La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, paradoxe de nos sociétés modernes, alors que l'enfant est au coeur de toutes les attentions, de toutes les préoccupations, enfant roi au sein de la famille, cible favorite des publicitaires, il nous faut pourtant, en dépit de ce tableau a priori idyllique, aujourd'hui légiférer pour renforcer sa protection.
Voilà posée, me semble-t-il, toute la problématique. Quelle est la place de l'enfant dans nos sociétés ? Quel rôle lui confère-t-on ?
Alors que, longtemps, les étapes de la vie paraissaient clairement définies - enfance, adolescence, âge adulte et vieillesse -, aujourd'hui, les limites deviennent plus incertaines, plus floues. De la petite enfance l'on passe presque d'emblée à la préadolescence. Cela pourrait sembler anecdotique, si, derrière cette difficulté à identifier, ne se posait, en fait, tout le problème de nos rapports ambigus avec l'enfant et les rapports non moins ambigus de celui-ci avec la société.
Cette mutation des mentalités et des perceptions nous oblige à renforcer le dispositif de protection de l'enfant dans notre droit positif.
L'enfant est une personne à part entière ; son intégration au sein de la famille, de l'école, de la société, est reconnue. Il est détenteur de droits. Il jouit d'une protection.
C'est le sens des différentes déclarations qui lui sont consacrées, notamment la Déclaration des droits de l'enfant, adoptée le 20 novembre 1959 par l'Assemblée générale des Nations unies, texte dont s'est inspirée la convention internationale relative aux droits de l'enfant, adoptée par l'Assemblée générale des Nations unies le 20 novembre 1989, ratifiée par la France en 1990, ainsi que des différentes mesures nationales qui ont pu être adoptées.
Malgré ce dispositif, environ 270 000 enfants sont, dans notre pays, déclarés en danger. Y a-t-il, pour autant, une augmentation du nombre des enfants en danger ou plutôt une meilleure prise de conscience de ceux qui les signalent ?
Maltraitance, bien évidemment, mais pas uniquement : l'exclusion liée à des situations socio-économiques précaires, l'isolement résultant de différends familiaux, l'enfant otage de séparations difficiles, sont autant de situations qui mettent celui-ci en danger.
En effet, le danger revêt des formes bien différentes : la violence physique - dont on a beaucoup parlé cet après-midi -, la violence morale, la violence sociétale ou la violence par désintérêt.
Pour se construire, l'enfant a besoin d'amour, les orateurs qui m'ont précédé l'ont tous souligné. Mais il a aussi besoin de stabilité, de repères et de limites. Sans cet encadrement structurant, son épanouissement intellectuel, affectif et social risque, tôt ou tard, d'être compromis.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui s'inscrit dans cette démarche de prise en compte globale.
Le renforcement de la prévention est une étape essentielle dans la mesure où, en favorisant l'échange entre la famille et les services qui entourent l'enfant, la prévention permet une intervention plus rapide, plus efficace, plus protectrice des intérêts de l'enfant.
Il reste, sans doute, à définir le moment de la prise en charge préventive. Ainsi, il convient de permettre l'intervention dès la grossesse. Un accompagnement social, dès le début, pour une femme en difficulté, pourrait éviter une dégradation future. En effet, l'enfant et sa famille sont indissociables, et protéger l'enfant suppose une prise en compte en amont des difficultés latentes ou déclarées.
Le silence est trop souvent nuisible, car il contribue à l'enlisement des situations. Rompre cette loi du secret et du silence pour entendre la détresse de l'enfant est fondamental.
Entendre et observer sont les deux maîtres mots pour agir à temps. Le partage de l'information n'est en aucune façon une violation de la vie privée d'autrui ni une atteinte à la confidentialité requise pour l'exercice de certaines professions. C'est l'unique moyen d'appréhender les signaux de fragilité émis par un enfant.
En affirmant que la prévention fait partie des missions de la protection de l'enfance, ce projet de loi a le mérite de clarifier les compétences de chacun.
Complément « naturel », si j'ose dire, à cette exigence de prévention, l'organisation du signalement est son corollaire indispensable et s'inscrit dans la même approche d'évaluation de la situation dans sa globalité. Un interlocuteur unique, une décision collégiale, telle est la philosophie de ce volet.
Enfin, se pose la question des modes de prise en charge, point crucial s'il en est.
L'enfant doit-il, peut-il rester dans sa famille ?
L'enfant doit-il, peut-il être placé dans une famille d'accueil ou dans un établissement ?
En France, nous sommes très attachés au maintien du lien familial, du lien biologique.
Si le maintien dans la famille doit être privilégié, il ne doit pas, pour autant, devenir un obstacle à l'examen d'autres possibilités.
S'il ne permet pas d'offrir les conditions nécessaires à l'épanouissement de l'enfant et si les mesures d'accompagnement se sont révélées insuffisantes, le placement doit alors être envisagé.
Dans cette hypothèse, la priorité réside, d'une part, dans l'explication donnée à l'enfant et, d'autre part, dans la stabilité que cette mesure lui apportera.
Hélas, aujourd'hui, trop souvent, des mesures prises sont incomprises.
Enfant tiraillé entre parents, enfant soudainement retiré à une famille d'accueil pour une autre : dans ces conditions, l'enracinement est difficile et l'équilibre affectif, dénié.
Un enfant non respecté rencontrera de grandes difficultés à devenir un adulte respectable, ...
... car, dans la construction de son identité, trop d'éléments auront été bafoués.
Dans ce contexte, il lui sera bien difficile d'avoir une image positive de lui-même.
En revanche, si l'enfant est entendu, écouté, il saura que son avis importe.
Qu'il soit suivi ou non dans sa requête ne constitue pas l'essentiel ; ce qui prévaut, c'est le dialogue : dire pourquoi, dire comment.
Rien n'est plus insécurisant et traumatisant que le non-dit, avec le lot de supputations qu'il engendre et la culpabilité qu'il nourrit.
« Pour qu'un enfant grandisse, il faut tout un village », dit un proverbe africain. Cette sagesse ancestrale sous-tend, d'une certaine façon, le texte qui nous est proposé.
Lorsque la famille, pour diverses raisons, est fragilisée ou défaillante, il incombe à la société de s'y substituer, non pas de manière technocratique, mais avec le plus d'humanité possible.
C'est pourquoi la notion de village me semble assez juste et plus appropriée que celle d'institution. Dans un village, tout le monde se parle, se connaît, et la solidarité y est souvent plus grande. Alors, monsieur le ministre délégué, transposons cette notion dans nos schémas occidentaux sans la vider de son contenu.
L'exigence de repères nécessite de réfléchir à la durée du placement ; il s'agit d'une mesure lourde de conséquences, qui doit apporter une amélioration dans le quotidien de l'enfant, sans dénigrement.
Respecter l'enfant, sa famille, est le maître mot de toute mesure à adopter.
Ce projet de loi nous invite à réfléchir sur la protection de l'enfance ; il contient des avancées significatives qu'il conviendra certainement, le moment venu, de compléter.
Affirmer le rôle et la mission du conseil général en la matière, insister sur l'échange d'informations, garantir une attention accrue à l'enfant et à ses besoins, tels sont les piliers de ce texte.
Néanmoins, si cette réforme concède une place prépondérante au département, il convient de rappeler la place des maires dans le protocole de signalement et leur souhait de bénéficier d'informations sur le suivi du dossier.
Pour conclure, monsieur le ministre délégué, permettez-moi, à mon tour, de vous lire un extrait du Petit Prince.
S'adressant aux roses, celui-ci leur dit : « Vous êtes belles, mais vous êtes vides [...]. On ne peut pas mourir pour vous. Bien sûr, ma rose à moi, un passant ordinaire croirait qu'elle vous ressemble. Mais à elle seule elle est plus importante que vous toutes, puisque c'est elle que j'ai arrosée. Puisque c'est elle que j'ai mise sous globe. Puisque c'est elle que j'ai abritée par le paravent. Puisque c'est elle dont j'ai tué les chenilles [...]. Puisque c'est elle que j'ai écoutée se plaindre, ou se vanter, ou même quelquefois se taire. Puisque c'est ma rose. »
Cette attention, cette prévention est garante de toute éclosion, qu'il s'agisse d'une rose ou d'un enfant.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.
Monsieur le ministre délégué, ce débat devait être pour la République une occasion de réaffirmer avec force et clarté son attachement à l'un de ses principaux devoirs : la protection envers la jeunesse.
Malheureusement, la grande réforme annoncée de la protection de l'enfance n'est pas la révolution tant attendue que pouvaient laisser entrevoir les grands préalables tant nationaux que départementaux que vous aviez souhaité mettre en musique.
La lecture de ce projet de loi nous laisse en effet sur notre faim ; il pourrait, pour l'essentiel, se résumer à un aménagement des pratiques - parfois réalistes et préconisées par nombre de travailleurs sociaux -, mais il trouve ses limites dans un flou financier qui plombe les meilleures intentions.
La protection de l'enfance est, quoi qu'on en dise, une réussite des départements en matière de décentralisation. Elle compte de nombreux résultats positifs, au premier rang desquels on peut noter une réduction significative des inégalités interdépartementales. Nous, nous l'avons fait, monsieur le ministre délégué, mais il faut un petit peu plus pour continuer !
Les services sociaux départementaux ont su faire face à des situations humaines de plus en plus difficiles à appréhender, accentuées par la précarité. On l'a dit, le budget de la protection de l'enfance a plus que doublé en vingt ans.
En améliorant les circuits de décision, tout en réaffirmant les rôles de l'État et de la justice, le projet de loi va dans la bonne direction. Les présidents de conseil général ont été satisfaits de voir leur rôle de chef de file reconnu et la répartition des compétences entre les collectivités locales et l'autorité judiciaire facilitée. Cela permettra une plus grande souplesse d'intervention et évitera peut-être des erreurs, souvent montées en épingle par les médias.
Notre interrogation se cristallise autour du financement, sans lequel les personnels nécessaires à une meilleure pratique ne pourront pas être déployés. En effet, monsieur le ministre délégué, il est contradictoire de vouloir améliorer les conditions d'exercice de leurs fonctions par les travailleurs sociaux et, partant, de renforcer les droits des enfants si, en même temps, l'État compte encore une fois se désengager en termes de moyens.
Vous avez d'ailleurs évalué, ce qui paraissait correct, l'accroissement des dépenses résultant du nouveau dispositif à 150 millions d'euros sur trois ans. La compensation de ces charges, inscrite dans l'article 17 de l'avant-projet de loi, a été supprimée de la version présentée en conseil des ministres. On nous parle maintenant d'un fonds de compensation, financé conjointement par le ministère de la santé et la CNAF. Compte tenu de l'état financier et des perspectives de cette dernière, cette formule semble bien obscure et, surtout, fragile à long terme, comme nous le verrons dans quelques jours avec M. Vasselle.
Avez-vous anticipé les difficultés des départements à financer cette réforme, dans le contexte du transfert du RMI et de la montée en charge de la prestation de compensation du handicap, qui résulte d'un autre texte que vous avez fait adopter il y a quelques mois ?
Vous le savez, l'aide sociale à l'enfance représente déjà 30 % du budget d'action sociale des départements. Ces dépenses ont progressé de 45 % au cours des cinq dernières années, et même de 55 % pour ce qui concerne les placements. Comment les départements pourraient-ils faire face à de nouvelles dépenses, sachant que la réforme suppose en outre la mobilisation de moyens supplémentaires de la part du secteur psychiatrique ?
Par ailleurs, une des nouveautés de ce projet de loi est la mise en avant de la prévention, grâce à une prise en charge médico-sociale plus précoce des enfants et de leurs familles. Les modes d'intervention auprès des enfants menacés que vous proposez étaient déjà expérimentés depuis de nombreuses années avec succès par maints départements, mais sans réelle base légale.
La souplesse et l'individualisation des réponses permises par les nouveaux dispositifs peuvent répondre aux demandes de l'ensemble des professionnels de la protection de l'enfance. L'extension des missions des services de prévention maternelle et infantile en matière de prévention des difficultés familiales autour du petit enfant constitue, à cet égard, un progrès indéniable pour les départements attentifs aux risques liés à la périnatalité.
Néanmoins, là encore, les problèmes financiers risquent d'avoir pour conséquence l'instauration d'un système de protection de l'enfance à double vitesse. Une déconcentration de l'aide sociale à l'enfance sans compensation financière entraînera, de facto, des inégalités de traitement selon les territoires.
On peut citer comme exemple les mesures d'accompagnement en économie sociale et familiale, prévues par l'article 12 du projet de loi et mises à la charge des départements. La mesure est bonne en soi ; toutefois, connaissant la pénurie de conseillers en ce domaine et la difficulté à les recruter, il est à craindre que ceux-ci ne soient confinés à certaines collectivités, celles qui pourront s'offrir leurs services.
L'ambition d'une vraie réforme de la protection des mineurs en danger aurait été, au contraire, de permettre à tous les enfants de bénéficier, quel que soit leur lieu de résidence, de la meilleure réponse possible à leur mal-vivre, et non de réserver les nouveaux dispositifs aux plus chanceux, c'est-à-dire à ceux qui habitent dans les « bons endroits ».
Enfin, monsieur le ministre délégué, je dois vous avouer ma perplexité quant à la pérennité du texte qui nous est soumis aujourd'hui. En effet, tout laisse à penser que son contenu risque d'être littéralement « colonisé » par les dispositions prévues dans le projet de loi sur la prévention de la délinquance.
Je ne fais pas de procès d'intention, mais nous serons attentifs à toute tentation de votre majorité de faire de ce texte une sorte d'outil prophylactique de la criminalité juvénile, s'appuyant sur une vision déterministe des troubles de comportement du petit enfant.
Monsieur le ministre délégué, je ne serai pas plus long, car je suis déçu...
Ce projet de loi est décevant, la démonstration n'enlèvera rien à cette déception ni à celle de bon nombre de travailleurs sociaux de ce pays. Il aurait pu ne pas se résumer à ce simple ajustement des pratiques que vous nous présentez, et je reprends ici vos propres mots, puisque c'est vous-même, monsieur le ministre délégué, qui avez reconnu qu'il s'agissait plus d'une réforme d'organisation que de moyens.
M. Bernard Cazeau. Dans une large mesure, il s'agit d'un coup raté. Espérons cependant que la réflexion importante que vous avez menée et fait mener par tous les acteurs, dans les mois qui ont précédé, pourra se concrétiser avec des moyens dans un avenir proche.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le ministre délégué, le projet de loi que vous nous soumettez touche les fondements essentiels de la protection de l'enfance.
Encore convient-il de rappeler que les premiers acteurs de cette protection sont les parents eux-mêmes, qui disposent pour cela des droits et devoirs de l'autorité parentale.
La légitimité de l'intervention de l'État dans ce domaine, que ce soit sur les plans judiciaire ou administratif, ne peut donc résulter que de dysfonctionnements graves dans l'exercice de l'autorité parentale, une autorité parentale qu'il faut donc accompagner, en respectant le principe de la proportionnalité de l'action, ou à laquelle il convient de se substituer, dans le cadre du principe de subsidiarité.
Votre projet de loi tend donc à réformer l'ensemble de la protection administrative, qui relève des politiques de prévention, et de la protection judiciaire, qui relève de l'action éducative, voire le passage de l'une à l'autre et, aujourd'hui, l'association des deux. Tel est l'enjeu.
Notre système de protection de l'enfance implique une articulation forte du domaine administratif et du domaine judiciaire. Votre réforme pose bien les enjeux fondamentaux dans une vision contemporaine, j'allais dire moderne, de leur approche : disposer de l'information la plus parfaite possible, c'est l'enjeu du signalement ; analyser l'information, c'est l'enjeu du diagnostic ; évaluer la nature de l'intervention, c'est l'enjeu et le défi de la pertinence de la mesure elle-même.
Les acteurs et professionnels, judiciaires ou administratifs, sont nombreux mais souvent seuls et agissent dans un contexte judiciaire ou administratif très spécifique. La réforme était donc devenue nécessaire ; elle répond à bien des attentes.
Du renforcement du pouvoir du juge des enfants à la prise en compte de mesures plus adaptées, le projet de loi répond à une évolution et à harmonisation nécessaires, que bien des initiatives avaient déjà imposées ou amorcées sur le terrain.
La distinction dépassée entre milieu ouvert et milieu fermé avait conduit nombre de départements à instaurer des pratiques novatrices, reposant sur la proportionnalité de l'intervention éducative.
De l'action éducative à domicile au placement éducatif, en passant par le placement éducatif de jour, ce ne sont pas moins de sept mesures que le département de Savoie pratique depuis déjà une dizaine d'années, avec une évaluation trimestrielle au sein d'un comité de suivi ouvert à tous les professionnels, y compris les acteurs judiciaires. Cette meilleure prise en compte de l'intérêt de l'enfant va naturellement de pair avec une plus juste appréciation de l'information sur leur vraie situation.
Mais protéger l'enfant, c'est également se protéger et protéger ceux contre lesquels on voudrait se servir de lui.
L'enfant ne doit pas être victime : c'est l'objet même de cette loi. Mais on ne saurait davantage créer des victimes au nom d'une trop facile mise en oeuvre, par des esprits mal intentionnés, d'un principe de précaution appliqué à la protection de l'enfant.
Qui n'a pas le souvenir de telle affaire, d'origine familiale le plus souvent, où l'enfant a servi de prétexte à un règlement de comptes servi en cela par un encadrement judiciaire qui laisse peu de marges de manoeuvre ? J'ai à l'esprit la situation d'un père, victime il y a une quinzaine d'années d'une telle démarche lors d'un divorce, en vue de le priver de ses deux filles : il en reste marqué aujourd'hui encore, ainsi que ses deux filles vraisemblablement.
De la même façon, et plus récemment, en qualité de président de conseil général, j'ai eu à connaître de mesures administratives privatives de droits, par le seul effet mécanique du déclenchement de l'action publique que le parquet allait bientôt abandonner en l'absence de preuve, si ce n'est un acte de délation facile qui allait, là encore, meurtrir et traumatiser toute une famille.
J'évoque ces exemples, monsieur le ministre délégué, parce que la protection du droit doit bénéficier à tous. Au moment où votre projet de loi ouvre des voies utiles, par la diversité des approches, mais aussi la facilité du signalement, il conviendrait que, sur le plan pénal, soient renforcées les peines à l'encontre de ceux qui seraient tentés de prendre la cause de l'enfance en otage.
Une approche trop judiciaire peut être excessive. Une approche trop administrative peut être insuffisante et fragile.
C'est donc cette harmonisation renforcée que vous nous proposez, en faisant du département le chef de file ; en adaptant le secret professionnel pour une information mieux partagée ; en instaurant une coopération plus active, avec la mise en place d'un protocole entre les acteurs et la création d'une cellule opérationnelle.
Les actions déjà expérimentées par beaucoup de nos départements et les pratiques d'autres pays nous poussent, monsieur le ministre délégué, à souhaiter l'entrée en vigueur rapide de votre projet de loi. À la présentation de la politique de la protection de l'enfance et du traitement de la maltraitance des mineurs au Québec qui m'était faite récemment par un magistrat, je n'ai pas pu m'empêcher de rêver un peu, tant votre projet de loi paraît s'en inspirer ou s'en rapprocher par bien des aspects.
Mais le meilleur des rêves est celui que l'on réalise, et je souhaiterais, pour conclure, aborder deux points sur lesquels je m'interroge.
J'évoquerai tout d'abord, comme beaucoup de nos collègues l'ont fait, l'évaluation du coût de l'application de cette nouvelle loi. Monsieur le ministre délégué, vous vous êtes engagé à ce que les moyens mis en oeuvre, notamment par les départements, soient compensés par l'État. Je n'ai aucun doute sur votre volonté, et connais votre détermination pour avoir pu en juger dans le cadre de la discussion de la loi sur le handicap, texte dont vous conviendrez qu'il est encore trop tôt pour en évaluer le coût.
En l'espèce, vous proposez une contribution de l'État de 150 millions d'euros. Très sincèrement, je crois que c'est insuffisant.
Si l'on examine le budget des départements qui se sont engagés de façon volontaire depuis quelques années dans des politiques novatrices, la progression des moyens consacrés est bien supérieure. Dans le cas de mon département, elle aura été, durant les cinq dernières années, de 45 % à 55 % selon les actions engagées.
Il est donc important, monsieur le ministre délégué, que le Parlement puisse être saisi d'une étude d'impact, au terme de deux années, afin d'établir un juste bilan, quantitatif et qualitatif, des mesures engagées.
Ensuite, la création d'une cellule opérationnelle appelle de ma part quelques observations. Si celle-ci apparaît nécessaire, sur le principe, vous nous proposez de créer ce dispositif dans chaque département et cette généralisation pose problème.
Il s'agit, c'est vrai, d'une mesure forte. J'évoquais, il y a un instant, l'exemple du Québec. Je sais qu'une telle cellule y existe, placée sous l'autorité de l'exécutif de la collectivité, et que son fonctionnement peut être largement envié. Mais comparaison n'est pas raison, et je me demande si l'article 5 du projet de loi ne va pas ou trop loin ou pas assez loin !
Dans les départements qui accueillent des tribunaux importants, avec des parquets spécialisés pour mineurs, et qui disposent d'administrations très structurées, une cellule opérationnelle n'aura pas de difficulté à prendre corps, et l'on peut considérer qu'elle existe déjà de facto.
Dans les autres départements, en revanche, où les services souffrent déjà d'une insuffisance de moyens, il est à craindre que la démarche ne soit saisie par beaucoup comme un prétexte pour se désengager ou se déresponsabiliser, du fait de l'obligation imposée au département de créer les services nécessaires ou de les renforcer.
Beaucoup de décisions seront partagées entre l'autorité judiciaire et le président du conseil général, mais il n'est pas dit dans quelle mesure les services de l'État seront mis à disposition de ce dernier ; vous me permettrez de citer l'exemple du service de la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ.
Je n'évoquerai pas davantage le cas de l'éducation nationale, qui n'a pas encore vraiment appliqué les politiques prévues par le législateur, sans parler de la situation particulière des médecins et infirmiers scolaires - elle va devenir de plus en plus incompréhensible -, qui se trouveront au coeur des établissements mais en dehors du dispositif de la politique confiée aux présidents de conseil général.
J'évoque ces quelques aspects, monsieur le ministre délégué, car, s'agissant de la création de cellules opérationnelles, le plus important est non pas la structure, avec son inévitable lourdeur, mais la démarche qui en est attendue et qui relèvera surtout de la mise en oeuvre des protocoles.
Sans vouloir faire référence à d'autres structures que les départements doivent aujourd'hui assumer, il serait à mon sens plus raisonnable et plus efficace pour les départements qui ne disposent pas des moyens nécessaires de pouvoir, dans un premier temps, mettre en oeuvre la loi sans avoir forcément l'obligation de créer une cellule opérationnelle, à partir du moment où un protocole établirait la règle du partenariat et de la collaboration entre l'ensemble des acteurs, administratifs et judiciaires.
Sous réserve de la mise en oeuvre progressive de l'article 5, monsieur le ministre délégué, le projet de loi réformant la protection de l'enfance constituera, bien sûr, une étape importante pour la cause de l'enfant, mais il doit aussi participer à la modernisation du fonctionnement de l'État dans la mesure où il conduit les acteurs et les collectivités, au premier chef, les départements, à adopter un autre mode de fonctionnement.
Il y a les belles lois ; ce sont celles qui sont votées. Il y a les grandes lois ; ce sont celles qui sont appliquées. Vous avez constaté, monsieur le ministre délégué, la volonté des élus, notamment des présidents de conseil général, de tout faire pour mettre en oeuvre votre loi. Nous avons noté que vous étiez prêt à nous donner les moyens pour que cette belle loi devienne une grande loi, et je vous en remercie.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Le projet de loi réformant la protection de l'enfance est, comme vous l'avez précisé, monsieur le ministre délégué, un texte d'organisation. Pourtant, la clarification des missions et des compétences, ou encore la diversification des modes de prise en charge, sont autant de dispositifs qui nécessitent une logique d'accompagnement, logique qui demande des moyens matériels et humains.
L'exigence de cohérence se vérifiera en effet d'abord au vu des financements qui détermineront et pérenniseront les actions. Si le coût de cette réforme pour l'État a été chiffré, une grande inconnue demeure : la capacité financière des départements à mettre en pratique les mesures préconisées.
S'agissant, par exemple, du suivi des femmes enceintes et de l'entretien systématique au quatrième mois de la grossesse, notre collègue Bernard Cazeau, au nom de l'Association des départements de France, a déclaré devant la commission des affaires sociales qu'il n'était pas « envisageable de rendre systématique la visite des professionnels de la PMI au domicile de toutes les jeunes accouchées » et que « la nouvelle prévention sociale confiée à la PMI concernerait en fait les personnes qui se tournent déjà vers ce service pour la prévention médicale ». Nous savons bien ce que sous-entend notre collègue, qui s'en est d'ailleurs expliqué.
Ensuite, le suivi périnatal et postnatal sera-t-il imposé ? Si oui, de quelle manière le sera-t-il ? Je pose la question, monsieur le ministre délégué, parce que l'ODAS, l'observatoire national de l'action sociale décentralisée, indique que les premiers facteurs de risque pour l'enfant sont l'isolement et l'appauvrissement du lien social, et parce qu'un rapport de l'observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale fait état d'une enquête périnatale de la DRESS, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé, corroborant l'existence de disparités sociales tant dans le déroulement de la grossesse que dans son issue, et révélant que plus de 10 % d'ouvrières non qualifiées et 15 % de femmes sans profession n'effectuent pas la totalité des sept visites prévues par la loi ; en outre, 60 % des avis et recommandations fournis lors des bilans de santé à l'école ne sont suivis d'aucun effet.
Les enfants sont-ils en danger pour autant ? Ce point fera l'objet d'un de nos amendements.
D'autre part, la protection et la prise en charge des enfants en danger reposent autant sur les professionnels de l'intervention sociale que sur les accueillants. Or, il semble que ce sont, encore une fois, les grands oubliés du dispositif.
La loi du 27 juin 2005 avait pourtant reconnu aux assistants familiaux un véritable statut de professionnels et une meilleure reconnaissance de leur travail et de leurs responsabilités.
À l'opposé, sur un sujet aussi délicat, il n'est pas du tout certain que le secret « partagé » avec les élus contribue à la cause des enfants victimes de maltraitance. En votant pour leur édile, les administrés ne lui ont certainement jamais conféré pareille légitimité.
Les collectivités, reprenant les objectifs des contrats « politique de la Ville », ont fait d'énormes efforts dans l'accompagnement des enfants et de leur famille. Nul ne peut nier l'aspect préventif, voire parfois curatif, de ces actions.
L'empilement des dispositifs a tué la politique de la Ville et les prochains contrats de cohésion sociale, dont on sait déjà qu'ils sont aussi sélectifs, si ce n'est plus, que les contrats temps libre, permettront-ils de continuer cette politique de « prévenance », comme disent les Québécois ?
Enfin et surtout, y aura-t-il coordination avec le prochain projet de loi sur la délinquance ? Je ne suis pas seule à m'inquiéter, monsieur le ministre délégué, et cette dernière question n'est pas, vous vous en doutez, innocente. Le ministre de l'intérieur n'a-t-il pas déclaré, en une phrase lapidaire, que la sanction était la première étape de la prévention ?
Je pense à l'exemple du jeune, recruté bien souvent par un proche parent, qui sert d'auxiliaire à des revendeurs de drogues ou à des trafiquants en tous genres. Comment sera-t-il considéré ? Comme un mineur en danger ou comme un délinquant ?
Globalement, ce texte comporte des avancées. Il réforme et améliore un dispositif de protection de l'enfance devenu inadapté aux évolutions de notre société. Toutefois, certaines de ses dispositions méritent d'être précisées, et nous proposerons des amendements en ce sens.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.
Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, mon intervention ira dans le même sens que celles des présidents de conseil général qui ont pris la parole avant moi, MM. de Broissia et Vial, et comportera notamment le chiffrage d'une telle réforme pour un département comme le mien.
Des dizaines de milliers d'enfants souffrent dans notre pays : en 2004, 19 000 ont été victimes de mauvais traitements. Le nombre des signalements à l'autorité judiciaire n'a cessé d'augmenter ces dernières années et ce sont aujourd'hui près de 270 000 enfants qui ont besoin d'aide et de protection, au titre de l'aide sociale à l'enfance.
Dans ces conditions, une réflexion sur l'adaptation de notre dispositif de protection de l'enfance s'imposait. Vous avez engagé, monsieur le ministre délégué, une large concertation avec tous les acteurs concernés, concertation dont le projet de loi qui nous est soumis est, en grande partie, le résultat.
Ce projet de loi fixe trois priorités : renforcer la prévention ; organiser le signalement pour détecter plus tôt et plus efficacement les situations de danger ; diversifier les modes de prise en charge pour les adapter aux besoins de chaque enfant.
Le conseil général devient le chef de file de la protection de l'enfance dans chaque département.
Je ne reviendrai pas sur le détail des mesures proposées, qui nous ont été fort bien présentées par le rapporteur ; je souhaiterais simplement, à l'unisson de certains des orateurs qui m'ont précédé, faire une lecture budgétaire de quelques-unes des dispositions de ce projet de loi pour vous convaincre, monsieur le ministre délégué, s'il en était encore besoin, de l'impérieuse nécessité de compenser intégralement les charges financières supplémentaires que ce texte pourrait faire peser sur les départements.
En effet, des tâches nouvelles incomberont aux conseils généraux et mon département, la Vienne, devra, comme tous les autres, mettre en place des moyens supplémentaires pour les assumer.
S'agissant du renforcement de la prévention, l'objectif est de multiplier les points de contact entre l'enfant, sa famille et les professionnels pour anticiper les difficultés et pour accompagner, aider, soutenir les familles afin d'éviter que la situation de l'enfant ne se détériore.
Ces mesures auront une incidence pour le service de la protection maternelle et infantile, incidence que nous avons évaluée à trois postes.
La mise en contact automatique, lors du séjour à la maternité, des parents avec les services de la protection maternelle et infantile ainsi que la proposition systématique à la jeune mère d'une visite de la PMI à son retour au domicile nécessiteront un renforcement des moyens du service évalué à neuf puéricultrices et un cadre.
Actuellement, 72 % des enfants de trois à quatre ans de mon département ont fait l'objet d'un bilan à l'école maternelle. Pour atteindre le taux de 100 %, il faut un renfort de sept personnes, dont deux médecins.
Vous souhaitez également aider les adolescents en souffrance par une écoute, un soutien, un accompagnement éducatif, pour prévenir les comportements à risque, fugue, errance, suicide. Il faut donc développer les lieux d'écoute, les accueils de jour, les lieux de médiation entre parents et enfants, les maisons d'adolescents.
Pour remplir cette mission, il conviendrait de renforcer les mesures éducatives en milieu ouvert et en prévention spécialisée afin d'avoir une couverture territoriale homogène et de tendre vers un ratio d'un éducateur pour vingt adolescents suivis en milieu ouvert et d'un éducateur pour quatre-vingts adolescents en prévention spécialisée.
Cette mesure nécessitera, dans mon département et d'après nos chiffrages, la création de vingt postes éducatifs et d'encadrement.
S'agissant de l'organisation du signalement, vous proposez de créer dans chaque département une cellule de signalement, lieu clairement identifié avec un numéro d'appel qui devra être connu de tous. Cette cellule sera composée de professionnels de la protection de l'enfance qui évalueront les situations et qui pourront déclencher un recours à l'aide sociale ou à la justice. Les moyens nécessaires sont ici d'ordre administratif et informatique, mais plusieurs postes devront également être créés.
Certes, d'autres mesures tout aussi utiles n'ont pas d'incidences budgétaires notoires, ce dont, pour ma part, je me réjouis, comme le partage d'informations entre professionnels du travail social et de la protection de l'enfance ou le partage des missions entre l'aide sociale à l'enfance et la justice.
Dans la diversification des modes de prise en charge, la même observation peut être formulée. Certaines mesures, qui tendent à ce que chaque enfant puisse bénéficier de la solution la plus adaptée à sa situation, n'auront pas d'impact financier pour le conseil général.
Les postes éducatifs et d'encadrement qu'il nous faudra créer au titre de l'aide aux adolescents en souffrance permettront également d'assumer le renforcement de l'assistance éducative à domicile.
En revanche, vous proposez de mettre en place un accompagnement social et budgétaire. Une nouvelle prestation sera proposée aux familles qui ont des difficultés à gérer le budget familial, situation qui peut avoir des conséquences négatives pour l'enfant.
Un accompagnement, assuré au besoin à domicile par un professionnel de l'économie sociale et familiale, doit effectivement permettre d'améliorer la situation, mais cet accompagnement nécessitera le renforcement des équipes existantes. Dans mon département, l'équipe, actuellement composée de cinq conseillères en économie sociale et familiale, devra être renforcée par sept postes supplémentaires.
Ainsi, et j'achèverai de la sorte ma lecture budgétaire du projet de loi, j'estime que l'incidence financière globale de ce texte pour le département de la Vienne s'élèvera approximativement à 2, 5 millions d'euros par an et que le nouveau dispositif nécessitera la création d'une cinquantaine de postes.
Or, nous le savons tous, les départements connaissent un contexte financier plus serré, avec la forte progression des dépenses engagées au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, des services départementaux d'incendie et de secours, du revenu minimum d'insertion, et avec la montée en charge rapide de la nouvelle prestation de compensation du handicap évoquée par Jean-Pierre Vial.
Par conséquent, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre délégué, quelles garanties vous pouvez nous donner quant à la compensation financière intégrale des charges nouvelles que votre projet de loi va engendrer pour les départements.
J'ajoute que la mise en place de cette réforme va rencontrer l'écueil du recrutement des personnels techniques par les collectivités : médecins de la PMI, sages-femmes, puéricultrices, éducateurs, conseillères en économie sociale et familiale.
Il existe déjà une pénurie dans ces métiers, et un certain nombre de postes ne sont actuellement pas pourvus, faute de candidats. Je souhaiterais donc savoir, monsieur le ministre délégué, ce que vous comptez faire, et dans quel délai, pour traiter efficacement cette question du recrutement. À défaut de quoi, les bonnes orientations de votre réforme resteront lettre morte.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, cette discussion générale extrêmement riche a permis de soulever toutes les problématiques de ce projet de loi.
Je souhaite remercier l'ensemble des intervenants de la qualité de chacune des prises de parole, commençant, bien sûr, par saluer votre rapporteur, M. André Lardeux, pour ses analyses et la pertinence de ses propositions destinées à améliorer le texte du Gouvernement. Son expérience d'élu chargé d'une collectivité départementale apporte un éclairage bienvenu à nos débats.
Chacun d'entre vous a souligné l'importance des défis auxquels nous sommes confrontés, et j'ai retenu quelques-uns des chiffres que vous avez cités.
Tout d'abord, monsieur le rapporteur, vous nous avez indiqué que 20 % des signalements qui parviennent au juge ne sont pas connus du conseil général. Mme Rozier a, de son côté, rappelé que le nombre d'enfants en danger est globalement en hausse, selon le rapport de l'ODAS : une petite fille sur neuf et un jeune garçon sur dix subissent des violences sexuelles avant d'atteindre leur majorité.
Quant à Mme Campion, elle a rappelé que, selon l'ODAS, 84 000 enfants en danger ont été signalés en 2004.
Mme Schillinger a signalé, de son côté, la hausse du nombre d'enfants maltraités, 5 % sur un an, et du nombre d'enfants en danger, 7 % sur un an.
Quant à Mme Marie-Thérèse Hermange, elle nous disait tout à l'heure que, selon l'INSERM, 15 % des femmes à l'issue d'un accouchement font une dépression sérieuse, médicalement constatée.
J'ajouterai d'autres données chiffrées qui montrent effectivement que le problème de la maltraitance se pose de manière de plus en plus aiguë : chaque année, près de 20 000 enfants font l'objet de maltraitances physiques ou psychologiques. En 1995, il y avait 58 000 enfants en danger ; en 2004, ils étaient 95 000. En 1995, 3 500 enfants étaient victimes de violences sexuelles ; en 2004, ils étaient 5 500. En 1995, 36 000 signalements ont été adressés à l'autorité judiciaire ; en 2004, ce chiffre dépassait 55 000. De plus, nous le savons, hélas !, chaque jour un enfant décède des suites des maltraitances physiques.
Il y a aussi le cas des bébés secoués dans un geste d'exaspération qui peut tuer : 300 cas par an ; 10 % de ces bébés décèdent, 90 % de ceux qui survivent présenteront un retard mental ou des troubles graves de la vue.
Enfin, 97 % des départements chargés de la protection de l'enfance citent les carences éducatives comme premier facteur de risque. Et puis, il y a aussi, ne l'oublions pas, 5 000 à 8 000 mineurs actuellement victimes de la prostitution en France.
Je vous répondrai maintenant en reprenant les trois axes du projet de loi, et je commencerai par le renforcement de la prévention.
Vous avez été nombreux, conscients de la gravité de la situation, à souligner l'importance d'une politique de prévention plus active. C'est effectivement le premier axe de ce projet de loi. M. André Lardeux, Mme Marie-Thérèse Hermange, M. Bernard Seillier, Mme Sylvie Desmarescaux, M. Philippe Nogrix ont souligné l'intérêt de cet entretien obligatoire prévu par le texte au quatrième mois de grossesse pour mieux identifier d'éventuelles difficultés qui peuvent compromettre le bon accueil de l'enfant par sa mère et par son père.
Nombre d'entre vous ont également souligné l'importance de l'accompagnement, du soutien, de l'aide à la parentalité, à l'instar de M. Bernard Seillier et de Mme Valérie Létard.
Certains parents ne sont pas toujours mal intentionnés, ils sont parfois tout simplement désemparés face aux difficultés qu'ils rencontrent. Comme vous, je suis donc très attaché au rôle du réseau d'écoute, d'appui et d'accompagnement à la parentalité. Vous avez été nombreux à souligner le rôle majeur de la PMI en matière de prévention.
M. Philippe Nogrix a rappelé que la prévention, telle qu'elle est conçue dans le projet de loi, ne stigmatise pas certains publics en particulier. Elle est, au contraire, générale. Vous le dites justement, je crois qu'il faut, en effet, multiplier les points de contact.
M. de Broissia a souligné tout à l'heure le rôle des observatoires départementaux qui seront adossés à la cellule départementale de signalement. Il a souhaité que les associations familiales et les départements soient représentés au conseil d'administration à côté de l'ONED. C'est, en effet, une réflexion qu'il faut ouvrir.
Le deuxième volet de cette réforme, c'est l'organisation du signalement. Sur ce point, vous avez été nombreux à évoquer le rôle de la cellule départementale. M. Vial s'est interrogé, en particulier, sur l'article 5, se demandant si cette cellule ne devrait pas être plutôt facultative dans un premier temps.
Je tiens, pour ma part, au caractère obligatoire de la cellule. Il me semble que c'est l'une des dispositions les plus importantes du texte. En effet, si la cellule n'est pas obligatoire, le dispositif de signalement risque de continuer à présenter les mêmes failles que celles que l'on connaît aujourd'hui, avec entre autres conséquences une disparité entre les départements potentiellement dangereuse pour les enfants.
Il est impératif que nous réussissions à rendre notre système d'alerte et d'évaluation plus fiable. Il n'est pas normal que des situations à risque pour l'enfant échappent à la vigilance des professionnels du fait d'un manque d'organisation du signalement.
Mme Hermange a évoqué le drame de ce petit Pascal, sans doute une exception, mais tout de même, dix-sept intervenants avant que le bon service, celui de l'aide sociale à l'enfance, n'intervienne ! On peut également citer l'affaire d'Angers, plus près de nous, et tant d'autres qui nous rappellent cruellement cette exigence que le signalement soit organisé de manière beaucoup plus efficace qu'aujourd'hui, avec ce souci de ne pas laisser les professionnels seuls face à leur conscience.
Évidemment, il y a le cas dans lequel l'enfant maltraité porte des traces de coups qui attestent des violences répétées et qui infirment d'emblée l'hypothèse d'une chute accidentelle ; le professeur ou le maître d'école sont alors prompts à s'interroger.
Mais il y a aussi d'autres cas dans lesquels il est difficile pour l'éducateur, le travailleur social ou l'enseignant de poser un diagnostic. On ne peut pas laisser des professionnels au contact avec les enfants, mais dont ce n'est pas le métier, la charge de discerner s'il existe ou non des violences psychiques ou sexuelles. On ne peut pas les laisser seuls face à leur conscience parce que, là, on fait courir trop de risques à l'enfant et même à la famille, soit parce que, faute d'être sûr de soi, on n'interviendra pas, soit parce que, au contraire trop sûr de soi, on interviendra trop vite, trop fort, provoquant une décision de justice qui, même prise à titre conservatoire, vient finalement mettre en péril l'équilibre d'une famille.
C'est la raison pour laquelle je souhaite vraiment que l'on réussisse à mettre en place ces cellules départementales ; elles existent déjà dans certains départements, et celles qui seront mises en place devront s'inspirer des meilleures pratiques existantes. Dans le même ordre d'idées, je tiens beaucoup, au moment où nous délibérons sur ce texte, à améliorer le travail des professionnels en leur proposant une définition de ce que doit être le cahier des charges de ces cellules départementales ; les présidents de conseil général pourront s'en inspirer pour mettre en place leur propre structure.
On a mentionné le partage des informations : il est indispensable et il n'est pas incompatible avec le secret professionnel. Il s'agit simplement que toutes les informations parcellaires que les uns et les autres, professionnels au contact des familles et des enfants, peuvent détenir, soient mises en commun pour que l'on comprenne mieux ce qui se passe à l'intérieur d'une famille à l'égard d'un enfant pour lequel on relève des signes préoccupants.
Effectivement, aujourd'hui, dans un esprit de pragmatisme, beaucoup de professionnels arrivent déjà, sous l'impulsion des conseils généraux, à partager des informations, mais c'est loin d'être la réalité générale. Du reste, ils n'en ont pas juridiquement le droit.
Je crois qu'il est temps de remédier à cette lacune en faisant en sorte que ce partage d'informations soit autorisé et que, naturellement, il soit organisé et encouragé chaque fois qu'il permettra de lever les doutes qui pèsent sur la situation d'un enfant.
Je remercie, sur ce point, Sylvie Desmarescaux de nous avoir fait part de sa propre expérience d'assistante sociale et d'avoir souligné combien ce partage de l'information est nécessaire. En évoquant le drame du petit Pascal, Mme Marie-Thérèse Hermange nous invitait également à prendre pleinement conscience de la nécessité de ce partage.
Voilà pourquoi je ne comprends pas les inquiétudes qui se sont exprimées par ailleurs, notamment chez Mme San Vicente, qui s'est interrogée sur le risque que ce secret soit partagé avec des élus. Vous ne trouverez pas trace dans ce texte d'un partage de l'information avec les élus.
Je précise toutefois que notre code de l'action sociale ouvre déjà pour le président du conseil général, signataire de la lettre par laquelle le parquet va être saisi, la possibilité d'avoir accès aux informations strictement nécessaires à l'exercice de ses compétences légales. Quoi de plus normal si on veut lui permettre d'exercer sa responsabilité ? Mais ce n'est nullement une innovation de ce texte, puisque cela existe déjà.
S'agissant du rôle des maires, vous observerez donc qu'il n'est pas prévu dans ce texte de leur confier des possibilités d'accès à des informations détenues par des travailleurs sociaux et couvertes par le secret professionnel.
Je reviendrai tout à l'heure sur d'autres questions qui ont trait aux relations entre ce texte et d'autres en préparation. Je pourrais également apporter des réponses pleinement rassurantes à vos préoccupations.
Toujours à propos de cette nécessité de partage de l'information, je tiens à vous dire combien j'ai apprécié l'intervention de Mme Janine Rozier, qui a souligné à quel point le fait de croiser les regards peut être salutaire pour évaluer, dans son ensemble, une situation préoccupante pour un enfant.
Si une information isolée ne met pas en alerte, plusieurs informations peuvent, en effet, constituer un faisceau d'indices concordants.
La solution retenue, c'est le partage du secret professionnel entre les professionnels également habilités au secret. Cette solution, pour reprendre l'expression de M. Louis de Broissia, me semble juste.
Grâce au projet de loi, l'articulation entre protection judiciaire et prise en charge sociale, qui préoccupait aussi M. Jean-Pierre Michel, sera mieux définie.
C'est aussi important d'affirmer très clairement la subsidiarité de l'intervention de la justice, surtout quand le président du conseil général a déjà trouvé la solution. La justice peut et doit être saisie non seulement dans le cas d'un danger grave et imminent - à ce moment-là, bien sûr, n'importe qui peut la saisir, et heureusement -, mais aussi, en dehors de ce danger grave et imminent, quand on n'arrive pas à obtenir la nécessaire collaboration des parents pour remédier à une situation qui est source de risques pour l'enfant ; dès lors, un peu au corps défendant des responsables de l'action sociale pour l'enfance, on est bien obligé de demander au juge d'intervenir.
À cet égard, il convient, selon moi, de cesser de considérer l'intervention du juge et celle de l'aide sociale à l'enfance comme contradictoires, car, dans la dernière hypothèse, celle de l'absence de collaboration de la part des parents, situation qui n'est pas si rare, le fait de saisir le juge contribuera, très souvent, à lever les obstacles qu'opposent les parents à une coopération destinée pourtant à une meilleure prise en charge de l'enfant.
Ainsi, l'on peut se rendre compte qu'il existe une dialectique entre l'intervention du juge et celle de l'aide sociale à l'enfance, puisque leurs actions respectives se complètent et se fortifient mutuellement, ce qui justifie pleinement l'attente de beaucoup d'entre vous, à savoir que l'échange d'informations entre le procureur et le président du conseil général se fasse dans de meilleures conditions. Il s'agit là d'un point sur lequel vous avez naturellement mon entier accord.
J'en viens à la diversification des modes de prise en charge, gage d'une meilleure intervention au bénéfice de chaque enfant selon sa situation et son évolution. De nombreuses expériences ont été menées dans divers départements. Il est temps que la loi puisse tirer profit des résultats engrangés tout en les confortant juridiquement, tant il est vrai que ces expériences n'avaient pas, jusqu'à présent, de cadre juridique. De cette manière, on pourrait favoriser le développement sur l'ensemble du territoire de formules innovantes, intermédiaires entre le maintien à domicile, avec les risques que cela comporte pour l'enfant, et son accueil en établissement, malgré, malheureusement, les traumatismes inévitables dus à la séparation d'avec les parents.
Philippe Nogrix a évoqué le décloisonnement nécessaire entre les professionnels. Je crois effectivement qu'il s'agit là d'une des clés de la réussite de la réforme, qui se situe bien au-delà des dispositions législatives.
Vous pouvez sur ce point, monsieur le sénateur, compter pleinement sur mon engagement. Le travail est en cours et j'ai bien l'intention de mettre à profit cette mise en mouvement permise par le débat et qui repose sur la rencontre des professionnels. En effet, ceux-ci ont pu constater eux-mêmes que leurs positions respectives n'étaient pas si éloignées quant aux analyses et au diagnostic. Je souhaite, naturellement, que ce travail se poursuive pour que les bonnes pratiques soient en quelque sorte codifiées et mises à la disposition de tout un chacun.
M. Louis de Broissia, Mme Sylvie Desmarescaux ainsi que M. Bernard Cazeau ont, pour leur part, insisté sur la nécessité de ne pas briser les fratries après le placement d'un enfant. Je partage, bien évidemment, cette conviction.
Je sais que la diversification des modes de prise en charge est particulièrement chère à de très nombreux sénateurs. Le rapport consacré par M. Louis de Broissia à ce thème a nourri notre réflexion sur le sujet et je suis heureux qu'il ait pu retrouver dans ce projet de loi l'écho de ses propositions.
Je voudrais aussi répondre à des inquiétudes qui ont été exprimées par de très nombreux orateurs à cette tribune, dont la première concerne les moyens humains et financiers.
J'ai déjà essayé, dans mon intervention liminaire, de répondre à cette préoccupation. J'ajouterai ici que la compensation des charges auxquelles les départements sont exposés constitue un engagement formel pris par le Gouvernement et je suis heureux de pouvoir lui donner une traduction à travers le texte législatif qui nous réunit en cet instant, mesdames, messieurs les sénateurs, et qui, je l'espère, recueillera votre approbation.
Cela étant dit, il faut garder le sens de la mesure. Les enjeux financiers ne peuvent être comparés à ceux de grands transferts sociaux tels que le RMI, l'allocation personnalisée d'autonomie, voire la prestation de compensation du handicap.
Certes, je conçois parfaitement que l'accumulation des transferts de compétences pour les conseils généraux représente aujourd'hui un problème très important et je comprends que l'expérience que l'on a de précédents dispositifs puisse interférer avec le jugement que l'on peut porter sur un nouveau projet.
Toutefois, il ne s'agit pas ici de dépenses liées à des transferts qui, d'une certaine façon, sont imprévisibles au cours du temps et sur lesquels le département n'a guère de marges de manoeuvre ; non, il s'agit de prévoir des moyens de fonctionnement non pas pour que le département exerce une compétence nouvelle, mais pour qu'il exerce mieux une compétence qu'il assume depuis déjà vingt-deux ans et pour laquelle le législateur est invité à préciser un certain nombre de règles nouvelles.
M. Bernard Cazeau, reprenant mes propos, déclarait tout à l'heure qu'il s'agissait d'une réforme d'organisation plus que de moyens. Pour autant, j'ai aussitôt reconnu qu'il fallait des moyens nouveaux. En effet, comment faire plus de prévention sans moyens nouveaux ? Comment diversifier les modes d'intervention auprès des familles et des enfants sans moyens nouveaux ?
Or ces moyens nouveaux, je le répète, ont été chiffrés ; ils ont fait l'objet d'une évaluation. Certains d'entre vous se sont d'ailleurs fait l'écho d'évaluations réalisées dans leur propre département. Je ne demande pas mieux que de confronter ces évaluations avec celle que j'ai conduite directement en relation avec l'Assemblée des départements de France et ses services.
En fait, il n'est pas très difficile de savoir combien coûtera l'examen réalisé au cours du quatrième mois de grossesse, ou à combien revient le fait de porter de 40 % à 100 % le taux d'enfants qui, entrant en classe maternelle, feront l'objet d'un bilan réalisé par la PMI. Il s'agit là d'une règle de trois assez simple. Certes, il existe d'autres cas où le calcul est plus compliqué, mais, là aussi, il est possible de parvenir à des résultats objectifs.
En tout état de cause, quelle que soit l'évaluation, qui, certes, pourra varier - j'ai évoqué la somme de 150 millions d'euros, car j'ai voulu voir large, même si les chiffres exacts de l'évaluation à laquelle nous avons procédé font état de 138 millions d'euros - je suis tout à fait disposé à la réviser si l'on me démontre qu'elle est mal fondée.
Toutefois, jusqu'à présent, l'Assemblée des départements de France, qui a examiné le projet de loi article par article, est parvenue aux mêmes chiffres, que nous avons donc ajustés. Or, ainsi que certains d'entre vous l'ont remarqué, il est tout de même rare que des textes soumis au Parlement aient fait l'objet, préalablement à leur présentation, d'une véritable étude d'impact sur le plan financier.
Quant au Conseil d'État, interrogé sur le point de savoir si le Gouvernement était obligé, au titre de l'article 72- 2 de la Constitution, de prendre une disposition de compensation, il a répondu par la négative. Pourquoi ? Tout simplement, parce qu'il ne s'agit pas d'un transfert de compétences.
Cependant, approuvant personnellement, sur un plan politique, la demande qui m'est faite par les présidents de conseil général - et que j'ai d'ailleurs devancée, puisque j'en ai discuté avec eux pendant de nombreux mois - je prends ici l'engagement, qui sera traduit dans le texte, que la dépense sera compensée.
Quant à l'évaluation, si certains ont des raisons de considérer que celle qui est avancée n'est pas satisfaisante, je suis naturellement tout à fait ouvert à la discussion.
Bien sûr, la question se pose : comment va-t-on compenser ? Mon idée est de parvenir à un système qui ne soit pas remis en cause, année après année, dans le cadre des discussions budgétaires. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé la mise en place d'un fonds national, qui sera alimenté conjointement par l'État et par la branche « famille » de la sécurité sociale, avec cette idée toute simple selon laquelle, moyennant quelques mesures de bonne gestion, nous arriverons - assez aisément, je crois - à trouver, au cours des trois prochaines années, donc pendant la montée en régime du dispositif, les crédits nécessaires.
Je me tourne ici en particulier vers M. Fouché, qui m'avait déjà interpellé sur cette question financière. Il avait alors, me semble-t-il, approuvé les objectifs et les termes mêmes du projet de loi
M. Alain Fouché acquiesce
À cet égard, je voudrais dire à M. Fouché ainsi qu'à vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'un dispositif de la nature de celui que je propose nous permettra de disposer d'un système fonctionnant sur la base de la convention d'objectifs et de gestion conclue pour cinq ans avec la caisse nationale d'allocations familiales, système qui serait géré conjointement par les départements, la caisse nationale d'allocations familiales et l'État, et ce afin d'assurer la constance de la ressource, au-delà même de l'annualité budgétaire.
Que puis-je vous proposer de mieux ?
Je pourrais, naturellement, débattre d'autres formules, mais il me semble qu'il est beaucoup de domaines dans lesquels l'article 72- 2 de la Constitution s'applique et pour lesquels vous avez obtenu moins de garanties que celles que je vous offre dans le cadre de la discussion de ce projet de loi.
Sourires
De ce point de vue, j'ai été attentif à la déception exprimée par certains des sénateurs de gauche, qui ont considéré que l'on n'en faisait pas assez du point de vue et des moyens et des ressources humaines.
S'agissant des ressources humaines, je dois apporter une précision : plusieurs départements connaissent des problèmes de recrutement pour les prochaines années dans certaines professions, je pense, notamment, aux médecins ; il s'agit d'un sujet délicat.
C'est la raison pour laquelle je tiens absolument à introduire de la souplesse. C'est ainsi, par exemple, qu'un médecin généraliste ou un médecin retraité pourraient apporter leur concours à la PMI, afin que l'on ne soit pas obligé de recruter des médecins à temps plein dans ce secteur.
Quant aux autres professions, il n'y a pas véritablement, au plan national, de pénurie, qu'il s'agisse des travailleurs sociaux, des puéricultrices, des infirmières ou même des sages-femmes, dont le recrutement a, il est vrai, posé problème les années passées.
Par conséquent, nous ne devrions pas être confrontés à un goulet d'étranglement trop important, sauf, peut-être, dans certains départements pour les médecins, mais je ne crois pas que ce soit un obstacle majeur dans la mise en oeuvre de ce projet de loi.
Beaucoup d'autres questions ont été posées, je pense, notamment, à celle de l'interférence avec d'autres textes. J'observe, à cet égard, que, lorsque l'on ne trouve pas d'arguments pour critiquer un projet de loi, l'on se sert souvent de l'existence d'autres textes pour rétorquer que si celui-ci n'est, finalement, pas si mal, il risque éventuellement d'interférer avec ceux-là !
Or permettez-moi de vous rappeler, à vous qui avez avancé cet argument, et qui avez vivement protesté, me semble-t-il...
... qu'il est tout de même paradoxal de prétendre que d'autres textes pourraient interférer avec l'avant-projet de loi de prévention de la délinquance !
Il n'y a là pour vous - j'aurais sans doute dû le dire tout de suite - aucun motif d'inquiétude.
Il est vrai qu'un texte gouvernemental est actuellement en préparation, étayé par des travaux interministériels d'une grande richesse et très approfondis. Ce texte nécessaire, indispensable, concerne effectivement la prévention de la délinquance.
Or ce dernier n'a pas le même objet que le projet de loi réformant la protection de l'enfance.
La protection de l'enfance a pour objet l'intérêt de l'enfant, afin de le protéger contre les risques et les dangers qu'il court, alors que la prévention de la délinquance concerne la protection de la société contre les atteintes aux personnes et aux biens. Par conséquent, il ne s'agit pas du tout du même sujet ; je ne vois vraiment pas le rapport entre les deux problématiques.
M. Philippe Bas, ministre délégué. S'agissant du texte relatif à la prévention de la délinquance, je suis très étonné : on reprochait au Gouvernement de ne mener qu'une politique de sécurité et, paraît-il, de développer exagérément le volet répressif de son action, et voilà qu'aujourd'hui on lui reproche de se préoccuper de la prévention de la délinquance !
Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.
Mesdames, messieurs les sénateurs, une politique de sécurité repose sur deux jambes : la répression et la prévention.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Réjouissons-nous de pouvoir aujourd'hui marcher sur ces deux jambes !
Applaudissementssur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
Naturellement, les travailleurs sociaux ne peuvent être complètement absents de la prévention de la délinquance. D'ailleurs, lors des discussions interministérielles, le ministre de l'intérieur et moi-même sommes tombés d'accord sur des dispositions qui nous paraissaient à la fois nécessaires et pleines de bon sens.
Toutefois, comme l'avant-projet de loi sur la prévention de la délinquance fait actuellement l'objet d'une concertation et que notre débat porte sur la protection de l'enfance, vous comprendrez que je ne m'étende pas plus longtemps sur la prévention de la délinquance, qui ne figure pas à votre ordre du jour, mais qui, je l'espère, sera bientôt discutée au Sénat.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que je tenais à répondre aux différents orateurs.
Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
MISSIONS DE LA PROTECTION DE L'ENFANCE
L'amendement n° 80, présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
L'intitulé du chapitre 1er du titre II du livre II du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Service de prévention et de protection de l'enfance »
La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Le présent projet de loi, dont la prévention constitue l'un des axes majeurs, vise à faire évoluer les mentalités. Or cette évolution passe nécessairement par la modification de la terminologie en vigueur.
En effet, la référence à un « service d'aide sociale » renvoie encore trop souvent à l'image de la DDASS et des assistantes sociales qui venaient chez vous pour vous retirer vos enfants. En 1986, nous sommes passés de « l'assistance publique » à « l'aide sociale ». Il nous reste maintenant à franchir un pas supplémentaire, afin que la terminologie utilisée suive l'évolution des mentalités, se démarque de l'assistance sociale et se rapproche des notions de prévention et de protection, telle qu'elles sont développées dans ce projet de loi.
Certes, une telle modification exigerait de facto la modification de toutes les dispositions des codes qui évoquent l'aide sociale à l'enfance.
Toutefois, monsieur le ministre délégué, je ne pense pas que cet argument soit recevable quand il s'agit de définir les orientations de la protection de l'enfance pour les prochaines années !
arguments, mais j'avoue qu'ils ne me convainquent pas tout à fait.
Il ne me semble pas opportun de changer la dénomination du service de l'aide sociale à l'enfance. D'une part, le terme « aide », même s'il est connoté, reste, me semble-t-il, l'un des très beaux mots de la langue française. D'autre part, il est délicat de changer le nom d'un service au moment où il commence à être reconnu.
Vous avez évoqué les enfants de la DDASS. Je note que l'opinion et les médias utilisent encore très souvent cette expression, alors que, comme l'a rappelé M. le ministre délégué, voilà vingt-deux ans que les départements sont chargés de la « protection de l'enfance » !
Madame Schillinger, comme vous l'avez vous-même remarqué, en même temps que l'amendement n° 80, il faudrait voter plusieurs dizaines d'amendements de coordination afin d'harmoniser tous les textes concernés, ce qui prendrait beaucoup de temps !
Enfin, je ne suis pas certain que l'acronyme qui serait issu de l'expression « prévention et protection de l'enfance » serait très euphonique.
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
I. - Il est ajouté au chapitre II du titre Ier du livre Ier du code de l'action sociale et des familles un article L. 112-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 112-3. - La protection de l'enfance a pour but de prévenir les difficultés auxquelles les parents peuvent être confrontés dans l'exercice de leurs responsabilités éducatives, d'accompagner les familles et d'assurer, le cas échéant, selon des modalités adaptées à leurs besoins, une prise en charge partielle ou totale des mineurs. Elle comporte à cet effet un ensemble d'interventions en faveur de ceux-ci et de leurs parents. Ces interventions peuvent également être destinées à des majeurs de moins de vingt et un ans connaissant des difficultés susceptibles de compromettre gravement leur équilibre. »
II. - Il est inséré à l'article L. 123-1 du même code, après le 2°, un alinéa ainsi rédigé :
« 3° Le service de protection maternelle et infantile mentionné à l'article L. 2112-1 du code de la santé publique. »
III. - L'article L. 2112-2 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Le 2° est remplacé par les dispositions suivantes :
« 2° Des consultations et des actions de prévention médico-sociale, en faveur des enfants de moins de six ans ainsi que l'établissement d'un bilan pour les enfants âgés de trois à quatre ans ; »
2° Au 4°, après les mots : « les femmes enceintes » sont insérés les mots : «, notamment des actions d'accompagnement, si celles-ci apparaissent nécessaires lors d'un entretien systématique au cours du quatrième mois de grossesse, » ;
3° Il est inséré après le 4° un 4° bis ainsi rédigé :
« 4° bis Des actions médico-sociales préventives et de suivi assurées, à la demande ou avec l'accord des intéressées et en liaison avec le médecin traitant ou les services hospitaliers, pour les femmes en période postnatale, à la maternité, à domicile ou lors de consultations. » ;
4° Au dernier alinéa, les mots : « aux actions de prévention, de mauvais traitements et de prise en charge des mineurs maltraités » sont remplacés par les mots : « aux actions de prévention et de prise en charge des mineurs en danger ou qui risquent de l'être. »
Je reste très partagée sur l'article 1er du projet de loi. Celui-ci est très dense, certes, mais nombre de ses dispositions me semblent réductrices.
Ainsi, cet article donne une définition restrictive de la protection de l'enfance, puisqu'il fixe comme objectif à cette dernière la prévention des difficultés auxquelles les parents sont confrontés, ce qui exclut, de fait, la prévention spécialisée et les problèmes rencontrés hors de tout contexte parental.
En outre, alors que l'exposé des motifs est très prometteur, finalement, l'intérêt de l'enfant n'est pas défini et n'apparaît même plus dans les articles.
Cette vision limitée du dispositif et de la mission de la protection de l'enfance est décevante. Elle invalide d'emblée cette loi qui, comme il a été dit à plusieurs reprises lors de la discussion générale, se voulait refondatrice et était très attendue.
Par ailleurs, l'article 1er du projet de loi instaure un entretien systématique lors du quatrième mois de grossesse, dans le cadre de la prévention. Cette mesure fait l'objet d'un consensus, pour peu que le caractère bienveillant de cet entretien soit assuré.
En effet, il s'agit non pas de « ficher » les futurs parents, mais d'apporter en amont une aide, si besoin est, afin que l'arrivée de l'enfant se produise dans les meilleures conditions ; le suivi postnatal est tout aussi important, si ce n'est davantage.
La difficulté, je veux le souligner, tient à la mise en oeuvre de cette mesure, qui reste très problématique : seule la PMI sera sollicitée, alors que, en dépit des propos rassurants de M. le ministre délégué, un effort très important sera requis, sur le plan financier comme sur le plan humain.
Monsieur le ministre délégué, je me demande quels professionnels mèneront cet entretien, sachant que nombre de conseils généraux éprouvent les plus grandes difficultés à recruter, notamment pour pourvoir aux postes vacants de médecin de la PMI !
À l'origine, cette visite était prévue dans le projet périnatalité, ce qui permettait de partager les coûts entre l'hôpital, la PMI et les médecins libéraux, mais ces partenaires se sont désengagés, puisque seule la PMI se trouve désormais concernée. Pourtant, comme j'ai eu l'occasion de le souligner lors de la discussion générale, la prévention nécessite l'action et la mobilisation de tous !
Le bilan de santé prévu pour les enfants de trois à quatre ans reprend quant à lui un dispositif qui existe déjà aujourd'hui. Je m'interroge donc sur les objectifs qui sous-tendent cet alinéa de l'article 1er du projet de loi, surtout après avoir pris connaissance des amendements que défendra M. le rapporteur.
Nous avons tous présent à l'esprit un certain rapport de l'INSERM, qui a défrayé la chronique l'année dernière. On y préconisait un dépistage précoce des troubles des conduites, dès la crèche et l'école maternelle, ainsi que la mise en oeuvre de mesures de rééducation et de psychothérapie cognitive et comportementale dès l'âge de six ans.
Ce rapport a été contesté par un très grand nombre de professionnels et par la société civile, je pense notamment aux signataires de la pétition « Pas de zéro de conduite pour les enfants de trois ans ».
Je le répète, nous serons vigilants sur cet alinéa de l'article 1er du projet de loi, et nous n'accepterons pas qu'un doute subsiste quant à ses objectifs.
L'amendement n° 82, présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Avant l'article L. 112-1 du code de l'action sociale et des familles, il est ajouté un article ainsi rédigé :
« Art. L. ... - Conformément à la Convention internationale relative aux droits de l'enfant, l'intérêt de l'enfant, la prise en compte de ses besoins, et le respect de ses droits doivent guider toute décision le concernant, et constituent des principes fondamentaux sur lesquels repose le dispositif. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Cet amendement a pour objet de faire figurer dans le projet de loi certains éléments de l'exposé des motifs qui nous paraissent essentiels.
La réforme de la protection de l'enfance se fonde sur des textes juridiques, notamment la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Il s'agit de les conforter, et de faire explicitement référence à la convention dans le projet de loi, afin que celle-ci puisse guider les actions mises en oeuvre en son nom.
D'ailleurs, c'était l'une des propositions adoptées à l'unanimité par la mission d'information sur la famille et les droits des enfants, le 28 juin 2005.
Mme Gisèle Printz l'a rappelé, cet amendement vise à faire explicitement référence dans le projet de loi à la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi ne consacre aucun article particulier à l'affirmation des principes juridiques internationaux, qui sont pourtant au fondement de tous les textes en vigueur en matière de protection de l'enfance. Les faire figurer explicitement dans le présent texte n'apporterait rien et, surtout, n'aurait aucune portée normative, alors que la vocation de la loi est de fixer des règles contraignantes.
La commission émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
Toutefois, je tiens à rassurer Mme Printz : la convention internationale relative aux droits de l'enfant s'applique bel et bien en droit français, sans qu'il soit nécessaire de la mentionner dans le présent texte, du fait même de sa ratification par la France en 1990.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 55, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Au début du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles, ajouter deux phrases ainsi rédigées :
L'État demeure au coeur des dispositifs de protection de l'enfance. Il impulse, coordonne et évalue les différentes actions en faveur des enfants et de leur famille et s'assure d'un niveau de financement suffisant.
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement vise à rappeler l'importance du rôle de l'État dès le préambule de la définition qui est proposée pour la protection de l'enfance.
En effet, l'État doit demeurer un acteur essentiel de la politique de protection de l'enfance, participer pleinement à son élaboration et imprimer ses grandes orientations.
Or, depuis l'arrivée au pouvoir de l'actuelle majorité, en particulier, nous assistons malheureusement au recul de l'intervention de l'État, ce qui pénalise gravement le secteur de la protection de l'enfance.
Il ne s'agit évidemment pas pour nous de revenir sur la compétence attribuée aux départements en ce domaine, car de nombreux dispositifs intéressants ont été mis en place à cette échelle.
Nous entendons plutôt lutter contre le recul progressif de la puissance publique. Non seulement l'État doit exercer sa mission législative - c'est pourquoi nous regrettons que le Parlement ait dû attendre si longtemps pour être de nouveau saisi de la question des droits de l'enfant -, mais il a aussi un rôle important à jouer pour engager, moderniser et évaluer les politiques publiques.
L'État doit se faire le relais efficace des diverses initiatives menées, afin que les différents dispositifs soient toujours harmonisés par le haut. La transmission de l'information et la coordination des acteurs constituent des éléments essentiels de l'amélioration des dispositifs de protection de l'enfance.
Nous avons donc besoin d'un État qui définisse les orientations et coordonne les institutions participant à la protection de l'enfance, ce qui suppose, comme nous l'avons précisé dans le texte de notre amendement, un niveau de financement suffisant.
Or la réduction dramatique des moyens alloués à la protection de l'enfance ou à la famille ces dernières années est inacceptable. La faiblesse des ressources des administrations conduit à des manques cruels en personnel, qui condamnent dès le départ toutes les initiatives susceptibles d'être menées.
Par ailleurs, monsieur le ministre délégué, telle qu'elle est organisée par la majorité actuelle, la décentralisation n'a qu'un seul but : réduire la dépense publique, en reportant sur les départements la totalité des charges liées aux interventions sociales.
Toutefois, les difficultés financières de plus en plus aiguës des départements condamnent, là encore, toute possibilité d'action dans le domaine de la protection sociale, ce qui nourrit des situations de profonde inégalité territoriale et met en cause par là même la continuité du service public.
Évidemment, la « ghettoïsation » de certains départements est inacceptable. L'État ne doit pas se retirer de certaines zones, comme c'est malheureusement de plus en plus souvent le cas, sinon tout projet de loi n'est qu'effet d'annonce et affichage politique !
C'est pourquoi, à travers cet amendement, nous demandons que la loi réaffirme le rôle essentiel de l'État dans la protection de l'enfance.
Madame David, vous tentez de façon incisive de réaffirmer l'action de l'État dans le domaine de la protection de l'enfance, mais vous êtes un peu injuste dans vos appréciations, me semble-t-il, et un certain nombre de faits démentent vos affirmations.
La loi dispose que les départements sont chargés de la protection de l'enfance, et je crois qu'ils remplissent leurs missions avec efficacité. Comme plusieurs orateurs l'ont rappelé tout au long de la journée, les dépenses consacrées par les départements ont été multipliées par plus de deux, ce qui n'est tout de même pas rien !
En outre, il n'y a pas eu d'accroissement des inégalités entre les départements. Au contraire, durant les vingt dernières années, la décentralisation a fait diminuer de façon sensible ces écarts.
Par ailleurs, l'État n'est tout de même pas absent des politiques de protection de l'enfance !
Tout d'abord, le projet de loi prévoit que l'État, le préfet et l'autorité judiciaire apportent leurs concours à cette politique, notamment au sein de la cellule de signalement des enfants en danger. Ensuite, les inspecteurs des DDASS jouent déjà un rôle en matière de protection de l'enfance, tout comme la médecine scolaire, même si cette dernière doit être améliorée, ce qui nous amènera, mes chers collègues, à vous faire des propositions en ce sens.
Au surplus, l'adoption de cette disposition, qui ne nous semble pas très utile, reviendrait à condamner l'action du Gouvernement dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons, la commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Les trois amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 38 rectifié est présenté par Mmes Rozier et Henneron.
L'amendement n° 56 est présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 83 est présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter le texte proposé par le 1° du III de cet article pour le 2° de l'article L. 2112-2 du code de la santé publique par les mots :
, notamment en école maternelle
La parole est à Mme Janine Rozier, pour présenter l'amendement n° 38 rectifié.
Il est important de préciser dans la loi que le bilan de santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans trouve notamment son utilité dans le cadre de l'école maternelle.
À nos yeux également, l'école maternelle est idéale pour un tel bilan de santé, car il s'agit du premier lieu de socialisation des enfants.
De plus, il est important de le signaler, d'une part, la rédaction actuelle de l'article L. 2112-2 du code de la santé publique contient une telle précision et, d'autre part, la mesure existe déjà et fait partie des vingt examens obligatoires que doivent passer les enfants pendant les premières années de leur vie.
Monsieur le ministre délégué, dans le cadre de ce suivi sanitaire, les médecins scolaires auront un rôle important à jouer. Comme je l'ai déjà signalé à votre collègue ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, la politique de santé publique en matière de médecine scolaire, que M. le rapporteur vient d'évoquer, doit garantir la présence de médecins scolaires, d'autant qu'un nombre croissant de familles n'ont plus les moyens d'assumer les dépenses de santé et, donc, de se protéger.
À cet égard, vos choix budgétaires, ceux du Gouvernement en tout cas, sont inacceptables. En effet, dans le cadre de la loi de finances pour 2006 et du budget opérationnel du programme « Vie de l'élève », les crédits attribués pour les vacations de médecins ont diminué de 30 % et les charges sociales doivent désormais être prises en compte dans une enveloppe identique à celle de l'année 2005, alors que, dans le même temps, de nouveaux textes ont attribué des tâches supplémentaires à la médecine scolaire.
Nous considérons que la présence de médecins scolaires en nombre suffisant est primordiale dans le cadre du présent dispositif, afin d'assurer une prévention effective, notamment pour les familles dépourvues de ressources.
Je profite d'ailleurs de cette intervention pour rappeler au Gouvernement ses obligations en matière de financement, s'agissant notamment des personnels éducatifs, bien sûr, mais pas seulement.
Vous le disiez vous-même il y a un instant, il ne faut pas laisser les enseignants seuls face à de telles difficultés. Je vous demande donc de leur accorder un soutien en ce sens, en prévoyant la mise en place d'un véritable service de médecine scolaire, qui comprendrait non seulement des médecins, mais aussi des infirmières, des psychologues scolaires, voire des COPSY, des conseillers d'orientation-psychologues. Disposer de moyens suffisants est la condition minimale pour une politique efficace en matière de protection de l'enfance.
C'est tout le sens de cet amendement.
La parole est à Mme Claire-Lise Campion, pour présenter l'amendement n° 83.
L'établissement de ce bilan de santé pour les enfants âgés de trois à quatre ans ne fait que rappeler une mesure qui existe déjà dans le cadre de la vingtaine d'examens obligatoires prévue.
Il nous semble donc important de préciser dans le texte que ce bilan, pour une telle tranche d'âge, trouve notamment son utilité dans le cadre de l'école maternelle.
La précision que visent à apporter ces trois amendements identiques ne nous semble pas indispensable, même si elle figure dans le texte actuel de l'article L. 2112-2 du code de la santé publique.
Par conséquent, la commission s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cette proposition de rétablissement.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement s'en remet à l'avis de la commission.
Sourires
Les amendements sont adoptés à l'unanimité.
L'amendement n° 57 rectifié, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après le 1° du III de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
... ° Après le 3°, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ..° Des actions de promotion de la santé familiale et infantile dans une approche globale de la santé et du bien-être de l'enfant ; ».
La parole est à Mme Annie David.
Cet amendement vise à préciser l'une des compétences du service de protection maternelle et infantile, prévues à l'article L. 2112-2 du code de la santé publique, lequel devrait organiser des actions de promotion de la santé familiale et infantile dans une approche globale de la santé et du bien-être de l'enfant.
Il semble en effet que le Gouvernement met l'accent, plus ou moins volontairement, sur le dépistage des enfants « à risque », en particulier dans certaines catégories de population. Les missions de la PMI ne se limitent pas à ce type d'actions « ciblées », même si celles-ci ont toute leur place.
Ainsi, les consultations de sages-femmes au domicile des jeunes mamans, quelques jours après le retour de la maternité, s'adressent à tous les jeunes parents et les conseils prodigués sont bien utiles, quel que soit, bien évidemment, le niveau social ou culturel. L'apprentissage des gestes de soins et d'hygiène, qui favorisent le bien-être et la santé, doit demeurer une fonction essentielle de la PMI.
Monsieur le ministre délégué, mes collègues et moi-même nous inquiétons sérieusement de cette dérive dans les pratiques et dans les mots, orchestrée, nous semble-t-il, par le Gouvernement.
La logique des amalgames, qui prend le pas sur tout le reste, conduit à bouleverser les traditions et les missions de certaines structures, à l'image des services de protection maternelle et infantile. Il n'est pas souhaitable de les transformer en centres de dépistage des futurs fauteurs de troubles, comme semblent vouloir le faire certains membres de votre majorité.
C'est pourquoi, à notre sens, la réaffirmation des fonctions généralistes de la PMI est un élément essentiel du maintien d'une politique familiale et d'une politique de l'enfance justes et respectueuses de chacun.
Madame David, cet amendement, qui vise à inclure, parmi les compétences de la PMI, la réalisation d'actions de promotion de la santé familiale et infantile, est d'ores et déjà satisfait.
En effet, l'article L. 1423-1 du code de la santé publique, d'une façon générale, met à la charge des départements la protection sanitaire de la famille et de l'enfance et l'article L. 2111-1 du même code prévoit, dans le cadre de la protection et de la promotion de la santé maternelle et infantile, des mesures de prévention médicales, psychologiques, sociales et d'éducation pour la santé en faveur des futurs parents et des enfants.
Au demeurant, dans mon esprit et dans celui de la majorité des membres de la commission, ce projet de loi, sur lequel nous avons donné un avis favorable moyennant l'adoption de quelques amendements, n'a aucunement pour but d'organiser un quelconque fichage des personnes à risque dans ce pays.
Madame David, votre préoccupation est tellement fondée et légitime que le législateur a déjà tout prévu et a réglé le problème par l'article L. 1423-1 du code de la santé publique.
J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 133, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° du III de cet article :
2° Au 4°, les mots : « pour les femmes enceintes et les enfants » sont remplacés par les mots : « pour les femmes enceintes, notamment des actions d'accompagnement, si celles-ci apparaissent nécessaires lors d'un entretien systématique au cours du quatrième mois de grossesse, et pour les enfants » ;
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 88, présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 3° du III de cet article pour insérer un 4° bis dans l'article L. 2112-2 du code de la santé publique, après les mots :
période postnatale
insérer les mots :
et pour les pères
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
L'introduction d'un entretien avec la femme enceinte au cours de son quatrième mois de grossesse tend à renforcer les actions de prévention des risques pour l'enfant.
Jusqu'à présent, en effet, le suivi des grossesses était essentiellement médical. Si, de ce point de vue, les progrès observés sont indéniables, la dimension affective n'est, à notre avis, absolument pas prise en compte.
Un tel entretien permettra donc de répondre également aux interrogations plus fondamentales sur la fonction de parent et sur tout ce qu'elle induit.
Or cet entretien serait d'autant plus efficace s'il incluait le père, dans la mesure où, naturellement, c'est possible. L'accueil et l'éducation d'un enfant se font en général à deux. Les carences éducatives, nées des difficultés relationnelles sont, certes, plus sensibles entre la mère et le nourrisson, mais elles concernent également le père.
Cependant, pour donner à cet entretien quelque efficacité et pour faire accepter un tel suivi de la PMI, il est impératif de rappeler que les services de la protection maternelle et infantile sont soumis au secret professionnel et qu'il ne s'agit pas d'instaurer un quelconque contrôle, faute de quoi, pour y échapper, certaines familles en difficulté ne feront plus de déclaration de grossesse.
En outre, je le répète, nous nous interrogeons sur le financement de cette mesure, qui va nécessiter des moyens supplémentaires, tant humains que financiers.
Si nous nous réjouissons que ce texte donne aux départements les moyens législatifs d'assurer leur rôle de chef de file de la protection de l'enfance, nous n'avons aucune certitude, malgré les propos rassurants de M. le ministre délégué, sur la réalité des futurs transferts financiers.
Comme nous l'avons souligné lors de la discussion générale, les départements doivent faire face à des charges importantes, notamment pour assumer la gestion du RMI et la montée en charge de la nouvelle prestation de compensation du handicap.
Il est donc indispensable de permettre aux départements de faire face à toutes les évolutions et, donc, de mettre en place ces nouvelles actions, dans le cadre d'une politique qu'ils ont déjà en charge, sans que cela pèse encore sur la fiscalité locale.
Les questions qu'évoque Mme Campion sont très intéressantes et méritent d'être soulignées, surtout dans notre société où les hommes, notamment les pères, ont tendance, pour différentes raisons, à s'effacer.
Certes, mais trop de pères sont dans ce cas, alors qu'ils sont finalement aussi concernés que les mères par ces problèmes.
Puisque les actions de soutien mises en place par la PMI ne doivent pas être seulement réservées aux mères, il me paraît utile, tout au moins à titre personnel, de préciser que ces entretiens sont également destinés aux pères.
Cela étant, je me tourne vers M. le ministre délégué pour lui demander son avis, auquel nous nous rallierons probablement.
C'est une question importante. Cela devrait aller sans dire, mais cela ira encore mieux en le disant !
Le Gouvernement est donc favorable à cet amendement.
Pour répondre au souci de M. le président de la commission, nous pourrions remplacer la mention des femmes et des pères par celle des parents. La rédaction actuelle est en effet très laide. D'ailleurs, les « femmes » ne sont-elles pas toujours les « mères » ?
Nous profiterons de la navette pour trouver une rédaction plus élégante.
Pourquoi, tout simplement, ne pas écrire « les mères et les pères » ?
Monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la navette en décidera !
Je mets aux voix l'amendement n° 88.
L'amendement est adopté à l'unanimité.
L'amendement n° 81, présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 3° du III de cet article pour le 4° bis de l'article L. 2112-2 du code de la santé publique, après les mots :
à domicile
insérer les mots :
, notamment, dans les jours qui suivent le retour à domicile
La parole est à Mme Patricia Schillinger
Le désarroi des femmes qui viennent d'accoucher survient souvent dans les premiers jours qui suivent leur retour à leur domicile. C'est pendant cette période que la mise en place d'un soutien psychologique, que l'on trouve à la maternité, doit être maintenue. C'est d'autant plus nécessaire que la sortie de la maternité intervient de plus en plus précocement.
Les arguments exposés par Mme Schillinger sont exacts, mais la précision qu'elle souhaite introduire dans le projet de loi relève du domaine réglementaire. C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
Je serais désolé qu'il y ait sur ce point une discordance entre la commission et le Gouvernement. Cependant ce dernier est favorable à cet amendement, qui reprend d'ailleurs une rédaction à laquelle il avait lui même songé.
Il est très important que la visite de la PMI ait bien lieu dans les jours qui suivent la sortie de la maternité parce que l'on a constaté, au cours de cette période, une très grande disponibilité des parents qui découvrent leur enfant.
La commission se rallie à la position du Gouvernement, même si elle déteste les adverbes tels que « notamment ». En effet, il va de soi que la mesure visée après cet adverbe est déjà prévue dans la rédaction le précédant.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 4, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le III de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
5° Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le service contribue également, à l'occasion des consultations et actions de prévention médico-sociale mentionnées aux 2° et 4°, aux actions de prévention et de dépistage précoce des troubles d'ordre physique, psychologique, sensoriel et de l'apprentissage. Il oriente, le cas échéant, l'enfant vers les professionnels de santé et les structures spécialisées, notamment les centres d'action médicosociale précoce mentionnés à l'article L. 2132-4. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement vise à confier aux services de la PMI un rôle de repérage et d'orientation des enfants rencontrant des difficultés de tous ordres, notamment psychologiques, non pas dans un aspect comportementaliste, comme le disent certains, mais dans une vision globale de la personnalité de l'enfant.
La protection de l'enfance ne peut en effet se limiter à la question de la sécurité de l'enfant au domicile de ses parents. Elle doit également tendre vers la bien-traitance. Dans cette perspective, il paraît important de répondre aux difficultés de l'enfant qui nuisent à son bien-être physique et psychique.
La PMI semble être l'acteur le plus à même de repérer ces difficultés naissantes et d'orienter, le cas échéant, l'enfant vers les dispositifs de soin ou de soutien les plus adaptés.
Cet amendement reprend un suivi qui existe déjà, même s'il apporte des précisions concernant notamment le dépistage des troubles psychologiques. Nous nous demandons donc s'il est bien nécessaire.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 5, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
IV. - L'article L. 541-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 541-1. - Au cours de leurs sixième et douzième années, tous les enfants sont obligatoirement soumis à une visite médicale, au cours de laquelle un bilan de leur état de santé physique et psychologique est réalisé. Ces visites ne donnent pas lieu à contribution pécuniaire de la part des familles.
« À l'occasion de ces visites, un dépistage des troubles spécifiques du langage est organisé. Les médecins de l'éducation nationale travaillent en lien avec l'équipe éducative et les professionnels de santé afin que, pour chaque enfant, une prise en charge et un suivi adaptés soient réalisés.
« Les parents ou tuteurs sont tenus, sur convocation administrative, de présenter les enfants à ces visites, sauf s'ils sont en mesure de fournir un certificat médical attestant que le bilan mentionné au premier alinéa a été assuré par un professionnel de santé de leur choix.
« Des examens médicaux périodiques sont ensuite également effectués pendant tout le cours de la scolarité et la surveillance sanitaire des élèves est exercée avec le concours d'un service social. Des décrets pris en Conseil d'État fixent la participation des familles et des collectivités publiques aux dépenses occasionnées par ces examens. »
La parole est à M. le rapporteur.
Cet amendement tend à faire participer davantage la médecine scolaire à la politique de prévention en matière de protection de l'enfance.
À l'heure actuelle, un seul examen est obligatoire dans le cadre de la médecine scolaire. Il a lieu lors de l'entrée à l'école primaire et il est principalement axé sur le dépistage de certaines pathologies, tels les troubles de la vue et de l'audition, le défaut de la stature dorsale, les problèmes liés à l'alimentation.
Le présent amendement a pour objet de renforcer ce dispositif sur deux points.
Tout d'abord, il vise à créer un second examen obligatoire à l'entrée au collège. Il paraît en effet important d'établir un tel bilan de santé aux portes de l'adolescence, âge clé, comme on le sait, dans le développement de l'enfant.
Ensuite, il tend à élargir l'objet de ces visites médicales obligatoires. Il convient effectivement non pas de limiter le bilan effectué à cette occasion aux seuls aspects de santé physique, mais de l'étendre à la santé psychique. On sait en effet que les troubles psychologiques ou comportementaux sont parfois les seuls signaux permettant de repérer les enfants en détresse.
Le Gouvernement s'est interrogé sur l'opportunité d'aller encore plus loin. À cet égard, il poursuit sa réflexion et se demande s'il ne serait pas opportun d'établir un examen annuel pour tous les enfants scolarisés. Ce travail n'étant pas achevé, je ne vous propose pas d'aller au-delà des dispositions prévues par cet amendement.
Cependant, le Gouvernement estime envisageable, à condition de disposer des moyens à la fois financiers et humains, c'est-à-dire de médecins en nombre suffisant, d'organiser annuellement un examen médical de chaque enfant dans le cadre de l'école, c'est-à-dire d'effectuer, en quelque sorte, un bilan global. Une telle mesure permettrait d'avoir régulièrement une appréciation d'ensemble de l'évolution de l'enfant.
Naturellement, nous apprécierons, au cours de la navette, s'il y a lieu ou non de nous engager dans cette voie. Pour l'heure, le Gouvernement considère comme un progrès appréciable la proposition de soumettre à un examen médical d'ensemble l'enfant à son entrée en sixième, au même titre que lors de son entrée à la maternelle et à l'école primaire.
C'est la raison pour laquelle il est favorable à l'amendement n° 5.
Je partage le souci de M. le ministre. On peut, certes, imaginer qu'une visite médicale annuelle soit prévue. Mais, aujourd'hui, la visite obligatoire n'est assumée que dans 70 % des cas.
Pour qu'elle soit assurée à 100 %, 35 millions d'euros supplémentaires seraient nécessaires.
M. le rapporteur, dans sa grande sagesse connue de tous les membres de la commission, nous dit que l'on pourrait imaginer l'organisation d'une nouvelle visite obligatoire à l'entrée du collège, c'est-à-dire approximativement au cours de la douzième année de l'enfant. C'est un objectif que l'on fixe !
Même si, sans faire d'angélisme, nous partageons le souhait de parvenir un jour à un examen annuel, il ne serait pas raisonnable de faire croire qu'aujourd'hui nous sommes capables d'atteindre cette étape. Ce serait se moquer du monde !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Si, dans les deux à trois ans à venir, nous parvenions déjà à mettre en oeuvre effectivement une deuxième visite médicale obligatoire, cela signifierait que la première visite obligatoire serait assurée à 100 %, ce qui serait déjà bien.
Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.
L'amendement est adopté.
L'article 1er est adopté.
L'amendement n° 65, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 122-26 du code du travail, les chiffres : « six » et « dix » sont remplacés respectivement par les chiffres : « huit » et « quatorze ».
La parole est à M. Roland Muzeau
Cet amendement a pour objet d'allonger la durée du congé de maternité, afin de mettre la législation française en conformité avec les recommandations de l'Organisation internationale du travail, l'OIT.
Il est évident qu'une bonne prévention doit commencer dès la grossesse en donnant à la femme enceinte les moyens de vivre convenablement sa grossesse. En effet, actuellement le congé de maternité, tel qu'il est prévu, est insuffisant pour répondre aux attentes des femmes enceintes. Aussi, l'amendement n° 65 vise à augmenter de quinze jours le congé prénatal et de quatre semaines le congé postnatal.
L'allongement du congé de maternité répond à un besoin évident, comme l'illustre le rapport en date du 15 avril 2005 intitulé Enjeux démographiques et accompagnement du désir d'enfant des familles, de M. Hubert Brin, président de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, remis au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.
Selon ce rapport, le recours aux congés pathologiques intervient dans près de 60 % des cas pour compléter le congé de maternité. De plus, l'allongement de ce dernier permettrait de mettre la France en conformité avec les recommandations de l'OIT. En effet, la France n'a pas ratifié cette convention relative à la maternité, sa législation n'étant pas conforme.
D'après cette convention, le montant de l'indemnité versée au titre du congé pathologique ne doit pas être inférieur aux deux tiers des gains antérieurs de la femme, alors qu'en France les quatre semaines du congé postnatal sont indemnisées au titre de la maladie, c'est-à-dire à 50 % du salaire. L'amendement que nous proposons permettrait d'assurer une indemnisation supérieure.
L'allongement du congé de maternité rendrait également possible la mise en conformité avec le rapport du Parlement européen de 2000 relatif à la transposition de la directive du Conseil de l'Europe du 19 octobre 1992 tendant à l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes, accouchées ou allaitantes au travail. Ce rapport recommande de porter le congé de maternité à vingt semaines, avec un repos obligatoire de huit semaines après l'accouchement.
Enfin, en France, les syndicats, confrontés quotidiennement aux difficultés que rencontrent les femmes enceintes, demandent l'allongement du congé de maternité de façon récurrente.
Je voudrais saluer la constance de M. Muzeau qui, avec opiniâtreté, présente régulièrement un certain nombre de propositions semblables.
Je voudrais également saluer sa conversion européenne, puisqu'il trouve quelques vertus à une disposition adoptée par le Parlement européen.
Cela étant, le projet de loi que nous examinons ne vise pas le congé de maternité : il tend à protéger les enfants.
Par ailleurs, et le président de la commission vient d'évoquer ce point à propos du financement d'éventuelles visites médicales supplémentaires, je ne sais pas très bien comment se porteraient les finances de la CNAM si la durée du congé de maternité était allongée. Elles connaissent encore, me semble-t-il, quelques difficultés, que nous évoquerons dans cet hémicycle à l'automne prochain.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 70, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 2 de la loi n° 2006-636 du 1er juin 2006 relative aux délégués départementaux de l'éducation nationale est abrogé.
La parole est à Mme Annie David
Cet amendement vise à supprimer le recours aux contrats d'avenir et aux contrats d'accompagnement dans l'emploi par les établissements scolaires, disposition intégrée par cavalier gouvernemental lors du débat relatif aux délégués départementaux de l'éducation nationale, les DDEN.
Cette mesure constitue une réponse inappropriée au regard tant de la charge supplémentaire imposée aux directeurs d'établissements scolaires que de la protection de l'enfance.
Dois-je rappeler que le contrat d'avenir et le contrat d'accompagnement dans l'emploi, intrinsèquement précaire, ne requièrent aucune qualification à l'embauche ? Or, pour l'aide aux élèves handicapés, pour l'assistance administrative, notamment aux directeurs d'école primaire, pour l'aide à l'accueil, à la surveillance et à l'encadrement des élèves, pour l'aide à l'animation des activités culturelles, artistiques ou sportives, bref, pour toutes les missions imputées à ces emplois liés à la vie scolaire, il est nécessaire d'avoir recours à des personnes qualifiées.
Par ailleurs, la rotation de personnel qu'implique le recours à ces contrats va inéluctablement conduire à la rupture de la continuité éducative, pourtant essentielle.
Comment prétendre soutenir, aider, encadrer un enfant en ayant recours à des personnes qui changent sans arrêt, donc sans établir de relation de confiance ?
Parallèlement, le Premier ministre a annoncé plus de 8 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale. Quelle cohérence gouvernementale existe-t-il, monsieur le ministre, entre votre discours d'aujourd'hui, qui ambitionne de faire de la protection de l'enfance une priorité nationale, et la décision de votre Premier ministre de supprimer des emplois au sein de l'éducation nationale, autrement dit, là où la prévention prend tout son sens ?
Déjà, pour cette année scolaire, de nombreux établissements, notamment dans le département de l'Isère, ont vu la suppression de la présence des médecins scolaires. Ces derniers ont d'ailleurs alerté le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur le manque de moyens dont ils disposent pour mener à bien leur mission de service public, alors que de nombreux textes législatifs leur confèrent de nouvelles missions.
Non seulement il n'y a pas de prévisions concrètes de recrutement, mais les postes de médecins non titulaires, qui assurent pourtant 40 % des tâches, sont supprimés.
Quant aux infirmières scolaires, elles sont en nombre insuffisant pour répondre à l'ampleur des besoins.
Aujourd'hui, force est de constater que ce manque de postes ne permet pas aux jeunes de tous les établissements scolaires, notamment en secteur rural, d'avoir accès à une réponse infirmière globale en matière de santé.
Pourtant, le rôle de ces personnels de la communauté éducative, qui va des actions de prévention et d'intégration au dépistage des cas de maltraitance grave, en passant par les visites médicales obligatoires et l'information, est primordial à la protection de l'enfance.
« L'école est le lieu propice pour détecter les risques pour l'enfant » : cette phrase n'est pas de moi, monsieur le ministre, et vous l'avez sans doute reconnue, puisque c'est vous-même qui l'avez prononcée lors des premières assises nationales de la protection de l'enfance, le 11 avril 2006.
Une fois n'est pas coutume, je suis en plein accord avec cette assertion, mais, pour ne pas rester un voeu pieux, elle doit s'accompagner d'actes concrets au profit des actions de prévention au sein de l'école.
Cela nécessite, entre autres, la création d'emplois statutaires, permanents et qualifiés, de nombreuses fois demandée par la communauté éducative. Cela nécessite aussi d'alléger les classes : il est inadmissible, aujourd'hui, de voir des classes, notamment en maternelle, de trente enfants et plus.
L'école maternelle est le premier lieu d'apprentissage scolaire et de socialisation pour tous les enfants ; c'est aussi un lieu de repérage et de prévention des difficultés. C'est un lieu où les inégalités peuvent être combattues.
L'école peut participer pleinement à la protection de l'enfance, mais le corollaire en est la création d'emplois pérennes, avec des personnes qualifiées, et non un accroissement de la précarité et une diminution des exigences professionnelles.
Ainsi, les emplois « vie scolaire » que vous avez mis en place ne peuvent masquer les suppressions massives d'emplois d'enseignants et de personnels administratifs.
Ces emplois « vie scolaire » sont donc une réponse inadaptée au regard des besoins réels de l'école ; ils sont avant tout dictés par la volonté de réduire à court terme les chiffres du chômage.
À ce propos, les assistants d'éducation, dont, pourtant, le statut n'est pas des plus stables, s'alarment quant à leur avenir, dans la mesure où certaines académies, confrontées à des contraintes budgétaires fortes, pourraient proposer ces fameux contrats en lieu et place des contrats d'assistants d'éducation, malgré tout plus chers.
Les dérives qui découlent de l'empilement de contrats sont inévitables.
C'est pourquoi, mes chers collègues, je vous demande de bien vouloir adopter cet amendement.
Je ne voudrais pas paraître trop cavalier vis-à-vis de Mme David et sembler prendre son argumentaire fort long de façon inconséquente, mais son amendement n'a aucun rapport avec le texte qui nous est soumis.
Je ne peux donc émettre qu'un avis défavorable.
M. Roland Muzeau proteste.
L'amendement n'est pas adopté.
Le titre II du livre II du code de l'action sociale et des familles est modifié ainsi qu'il suit :
I. - L'article L. 221-1 est ainsi modifié :
1° Le 1° est remplacé par les dispositions suivantes :
« 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement qu'aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt-et-un ans connaissant des difficultés de nature à compromettre gravement leur équilibre ; »
2° Au 5° les mots : « des mauvais traitements » sont remplacés par les mots : « des situations de danger » et les mots : « organiser le recueil des informations relatives aux mineurs maltraités et participer à la protection de ceux-ci » sont remplacés par les mots : « organiser le recueil et la transmission dans les conditions prévues à l'article L. 226-3 des informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être ou dont l'éducation ou le développement sont compromis ou risquent de l'être et participer à leur protection ».
II. - Le chapitre VI du titre II du livre II est ainsi intitulé : « Chapitre VI : Protection des mineurs en danger et recueil des informations préoccupantes » ;
III. - A l'article L. 226-2, les mots : « par les situations de mineurs maltraités » sont remplacés par les mots : « par les situations de mineurs en danger ou qui risquent de l'être » ;
IV. - L'article L. 226-6 est ainsi modifié :
1°Aux premier et deuxième alinéas, les mots : « mineurs maltraités » sont remplacés par les mots : « mineurs en danger » ;
2°Au troisième alinéa les mots : « maltraitance envers les mineurs », « phénomènes de maltraitance » et « pratiques de prévention, de dépistage et de prise en charge médico-sociale et judiciaire de la maltraitance » sont remplacés respectivement par les mots : « protection de l'enfance », « phénomènes de mise en danger des mineurs » et « pratiques de prévention ainsi que de dépistage et de prise en charge médico-sociale et judiciaire des mineurs en danger » ;
3° La dernière phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
L'amendement n° 84, présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1° de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
la santé,
insérer les mots :
physique et psychique
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Lorsqu'on parle de santé, on a tendance à ne viser que la santé physique et non la santé psychique. L'Organisation mondiale de la santé définit la santé comme étant un état complet de bien-être physique et mental.
Afin de viser l'ensemble des dangers auxquels peuvent être confrontés les enfants, il me semble important de préciser que ce sont les dangers qui peuvent altérer sa santé physique et psychique. D'ailleurs, M. le rapporteur souligne que la notion de mineur en danger permet de tenir compte de toute la palette des situations pouvant physiquement ou moralement mettre en danger l'enfant.
La précision qu'il est proposé d'apporter n'est pas utile : la notion de santé étant quelque chose de général, elle s'entend bien sûr dans le sens le plus large.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Milon, Mme Bout, M. Vasselle, Mmes Sittler et B. Dupont, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1° de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
leur développement
insérer les mots :
affectif, intellectuel et social,
La parole est à M. Alain Milon.
Il est indiqué, dans l'exposé des motifs du projet de loi, que, dans le code de l'action sociale et des familles, serait ajouté « un nouveau critère d'appréciation de la situation de l'enfant, celui de son développement, physique et intellectuel ».
Dans le projet de loi lui-même, le terme « développement » est effectivement ajouté, mais les termes « développement affectif, intellectuel et social » ne sont pas précisés. Je pense nécessaire qu'ils y figurent.
En effet, l'enjeu est celui de l'évaluation. Si seul le terme « développement » apparaît, les professionnels pourront se contenter d'une évaluation très floue, comme ils le font actuellement, en refusant d'évaluer le quotient de développement ou le QI, notamment.
Il est donc intéressant de faire reposer la loi sur l'intérêt de l'enfant en inscrivant dans ce projet de loi la protection du développement affectif, intellectuel et social, que l'on pourrait d'ailleurs définir juridiquement.
La référence au développement de l'enfant, qui est prévue dans le projet de loi, se calque sur la rédaction de la loi relative à l'autorité parentale, qui elle-même est issue de la convention internationale des droits de l'enfant.
Je crois donc préférable, par cohérence entre ces différents textes, de ne pas nous éloigner de la rédaction que le Gouvernement a proposée.
Par ailleurs, les précisions apportées par notre excellent collègue M. Milon étant, me semble-t-il, plutôt du domaine réglementaire, je lui demande de retirer son amendement. Sinon, la commission émettra un avis défavorable.
J'avais moi-même demandé à M. Milon de retirer cet amendement, car ces dispositions, qui conduiraient à différencier ce texte par rapport à d'autres mesures, risquent d'introduire plus de confusion que de clarté.
Tout à l'heure, j'ai entendu M. le rapporteur nous dire que la loi avait une vocation normative et M. le ministre affirmer que ce qui allait sans dire allait encore mieux en le disant.
En conséquence, je maintiens cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 87, présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
Vingt et un ans
rédiger comme suit la fin du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le 1° de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles :
confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre et ayant fait l'objet précédemment d'un suivi au titre de l'aide sociale à l'enfance ;
La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Il nous semble nécessaire de préciser dans le texte que les majeurs de moins de vingt et un ans qui sont ici visés ont déjà fait l'objet d'un suivi au titre de l'aide sociale à l'enfance.
Le partage des compétences entre département et autorité judiciaire est une ligne mouvante. Il s'agit là de l'aide sociale à l'enfance et les jeunes majeurs doivent s'inscrire dans la continuité de l'action de l'aide sociale à l'enfance. Sinon, il n'y a aucune raison pour qu'ils soient pris en charge par le département au titre de cette dernière.
L'amendement présenté par Mme Campion vise à circonscrire le champ des jeunes majeurs de moins de vingt et un ans susceptibles de relever des services de l'aide sociale à l'enfance en limitant l'accès à cette dernière aux seuls jeunes majeurs qui ont précédemment fait l'objet d'un suivi au titre de l'ASE.
Cette précision me semble particulièrement utile. En pratique, aujourd'hui, les jeunes majeurs de dix-huit à vingt et un ans pris en charge par l'ASE ne peuvent être que des jeunes déjà suivis par le service pendant leur minorité, bien évidemment.
Cette mesure confirmant la pratique courante des conseils généraux, l'avis de la commission est favorable.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
L'amendement n° 58, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le 2° du I de cet article, remplacer les mots :
informations préoccupantes relatives aux mineurs dont la santé, la sécurité, la moralité sont en danger ou risquent de l'être
par les mots :
informations relatives aux mineurs en danger ou présentant un risque avéré de danger
La parole est à M. Roland Muzeau.
Cet article 2 illustre bien, selon nous, les conséquences néfastes d'une concertation inachevée.
Il aurait fallu pousser plus avant encore la discussion, parce que la définition des situations de danger pour un enfant est particulièrement complexe.
Il est vrai que le terme « maltraitance » a pu conduire à des situations difficiles à arbitrer, mais c'est parce que l'on touche là de très près à l'humain, et que l'humain est nécessairement soumis à la subjectivité.
Nous savons que les débats entre professionnels sur la définition de la maltraitance ou du danger ne peuvent être réglés du jour au lendemain, et certainement pas avec la proposition contenue dans cet article 2.
Remplacer les mots : « mauvais traitements » par les mots : « situations de danger » n'apporte qu'une réponse partielle à la question, une réponse dans l'urgence.
Surtout, ce qui nous semble bien plus grave, c'est la formulation « informations préoccupantes », qui, selon nous, est beaucoup trop soumise à l'aléa : elle ouvre la voie à la multiplication des signalements, tant le terme « préoccupantes » est large.
Cela ne résoudra sûrement pas les dilemmes auxquels les professionnels peuvent être confrontés, bien au contraire.
Certaines initiatives prises à l'échelle départementale sont allées dans le sens de l'élaboration de référentiels qui pourraient servir de base aux évaluations et aux décisions. Tel est déjà le cas, notamment, en Seine-Saint-Denis. Ces outils peuvent, en complément du cadre législatif, être très utiles pour les professionnels.
Par cet amendement, nous souhaitons encadrer les dérives potentielles de la formulation proposée. Comment, en effet, interpréter la notion « risque d'être en danger » ? Tous les enfants, tout le monde risque d'être en danger. Plus précisément, les enfants des milieux modestes ou défavorisés risquent en permanence d'être en danger, justement parce que la majorité à laquelle vous appartenez, monsieur le ministre, ne leur confère pas des conditions de vie décentes ; vous n'en conviendrez probablement pas, mais telle est mon opinion.
Vivre dans un logement insalubre, être privé du droit à la santé parce que la médecine a aujourd'hui un coût quelquefois exorbitant, ne pas avoir droit à un système éducatif le meilleur possible, parce que l'État se désengage, tout cela correspond à des risques de danger graves pour les enfants. Faut-il qu'ils soient alors signalés, et à quel titre ?
Vous voyez bien, monsieur le ministre, l'incohérence de votre formulation.
C'est pourquoi nous proposons, d'une part, que le terme « préoccupantes » soit supprimé, et, d'autre part, qu'il y ait un risque « avéré » de danger, et non pas seulement un risque de danger.
Cela permettra au moins d'obliger à la présentation de critères argumentés d'appréciation, et cela limitera quelque peu l'arbitraire possible d'une telle formulation.
Le dispositif départemental de signalement, tel qu'il est prévu, n'a pas vocation à recueillir toutes les informations quelles qu'elles soient sur les enfants en danger. Cela constituerait, en effet, une atteinte à leur vie privée. Le recueil doit être naturellement limité aux « informations préoccupantes », c'est-à-dire aux informations qui font craindre que l'enfant ne soit en danger.
Par ailleurs, la transmission de toutes les informations, quelles qu'elles soient, conduirait vite à un engorgement des cellules opérationnelles de signalement.
Les professionnels auront - et c'est normal - à effectuer un tri en leur âme et conscience entre les « informations préoccupantes » et les autres.
Quant à la notion de mineurs « présentant un risque avéré de danger », elle ne clarifie rien, au contraire : si le risque de danger est avéré, c'est que l'enfant est déjà en danger. La précision n'est donc pas nécessaire.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 86, présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le II de cet article remplacer les mots :
Protection des mineurs en danger et recueil des informations préoccupantes
par les mots :
Recueil des informations relatives aux mineurs en danger ou présentant un risque de danger
La parole est à Mme Michèle San Vicente.
Je me permettrai de contredire ce que vient de dire M. le rapporteur.
Nous aussi, nous demandons une interprétation plus précise de cette notion pour éviter, autant que faire se peut, ce qui arrive trop souvent lors des signalements : absence de renseignement sur la situation économique et sociale de la famille, affirmations à caractère psychologique mais rarement étayées par des faits précis, impossibilité de savoir si l'écrit a été réalisé à l'issue d'une évaluation pluridisciplinaire, avec, comme conséquence directe, la judiciarisation rapide, ce que les auteurs du projet de loi veulent éviter, et des placements réalisés sans que soient étudiés suffisamment le parcours et les histoires des jeunes.
Nous n'inventons rien : ces informations proviennent du ministère de la justice.
La notion d'« informations relatives aux mineurs en danger ou présentant un risque de danger » permet, grâce à l'expression « risque de danger », de mieux encadrer l'interprétation en rendant nécessaire la définition de critères.
La rédaction de cet amendement est quasiment identique à celle de l'amendement n° 58. Je ne peux donc que reprendre l'argumentation que j'ai déjà développée et émettre le même avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 51 rectifié, présenté par Mmes Rozier et Henneron, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le 1° du IV de cet article :
1° Dans le premier alinéa, les mots : « mineurs maltraités » sont remplacés par les mots : « mineurs en danger et des mineurs se mettant eux-mêmes en danger »
A la fin de la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « mineurs maltraités ou présumés l'être » sont remplacés par les mots « mineurs en danger ou présumés l'être et de mineurs se mettant eux-mêmes en danger »
La parole est à Mme Janine Rozier.
Les mineurs en difficulté visés par cet amendement sont souvent issus de familles qui ne sont pas signalées par les services sociaux, car elles évoluent dans des milieux ignorant les démarches à engager pour aider leurs enfants ou refusant de les engager. La précision qui est proposée me paraît donc importante.
La notion d'enfants en danger ne se limite pas aux seuls mineurs mis en danger par leurs parents : elle englobe naturellement ceux qui sont en danger de leur propre fait.
En témoigne d'ailleurs la rédaction de l'article 13 du projet de loi, qui prévoit un dispositif d'accueil d'urgence spécifique pour les jeunes fugueurs. Ceux-ci sont typiquement dans la situation où ils ne sont pas en danger dans leur famille, puisqu'ils l'ont quittée.
Malgré le plaidoyer de Janine Rozier, la commission demande le retrait de cet amendement, auquel elle est défavorable.
Madame Rozier, je comprends parfaitement la motivation qui sous-tend votre amendement, car elle rejoint exactement ce que j'ai voulu faire dans ce projet de loi : j'ai souhaité que la notion de « mineurs maltraités » soit remplacée par celle de « mineurs en danger », ce pour plusieurs raisons, mais surtout parce qu'un mineur maltraité l'est forcément soit par ses parents, soit par son entourage : il ne se met pas en danger lui-même.
Ainsi, j'ai tenu à ce que soit retenue l'expression « mineurs en danger » afin que soient concernés tous les dangers auxquels peuvent se trouver confrontés des mineurs, que ce soit du fait d'un tiers - le plus souvent les parents - ou de leur propre fait.
Tel qu'il est rédigé, le texte me paraît donc satisfaire votre préoccupation, madame Rozier. C'est la raison pour laquelle je vous demande également de bien vouloir retirer votre amendement.
L'amendement n° 51 rectifié est retiré.
L'amendement n° 134, présenté par M. Lardeux, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. - Après le deuxième alinéa (1°) du IV de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
1° bis La dernière phrase du deuxième alinéa est supprimée ;
B. - En conséquence, supprimer le dernier alinéa (3°) du IV de cet article.
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 2 est adopté.
L'amendement n° 79, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Après le 2° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un 2° bis ainsi rédigé :
« 2 bis - Au mineur étranger recueilli régulièrement en vertu d'une décision de kafala judiciaire par un ressortissant de nationalité française et à la charge de ce dernier ; ».
II. - Les troisième et quatrième alinéas de l'article 21-12 du code civil sont ainsi rédigés :
« Peut, dans les mêmes conditions, réclamer la nationalité française :
« 1° L'enfant régulièrement recueilli en France sous le régime de la kafala et élevé par une personne de nationalité française ou confié au service de l'aide sociale à l'enfance ; ».
III. - Le deuxième alinéa de l'article 370-3 du code civil est complété par les mots : « ou s'il a acquis la nationalité française par déclaration de nationalité ».
La parole est à M. Roland Muzeau.
Nous avons déjà eu l'occasion de défendre des amendements semblables à celui-ci, qui concernaient les enfants soumis au régime de la kafala.
Notre objectif est toujours de permettre l'adoption de ces enfants. En effet, les enfants nés dans les pays de droit coranique ne peuvent pas être adoptés par des candidats de nationalité française.
Or ces enfants sont d'ores et déjà accueillis par des couples français dans le cadre d'une kafala judiciaire, qui est le recueil légal des enfants abandonnés ou dont les parents s'avèrent incapables d'assurer l'éducation.
La situation actuelle fait de ces enfants qui ne sont pas adoptables, tout en étant abandonnés, des enfants « au milieu du gué », pour reprendre une expression utilisée en 1996 par le professeur Jean-François Mattei, dans son rapport établi au nom de la commission spéciale de l'Assemblée nationale.
Les enfants concernés sont sans statut en France, alors que les autorités de leur pays de naissance ont voulu leur assurer une protection familiale parce que, précisément, ils sont privés de famille.
La loi réformant la protection de l'enfance ne peut pas ignorer la situation de ces enfants : elle doit prévoir la reconnaissance de la mesure de protection prise dans leur pays de naissance et permettre à ces enfants de vivre dans leur famille d'accueil.
L'objet de cet amendement est de mettre fin à cette discrimination et de permettre à l'enfant abandonné, qui a fait l'objet d'une mesure de protection par kafala judiciaire, d'avoir accès à une véritable protection dans notre pays, de bénéficier des dispositions relatives au regroupement familial, conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, d'acquérir la nationalité française, sans être soumis à la condition de résidence en France de cinq ans ou de trois ans pour l'enfant recueilli par un service de l'aide sociale à l'enfance, enfin d'avoir un lien de filiation avec ses parents de coeur, ses parents pour la vie.
J'espère, mes chers collègues, que vous réserverez à cet amendement un autre sort que celui qu'ont subi les amendements que nous avons déposés sur ce sujet lors de l'examen du texte relatif à l'immigration et à l'intégration. Mais ce n'était pas le même ministre : peut-être le Gouvernement est-il divisé sur ce sujet !
Sourires
La kafala de droit islamique n'est pas une adoption au sens du droit français. Il est donc difficile de reconnaître à ces enfants les mêmes droits que les enfants légalement adoptés. Par ailleurs, je ne reviendrai pas sur les conséquences éventuelles que cela pourrait avoir sur les filières d'immigration et qui sont difficiles à évaluer a priori.
La semaine dernière, lors du débat sur la loi relative à l'immigration et à l'intégration, à l'occasion d'une intervention de M. Milon, le ministre - certes, ce n'était pas le même, mais l'unité gouvernementale existe, quoi que vous en pensiez, monsieur Muzeau ! §-, s'est engagé à mettre en place un groupe de travail sur ce sujet.
Il me semble préférable d'attendre les conclusions de ce groupe de travail. C'est pourquoi la commission est défavorable à cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Le deuxième alinéa de l'article L. 132-6 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« Les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial par décision judiciaire durant une période d'au moins vingt-quatre mois cumulés au cours des seize premières années de leur vie sont, sous réserve d'une décision contraire du juge aux affaires familiales, dispensés de droit de fournir cette aide. » -
Adopté.
L'amendement n° 130, présenté par Mme Rozier, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la deuxième phrase du troisième alinéa de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré une phrase ainsi rédigée : « En cas de mineur en danger ou qui risque de l'être selon la définition de l'article L. 112-3, le président du conseil général doit immédiatement suspendre l'agrément. »
La parole est à Mme Janine Rozier.
Il semble indispensable que, à la suite d'un signalement par un professionnel de la protection de l'enfance ou par un élu d'un cas de mineur en danger ou qui risque de l'être selon la définition de l'article L. 112-3 du code de l'action sociale et des familles, le président du conseil général soit dans l'obligation de suspendre immédiatement l'agrément de l'assistante maternelle et que celle-ci ne puisse plus accueillir aucun enfant.
Cet amendement présente de nombreuses difficultés.
D'abord, lorsque l'accueil de l'enfant chez l'assistante maternelle met celui-ci en danger, au sens de la protection de l'enfance, il semble normal que le président du conseil général retire à l'assistante maternelle son agrément.
Pourtant, tel qu'il est rédigé, l'amendement pose problème : l'enfant peut être en danger sans que ce danger provienne de son accueil chez l'assistante maternelle.
C'est ce que votre amendement laisse penser, ma chère collègue. Sa rédaction est trop large.
Ensuite, le président du conseil général me semble devoir garder une marge d'appréciation quant au sérieux du signalement qui lui est transmis. Un simple signalement non étayé par une enquête sociale ne doit pas entraîner automatiquement la suspension de l'agrément. Sinon, la plupart des présidents de conseils généraux de cette assemblée se retrouveront très rapidement devant les tribunaux administratifs, ne serait-ce que pour abus de pouvoir !
Enfin, on peut considérer que cet amendement est satisfait par le droit en vigueur, qui dispose qu'en cas d'urgence - cela ne vise pas seulement la situation de danger - le président du conseil général peut suspendre l'agrément d'une assistante maternelle.
La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement, mais elle vous suggère de retirer votre amendement, ma chère collègue.
Cet amendement met en lumière une situation que vous avez certainement rencontrée, madame Rozier...
...et qui peut effectivement se produire : celle d'un enfant qui aurait subi des mauvais traitements chez une assistante maternelle, cette dernière pouvant continuer à accueillir soit le même enfant soit un nouvel enfant, puisque son agrément ne lui aurait pas été retiré.
Je crois que la difficulté ne provient pas des textes en vigueur. En effet, aujourd'hui, le président du conseil général, en application de l'article L. 421-6 du code de l'action sociale et des familles que vous voulez modifier, madame Rozier, a déjà le pouvoir de suspendre immédiatement l'agrément d'une assistante maternelle en cas de danger pour les enfants qu'elle accueille. Vous dites que le président du conseil général ne le fait pas et que, par conséquent, vous voulez rendre cette disposition plus contraignante, afin qu'il soit tenu de le faire.
Or, même si l'on prévoit que le président du conseil général doit immédiatement suspendre l'agrément, il reste que, face à ce type de situation, c'est à lui qu'il revient d'apprécier s'il s'agit d'un mineur en danger ou qui risque de l'être du fait de son accueil chez l'assistante maternelle. Le président du conseil général aura donc sa propre appréciation de la situation, qui pourra l'exonérer de l'obligation que l'on aura voulu créer. En outre, dans ces affaires qui demandent un grand discernement, il est légitime que soit maintenue cette capacité d'appréciation.
Je suis donc très embarrassé. En effet, si je perçois bien l'objectif que vous vous fixez, madame Rozier, cet amendement risque de ne pas vous permettre de l'atteindre. En effet, le président du conseil général pourra toujours s'appuyer sur son pouvoir d'appréciation de la réalité du danger pour ne pas respecter l'obligation que vous voulez lui assigner.
Dans ce type de circonstances, il faut agir sur les pratiques. La bonne méthode consiste, en améliorant par nos discussions les guides de bonnes pratiques, à inciter les présidents de conseils généraux à procéder, par le biais de leurs services, à un examen très attentif de ces situations pour ne pas manquer de repérer le cas d'enfants en difficulté.
C'est la raison pour laquelle, madame Rozier, je suis conduit à mon tour à vous demander de retirer cet amendement.
Parallèlement, je vous propose de poursuivre cette réflexion afin que l'organisation des agréments des assistantes maternelles et l'information du président du conseil général sur les pratiques puissent permettre une mise en oeuvre effective de l'article L. 421-6, qui, d'après vous, serait insuffisamment exploité à l'heure actuelle.
J'ai bien écouté les réponses de M. le rapporteur et de M. le ministre. Je voulais surtout attirer votre attention sur ce problème, monsieur le ministre. Vous avez dit qu'il fallait inciter les présidents de conseils généraux à bien évaluer les situations. Mais quand un cas de maltraitance ou d'enfant en danger est signalé, il faut tout de suite retirer l'enfant à l'assistante maternelle, même si cela doit la froisser.
En général, ces cas sont signalés par des personnels de la protection de l'enfance, des professionnels ou des élus. À partir du moment où le signalement a été fait et où il existe une suspicion de maltraitance, on ne peut pas laisser un enfant dans cette situation.
Monsieur le ministre, vous m'incitez à trouver une solution. J'attends la même chose de votre part, car ce problème est vraiment important. La commission qui doit rendre une décision ne se réunit qu'un mois ou un mois et demi après le signalement. En attendant, l'enfant est toujours chez l'assistante maternelle. Il faudrait donc pouvoir agir très rapidement.
Cela étant, je retire mon amendement. Mais il n'était pas inutile d'avoir cette discussion, ne serait-ce que pour sensibiliser chacun à cette question. Il vaut mieux froisser la susceptibilité d'une assistante maternelle que de laisser un enfant en danger !
L'amendement n° 130 est retiré.
L'amendement n° 67, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Les 1° et 2° de l'article 21-12 du code civil sont ainsi rédigés :
« 1° L'enfant qui est recueilli en France et élevé par une personne de nationalité française ou qui est confié au service de l'aide sociale à l'enfance ;
2° L'enfant recueilli en France et élevé dans des conditions lui ayant permis de recevoir une formation française, soit par un organisme public, soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État, soit par un étranger résidant en France depuis cinq ans au moins. »
II. - Après le troisième alinéa (2°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... À l'étranger mineur, ou dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qui justifie par tout moyen suivre une formation française, dispensée soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; ».
III. - Après le septième alinéa (6°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« ... À l'étranger qui est père ou mère d'un ou plusieurs enfants résidant en France et suivant, de manière attestée, une formation française, dispensée soit par un organisme public soit par un organisme privé présentant les caractères déterminés par un décret en Conseil d'État ; ».
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Cet amendement a pour objet d'accorder une protection aux jeunes étrangers scolarisés en France en assouplissant les conditions dans lesquelles ils peuvent se voir octroyer la nationalité française ou une carte de séjour temporaire, afin de stabiliser à long terme leur situation et leur avenir sur le territoire français.
Il tend donc, d'une part, à assouplir les conditions de demande de nationalité par un mineur ayant fait l'objet d'une adoption simple, en dispensant de la condition de résidence les enfants recueillis et élevés par une personne de nationalité française ou confiés au service de l'aide sociale à l'enfance, ceux ayant été recueillis en France et élevés dans des conditions leur ayant permis de recevoir une formation française, ainsi que les mineurs étrangers recueillis par un étranger résidant en France depuis au moins cinq ans.
Il vise, d'autre part, à ajouter deux nouveaux cas à la liste de ceux dans lesquels la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit. Ainsi, pourraient recevoir cette carte de plein droit l'étranger mineur ainsi que l'étranger père ou mère d'enfants résidant en France qui justifient du suivi d'une formation française dispensée par un organisme public ou privé.
L'actuelle politique de l'immigration est extrêmement répressive à l'égard des étrangers présents sur le territoire français, comme l'attestent les propos du ministre de l'intérieur exprimant son souhait de voir augmenter considérablement le nombre de reconduites à la frontière.
Pour les enfants mineurs, cela constitue une atteinte totalement injustifiée au droit à l'éducation, notamment au regard du nombre de mineurs étrangers isolés, qui se situe entre 2 500 et 3 000, selon la Défenseure des enfants.
Nous avions d'ailleurs déposé une proposition de loi à ce sujet.
La commission est défavorable à cet amendement, car elle est en complet désaccord avec l'argumentation de Mme Mathon-Poinat.
Certes, l'école est obligatoire pour tous les enfants, quelle que soit leur situation. Mais l'attribution quasi automatique d'une carte de séjour, voire de la nationalité française, à tous ces enfants étrangers reviendrait à ouvrir une nouvelle filière, légale et massive, d'immigration.
Ce débat a déjà été tranché la semaine dernière au cours de la discussion de la loi relative à l'immigration et à l'intégration. Le Sénat ne saurait donc adopter une position contraire à ce qu'il a voté précédemment.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 76, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - La première phrase du premier alinéa de l'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complétée par les mots : « et saisit également sans délai le juge des enfants en vue d'un placement au sein des services de l'aide sociale à l'enfance. »
II. - Le début de la seconde phrase du premier alinéa du même article est ainsi rédigé :
« L'administrateur ad hoc assiste le mineur §(le reste sans changement) ».
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Nous souhaitons que les enfants étrangers arrivant seuls sur le territoire français restent le moins longtemps possible en zone d'attente, étant entendu que, dans l'idéal, ils ne devraient jamais s'y trouver. Notre objectif est donc d'améliorer le sort de ces enfants pour qui le placement et le maintien en zone d'attente sont une source de traumatismes et d'angoisses.
Il convient de trouver une solution rapide afin d'écourter au plus vite ce séjour, en prévoyant la saisine du juge des enfants en vue d'un placement quasi immédiat au sein des services de l'aide sociale à l'enfance.
En l'état actuel du droit, le juge des enfants peut être saisi non seulement par le représentant légal du mineur, mais aussi par le mineur directement. Bien que cette saisine directe du juge soit de droit pour le mineur placé en zone d'attente, comme pour n'importe quel autre enfant, il est bien évidemment rarement fait état de ce droit.
La désignation d'un administrateur ad hoc semble être insuffisante pour assurer la protection de ces enfants. Un placement rapide au sein des services de l'aide sociale à l'enfance serait la meilleure solution pour eux. Il convient donc de le prévoir explicitement, ce qui n'a pas été fait dans l'article L. 221-5 du CESEDA. Il faut savoir réparer les oublis !
Même si cet amendement n'est pas exactement le même que le précédent, il se situe dans la même logique. Là encore, cette question a été tranchée par le Sénat. L'avis de la commission est donc défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 78, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 551-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 551-4. - Le mineur de 18 ans ne peut être placé en centre de rétention administrative. »
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
L'objet de cet amendement est de poser clairement, dans un article L. 551-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le principe de l'interdiction du placement des mineurs en centre de rétention administrative.
On dénote une nette progression du nombre de mineurs en rétention dans ces centres, à tel point que ce phénomène est en train de se banaliser. En effet, lors de la mise en rétention des parents, il est possible de placer leurs enfants dans le même lieu de rétention afin de ne pas séparer la famille.
Cependant, le placement des enfants en rétention représente un réel problème.
D'une part, deux tiers des centres de rétention ne sont pas en conformité avec le décret du 19 mars 2001 relatif aux centres et locaux de rétention administrative. Les conditions de vie dans ces centres sont déplorables pour ces enfants, d'autant que rien n'est prévu pour eux sur les plans éducatif, psychologique ou de la sécurité. Dans certains centres, il n'y a pas d'espaces réservés aux enfants, ce qui oblige parfois ces derniers à partager le lit de leurs parents. Des centres ne disposent toujours pas de lieu de promenade ou d'aire de jeux : les enfants ne peuvent donc ni jouer ni sortir, ce qui est inacceptable.
D'autre part, du fait des récentes politiques d'immigration - je pense notamment à l'allongement du délai de rétention de 12 à 32 jours prévu dans la loi du 26 novembre 2003 -, les conditions de vie dans ces centres se sont encore dégradées. Le développement de la promiscuité, de la violence et du surpeuplement met en péril la sécurité des femmes et des enfants, provoquant ainsi l'apparition du harcèlement ou de la prostitution.
Ces conditions de rétention sont insupportables et inadmissibles pour les enfants qui vivent au sein de ce climat de violence, comme le dénonce le comité intermouvement d'aide aux déportés et évacués, le CIMADE, seule association habilitée à se rendre dans les centres de rétention.
De plus, les contours juridiques du placement en rétention des enfants mineurs sont extrêmement flous. L'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dispose expressément : « L'étranger mineur de dix-huit ans ne peut faire l'objet ni d'un arrêté d'expulsion, ni d'une mesure de reconduite à la frontière ».
Cet amendement tend en outre à corriger une petite erreur rédactionnelle : il faut parler de « mineurs de 18 ans » et non d' « enfants mineurs de 18 ans ».
Je vous invite à voter cet amendement, car il tend à mettre en place une mesure de protection des mineurs, qui sont en grand danger dans les centres de rétention, où, d'ailleurs, ils ne devraient jamais se trouver.
Je ne pense pas, madame Mathon-Poinat, que vous souhaitiez la séparation systématique des enfants et des parents. Par ailleurs, je vous rappelle que le Gouvernement s'est attelé à la construction de nouveaux centres de rétention pour tenir compte de cette population familiale.
Cet amendement ne concernant pas l'enfance en danger telle que celle-ci est définie dans le texte, l'avis de la commission est défavorable.
Si les enfants ne sont pas en danger dans ces centres, où le sont-ils ?
L'avis du Gouvernement est également défavorable.
Madame la sénatrice, le Gouvernement a engagé un programme important de rénovation des centres de rétention, dont certains sont d'ailleurs déjà adaptés à l'accueil de familles.
Par ailleurs, la proposition contenue dans votre amendement ne constitue pas la bonne solution pour régler le problème des conditions d'accueil des familles dans les centres de rétention. Déjà, un mineur isolé ne peut pas être placé dans un tel centre. Mais nous nous trouvons confrontés au problème de familles qu'il ne faut pas séparer.
Ce qui est important, c'est d'assurer aux familles, au sein des centres de rétention, des conditions d'accueil favorables sur le plan humain. Mais empêcher l'accueil des familles reviendrait à leur imposer une séparation extrêmement cruelle.
L'amendement n'est pas adopté.
TITRE II
AUDITION DE L'ENFANT ET LIENS ENTRE PROTECTION SOCIALE ET PROTECTION JUDICIAIRE DE L'ENFANCE
L'amendement n° 68, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 59 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales est abrogé.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Nous souhaitons profiter de ce débat, ouvert je l'espère, sur la protection de l'enfance pour revenir sur un sujet qui nous tient particulièrement à coeur : la décentralisation des services de la protection judiciaire de la jeunesse, prévue par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Une fois encore, la question de la décentralisation des responsabilités et des moyens revient au coeur du débat, ce qui est bien normal tant elle est problématique. En effet, lorsqu'un enfant rencontre des difficultés ou est en danger, quel que soit l'endroit du territoire où il se trouve, il doit avoir les mêmes chances que les autres de s'en sortir.
L'action de la protection judiciaire de la jeunesse, dont les moyens sont déjà réduits comme peau de chagrin, ne saurait dépendre du bon vouloir et des moyens des exécutifs départementaux. Cela confirme une évolution que nous pressentions et dénoncions depuis quelques années, tendant au démantèlement des principes directeurs de la justice des mineurs par le biais d'une remise en cause de l'unité de celle-ci et du désengagement de l'État.
L'article 59 de ladite loi a en effet pour objet de transférer, à titre expérimental, du juge des enfants au département, la responsabilité de la mise en oeuvre des mesures d'assistance éducative décidées judiciairement, de telle sorte que les départements en aient désormais l'entière maîtrise, à l'exception des mesures de placement auprès de personnes physiques ou en établissement psychiatrique.
Cette décision est lourde de signification pour l'avenir. Sous prétexte de mettre un terme à la « judiciarisation » de la justice des mineurs, on remet en cause le partage des responsabilités en matière d'assistance éducative issu des lois de décentralisation, principe qui sauvegardait le caractère national de la politique de protection de l'enfance.
Avec la mise en oeuvre de l'article 59 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, l'ensemble des dispositifs de protection des mineurs échappent désormais au juge, puisque celui-ci n'a plus la maîtrise de l'application de ses propres décisions. Le choix de l'institution de placement ne lui appartient plus, puisqu'il n'a le pouvoir ni de placer le mineur dans un établissement situé en dehors du département ni même de choisir l'établissement dans le ressort du département.
Cette décentralisation de l'action éducative est, ni plus ni moins, la marque du désengagement de l'État en matière de protection des mineurs. Ce désengagement se traduit d'ailleurs par la baisse régulière, année après année, des crédits alloués à la famille et à la protection judiciaire de la jeunesse.
Alors que l'État devrait être un « incitateur », voire un « garant », en matière de protection de l'enfance - c'est du moins ce que vous semblez affirmer, monsieur le ministre -, il est clair que l'intérêt porté à l'action éducative dépendra de l'engagement financier des conseils généraux, envisagé sous l'angle de la maîtrise des coûts et de leurs choix politiques, en fonction des priorités de l'action sociale.
Cette situation est d'autant plus source d'inégalités que l'ensemble des dispositifs de prévention, en matière de protection de l'enfance, est mis en péril au travers de la loi relative aux libertés et responsabilités locales. En ce qui concerne tant la détection, par les médecins et les infirmières scolaires, que l'intervention, par les pédopsychiatres ou les services d'accueil d'urgence, les enfants ne seront pas traités de façon égale sur l'ensemble du territoire national, ce qui est intolérable s'agissant d'enfants en situation de danger.
Mme Mathon conteste l'existence de l'article 59 de la loi relative aux libertés et responsabilités locales.
Cet article dispose qu'une expérimentation d'une durée de cinq années de la décentralisation de la protection judiciaire de la jeunesse peut être menée. Cette expérimentation devra faire l'objet d'une évaluation à la fin de 2009. Ce n'est qu'à cette échéance que l'on pourra envisager soit de la généraliser, soit au contraire de renoncer à la poursuivre.
Je ne vois pas pourquoi le Sénat se déjugerait, fût-ce à deux ans de distance, sur ce sujet. Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement partage l'avis de la commission.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 388-1 du code civil est ainsi modifié :
I. - Au premier alinéa, après les mots : « entendu par le juge ou » sont insérés les mots : «, lorsque son intérêt le commande, par ».
II. - La première phrase du deuxième alinéa est remplacée par la phrase suivante : « Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. »
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme Jacqueline Gourault, qui ne pouvait être présente parmi nous ce soir, m'a demandé d'intervenir en son nom sur cet article.
L'article 4 de ce projet de loi vise à imposer au juge d'entendre le mineur capable de discernement dans toutes les procédures qui le concernent, si toutefois l'enfant en fait la demande.
Je voudrais préciser, à cet instant, deux points relatifs à la mise en oeuvre de la résidence alternée.
En préambule, je rappellerai que c'est la loi du 4 mars 2002 relative à l'autorité parentale qui a promu le principe de coparentalité, mis en oeuvre après une séparation et qui introduit la possibilité de la résidence alternée. Avons-nous bien fait d'inscrire dans la loi une telle option ? C'est un autre sujet...
En tout état de cause, si les parents sont d'accord sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, ils peuvent faire homologuer leur accord par le juge aux affaires familiales. En cas de désaccord ou de réticence de l'un des parents, le juge peut ordonner provisoirement une résidence en alternance. Quelle est la place du juge des enfants dans tout cela ?
L'article 4 du projet de loi tend à mettre en conformité le droit français avec l'article 12 de la Convention internationale relative aux droits de l'enfant et prend en compte les recommandations du rapport de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants - l'enfant d'abord - et du rapport annuel pour 2005 de Claire Brisset, défenseure des enfants.
La mission d'information sur la famille et les droits des enfants de l'Assemblée nationale précise que l'enfant ayant atteint l'âge de discernement doit pouvoir demander au juge de modifier les conditions d'exercice de l'autorité parentale, notamment dans le cas d'une résidence alternée.
Mme Gourault se dit certaine que l'ouverture de cette possibilité à l'enfant est positive au regard de la prise en compte de ses intérêts par le juge. À l'heure actuelle, de nombreuses aberrations sont constatées par les associations de protection de l'enfance.
En effet, lors de la mise en oeuvre de la résidence alternée, souvent, le juge n'a pas le temps, ou ne prend pas le temps, d'entendre des enfants qui en font la demande, et il fonde son jugement sur les rapports de « personnes qualifiées », aux missions souvent mal définies et qui se livrent à des expertises psychologiques, dont on connaît les limites depuis l'affaire d'Outreau.
Nombreux sont les cas d'enfants perturbés par la fréquentation de deux écoles différentes, due à la résidence alternée. S'il est désormais établi que les parents ont des droits égaux dans l'exercice de leur autorité parentale, la solution retenue par le juge ne devrait en aucun cas aboutir à une dégradation de l'équilibre psychologique de l'enfant.
L'âge de l'enfant devrait également être pris en compte dans le choix par le juge de la résidence alternée. La prudence serait d'exclure une garde alternée pour un enfant de moins de cinq ans, comme le recommande Claire Brisset.
Je voudrais enfin, monsieur le ministre, appeler votre attention sur la proposition concernant la mise en place d'un guide des bonnes pratiques de la résidence alternée, qui figure dans le rapport de la mission d'information de l'Assemblée nationale.
Ce guide permettrait de préciser la notion d' « intérêt de l'enfant », à laquelle vous êtes attaché, mais qui représente un objectif abstrait dans la mesure où, jusqu'à présent, l'audition de l'enfant n'était pas obligatoire.
Il faudrait également préciser le faisceau de critères à prendre en considération, systématiquement et non éventuellement, comme le prévoit la loi.
Mme Gourault souhaiterait connaître votre position, monsieur le ministre, sur les conditions de mise en oeuvre de la résidence alternée et sur la proposition de créer un guide des bonnes pratiques.
Je réponds bien volontiers à la question posée par M. Nogrix au nom de Mme Gourault.
La garde alternée est une grande et récente innovation, mais il est vrai que toutes les innovations, après quelques années d'expérimentation, doivent donner lieu à une forme d'évaluation. Il ne faut pas, dans un domaine aussi sensible, procéder sous le coup de l'engouement, car les engouements sont, par nature, excessifs.
Il convient donc de toujours montrer beaucoup de circonspection en prenant ce type de décision, de connaître avec précision la situation familiale, d'entendre l'enfant quand il est déjà capable de discernement, de prendre particulièrement en considération les cas où les domiciles des deux parents sont proches.
Quoi qu'il en soit, je ne suis pas hostile à la mise en oeuvre d'une réflexion commune avec le ministère de la justice sur les meilleures pratiques en matière de garde alternée, non pas en vue de définir des normes obligatoires, car il faut préserver la marge d'appréciation du juge, mais en tout cas afin que l'attention de chaque intervenant soit appelée sur les avantages, certes, mais aussi sur les inconvénients, voire les risques, du point de vue de l'intérêt de l'enfant, que présente ce mode de garde en cas de séparation des parents.
Mon intervention consistera en fait en un commentaire sur l'ensemble du titre II.
L'intitulé de ce titre, qui fait référence aux « liens entre protection sociale et protection judiciaire de l'enfance », est tout à fait évocateur.
Dans l'exposé des motifs de votre projet de loi, monsieur le ministre, il est question d' « évaluation des risques de danger pour l'enfant » et d' « articulation entre la protection sociale et la protection judiciaire de l'enfance » ; par ailleurs, il est indiqué qu'il faut « faire en sorte que le parcours de vie » de l'enfant « ne soit pas chaotique ».
Je partage votre point de vue, monsieur le ministre, car notre justice - je dis « notre » parce que c'est nous qui votons la loi - n'est pas toujours adaptée aux enfants.
Lors de nos débats en commission, j'avais illustré ce propos par deux exemples. Je n'en exposerai ici qu'un seul, celui du fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes.
Je dois tout d'abord préciser que l'inscription à ce fichier est automatique, en fonction non pas de la peine infligée, mais de la peine encourue.
La première conséquence de cette inscription est l'obligation de se présenter une ou deux fois par an à la gendarmerie ou à la police pour confirmer son domicile, cela pendant vingt ou trente années.
En outre, il me paraît indispensable de souligner que le fichier peut être consulté par les autorités judiciaires, la police et la gendarmerie, mais aussi par les préfets et les administrations de l'État désignées par décret.
Cela signifie qu'un jeune inscrit à ce fichier pourra se voir refuser l'accès à certaines professions, telles que celles d'animateur, d'enseignant, de médecin.
Or les mineurs ne peuvent pas être traités de la même façon que les personnes majeures. Ne perdons pas de vue que l'enfance et l'adolescence sont des périodes difficiles, sensibles pour le mineur en pleine construction physique et psychologique.
Certes, les débordements des mineurs doivent être punis, mais l'inscription au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes entraîne des conséquences préjudiciables pour le présent et l'avenir des jeunes concernés.
Pour chaque individu, la période de l'enfance et de l'adolescence est marquée par la découverte de la sexualité, avec tous les questionnements qu'elle engendre, par le début de l'approche du partenaire.
Cette approche peut se faire de façon maladroite et parfois excessive, pour s'affirmer, peut-être pour prouver son orientation sexuelle, ou pour masquer inhibitions ou timidité. Peut-on imaginer que, pour des actes maladroits, certes répréhensibles, le mineur soit inscrit sur un tel fichier, soit contrôlé, surveillé, suspecté pendant vingt ou trente ans ?
Il est évident que l'obligation de signaler sa résidence une à deux fois par an peut avoir de très lourdes conséquences, pour l'enfant comme pour sa famille, car elle enfonce l'enfant dans la culpabilité. Cette formule va à l'encontre de toute construction de l'enfant sur le plan psychologique, alors qu'une sanction a déjà été prise.
Il est également évident que ces contraintes n'ont aucune valeur éducative. L'inscription sur ce fichier, d'une part, et l'éducation, d'autre part, sont totalement contradictoires.
Imaginez un homme adulte contraint de se signaler pour des faits qui se sont déroulés dans une cour de collège ou une classe, alors qu'il avait treize ou quatorze ans et se trouvait en pleine crise d'adolescence. Cela ne peut que provoquer mise à l'écart, colère et révolte, sentiment d'injustice, interrogations et méfiance quant au sens des relations sexuelles, interrogations et méfiance à l'égard de la société en général.
Cela étant, en cas d'acte grave, nous ne nous opposons pas à l'inscription des mineurs audit fichier. Je présenterai néanmoins un amendement tendant à la limiter, à seule fin de protéger l'enfant.
Mes collègues du groupe socialiste et moi-même nous considérons qu'une telle disposition a tout à fait sa place dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Elle permettra que des enfants ne soient pas gagnés par une culpabilisation à long terme. Appliquer une telle peine à des mineurs est tout simplement cruel.
Défendre les droits de l'enfant, c'est aussi protéger ce dernier des excès de nos choix politiques qui, au lieu de l'aider à s'en sortir, risquent de le maintenir à long terme dans l'échec. Comme l'a exposé à plusieurs reprises notre collègue Claire-Lise Campion, quand on parle de protection de l'enfance, le maître mot est l'éducation.
Pour conclure mon propos, je livre à votre réflexion, monsieur le ministre, mes chers collègues, une interrogation qui est toujours, consciemment ou non, présente à l'esprit des enseignants, mais qui vaut aussi pour le monde de la justice, pour nous législateur, pour vous, monsieur le ministre, et pour tous les parents : l'éducateur doit-il être un potier ou un jardinier ? Elle a toute sa place dans notre discussion, alors que nous abordons l'examen du titre II de ce projet de loi.
Je voudrais répondre brièvement à M. Domeizel, car je suis extrêmement circonspect devant la question qu'il soulève.
En effet, je comprends le sens de votre intervention, monsieur le sénateur, mais il faut envisager le cas d'un mineur de quatorze ans qui commet un viol et qui est condamné, pour cette raison, à quatre ans de prison.
Il s'agit là de faits très graves. Il faut vraiment, dans ce domaine, avancer avec une extrême prudence et, bien sûr, faire preuve de discernement.
L'amendement n° 40 rectifié bis, présenté par M. Milon, Mmes Desmarescaux et Bout, M. Vasselle, Mmes Sittler et B. Dupont, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
Elle peut également être demandée au juge, qui en apprécie l'opportunité, par toute personne ayant connaissance de la situation de l'enfant.
La parole est à M. Alain Milon.
Il s'agit de l'audition qui est demandée par le mineur.
Monsieur le président, je souhaite rectifier mon amendement en remplaçant les mots : « toute personne » par les mots : « tout professionnel qualifié ».
Je suis donc saisi d'un amendement n° 40 rectifié ter, présenté par M. Milon, Mmes Desmarescaux et Bout, M. Vasselle, Mmes Sittler et B. Dupont, ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après la première phrase du deuxième alinéa, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
Elle peut également être demandée au juge, qui en apprécie l'opportunité, par tout professionnel qualifié ayant connaissance de la situation de l'enfant.
Quel est l'avis de la commission ?
La rectification apportée par Alain Milon modifie un peu le sens de l'amendement par rapport à sa première rédaction.
Il est quand même délicat, me semble-t-il, de donner à une personne qui n'est pas partie à la procédure la possibilité de déclencher une audition de l'enfant, alors que celui-ci n'en a pas pris lui-même l'initiative et que le juge ne l'a pas estimé souhaitable. Certes, l'amendement prévoit toujours que le juge doit apprécier l'opportunité de cette audition.
La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement et elle s'y ralliera.
Cet amendement vise à ajouter à la possibilité que le mineur soit entendu s'il en fait la demande, celle de le faire entendre sur l'initiative d'un professionnel qualifié.
De mon point de vue, il ne faut pas imposer l'audition d'un mineur parce qu'un professionnel l'aurait suggéré au juge, alors même que cette audition ne serait pas favorable au mineur. Pour cette raison, ce texte me semble poser des problèmes délicats.
Le Gouvernement n'y est donc pas favorable.
L'amendement qui nous est proposé est très intéressant. On sait ce qui se passe sur le terrain. Un enfant peut, il est vrai, ne pas demander à un juge d'être auditionné, parce qu'il n'est pas forcément au courant de cette possibilité, même si la loi l'exige. Ensuite, il fait peut-être confiance à un professionnel qui l'accompagne depuis quelque temps dans sa démarche de reconstruction ou de prise de conscience.
La rectification apportée par notre collègue à son amendement, qui tend à limiter aux seuls professionnels qualifiés la capacité d'intervenir, me paraît très importante. Elle ne peut que jouer dans l'intérêt de l'enfant, que nous recherchons tous. On connaît le silence et le secret qui entourent ce genre d'affaires.
Nous faisons confiance aux professionnels puisque, dans la suite du texte, nous demandons qu'ils soient mieux formés, mieux informés, et qu'ils puissent échanger entre eux leurs informations. Par conséquent, personnellement, je voterai cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 41 rectifié, présenté par M. Milon, Mmes Desmarescaux et Bout, M. Vasselle, Mmes Sittler et B. Dupont, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - La deuxième phrase du deuxième alinéa est ainsi rédigée :
« Celui-ci peut être entendu seul, à un moment distinct de celui où ses parents sont entendus, avec un avocat ou une personne de son choix. »
La parole est à M. Alain Milon.
Cet amendement concerne l'audition de l'enfant et des parents.
Certains juges reçoivent les parents et les enfants ensemble dans leur bureau ; les enfants n'ont donc pas toujours la liberté de s'exprimer. Il en va de même lorsque les parents et les enfants sont reçus séparément, mais attendent l'un à côté de l'autre dans le couloir du tribunal. L'enfant n'ose pas dire non plus ce qu'il pense lorsqu'il est reçu seul après dans le bureau du juge.
Aussi, il paraît judicieux d'indiquer que l'audition de l'enfant se déroule à un moment distinct de celui où ses parents sont entendus.
Tout le monde est bien d'accord pour préserver la liberté de parole de l'enfant, notamment en cas de séparation conflictuelle ou de maltraitance. En présence de ses parents, le témoignage de l'enfant pourrait, bien sûr, être soit amputé, soit déformé, soit même empêché.
Mais la précision apportée sur l'obligation d'organiser les auditions de l'enfant et des parents à des moments distincts est-elle vraiment opérationnelle ? Je n'en suis pas certain. Il faut bien, dans un certain nombre de cas, que l'un des deux parents au moins accompagne l'enfant au tribunal. On peut espérer ensuite que le simple fait pour l'enfant de se trouver dans le bureau du juge hors du regard de ses parents ou de l'un d'entre eux permettra de libérer la parole de l'enfant.
Je ne suis pas persuadé de l'efficacité de cet amendement, mais je vais solliciter l'avis du Gouvernement.
Vous constaterez qu'il s'agit non plus de la protection de l'enfance, mais de la procédure devant le juge aux affaires familiales, par exemple lors d'un divorce. Je veux bien qu'à l'occasion de ce débat sur la protection de l'enfance des dispositions soient prises dans le domaine du divorce, mais encore eût-il fallu que ces dispositions aient été examinées, sans vouloir nier les compétences de la commission des affaires sociales, par la commission des lois.
Ces mesures doivent s'intégrer dans une réflexion d'ensemble sur la procédure de divorce. J'aurais d'ailleurs dû vous faire la même réponse sur le précédent amendement, qui a été adopté. Malheureusement, au moment où j'ai voulu reprendre la parole, le vote avait déjà eu lieu.
Monsieur Milon, je souhaite que l'on ne s'engage pas dans la voie qui consiste, par une suite d'amendements, à traiter des interventions non pas du juge des enfants chargé de la protection des enfants, mais du juge aux affaires familiales. Car, par petites touches successives, on va finir par doubler le nombre d'articles de ce texte, qui s'éloignera de son objet initial.
Au demeurant, le juge a déjà la possibilité de ne pas entendre l'enfant en même temps que les parents. La disposition que vous proposez va rigidifier une mesure en vigueur.
Pour cette raison, m'appuyant sur des arguments que j'aurais dû invoquer tout à l'heure, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
Monsieur le ministre, l'amendement que nous présentons concerne non pas uniquement le divorce, mais bien aussi la protection de l'enfance, puisqu'il s'agit des auditions en vue du placement ou non en familles d'accueil. Nous souhaitions traiter du problème des enfants en danger et non du divorce. Je l'ai vécu en tant qu'assistante sociale, comme d'autres collègues ici : les enfants sont parfois auditionnés en présence des parents.
Je souhaiterais que vous puissiez nous apporter une autre explication sur cet amendement du point de vue de la protection de l'enfance, et non pas du divorce.
Cette disposition ne s'applique qu'aux auditions par le juge aux affaires familiales, et jamais à celles qui sont menées par le juge des enfants dans le cadre de la protection de l'enfance.
L'amendement n° 41 rectifié est retiré.
L'amendement n° 89 rectifié, présenté par Mme Campion, M. Michel, Mmes Le Texier et Schillinger, MM. Godefroy et Cazeau, Mmes San Vicente, Demontès, Alquier, Boumediene-Thiery et Printz, M. Domeizel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le mineur est informé par le juge de son droit à être entendu lors de toute procédure le concernant. »
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Nous nous réjouissons de l'élargissement de l'audition systématique du mineur en justice dans toute procédure le concernant. L'audition devient ainsi de droit dès lors que le mineur en fait la demande, alors qu'aujourd'hui elle relève de l'appréciation du juge et dépend de la capacité de discernement du mineur.
Avec cet amendement, préconisé par de nombreuses associations, nous demandons qu'une information effective du mineur sur ce droit soit systématique dès lors qu'il est concerné par une procédure.
Cet amendement apporte une précision qui a semblé intéressante à la commission pour permettre l'effectivité du droit de l'enfant d'être entendu par le juge.
L'avis de la commission est donc favorable.
L'amendement est adopté.
Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.
Je mets aux voix l'article 4, modifié.
L'article 4 est adopté.
L'amendement n° 50 rectifié, présenté par Mme Troendle, M. Richert, Mme Keller, M. Grignon, Mmes Sittler, Rozier, Bout et Garriaud-Maylam, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 373-2-13 du code civil, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. ... - L'enfant ayant la capacité de discernement doit pouvoir saisir directement le juge aux affaires familiales de toute requête le concernant personnellement relative aux modalités de l'exercice de l'autorité parentale.
« Il est assisté par un avocat dans le cadre de l'aide juridictionnelle. »
La parole est à Mme Janine Rozier
Le juge a pour mission de veiller à la protection de l'intérêt de l'enfant dans les procédures qu'il connaît. Il semble donc normal d'offrir à l'enfant capable de discernement, s'il le souhaite, un accès direct au magistrat afin qu'il puisse exprimer son opinion sur les questions d'autorité parentale qui le concernent.
Il convient également d'assurer la représentation de l'enfant par un avocat spécialisé.
L'amendement que Mme Rozier vient de présenter pose un problème important.
Si l'enfant a un droit évident à être entendu par le juge dans le cadre des affaires qui le concernent, il ne doit surtout pas devenir partie à une action en justice qui regarde de façon éminente et exclusive les adultes, à savoir une procédure de divorce. C'est pourtant ce à quoi aboutirait cet amendement.
L'article 4 du présent projet de loi, qui donne un droit absolu au mineur d'être entendu par le juge dans toutes les affaires qui le concernent, en se faisant éventuellement assister d'un avocat, semble à la commission constituer un bon compromis.
Je souhaite donc que l'amendement soit retiré. À défaut, j'émettrai un avis défavorable.
Nous sommes de nouveau dans le cas de l'intervention d'un juge aux affaires familiales dans une procédure de divorce, qui ne fait pas l'objet du présent projet de loi.
L'amendement vise en réalité à donner au mineur la qualité de partie à la procédure, au même titre que ses deux parents ; cela me paraît singulier. Les procédures de divorce ne mettent pas en cause les parents à l'égard de leur enfant : il s'agit d'un homme et d'une femme qui se séparent. Nous ne pouvons pas inférer de cette séparation des comportements qui pourraient être assimilés à de la maltraitance.
Si l'enfant a la qualité de partie devant le juge aux affaires familiales au même titre que les deux parents, l'exercice de l'autorité parentale, conjoint en cas de divorce, s'en trouve troublé. Dans la mesure où l'enfant va être ballotté entre ses deux parents, il est d'autant plus nécessaire de préserver l'autorité parentale et de mettre l'enfant à sa place, qui n'est pas celle de ses parents.
De surcroît, je voudrais souligner que le droit du mineur d'exprimer librement ses sentiments est d'ores et déjà garanti par le présent texte, qui modifie l'article 388-1 du code civil pour les questions qui concernent la protection de l'enfance. Désormais, si ce texte est adopté, le juge devra obligatoirement entendre l'enfant qui en fait la demande. Bien sûr, l'enfant doit pouvoir être entendu, mais il ne faut pas se tromper de qualité au titre de laquelle il sera entendu.
C'est la raison pour laquelle, madame Rozier, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement, au bénéfice des dispositions qui figurent dans le projet de loi. Sinon, j'émettrai un avis défavorable.
Non, je le retire, monsieur le président. Je ferai part des réflexions de M. le ministre aux cosignataires.
L'amendement n° 50 rectifié est retiré.
L'amendement n° 131, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 4° de l'article 776 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Aux présidents de conseils généraux saisis d'une demande d'agrément en vue d'adoption prévu à l'article L. 225-2 du code de l'action sociale et des familles ».
La parole est à M. le ministre délégué.
Nous avons constaté, dans des cas heureusement très peu nombreux, que l'on pouvait confier un enfant, au titre d'une adoption, à une personne qui avait fait l'objet d'une condamnation avec sursis pour des actes de violence sexuelle. En effet, l'extrait de casier judiciaire demandé en cas d'adoption a un périmètre qui ne couvre pas ce type d'agressions, dès lors qu'elles ont fait l'objet de condamnation avec sursis.
L'objet de cet amendement est donc d'interdire l'adoption en cas de condamnation avec sursis pour des actes de violence sexuelle. C'est pourquoi il convient de demander, dans le dossier d'agrément pour une adoption, le casier judiciaire qui englobe ce type de condamnation.
La commission est favorable à cet amendement qui va dans le sens de la protection des enfants.
En outre, les conditions requises pour les demandes d'agrément en vue d'adoption sont ainsi alignées sur celles qui concernent les assistants maternels et familiaux.
Monsieur le ministre, vous avez évoqué le casier judiciaire qui englobe les condamnations avec sursis pour des actes de violences sexuelles. Je ne suis pas un spécialiste et j'aimerais que vous nous précisiez quelles autres condamnations figurent dans ce casier judiciaire. Certains éléments ne sont peut-être pas de nature à remettre en cause l'adoption d'un enfant.
Je voudrais vous rassurer, monsieur le sénateur : il s'agit de passer du bulletin n° 3 au bulletin n° 2 du casier judiciaire.
Cela signifie non pas, comme je l'ai dit trop rapidement tout à l'heure, qu'il est interdit d'adopter en cas de condamnation avec sursis au titre d'une infraction couverte par le casier judiciaire B2, mais que le président du conseil général en sera informé. Celui-ci pourra donc tenir compte d'une condamnation qui lui paraîtrait importante au regard de l'adoption.
La proposition du Gouvernement est majeure, parce que la délinquance sexuelle est très particulière.
Je préside le groupement d'intérêt public « enfance maltraitée » et je préfère généralement que ces questions soient traitées entre professionnels, mais les propos que j'ai entendus tout à l'heure m'obligent à intervenir.
Comment peut-on, dans cet hémicycle, prendre la défense des agresseurs en oubliant les victimes ? Je suis sidéré ! Ne pas tenir compte de ce qui a été inscrit dans un fichier national sous prétexte de défendre un enfant mineur en oubliant la victime me paraît totalement irresponsable ; je me demande ce qui a bien pu inspirer cette demande !
Nous devons en effet avoir conscience que la récidive, en cas d'agression sexuelle, est toujours possible : les statistiques l'établissent à au moins 85 %. Donc, le seul moyen de préserver de futures victimes est de garder la trace des condamnations et de pouvoir s'y référer.
Votre amendement, monsieur le ministre, est le bienvenu, car il permettra sans doute aux présidents de conseils généraux d'éviter de confier des enfants à des gens qui se croient guéris et qui ne le sont peut-être pas !
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
J'ai reçu de MM. Alain Fouché, Bernard Barraux, René Beaumont, Daniel Bernardet, Roger Besse, Joël Billard, Jean Bizet, Jacques Blanc, Paul Blanc, Louis De Broissia, Christian Cambon, Jean-Claude Carle, Auguste Cazalet, Marcel-Pierre Cléach, Yves Détraigne, Michel Doublet, Jean-Léonce Dupont, Louis Duvernois, Jean-Paul Émin, Hubert Falco, Bernard Fournier, François Gerbaud, Charles Ginésy, Daniel Goulet, Mme Adeline Gousseau, MM. Adrien Gouteyron, Louis Grillot, Hubert Haenel, Mme Françoise Henneron, MM. Michel Houel, Benoît Huré, Robert Laufoaulu, Roland du Luart, Mme Colette Melot, MM. Jean-Claude Merceron, Bernard Murat, Philippe Nachbar, Mme Catherine Procaccia, MM. Henri de Raincourt, Charles Revet, Henri de Richemont, Philippe Richert, Yves Rispat et Mme Esther Sittler une proposition de loi visant à développer le dialogue social dans l'entreprise.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 407, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Avant-projet de budget rectificatif n° 4 au budget général 2006 - État général des recettes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3103 (annexe 4) et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 1698/2005 concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3168 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant modification de l'annexe IV du règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3169 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant l'approbation, au nom de la Communauté européenne, de la convention de Rotterdam sur la procédure de consentement préalable en connaissance de cause applicable à certains produits chimiques et pesticides dangereux qui font l'objet d'un commerce international.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3170 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil modifiant l'annexe V du règlement (CE) n° 850/2004 du Parlement européen et du Conseil concernant les polluants organiques persistants et modifiant la directive 79/117/CEE.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3171 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Conseil portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des îles mineures de la mer Égée et modifiant le règlement (CE) n° 1782/2003.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3172 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Lettre rectificative n° 1 à l'avant-projet de budget 2007 - Etat général des recettes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3173 et distribué.
J'ai reçu un rapport, déposé par M. Henri Revol, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sur le protocole de Londres relatif au brevet européen : compte rendu de l'audition publique du 11 mai 2006.
Le rapport sera imprimé sous le n° 408 et distribué.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 21 juin 2006, à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 330, 2005-2006) réformant la protection de l'enfance.
Rapport (n° 393, 2005-2006) de M. André Lardeux, fait au nom de la commission des affaires sociales.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Conclusions de la commission des lois (n° 386, 2005-2006) :
- sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur et plusieurs de ses collègues sur le statut et la destination des cendres des personnes dont le corps a fait l'objet d'une crémation (n° 464, 2004 2005) ;
- et sur la proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur relative à la législation funéraire (n° 375, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales (n° 389, 2005-2006) sur la proposition de loi de M. Christian Gaudin visant à prolonger le congé pour événement familial en cas de décès d'un conjoint ou d'un enfant (n° 158, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 8) de M. Philippe Leroy à M. le ministre délégué à l'industrie sur la gestion de l'après-mines ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires culturelles (n° 397, 2005-2006) sur la proposition de loi de M. Jean-François Humbert portant diverses dispositions relatives aux arbitres (n° 323, 2005-2006).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 21 juin 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
La séance est levée le mercredi 21 juin 2006, à une heure dix.