autant, devenir un obstacle à l'examen d'autres possibilités.

S'il ne permet pas d'offrir les conditions nécessaires à l'épanouissement de l'enfant et si les mesures d'accompagnement se sont révélées insuffisantes, le placement doit alors être envisagé.

Dans cette hypothèse, la priorité réside, d'une part, dans l'explication donnée à l'enfant et, d'autre part, dans la stabilité que cette mesure lui apportera.

Hélas, aujourd'hui, trop souvent, des mesures prises sont incomprises.

Enfant tiraillé entre parents, enfant soudainement retiré à une famille d'accueil pour une autre : dans ces conditions, l'enracinement est difficile et l'équilibre affectif, dénié.

Un enfant non respecté rencontrera de grandes difficultés à devenir un adulte respectable, ...

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